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08/07/2009

Un geste intelligent

Le sénateur Carle vient d'être nommé rapporteur du groupe de travail intercommissions du Sénat qui va examiner le projet de loi sur l'orientation et la formation professionnelle. Le sénateur Carle est un homme de bonne volonté. Il connait le domaine puisqu'il a présidé la commission sénatoriale qui a rendu l'an dernier un rapport sur la formation professionnelle continue. Il plaide pour  une réforme globale de la formation professionnelle, initiale et continue pour éviter d'avoir des dizaines de milliers de jeunes qui quittent le système éducatif sans qualification ou l'enseignement supérieur sans diplôme. Bravo. Le sénateur Carle souhaite rénover l'orientation professionnelle et revaloriser "l'intelligence du geste". Cette déclaration suscite immédiatement une envie : offrir au sénateur Carle ce tableau de Roland Penrose, pour la beauté du geste :

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Roland Penrose - Cri sur les toits - 1939

Ce tableau a été réalisé par Roland Penrose pour la Royal Academy. Cette institution avait refusé une de ses oeuvres, car elle contenait des mots inconvenants. Penrose proposa cette gestuelle de mains qui fut acceptée. A y regarder de plus près, les membres de la Royal Academy auraient découvert qu'en langage des signes les mains disent "Shit". C'est ce geste que l'on a effectivement envie d'offrir au sénateur Carle. Déjà Raffarin avait parlé de l'intelligence de la main. Aujourd'hui on nous ressert l'intelligence du geste. Ces expressions traduisent un double mépris, qui va à l'encontre de ce que leurs auteurs, à qui nous faisons crédit et c'est bien là qu'est le problème, souhaitent promouvoir. Parler de l'intelligence du geste c'est considérer qu'elle ne peut être située ailleurs et que les métiers dits "manuels" se résument à des habiletés dépourvues de réflexion. L'intelligent du geste n'est donc pas un intelligent de l'esprit. Mépris des individus. Et c'est également considérer que certains métiers ne sont que des techniques applicatives qui relèvent du seul savoir-faire expérientiel et habituel. Mépris des métiers. En réalité, répétons le, les métiers manuels n'existent pas, à l'exception de celui de l'auteur de ce blog qui risque la tendinite à s'acharner à taper sur son clavier de manière répétitive pour faire la peau à des inepties qui ont la vie dure et dont on continue à considérer que cela relève du bon sens alors que cela n'a tout simplement pas de sens.

07/07/2009

La racine de la leçon

Dialogue entendu dans un magasin : "Et ta fille, ça marche l'école ?  oh en ce moment pas trop, surtout en maths...je l'ai envoyée voir son père, moi les racines carrées je suis nulle, je peux pas l'aider". En une phrase, deux hérésies. La première est de considérer que l'on ne peut s'intéresser à l'apprentissage de l'enfant que si l'on sait soi même. Depuis  Philippe Jacottot qui enseigna le français à des flamands sans connaître leur langue, on sait qu'il n'en est rien et que l'on peut aider autrui à apprendre ce que l'on ne sait pas par le jeu de questions.

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Johannes Vermeer - La leçon de musique - 1664

Cette mère aurait pu demander à sa fille de lui raconter l'histoire des racines carrées, comment elles fonctionnent, de quoi elles parlent, pourquoi elles sont carrées, que veut dire racine, etc. Et la seconde hérésie découle de la première : enseigner ce n'est pas s'intéresser à la matière enseignée ou pire à soi même,  c'est d'abord s'intéresser à celui qui apprend . Mais le schéma selon lequel donner la leçon est transmettre, ou plutôt "dire", un savoir est encore largement pregnante. Pour enseigner, mieux vaut le jeu, la joie, l'intérêt associés à la rigueur et à la méthode sans lesquelles tout ceci ne tient pas ensemble.
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Balthus - La leçon de musique - 1934

Il n'y a pas qu'une manière d'enseigner. Il serait temps, en ce domaine comme d'autres, de se débarasser des anciens modèles pour gambader dans des champs de liberté dépoussiérés.

