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01/06/2010

Montrer l'invisible

Les mains sont liées comme celles d'amis proches et plus vraisemblablement d'amoureux. Il ne s'agit pas d'un bonjour, même pas d'une poignée de main amicale, affectueuse ou virile. Il s'agit d'un enlacement. Les doigts se superposent, se touchent, s'étreignent et se parlent. Leur union incarne la tragédie de la dernière fois. Les mains savent que plus jamais elles ne se lieront. La dernière étreinte. Le dernier baiser.

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Le regard ne peut qu'être attiré par ces mains qui disent la vérité de la relation, content l'histoire et ne se mentent pas. Nous sommes au-delà de la connivence dans une relation qui échappe à l'histoire des autres. Et puis le regard s'élargit.
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Le Caravage - L'arrestation du Christ - 1602

Les mains appartiennent au même homme, Jésus, que Judas désigne d'un baiser aux romains qui l'emporteront. La force et la fureur de la scène contrastent avec la passivité de Jésus. Mais l'examen du visage de Judas suscite le doute. Son geste est sûr mais délivré comme à regret. Et sa main étreint chaleureusement Jésus. Les mains, comme dans tous les tableaux du Caravage, parlent. Ce ne sont pas les mains de Jésus qui sont liées, mais celles de Jésus et Judas. Ces mains au premier plan marquent l'accord des deux hommes. Jésus doit être livré, Judas doit accomplir ce geste qui le condamne pour l'éternité mais qui permet à l'avènement de s'accomplir. Les mains parlent et le Caravage ne peut imaginer que l'acte de Judas ne soit qu'une simple délation. La vérité ne peut être dite crûment, n'oublions pas que Le Caravage  eût des démêlées avec l'Eglise, mais la pièce de théâtre qui se joue sous nos yeux en masque une autre, que seuls les acteurs connaissent. Les acteurs et Le Caravage dont les oeuvres sont rassemblées à Rome dans une exposition magistrale qui permet de constater ce que peut être parfois la peinture : un moyen de voir ce que l'on ne peut voir.

28/05/2010

Adapter c'est développer

Le secrétaire général de l'association nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI) a déclaré, à l'occasion d'une présentation des actions de l'association : "Nous sommes passés d'une logique de remise à niveau à une logique de formation professionnelle". Autrement dit, au lieu de lutter contre l'illettrisme en effectuant de la formation générale, on met en place des actions qui permettent la maîtrise de l'écrit à partir de situations professionnelles. Plutôt qu'un savoir général, un savoir articulé au métier. Ne plus partir du général pour aller vers le particulier mais faire l'inverse en s'appuyant sur la compétence pour développer les compétences. L'autonomie étant un lent apprentissage, il convient de favoriser l'autonomie sur un premier périmètre pour qu'il serve d'appui à la construction d'une autonomie sur un périmètre plus large.

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Toyen - Le Développement - 1945

Voilà pourquoi l'action d'adaptation a de multiples vertus : elle renforce le confort au travail, elle autonomise, elle habitue à la formation, elle permet d'articuler formation et travail et elle donne des fondements à des apprentissages futurs. Ainsi, des actions d'adaptation au poste, souvent vilipendées comme strictement utilitaires voire utilitaristes, ne prenant pas en compte l'individu, etc. permettent d'acquérir des savoirs de base. Il ne faut jamais oublier la leçon de Maurice Hauriou (Juriste toulousain) : un peu de sociologie éloigne du droit, beaucoup de sociologie y ramène. Le juriste part des faits, le sociologue du terrain. Et c'est sur ce matériau qu'il raisonne. Les principes, aussi généraux soient-ils, ne sont généreux que lorsqu'ils ne perdent pas de vue l'efficacité de la norme. Cela fait trop longtemps qu'au nom de principes on fait du droit formel. Ce que démontre l'action de l'ANLCI c'est qu'enrichir le travail permet d'enrichir les individus. L'inverse n'est pas forcément vrai.

27/05/2010

Quand le DIF balance

La balance est ambivalente. Etre une balance n'est guère flatteur. Pourtant la balançoire est légère et le mouvement de balancier plutôt doux. La balance opère la pesée, la juste mesure. Mais balancer c'est aussi ne pas savoir choisir, s'arrêter au milieu du gué au risque de n'aller nulle part sinon à sa perte. Si comme Barbara j'me balance on concluera que j'men balance. Que nous dit la femme portant balance de Johannes Vermeer ? son regard est doux et bienveillant. Devant elle des perles et de l'or. Mais dans la balance rien. Derrière elle le jugement dernier. Pesée des âmes ? ou peser de l'âme à venir qui gonfle le ventre de la dame ? comme tous les tableaux de Vermeer, le raffinement le dispute au mystère et l'on balance devant le sens à donner au tableau.