26/06/2009

Anciens modèles

Au 31 décembre 2009 toutes les entreprises de 50 salariés et plus devront avoir adopté un plan pour l'emploi des seniors. Ce plan doit comprendre des engagements en terme d'embauche des plus de 50 ans ou de maintien dans l'emploi des plus de 55 ans. Il doit également comporter des actions dans le domaine du recrutement, de la formation, de la gestion des carrières, de la transmission des savoirs, des conditions de travail ou des modalités de cessation d'activité (trois thématiques à traiter au choix parmi les six). Les délais étant courts, panique à bord : quel plan, quel contenu, quels indicateurs, quels engagements,...toutes les décisions doivent être prises rapidement. Une semble faire l'unanimité. Pour les seniors une mesure s'impose : le tutorat et la transmission des savoirs. Formateur et/ou tuteur, voilà une voie d'avenir pour les seniors.

Comme toujours, il convient d'y regarder de plus près ce qui permet de repérer sous une fausse évidence une consternante reproduction des modèles anciens.

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François Rousseau - L'atelier du peintre

Pour deux raisons au moins, il est rien moins qu'évident de considérer qu'un senior peut jouer le rôle de tuteur. La première raison consiste à se demander si les salariés ayant le plus d'ancienneté sont les mieux placés pour accompagner les changements de culture et les évolutions d'organisation. Quelle entreprise souhaite se placer dans une stricte logique de reproduction ? la seconde raison porte sur le modèle de référence. Considérer qu'un ancien est naturellement tuteur de jeunes, c'est reproduire le modèle de l'ancienneté et de l'expérience accumulée comme source de compétences. Le modèle de la compétence impose de considérer qu'un jeune et un ancien ont tout deux des compétences, différentes, et qu'ils peuvent s'apporter mutuellement et non perpétuer un rapport hiérarchique quasi paternaliste qui ne fait plus écho auprès des jeunes générations. Et l'on se plaindra ensuite de ces jeunes qui ne s'adaptent plus à l'entreprise alors que celle-ci continue à les gérer comme elle a géré leurs aînés.

Comme le montre François Rousseau dans sa série de photos qui illustrent le livre de Patrick Grainville "L'atelier du peintre", les modèles d'aujourd'hui ne sont pas ceux d'hier et les époux Arnolfini de Van Eyck peints en 1434 ne peuvent ressembler au couple d'aujourd'hui. Prévenons vite les DRH que les temps ont changé.

16/06/2009

Déformation initiale

En cas de licenciement pour motif économique, les entreprises sont tenues de rechercher un reclassement pour les salariés. Cette recherche peut conduire l’employeur à proposer une formation permettant le reclassement du salarié. Pour fixer les limites de cette obligation, la Cour de cassation use de la formule suivante : « Si l’employeur est tenu de fournir au salarié une formation permettant son reclassement, il n’est pas tenu de lui fournir la formation initiale qui lui fait défaut » (en dernier lieu : Cass. Soc., 10 mars 2009). Pour les juges, fonctionnaires passant des concours à l’issue de formations sanctionnées par des diplômes, le défaut de formation initiale est donc un handicap que le salarié subira toute sa vie durant, et que l’employeur n’a pas à combler. Déformation initiale de ceux pour qui la formation initiale est tout ?

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Yves Tanguy - Il faisait ce qu'il voulait - 1927

Les juges sont des femmes et des hommes de culture, n’en doutons pas. Peut être peut-on attirer leur attention sur le fait que la formation initiale n’est pas tout à travers quelques exemples : celui d’Yves Tanguy notamment qui appris la peinture…en peignant et en regardant autour de lui. Alors peut être pourront-ils envisager que la compétence s’acquiert par d’autres voies que la formation initiale et que renvoyer l’individu à sa formation initiale est une bien sommaire manière de mettre en cases ce qui n’est guère fait pour y entrer : la personne humaine.

30/05/2009

Un peu de lecture pour le week-end

Week-end de Pentecôte. Travail ou pas ? les jardins de Chaumont sont une belle destination. Fêter l'anniversaire d'un ami un beau prétexte, mais en faut-il, pour prolonger le week-end. Pour ceux qui passent par ce blog, un peu de lecture : une analyse du projet de loi sur la formation professionnelle publiée dans la Semaine Juridique Social.    SemaineJuridiqueSocial.pdf

On peut adopter la position de la Liseuse.