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Johannes Vermeer - Femme portant balance - 1662

Devant le DIF les partenaires sociaux balancent : faut-il en faire un droit de créance, opposable aux OPCA avant de l'être aux entreprises dans le cadre d'un futur compte épargne, ou bien faut-il l'ancrer dans la négociation et en faire un support de la modification des relations individuelles de travail ? le choix à ce jour n'est pas fait. Avant de plus longs développements sur ce sujet qui feront l'objet d'une chronique pour l'AEF, un avant goût avec l'interview réalisée par Valérie Grasset-Morel pour Débat Formation, la revue de l'AFPA.

Interview-RevueAFPA.pdf

25/05/2010

Peut-on tout dire en formation ?

Les formateurs prennent souvent la précaution d'annoncer en début de session : tout ce qui est dit ici est confidentiel et ne saurait être rapporté à l'extérieur. Liberté de parole donc. Tout échange en formation suppose-t-il, voire impose-t-il, que le secret soit la condition de la confiance et que chacun s'engage au silence ? prononcer le voeu serait ainsi la marque de la déontologie du formateur. Le secret qui nous lie est le garant de notre liberté.

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Rodin - Etudes pour Le Secret - 1910

L'analyse juridique n'emprunte pas cette voie. Le salarié en formation est au travail et lorsqu'il est hors temps de travail (DIF par exemple) il demeure dans un rapport contractuel. Il est le consommateur, l'entreprise est le client. Et le client a un droit de retour sur le contenu de la formation, sur les résultats de celle-ci et sur le niveau et comportement du salarié. Les tribunaux ont plusieurs foix affirmé que le salarié était évaluable à tout moment sous réserve que l'évaluation n'ait pas lieu à son insu. Mais alors, le salarié pourra-t-il pendant la formation faire état de dysfonctionnements au sein de son organisation, de pratiques peu professionnelles voire de non-respect de certaines règles ? oui et pour une raison simple : l'envoi en formation vaut liberté d'expression. L'employeur qui finance une formation à un salarié ne peut en même temps lui demander de ne pas s'exprimer sur son contexte professionnel. Raisonnons par analogie : la Cour de cassation a déjà sanctionné un employeur qui avait reproché à un salarié ses propos critiques lors d'un entretien d'appréciation. Impossible de demander à la fois à un salarié de s'exprimer et de lui reprocher de le faire (sauf injures ou dénigrement). Impossible d'envoyer un salarié en formation en exigeant de lui le silence,  sa parole est donc libérée. Il peut par conséquent  être rendu compte à l'employeur, au client, du comportement du salarié mais également du formateur dont on se demande parfois si ce n'est pas à son profit que le secret était institué. Sortir du modèle de la formation initiale de l'enseignant seul  maître dans sa classe, se faire évaluateur et être soi-même évalué : voilà qui conduit à moins de déontologie en guise de paravent et plus de professionnalisme.

20/05/2010

Parcours de supermarché

La sécurisation des parcours professionnels est devenue la réponse aux problèmes d'éducation, d'emploi et de formation. De manière emblématique, elle a fourni le nom du nouveau "supra-OPCA" national qui est chargé de réorienter une partie des fonds de la formation vers les salariés prioritaires : le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels a d'ailleurs lancé ses premiers appels à projets cette semaine (voir le site : http://www.fpspp.org). Mais quid de la nature des parcours ? la culture de l'ingenierie à la française, soit le modèle mathématique appliqué aux jardins, sévira-t-elle encore pour nous fournir des modèles de parcours préétablis, préformatés, calibrés, normés dans lesquels on fera entrer des cohortes de salariés et de demandeurs d'emplois, pour leur plus grand bien c'est évident. Poser cette question c'est se demander qu'est-ce qu'un bon parcours ? le parcours linéaire qui passe par la bonné école, le bon diplôme, le bon emploi, le bon réseau ? l'enchaînement logique d'étapes cohérentes qui séduisent tant les recruteurs ? le passage par des modules de formation standardisés qui vont fournir tout à la fois motivation, culture d'entreprises, recettes de bon aloi et outils de la performance à l'encadrement ?

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André Masson - Il n'y a pas de monde achevé - 1942

Tout cela manque un peu de vie, mais c'est toujours le cas lorsque l'on ne tolère l'herbe qu'aux endroits où l'on a prévu de l'herbe, et surtout risque d'être fort artificiel. C'était il y a plus d'un siècle, mais la modernité de l'éternel retour de Nietzsche ne se dément pas : il est temps de réhabiliter les chemins de traverse, les raccourcis à travers champs, les sentiers improbables, la pédagogie de l'errance et de la quête du bon chemin, l'importance du détour, la possibilité du demi-tour, la nécessité parfois de couper court, le plaisir de la route, le discernement des pistes effacées et au final la liberté et le développement de la faculté de choisir qui n'est guère compatible avec les autoroutes engorgées. Considérons que pour l'humain la notion de programmation est inappropriée, laissons le concept de linéaire à la grande distribution qui sait en faire bon usage et valorisons les véritables parcours : "Arrivée de toujours, qui t'en iras partout" (Rimbaud). Ah oui, la phrase de Rimbaud nous le rappelle : pour aller partout, il faut arriver de toujours, et donc avoir du temps.