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Jean-Jacques Henner - La liseuse

Si la position n'est pas adaptée à la lecture d'une analyse juridique, alors ce texte de Parménide dont vous pouvez soit apprécier la poésie, soit  réfléchir à la profondeur, soit vous laisser aller à faire les deux. Bonne lecture et bon week-end.

« Les cavales qui m'emportent, m'ont entraîné  Aussi loin que mon cœur en formait le désir,  Quand, en me conduisant, elles m'ont dirigé  Sur la voie renommée de la Divinité, Qui, de par les cités, porte l'homme qui sait.  J'en ai suivi le cours; sur elles m'ont porté,  Attelés à mon char, les sagaces coursiers. Des jeunes filles nous indiquaient le chemin.  L'essieu brûlant des roues grinçait dans les moyeux, Jetant des cris de flûte. (Car, de chaque côté, Les deux cercles des roues rapidement tournaient), Cependant que déjà les filles du Soleil, Qui avaient délaissé les palais de la Nuit,  Couraient vers la lumière en me faisant cortège,  Écartant de la main les voiles qui masquaient  L'éclat de leur visage. Là se dresse la porte  Donnant sur les chemins de la Nuit et du Jour.  Un linteau et un seuil de pierre la limitent.
Quant à la porte même, élevée vers le ciel,  C'est une porte pleine, aux battants magnifiques,  Et Diké aux nombreux châtiments en détient  Les clefs, dans les deux sens contrôlant le passage Pour la séduire et la gagner, les jeunes filles  Usèrent à son endroit de caressants propos,  Afin d'habilement la persuader d'ôter,  Rien qu'un petit instant, le verrou de la porte. La porte bascula, ouvrant un large espace  Entre les deux battants, en faisant pivoter
Les gonds de bronze ciselé sur leurs paumelles  Retenus par des clous et d'épaisses chevilles.  C'est alors que, par là, tout droit, les jeunes filles Poussèrent à s'engouffrer le char et les cavales  Sur la route déjà tracée par des ornières.  La déesse avec bienveillance me reçut.  Elle prit ma main droite en sa main et me dit :
Jeune homme, toi qui viens ici, accompagné  De cochers immortels, portés par des cavales, Salut! Car ce n'est point une Moire ennemie,  Qui t'a poussé sur cette voie (hors des sentiers  Qu'on voit communément les hommes emprunter),  Mais Thémis et Diké. Apprends donc toutes choses,  Et aussi bien le cœur exempt de tremblement  Propre à la vérité bellement circulaire, Que les opinions des mortels, dans lesquelles  Il n'est rien qui soit vrai ni digne de crédit;  Mais cependant aussi j'aurai soin de t'apprendre  Comment il conviendrait que soient, quant à leur être,  En toute vraisemblance, lesdites opinions,  Qui toutes vont passant toujours. »

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Le Bernin - Daphnée et Apollon

22/05/2009

Comment vous formez-vous ?

Je ne vais jamais en formation...sauf pour être formateur. Au cours du séminaire organisé jeudi 14 mai 2009 par Jean-Marie Luttringer sur l'apport de la jurisprudence au droit de la formation, je songeai soudainement que je n'allai jamais en formation. Mais que j'avais plaisir à avoir un échange avec Marie-Laure Morin, toulousaine et conseillère à la Cour de cassation (l'usage à la Cour est de dire conseiller même pour les femmes, mais bon, les usages en ce domaine...) et que cet échange excitait ma réflexion et mon désir de découverte, et qu'au final après quelques heures de débat, j'avais l'agréable sentiment d'avoir appris énormément et surtout de m'être ouvert de nouveaux champs de réflexion, avec de nouvelles et bien belles clés des champs. Echanges entre pairs, travail de réflexion, recherche et lecture des bons auteurs (ce qui est une autre manière d'échanger), travail de conceptualisation, mise en situation de production, analyse des productions réalisées....les manières de se former ne manquent pas et la conversation socratique comme mode pédagogique n'est pas vraiment une nouveauté. Ecire, ou peindre, c'est aussi une manière d'apprendre.

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Francis Moreeuw - Peinture pédagogique n° 10

Avant de programmer des actions de formation et de les organiser et plutôt que d'enquêter sur de présupposés besoins de formation, il faudrait peut être commencer par poser la question : et vous comment vous formez-vous ? comment avez-vous acquis les compétences qui sont les votres ? quand éprouvez-vous le plaisir d'apprendre ?

Quel meilleur guide pour l'action que d'avoir des réponses à ces questions. Au fait, et vous ?

20/05/2009

La fausse peur du macramé

Lors de l'entrée  en vigueur du DIF, et encore aujourd'hui, combien de fois ais-je entendu des responsables formation ou ressources humaines me dire : "Le DIF, aucun intérêt à le promouvoir pour récolter des demandes de formation en macramé". Le sous-entendu est double. D'une part les salariés sont incapables de s'intéresser à leur job et d'autre part tout salarié demeure un soixante-huitard qui rêve d'aller faire du macramé en Lozère ou au Larzac. Faut-il préciser la perplexité, au départ car ensuite ce fut plutôt de l'accablement puis de la colère, face à ces réactions qui témoignent, et c'est peut être le pire, d'un profond désintérêt pour le terrain et partant d'une grande méconnaissance des individus.

Après cinq ans de fonctionnement du DIF, les pratiques démentent largement la peur du macramé : l'essentiel des formations suivies en DIF concerne le métier du salarié ou les métiers de l'entreprise et les formations "exotiques" sont très marginales sinon inexistantes.

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Edward Kinnally - Touche Macramé - 2009

Mais ce que devraient craindre les responsables formation et responsables ressources humaines, ce sont davantage les demandes de DIF pour des formations concernant le poste de travail du salarié. Tant que le salarié demande des formations sans rapport avec son métier, le refus ne pose strictement aucun problème. Mais lorsqu'il demande à se former pour être plus compétent dans l'exercice de ses activités, le refus de formation reconnaît la compétence du salarié et interdit à l'entreprise de la contester ensuite. En d'autres termes, comment reprocher une incompétence à un salarié à qui on a refusé une formation à ses fonctions alors qu'il en avait lui même exprimé le besoin ? et l'on mesure l'erreur des syndicats. En négociant dans de nombreux accords que la formation suivie en DIF ne pouvait pas être une formation d'adaptation ils ont éloigné le DIF de la fonction du salarié et ont de ce fait, contrairement à leur objectif, réduit le champ des obligations réelles de l'entreprise.

18/05/2009

Du bon usage du matelas

A l'occasion des Trophées du DIF organisés le 19 mars dernier, DEMOS a réalisé une enquête auprès de plus de 1100 salariés pour mieux identifier leur connaissance du droit individuel à la formation et surtout l'usage qui en est fait. Il ressort de cette enquête que nombre de salariés n'utilisent pas le DIF...parce qu'ils le thésaurisent : "je garde mon crédit, on ne sait jamais", "je n'utilise pas mes heures, je pourrai en avoir besoin", "je peux peut être faire autre chose que ce qui m'est proposé", "je ne veux pas utiliser mon crédit pour n'importe quoi"...L'épargne l'emporte sur la consommation et la capitalisation sur l'utilisation. Or, le crédit DIF n'est pas un crédit d'argent mais de temps, et il s'appauvrit si on ne l'utilise pas. En effet, le compteur étant plafonné à 120 heures, il est nécessaire de consommer de manière régulière si l'on ne veut pas perdre des heures. En d'autres termes, c'est l'épargne qui fait perdre du crédit et non la consommation.

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Jean-Pierre Willems - Au regard des divinités

Le bas de laine sous le matelas demeure manifestement très présent dans les comportements : un petit épargnant sommeille en chacun de nous et le rentier n'est jamais très loin. Il est donc nécessaire de rappeler que le matelas n'est pas un coffre-fort mais le support du sommeil et des rêves. Plutôt que de transformer vos matelas en sous-sol de banque, laissez le être le tapis volant de vos rêves....et utilisez votre DIF.

05/05/2009

Sortir du cadre ou sortir de soi

L'exercice est un grand classique chez les consultants. Il fait partie de la gamme des exercices qui marchent quasiment à tous les coups. Le point de départ est simple : 9 points formant un carré qu'il faut relier entre eux par quatre traits continus.