17/05/2010

You are dead without money

Peut-on moraliser la démocratie politique, et tant qu'à faire la démocratie sociale ? l'objectif est louable mais quel moyen utiliser ? s'en remettre aux vertus individuelles est une possibilité. Si l'on considère que hommes et systèmes interagissent  et que les uns ne surdéterminent pas les autres, alors il faut mettre quelques vertus aussi dans les systèmes.

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Elisabeth Vigée-Lebrun - La vertu irrésolue

La chronique réalisée pour l'AEF avec Jean-Marie Luttringer (dont le titre est emprunté à James Hadley Chase, dans sa version originale un peu plus chic que la version française "Pas de vie sans fric") propose de sortir du financement "bricolé" du paritarisme, avec un écot important pour la formation, et de mettre en place un financement qui garantisse à la démocratie sociale, qui ne le mérite pas moins que la démocratie politique, un financement global.
Ce financement public, qui est légitime au vu des intérêts généraux dont sont porteurs les organisations professionnelles et syndicales, rendrait l'organisation et le fonctionnement du paritarisme plus vertueux et prendrait le pari qu'un système vertueux appelle des comportements individuels et collectifs qui ne le sont pas moins. S'il n'y a pas de vie sans fric, lorsque le fric est le seul objectif, il n'y a plus de vie.

14/05/2010

Apprendre c'est faire

Peut être faut-il attribuer à un certain scientisme ou positivisme propres au 19ème siècle, cette phrase de Paul Valéry  : "Tu ne m'apprends rien si tu ne m'apprends à faire quelque chose". Mais si cette phrase avait été dite par Tchouang-Tseu on y aurait  vu l'illustration  de ce que l'homme n'est qu'activité et que celle-ci associe indissolublement corps et esprit. Ailleurs, en Afrique par exemple, on pourrait y voir la traduction que tout savoir a une traduction directe, de la même manière qu'une amulette de mauvaise augure peut véritablement provoquer la mort de celui qui la reçoit. La résistance est peut être plus forte pour qui a été nourri, directement ou non, de Platon et/ou de religion et qui est habitué à distinguer le monde des idées et la vie matérielle ou encore la vie terrestre et la vie céleste. Pourtant, qu'est-ce qu'une connaissance qui jamais ne se traduit en acte ? quid du rêve que l'on tient pour une simple rêverie sans lendemain (heureusement, l'inconscient veille !).

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Odile Redon - Le rêve

La fameuse trilogie savoir, savoir-faire, savoir-être a peu de sens au regard de l'affirmation de Valéry. Le savoir sans le faire n'existe pas et le savoir être est une tautologie puisque être c'est déjà faire. Bref, rien à tirer de ce trio et on défie quiconque de démontrer l'intérêt pratique de cette distinction.
Pour élargir un peu le propos, à quoi bon la vie sociale, la vie culturelle, les voyages si toute expérience n'agit pas sur le cours de votre vie ? Paul Valéry encore : "Mon âme a plus de soif d'être étonnée que de toute autre chose. L'attente, le risque, un peu de doute, la vivifient bien plus que ne le fait la possession du certain". Pouvez-vous lire ce quatrain de Mallarmé sans que votre manière d'aimer ne s'en trouve modifiée ?
Nous promenions notre visage,
(Nous fumes deux, je le maintiens)
Sur maints charmes de paysages,
O soeur, y comparant les tiens.

(Mallarmé - Prose pour Des Esseintes)
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12/05/2010

Unir plutôt que désunir

La classification, qui conduit à distinguer et catégoriser, est une méthode de la connaissance scientifique. Elle offre le grand avantage de permettre une compréhension globale grace à l'ordonnancement et de donner du sens à toute connaissance nouvelle en la resituant dans un ensemble plus vaste. Elle présente aussi l'inconvénient de travailler davantage sur les caractéristiques des objets de connaissance que sur les relations qu'ils peuvent entretenir entre eux. En cela, toute classification a une dimension statique, uniquement tempérée par la prise en compte d'évolutions temporelles (classification des espèces par exemple). Ce culte de la distinction marque l'appréhension duale des phénomènes par le monde occidental (vrai/faux, bien/mal, corps/esprit, théorie/pratique, intellectuel/émotionnel, pensée/action, éducation/travail, etc.). Ce raisonnement par opposition a le mérite de la simplicité. Il n'est cependant fécond que lorsqu'il est dépassé par un mouvement dialectique. En Chine, le ciel et la terre n'ont de cesse de s'unir pour donner naissance à toute chose.

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Guo-Xi - Début du printemps

L'arrêt de la Cour d'appel de Rouen, en date du 10 avril 2010, n'est pas très chinois, et pourtant il pourrait potentiellement l'être et nous allons suggérer à la Cour de cassation, si elle est saisie, de franchir le pas. La Cour d'appel condamne une entreprise qui n'a pas informé un salarié de ses droits à DIF dans le cadre d'une rupture conventionnelle à  lui verser des dommages et intérêts. La solution est louable, la motivation un peu moins : les juges appliquent simplement à la rupture conventionnelle le droit du licenciement. Il doit être fait mention dans la rupture conventionnelle des droits à DIF pour que le salarié puisse présenter une demande de formation avant la fin du contrat, comme en cas de licenciement avant la fin du préavis. Osons une suggestion pour la Cour de cassation : conserver la solution mais changer de motivation. Si le salarié doit être informé de ses droits au DIF c'est au nom d'une négociation loyale que doit conduire l'employeur en cas de rupture conventionnelle avec un salarié parfaitement informé par lui de ses droits. Ainsi, la convention doit indiquer ce qu'il advient des droits au DIF : utilisation avant le départ ou renonciation à l'utilisation et usage ultérieur, éventuellement, dans le cadre de  la portabilité. C'est ce que je conseille à mes clients : que la convention indique le sort réservé aux droits au DIF, mais sans reproduire un régime, celui du licenciement, qui n'a de sens que dans le cadre d'une décision unilatérale de l'entreprise. En présence d'une négociation, c'est le droit de la négociation qui doit s'imposer. Si la Cour de cassation, à condition qu'elle en ait l'occasion, veut bien suivre ce raisonnement, elle contribuera à sortir le DIF de l'opposition binaire formation décidée par l'entreprise/formation décidée par le salarié pour faire place à une négociation qui constitue un dépassement par le haut de deux unilatéralités.

Et à propos du DIF, ci-dessous quatre schémas pour tenter de lui donner du sens et d'identifier les moyens de sa mise en oeuvre.

10/05/2010

Horreur, je suis un DJ !

Je me souviens qu'à la création du Répertoire Opérationnel des Métiers (ROME), on m'avait expliqué que cela servirait notamment à identifier des compétences transverses, utilisables pour des métiers différents, a priori éloignés et auxquels on ne pense pas. J'avais fait l'expérience, et mesuré la portée du concept, en expliquant à des documentalistes que leurs compétences transverses étaient celles d'un logisticien : gestion de références et de flux. Elles, les documentalistes sont plutôt des femmes, ont failli me lyncher. Le travail de documentaliste est noble : on travaille sur des contenus, on organise le savoir, on ouvre l'accès à la culture. On est pas un magasinier ! Peut être, mais en compétences transverses si.

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Martial Raysse - Made in Japan - 1964 (d'après Ingres)

Je n'ai aucun goût pour la musique électronique (initié par Kraftwerk, je me suis arrêté à Soft Cell), je n'aime pas les boîtes de nuit, le bruit m'est pollution, je préfère les états de conscience modifiés que l'abrutissement par l'alcool ou la pharmacie et j'apprécie mieux les aigus légers que les basses lourdes. Pourtant, comme Martial Raysse s'appuie sur Ingres et construit à partir de chefs d'oeuvre qui ne sont pas les siens, je m'appuie sur les oeuvres d'autrui, je cite, j'analyse, j'interprète, je recrée, je déforme, je reproduis et surtout je rapproche des oeuvres et des idées sans rapport apparent entre elles, et je m'approprie le tout. Soit exactement le travail d'un DJ qui sample, et même si je ne me suis jamais pris, Dieu merci, pour David Guetta, voilà une perturbante révélation. Et vous, vous faites quoi avec vos compétences transverses ?

04/05/2010

Voir c'est croire

La formule est fréquente, je l'ai toujours trouvée indigente : "Je suis comme Saint-Thomas, je ne crois que ce que je vois". La phrase recèle deux fausses évidences et une vérité non assumée. La première fausse évidence est de limiter la réalité à  ce que l'on voit. La vue n'est qu'un de nos sens et pas toujours le plus fiable. Proust, qui avait la subtile connaissance des cinq sens, nous le montre en une phrase :

"Quand par les soirs d'été le ciel harmonieux gronde comme une bête fauve et que chacun boude l'orage, c'est au côté de Méséglise que je dois de rester seul en extase à respirer, à travers le bruit de la pluie qui tombe, l'odeur d'invisibles et persistants lilas."

Sont ici sollicités l'ouïe, l'odorat, le temps, le goût et l'esprit. Quoi de plus réel que ces invisibles lilas.

La seconde fausse évidence est de se fier à l'expérience personnelle plus qu'à toute autre. C'est pourtant celle avec laquelle nous avons le moins de distance, celle qui comporte le plus de risques de biais. Il est facile de constater qu'il est plus simple d'éduqer les enfants d'autrui que les siens. Accessoirement, c'est aussi ce regard extérieur et distancié qui justifie, outre son expertise, le recours à un consultant.