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Casse-tête pour les participants : mais où est le truc ? comment y arriver. Solution :
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Sortir du cadre, s'autoriser est en effet la première conclusion que l'on tire de l'exercice. Donnez-vous le droit à la créativité. En réalité, la démonstration prend sa pleine puissance lorsqu'un participant dit : "Mais on ne savait pas que l'on pouvait déborder !'. Qui vous l'a dit ? jamais telle consigne n'a été donnée. Seulement qu'il fallait faire quatre traits continus. Bonne occasion pour s'interroger sur les limites que l'on se fixe à soi-même. Bien souvent, ce ne sont pas les règles qui constituent les contraintes les plus importantes, mais les codes intériorisés.
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Friedrich Schröder-Sonnenstern - Le poisson enchanté - 1954

Le couple qui est dans le poisson enchanté sait-il qu'il est dans le poisson ? connaît-il la liberté de Jonas qui est à l'extérieur ? imagine-t-il seulement que Jonas peut exister ? voilà quelques questions qui vont au-delà de simplement sortir du cadre. Il faut aussi parfois sortir de soi.

29/04/2009

Un congé sans absence

La joie est notre évasion hors du temps disait Simone Weil. Il faut croire que les salariés seront dorénavant plus joyeux si le Parlement entérine la possibilité prévue par la projet de loi portant réforme de la formation professionnelle qui doit permettre de suivre un congé individuel de formation intégralement en dehors du temps de travail. Au passage, les parlementaires devront s'interroger sur ce curieux congé qui peut être réalisé sans s'absenter. Un congé sans absence est-il toujours un congé ? peut-être est-il temps de faire évoluer également l'appellation du congé individuel de formation. Vos propositions sont les bienvenues.

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Kamra - En dehors du temps

La chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF fait le point sur les nouveautés résultant de la possibilité de réaliser intégralement un CIF en dehors du temps de travail, tant au niveau de l'articulation des dispositifs de formation que de l'orientation des financements de la formation vers les coûts pédagogiques plutôt que la prise en charge des salaires. Pour le salarié, le temps manque sans doute moins que l'argent. Un rappel : 20 heures en moyenne devant la TV chaque semaine pour chaque français. Eteignez vos TV et allez vous promener....ou vous former.


06/04/2009

Le temps du congé

L'ANI du 7 janvier 2009 laissait entendre au détour d'une formule ("le congé individuel de formation peut donner lieu à autorisation d'absence") que le CIF pourrait bien se réaliser en totalité en dehors du temps de travail et ne plus avoir de congé que le nom. Le projet de loi qui sera présenté au Parlement à la fin du mois nous livre confirmation : le congé individuel de formation peut être effectué intégralement en dehors du temps de travail, le salarié demandant au FONGECIF, ou à l'OPCA, qui finance le CIF une prise en charge des coûts pédagogiques et frais annexes. Pourquoi donc ce déplacement du temps ? pour parvenir à l'objectif fixé par les partenaires sociaux : financer plus de CIF sans augmenter les cotisations (40 000 salariés sur 16 millions bénéficient d'un CIF chaque année). La seule solution est donc de faire des économies et avant tout sur les salaires et charges qui représentent 80 % des coûts du CIF. Au salarié, il sera donc demandé de trouver du temps.

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Chirico - L'énigme du temps - 1911

Mission impossible que de trouver du temps ? tout le monde n'a pas de RTT ou des semaines de congés payés supplémentaires à consacrer à la formation. Peut être. Mais souvenons nous que les français consacrent en moyenne plus de trois heures par jours à regarder la télévision. Soit plus de vingt heures par semaine : un DIF TV toutes les semaines ! L'énigme du temps est affaire de choix personnels, et pour vous aider à faire le votre, une ritournelle de Prévert :
Le Temps nous égare
Le Temps nous étreint
Le Temps nous est gare
Le Temps nous est train

31/03/2009

Un exemple Français

Une loi publiée au Journal Officiel du 18 mars 2009 vient consacrer un accord des partenaires sociaux qui créé un Fonds paritaire de financement de la formation professionnelle. Ce fonds sera géré par ses fondateurs dans le respect de l’autonomie contractuelle. La loi étend ses effets à toutes les entreprises du territoire qui devront contribuer à son financement.