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Roland Penrose - L'île invisible (voir c'est croire) - 1937

La vérité non assumée, tient à la formule je ne "crois" que ce que je vois. Elle affirme donc que voir est une croyance. Et avec raison car si nous ne faisions que voir, nous ne pourrions jamais connaître mais seulement reconnaître. La vision d'une pyramide si je n'en ai jamais vu et si l'on ne m'explique ce qu'elle est ne m'apprendra rien, pas même qu'il s'agit d'une pyramide. Si je ne fais que voir, il s'agit donc bien de croire.
Et l'on pourrait alors prendre le contrepied de Saint-Thomas et considérer que pour connaître, il faut d'abord observer en tentant de se libérer de toute croyance, en se défiant de soi-même, en sollicitant autrui et en faisant travailler tous ses sens. En réalité, Saint-Thomas est un feignant.

03/05/2010

Une oeuvre jamais terminée

Ingres dessinait pafaitement. Et décalquait beaucoup aussi. Comme l'écrivain lit et cite, le peintre décalque et copie. C'est ainsi qu'il se forme, c'est ainsi qu'il créé, c'est ainsi qu'il innove et invente. Car l'on ne créé jamais seul et loin du plagiat, la citation, la reprise, la copie, l'influence constituent des hommages à l'oeuvre électivement choisie. Le Musée Ingres de Montauban dispose d'un inestimable fond dans lequel on peut admirer les croquis préparatoires à l'un des plus grands chefs d'oeuvre de la peinture : Le bain turc.

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Ingres - Etudes préparatoires et Le bain turc - 1862

L'oeuvre est achevée alors qu'Ingres à 82 ans. Achevée ? non car la construction continue. Le bain turc passe en d'autres mains, celles de Picasso notamment qui toute sa vie le copiera.
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Picasso - 1968

Et si le Bain turc n'avait pas existé, Picasso aurait-il peint ce qui est également un des chefs d'oeuvre absolu de la peinture, à savoir Les demoiselles d'avignon ?

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Picasso - Les demoiselles d'Avignon - 1907

Ainsi Le bain turc est-il toujours fécond et produit ses effets au-delà de la toile elle-même et de son auteur. Notre échelle d'appréciation d'une oeuvre est parfois bien réduite par un double manque : le recul nécessaire à l'observation véritable et la mise en perspective dans le temps. C'est ainsi qu'il faut regarder le dispositif du DIF. Accepter qu'il s'agisse d'un dispositif en construction qui continuera d'évoluer, considérer qu'en matière sociale six ans c'est bien peu pour l'appropriation d'un tel dispositif qui tranche avec plus de trente ans de pratiques antérieures de formation et enfin, et peut être surtout pour les professionnels de la formation, admettre que la formation n'est pas le centre d'intérêt principal ni des entreprises, ni des salariés, ni des syndicats et que le fait d'être "de la profession" ne confère aucune qualité particulière pour le leur reprocher. Chacun est juge de ses priorités. Cela ne doit pas empêcher le débat sur à la fois les finalités et les modalités de mise en oeuvre d'un dispositif potentiellement révolutionnaire et factuellement progressiste. En guise de contribution à ce débat, une interview parue dans Entreprises et Carrières.


30/04/2010

Et la lutte continue

Il est de nobles combats. Que l'on est fier de mener et que l'on serait prêt à reprendre demain. Des combats qui nous grandissent, qui établissent notre capacité de résistance, notre refus de subir et notre volonté d'assumer les risques inhérents à la lutte menée. Des combats qui ont du sens et qui ouvrent des chemins. Des combats souhaitables mêmes, tant l'évitement de l'affrontement est parfois pire que la violence. Et le premier de ces combats est souvent à livrer avec soi-même, tel Jacob luttant avec l'ange.

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Delacroix - Lutte de Jacob avec l'ange

Et puis il est des combats plus douteux. Soit dans la manière dont ils sont conduits, soit simplement par leur finalité. Des combats stériles qui n'ont aucune issue positive et dont toutes les parties seront les victimes. Des combats d'arrière-garde, des combats de coqs, des combats d'ego et toutes autres sortes de conflits dont le seul mérite, comme les coups de marteau, réside dans leur fin. On peut parfois, comme Wolfgang Paalen, parer ces combats de mille couleurs sans changer leur nature.
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Wolfgang Paalen - Combat de princes saturniens (III)

Le combat, on n'ose dire la guérilla, que l'Etat mène aux partenaires sociaux quant à la gouvernance du système de formation professionnelle n'a que peu de vertus. La dernière illustration en date se trouve dans le projet de décret concernant les OPCA. On trouvera ci-dessous une analyse réalisée pour l'AEF avec Jean-Marie Luttringer qui explique pourquoi non seulement le combat est vain mais également regrettable du point de vue des bénéficiaires finaux de la formation. Et si vous souhaitez mettre à profit le week-end pour admirer un combat qui en vaille la peine, souvenez-vous que le tableau de Delacroix vous attend dans l'église Saint-Sulpice, à Paris.