Fausse information ? la réforme de la formation n’est pas votée et le fonds paritaire est discuté ? que nenni ! l’information est bien vraie….en Polynésie. C’est en effet dans les archipels que la négociation a porté ses fruits et a trouvé le relais dynamique de la loi pour étendre ses effets. Pour la métropole, on attendra encore un peu.

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Gauguin - 1897 -
D'où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ?

Que la révolution ait eu lieu il y a plus de deux cent ans n’y change rien : notre République demeure foncièrement monarchiste et le principe d’ancien régime : « Cy veut le Roi, cy fait la loi » n’est pas totalement enfoui dans les oubliettes de l’histoire. Appeler le dialogue social de ses vœux est une chose, l’accepter en pratique dans toutes ses dimensions est manifestement une autre paire de manches. Plutôt que d’opposer la légitimité de la démocratie politique et de la démocratie sociale, nos gouvernants pourraient tourner leur regard vers le Pacifique et s’inspirer de ce qui se passe….en France.

20/03/2009

Bulle papale et démocratie

Dans une théocratie, la bulle papale, relai direct de sa parole et de la parole divine, tient lieu de loi. De la puissance politique à l'acte juridique, il n'y a donc qu'un pas, ou plutôt qu'une main couchant par écrit la pensée souveraine d'un seul. Dans une démocratie, l'élaboration de la règle relève d'un processus plus complexe qui caractérise l'Etat de droit. Lorsque celui-ci s'appuie à la fois sur une démocratie sociale, qui organise une régulation sociale par des acteurs privés, et une démocratie politique, qui organise une réglementation produite par des acteurs publics, il peut en résulter des délais de mise en oeuvre et des compromis sur le fond, parce que l'élaboration de la règle est collective, dont d'aucuns pourraient penser qu'ils sont gage de lenteur et d'inefficacité et donc source de tous les conservatismes.

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Francis Bacon - Portrait du Pape Innocent X - 1953

Tel est pourtant le prix à payer pour l'Etat de droit. A l'occasion de la prochaine publication du projet de loi élaboré dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle et de l'ANI du 7 janvier 2009, la chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF, rappelle que la transposition d'un accord collectif, unanime qui plus est, ne peut se faire à n'importe quelle condition et que la croyance selon laquelle la loi n'est que l'outil de la volonté du gouvernant est au mieux une mystique au pire une négation de l'Etat de droit. Le livre III des Essais de Montaigne, rédigé entre 1580 et 1588, dénonçait déjà la fascination des Français pour la loi en ces termes : « Nous avons en France plus de lois que le reste du monde ensemble, et plus qu’il n’en faudrait à régler tous les mondes d’Epicure... Les plus désirables, ce sont les plus rares, simples et générales ». Puisse le législateur conserver le sens de l'histoire et du droit, piliers de notre démocratie.

19/03/2009

Trophées du DIF 2009

Ce jeudi 19 mars se tiennent les troisièmes Trophées du DIF organisés par DEMOS. L'occasion de faire le point sur le développement d'un dispositif qui poursuit sa montée en charge.

Pour ceux qui ne se rendront pas à la manifestation, le support de mon intervention sur l'actualité du DIF intitulé : le DIF, Acte II, scène I.

 

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Fernand Schlegel - Trophée III

Le 1er mouvement s'intitule : Ma réforme, ma réforme, ma réforme ! on y apprend comment les partenaires sociaux ont refusé de répondre à l'injonction de réforme et ont affirmé leur autonomie.
Le 2ème mouvement s'intitule : vous vouliez transférer, et bien portez maintenant ! où il est question de la différence entre transférabilité et portabilité.
Le 3ème mouvement a pour titre : Cachez ce DIF que je ne saurai voir ! on y explique que le DIF ne se caractérise pas par l'initiative du salarié mais par la négociation avec l'employeur. Tel est le véritable DIF, occulté trop souvent.
Le 4ème mouvement constate que : C'est le temps qui manque le moins ! mais sans doute davantage l'argent avec l'équation financière difficile à trouver, et plus encore après la création du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

Bonne lecture.