27/04/2010

Devenir

Le directeur du centre de formation m'avait annoncé son départ à la retraite et dit le plaisir qu'il avait eu à travailler avec moi. Phrases entendues, et parfois convenues, de ceux qui partent et se soucient soudain du souvenir. Mais ce n'est pas ainsi que j'ai reçu cette annonce. Elle m'a touchée. Je n'avais pourtant pas développé, comme cela arrive, une amitié ni même une intimité dans la relation qui justifie quoi que ce soit. Mais c'était ainsi, ce départ me touchait. J'ai offert à cet homme un ouvrage de Doisneau avec une lettre qui se concluait à peu près par ceci : "A l'instant de faire d'autres choix, il importe, comme toujours, d'avoir comme boussole la fidélité à l'enfant que l'on a été". Cette fidélité n'est pas immuabilité. Elle doit laisser de la place au devenir. Il s'agit simplement, quelles que soient les évolutions, mutations, transformations, de déceler si l'on a nourri le bon loup (les indiens disent que deux loups sont en nous et s'affrontent : le bien et le mal. Le dominant est celui que l'on nourrit). Tout formateur qui se sent un tant soit peu éducateur a ce souci du devenir de ceux avec qui il travaille. C'est pour cela qu'il fixe leurs yeux avec parfois un air étrange : pour apercevoir le loup, la louve, le rêve, que chacun porte en lui.

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1959 Josefine 1983

Cette histoire m'est revenue en feuillettant chez un bouquiniste  le livre de Fee (!) Schlapper intitulé "Portraits à travers le temps". Le principe en est simple : des photos dépouillées, en noir et blanc, à quelques années de distance. Juste pour voir. Pour traquer le devenir. Pour Josefine on appréciera que le regard inquiet et tombant soit devenu une belle volonté portée par un regard de grand large, un visage clair et lumineux, non plus apeurée mais épuré.
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1961 Dominik 1983

Pour Dominik, le temps n'a pas desserré le carcan des bras ni de la chemise. Du coup le sourire s'est estompé et la vivacité du regard est moins présente. La vie s'est alourdie. Peut être faudrait-il enlever lunettes et moustaches et laisser place au hasard. En confiance.
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1957 Renate 1983

L'ennui est formateur. Renate s'est ennuyée, heureusement pourrait-on dire. Et cet ennui est devenu une belle maturité, une lente sérénité qui n'exclut pas la rébellion de tous les enfants qui s'ennuient. Renate, les pieds sur terre, rêve à la louve. Et vous, à quoi rêvez-vous ?

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1964                                       2009

22/04/2010

Baiser mortel ?

Le projet de décret relatif aux OPCA qui sera examiné le 23 avril par le CPNFPTLV traduit la persistante suspicion de l'Etat envers les OPCA. On ne veut pas parler des obligations de transparence qui figurent dans le décret : que les OPCA publient leurs règles de prise en charge, la liste des 20 organismes de formation qui reçoivent le plus de financements ou encore qu'ils publient leurs comptes, rien que de très normal et les partenaires sociaux auraient du avoir la bonne idée de faire tout cela avant que l'Etat ne le leur impose.

Plus discutable par contre est la COM : convention d'objectifs et de moyens conclue entre l'Etat et chaque OPCA pour trois ans. Dans tout contrat qui se respecte, les parties souscrivent des engagements réciproques. Or, ici il n'y a d'engagement que pour l'OPCA ! l'Etat lui se réserve de procéder à des mises en demeure dans la digne tradition de l'unilatéralisme administratif qui prescrit et ordonne. La République a décidément du mal à se départir de monarchiques attitudes et habitudes. Pour l'OPCA qui n'atteindrait pas les objectifs, le contrat devient ainsi l'instrument de sa perte. La signature de la COM pourrait donc ressembler au baiser mortel désignant le futur disparu.

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Picasso - Le baiser - Juan les Pins - 1925

La vision réductrice de l'administration transparait également dans l'approche des frais de gestion : sont considérés comme tels à la fois les frais de collecte, les frais de gestion des dossiers de financement et les services apportés aux entreprises sous forme de conseil ou de diagnostics de compétences. C'est faire masse de coûts qui n'ont pas grand chose à voir entre eux. Si les frais de collecte et de gestion doivent être plafonnés et considérés comme des frais de fonctionnement, les coûts d'information, de conseil et d'accompagnement sont des prestations en nature qui bénéficient aux entreprises au même titre que les financements de formation, qui sont eux des prestations en espèces. Il y a ainsi une supercherie précautionneusement entretenue à traiter de la même manière ce qui relève du fonctionnement et ce qui relève des prestations en nature.
Mais après tout, rien de bien surprenant de la part de l'Etat qui agit conformément à sa nature. Quant aux partenaires sociaux qui trouvent que la férule est sévère, ils ne tenaient qu'à eux de se libérer du joug étatique en négociant le passage à une obligation conventionnelle et non plus fiscale de financer la formation. Qui refuse l'autonomie est mal venu à se plaindre d'être soumis.

21/04/2010

La semaine de 70 heures

Ce n'est pas une histoire belge, mais l'organisme de formation se trouve en Belgique : il propose une immersion en anglais d'une durée de 70 heures par semaine, du dimanche après-midi au dimanche matin suivant. L'accueil se fait à 16 heures, il y a trois heures de cours de 17 à 20 heures puis 2 heures de repas "pédagogique" avec discussion. Tous les jours suivants,  aux 7 heures de formation s'ajoutent des activités en anglais à hauteur de 3 heures par jour : revue de presse, journaux télévisés de la BBC, et les remarquables documentaires animaliers (!), commentaires gastronomiques, etc. Et le dernier dimanche, de nouveau 3 heures de cours et ensuite 2 heures de repas pour terminer. Cette formation intensive est suivie dans le cadre du DIF : 35 heures sont prises sur le temps de travail et 35 heures en dehors du temps de travail. Le salarié perçoit l'allocation formation pour 35 heures, l'entreprise finance 70 heures de formation. C'est possible ? mais bien sur ! et encore on ne compte pas le temps de sommeil pendant lequel il est démontré qu'après des phases d'apprentissage intensives, les mêmes zones du cerveau continuent à s'activer la nuit. Le rêve éducatif, ce n'est pas une utopie.

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Picasso - Le rêve - 1932

Même s'il n'y a là rien d'extraordinaire, on peut se féliciter que le DIF, trop souvent brocardé, offre un cadre juridique suffisamment souple pour permettre la créativité et l'innovation. Est-ce raisonnable pédagogiquement ? la question est moins dans la formation elle-même que dans ses suites. Cette plongée profonde dans une langue étrangère n'a d'effets durables que si elle est suivie d'une poursuite des apprentissages notamment par une pratique régulière de la langue. Voilà donc une manière de rassurer ceux qui s'inquiètent pour l'utilisation des compteurs des salariés. Pédagogues, à vos fourneaux !

Ci-dessous, article publié par Le Figaro lundi dernier.

13/04/2010

Halte au bluff !

La prolifération de l'information s'accompagne du risque de la perte de qualité des messages transmis. Deux exemples en ce début de semaine. Sur France-Info une interview de Christina Gieser sur le DIF. Rappel du cadre légal qui nous présente un DIF très formel puis les infos chocs : l'employeur ne peut refuser le DIF que deux fois, la portabilité permet au salarié de transférer ses heures chez un ancien employeur, en cas de licenciement le droit est perdu s'il y a faute grave. Soit trois erreurs sur la nature du DIF, de la portabilité et de la loi du 24 novembre 2009.

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Alain Garrigues - Grain à moudre sur incohérences diverses - 2001

Dans un autre domaine, Isabelle Raoul-Duval, avocate, nous explique pourquoi la transaction est préférable à la rupture conventionnelle . Son article paru dans les Cahiers du DRH du mois d'avril 2010 nous fournit cinq raisons :  une plus grande sécurité juridique, l’exhaustivité, de la transaction, la discrétion, l’opposabilité immédiate, l’homologation judiciaire. Sur le premier argument, constatons simplement qu'il y a peu de contentieux sur les ruptures conventionnelles...et beaucoup sur les transactions qui veulent éviter le contentieux. Sur l'exhaustivité, l'argument est stupéfiant : l'imprimé CERFA de rupture conventionnelle ne laisserait pas la place de traiter toutes les questions. Notre avocate n'a pas imaginé que pourrait être établie une convention de rupture et que le CERFA n'était qu'un formulaire administratif aux fins d'homologation. Sur la discrétion, dans les deux cas il s'agit d'un contrat bilatéral sans publicité. Sur l'opposabilité immédiate et l'homologation judiciaire il suffit de faire une convention en respectant les délais et elle devient quasi-inattaquable. Mais là est peut être le problème : un formalisme simple et à la portée des parties, peu ou pas de contentieux, bref si la transaction est meilleure c'est sans nul doute pour les avocats. Pour les parties concernées, et non intéressées, on continuera à conseiller la rupture conventionnelle de préférence à la transaction.
Et plus que jamais, prenez la peine de vérifiez les informations, y compris celles qui vous sont livrées sur ce blog.


Ci-dessus l'interview sur le DIF diffusé par France-Info et le commentaire d'Alain Garrigues :
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Alain Garrigue - Divine Rigolade - 2009

02/04/2010

Cause à l'autre

Tous les régimes ont cédé à la tentation : Roi, Empereur, Grand Timonier, Hyperprésident, ...la figure de l'homme qui incarne l'Etat, la nation et qui guide le peuple conserve du crédit. Il est vrai que s'en remettre à l'homme, et parfois à la femme, providentiel(le) est une facilité qui a ses charmes. Le démocrate n'y trouve pas son compte, et l'éducateur non plus qui souhaite plus d'autonomie chez chacun, plus de liberté et donc plus de responsabilité et moins de contraintes. Au couple stérile droits et devoirs on peut préférer la liberté solidaire plus responsabilisante. Liberté d'être dissemblable, responsabilité envers ses semblables, c'est-à-dire envers  tous. Mais ce chemin là est plus exigeant, moins évident, parfois frustrant et tous les jours reconstruit. Tel est le chemin de la Démocratie sociale, celui dans lequel, comme chez James Hadley Chase on "Cause à l'autre".