15/03/2009

Toulouse-Paris

Toulouse, 1987. Création du Cabinet Willems Consultant. Paris, 2009. Le Cabinet Willems Consultant s'installe à Paris. Les nouvelles coordonnées sont dans la rubrique A propos. Il fait soleil à Paris ce jour.

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Willem de Kooning - Souvenir of Toulouse - 1958

06/03/2009

La culture des arbres

Il y a maintenant plus de quinze ans, Michel Authier, avec l'aide notamment du philosophe Michel Serres, inventait les arbres de connaissance et donnait naissance à une nouvelle cartographie des compétences sous forme d'arbre. Le premier logiciel de gestion de la compétence basé sur ces principes, baptisé Ginkgo du nom de la plus vieille espèce d'arbre connue, permet aux entreprises d'avoir une visualisation graphique de leur capital de compétences sous forme d'arbre.

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Exemple de représentation graphique des compétences


Cet outil peut avoir de multiples applications, notamment lorsqu'il est utilisé en pleine interactivité avec les salariés qui peuvent se positionner par rapport aux compétences utilisées ou utilisables dans l'entreprise. Il peut également intervenir dans la constitution d'équipes, l'identification des compétences clés et critiques, etc.

On peut trouver un intérêt particulier à cette représentation dans la définition de la culture d'entreprise à partir de la logique suivante : les compétences partagées par au moins 80 % des salariés constituent la culture de base de l'entreprise, les compétences partagées par 20 à 60 % des salariés constituent les cultures métiers de l'entreprise et les compétences partagées par moins de 20 % des salariés relèvent de l'expertise. Ce diagnostic ouvre de multiples applications : souhaite-t-on développer la culture commune ? des cultures fortes par domaines, secteurs ou métiers ? des expertises individuelles ? la réponse est, notamment, dans vos plans de formation. L'arbre des compétences, c'est l'arbre de vie de l'entreprise.

 

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Klimt - L'arbre de vie

Les partenaires sociaux viennent de définir, dans l'ANI du 7 janvier 2009, le socle de compétences du salarié : capacité à travailler en groupe, maîtrise des outils informatiques et bureautiques, maîtrise d'une langue étrangère. Ils invitent les branches professionnelles à compléter ce socle en fonction des métiers. L'occasion peut être pour une entreprise de savoir si sa culture commune est fondée sur des méthodes, des techniques ou, soyons fou, des valeurs. Posons donc la question : quelles sont les compétences partagées par les membres de votre organisation ? pour y répondre, tous à vos arbres !

05/03/2009

Cartes sur table

L'avenant du 3 mars à l'ANI du 14 novembre 2008 sur la GPEC  est ouvert à la signature. Cet avenant précise les conditions de mise en oeuvre du bilan d'étape professionnel.

Le bilan d'étape professionnel a pour objectif de faire le point, de manière contradictoire, entre le salarié et l'employeur sur les compétences, capacités et objectifs de professionnalisation au regard du parcours professionnel prévisible et/ou souhaité. Ce diagnostic ne peut être une évaluation du salarié dans sa fonction et il n'est opposable ni au salarié ni à l'employeur. Il ne peut donc se substituer ni à l'entretien d'évaluation, ni à l'entretien professionnel, ni à l'entretien individuel obligatoire avec les salariés en forfait jours (que d'entretiens !). L'objectif clé du bilan d'étape professionnel est de donner une visibilité commune au salarié et à l'employeur sur les évolutions envisageables. A cet effet l'entreprise ne peut se contenter de recueillir les souhaits du salarié mais doit également lui donner une information sur les évolutions prévisibles d'emploi dans l'entreprise. En d'autres termes, chacun doit jouer cartes sur table.

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Jeu de cartes - Jean-Pierre Willems

 

Situé à moyen terme entre l'entretien professionnel qui est centré sur la fonction occupée et le bilan de compétences qui permet de réaliser une orientation professionnelle complète, le bilan d'étape professionnel est créé sous forme de droit du salarié, ouvert tous les cinq ans, qui ne peut être refusé par l'entreprise. Pour l'organiser, l'entreprise devra soit mettre en place un processus interne, sachant que le bilan d'étape professionnel ne peut être réalisé par la hiérarchie directe ce qui suppose soit de désigner une personne ad hoc, soit de mobiliser la ligne RH, et qu'il peut éventuellement être réalisé en externe, ce qui sera nécessairement le cas compte tenu de l'exclusion de la hiérarchie, dans les TPE voire PME. Un nouvel avenant, mais à l'ANI du 7 janvier 2009 cette fois-ci, précisera les modalités de financement de ce bilan avec les ressources de la formation professionnelle, et notamment les conditions de prise en charge par les OPCA. Le droit au bilan d'étape professionnel sera repris par la loi sur la formation qui devrait être votée au printemps. Il sera donc applicable dès la rentrée : voici déjà un devoir de vacances pour les services ressources humaines.