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James Hadley Chase - Tell it to the Birds (Cause à l'autre)

Le meilleur service que l'on puisse rendre à la démocratie sociale est de la soutenir sans répit en étant exigeant avec elle. A elle de mériter ce soutien en ayant la même exigence vis-à-vis d'elle même. Le formateur sait qu'il faut d'abord faire confiance et conforter avant d'être exigeant mais que la confiance sans exigence n'est pas une voie de progrès. La chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer  pour l'AEF sur la gestion paritaire de la formation repose sur ce socle de confiance et d'exigence que l'Etat semble avoir perdu de vue. Affaiblir les corps intermédiaires n'est pas une erreur, c'est une faute.

 

25/03/2010

L'oiseau est au nid

Brindilles, brins d'herbe, bouts de ficelles, chiffons, papiers, cartons...l'oiseau fait son miel de toutes choses pour faire son nid. Rapidement, mais sans urgence. A la vitesse de son vol et de sa perception de la vie. A son rythme. Le nid peu à peu prend la forme de l'oeuf qu'il va accueillir. Une oeuvre qui en permettra une autre. Ainsi se construit parfois la jurisprudence : de décisions en décisions, au gré des demandes et des questions, le nid du raisonnement se forme et l'oeuvre se constitue qui permettra demain d'ouvrir d'autres horizons.

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Joan Miro - Femme et Oiseaux

La décision de la Cour de cassation en date du 2 mars 2010 concernant l'obligation de l'employeur de former ses salariés, apporte sa brindille, et même plus, à la construction d'un droit à la formation, qui est le nid d'une plus ample obligation de professionnalisation des salariés tout au long de la vie. En l'occurence, un Hôtel est condamné pour n'avoir pas formé quatre plongeurs illettrés, les privant ainsi de toute possibilité d'évolution. La société avait plaidé l'absence de  demande précise en ce sens des salariés, suivi en cela par le juge d'appel mais pas par la Cour suprême. L'entreprise a l'obligation générale de proposer des formations aux salariés tout au long de leur carrière. Rappelons que l'ANI du 7 janvier 2009 et la loi du 24 novembre 2010 posent en principe que tout salarié a droit à une évolution d'au moins un niveau de qualification au cours de sa carrière professionnelle. Voici une première manière de désigner un débiteur à cette créance. Ainsi se poursuit la construction du nid du droit de la compétence. Mais avec cette décision, depuis début mars, l'oiseau est au nid.

22/03/2010

Oeuvre inachevée

Les oeuvres inachevées ont leur beauté. La beauté appollonienne n'est pas la seule forme du beau et la recherche de la perfection ne se limite pas à celle du nombre d'or. L'imperfection, le défaut, certaines incohérences, une impression d'inachevée, tout ceci peut ajouter au charme de l'oeuvre et témoigner de plus de vie que l'oeuvre magistrale qui se présente dans son absolue finitude, tout comme les erreurs ou limites d'un individu nous le rendent, si nous savons l'accueillir, plus proche, plus touchant et plus aimable au sens premier du terme. Qui douterait de la beauté de l'oeuvre laissée en cours d'achèvement peut se rendre au Musée Gustave Moreau.

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Gustave Moreau - Les chimères - 1884

On aurait aimé sublimer l'inachèvement de la loi du 24 novembre 2009 et considérer que ses imperfections et lacunes sont la marque d'une oeuvre en construction dont nous aurons plaisir à goûter les évolutions futures. L'hypothèse ne peut d'ailleurs être exclue. Mais alors il faudra que la volonté commune de faire oeuvre soit présente et que les textes à venir ne soient pas uniquement le résultat de bras de fer pour la défense des positions propres de chacun. Pour vous faire une opinion, ci-dessous l'analyse réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour Droit social de la loi du 24 novembre 2009.

19/03/2010

Dialogue désiré

Demos organisait jeudi 18 mars 2010 les quatrièmes Trophées du DIF visant à récompenser les entreprises qui ont su s'approprier le dispositif et conduire des actions volontaristes et innovantes. Cette journée intervenait cette année dans le contexte de la réforme de la formation professionnelle, de la mise en place du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels et de la création de la portabilité.

En 2009, l'accent avait été mis sur le DIF outil de promotion du Désir Individuel de Formation, pour développer l'appétence des salariés et l'intérêt des entreprises pour la formation. Cette année, il est apparu que c'est davantage autour d'un Dialogue Ininterrompu sur la Formation que doit se poursuivre la mise en oeuvre de ce dispositif. S'il est un effet recherché du DIF, c'est moins la satisfaction d'un désir individuel que l'ouverture d'une discussion entre employeur et salarié pour identifier des projets partagés. D'où la nécessité de construire des espaces de dialogue tant au plan individuel que collectif.

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Carlos Franco - La conversation - 1976

Cette invitation au dialogue doit permettre d'envisager le DIF non pas de manière réductrice mais dans ses quatre dimensions : juridique, pédagogique, économique et manageriale. Pour plus de détails, ci-dessous la synthèse des travaux conduits lors de cette journée.