24/02/2009

Le moine copiste et l'enluminure

Avant que la révolution technologique de l’imprimerie ne vienne supprimer leurs emplois, les moines copistes assuraient par leur minutieux labeur la reproduction des livres. Le travail de copiste nécessitait de la technique, mais lorsque le moine était également capable de réaliser des enluminures, et ainsi de donner une dimension toute autre au travail réalisé, il devenait moine enlumineur. Affaire de technique certes, mais également d’envie de donner à la fois du sens et de la dimension à son activité.

Il y a quelques années, je devais présenter, à l’invitation de Jean-Marie Luttringer, le système de formation professionnelle espagnol à de futurs inspecteurs du travail. Première collaboration avec le meilleur spécialiste de la formation professionnelle en France, je soignai la présentation technique, fouillée, précise, sur le fonctionnement de la formation et les dispositifs. A la fin de la matinée, Jean-Marie eu ce mot qui guide toujours mon travail : « C’était bien, mais vous devriez prendre plus de risques intellectuels dans vos interventions ». Cette invitation à passer du copiste à l’enlumineur est sans doute le meilleur conseil qui m’ait été donné.

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Autoportrait d'un moine copiste bénédictin - Fin du 11ème siècle

Souhaitons que les conseillers techniques, fonctionnaires et députés qui auront à fabriquer la loi sur la formation professionnelle dans les semaines qui viennent ne s’en tiennent pas au travail de copiste de l’ANI du 7 janvier 2009. Si cet accord doit être préservé dans sa cohérence et son contenu, le Parlement doit jouer son rôle d’enlumineur et conforter le texte en lui offrant les ajouts qui le mettront en valeur. Souhaitons également qu’il ne soit pas oublié qu’il faut d’abord être copiste avant d’être enlumineur et que cette dernière fonction relève à la fois de la technique et de l’art. Souhaitons donc au final que les députés soient de bons artisans.

 

13/02/2009

Regard solaire sur la réforme

En 1929, une souris passe entre les jambes de Lee Miller, alors assistante de Man Ray. Elle allume la lumière du laboratoire, alors qu'une épreuve attend dans le bac de révélateur. L'image s'en trouve modifiée : les contours sont dotés d'un effet de halo donnant du relief à la photographie. La solarisation était née, qui permet l'inversion des ombres et des lumières et créé un effet d'irradiation. Avec la solarisation, négatif et positif se mêlent pour laisser place à une réalité nouvelle.

Sleeping Woman Man Ray - Solarisation- 1929.jpg
Femme endormie - Man Ray - 1929

Il est parfois bon de solariser le regard que l'on porte sur le droit : il arrive que le texte s'éclaire et que le positif prenne la place du négatif. On pourra penser que c'est ce regard qui justifie l'analyse de l'ANI du 7 janvier 2009 publiée par Entreprise et Carrières cette semaine (voir article ci-dessous). Si l'on préfère la version non solarisée et la mise en évidence du négatif, on peut se procurer la revue et consulter les autres analyses.

EntrepriseetCarrières001.pdf

 

11/02/2009

Le chômage partiel au secours du DIF

Le DIF serait utilisé par 15 % environ des salariés, 5 ans après sa création. Démarrage lent, qui lui est d'ailleurs reproché, du à trois raisons principales :

1) Le dispositif laisse de la liberté, il n'est pas fourni avec un mode d'emploi, et l'appropriation suppose de la créativité dans l'utilisation que l'on peut en faire ;

2) La contrainte n'est pas excessive : en l'absence de droit du salarié à imposer son choix et d'obligation de provisionner, beaucoup d'entreprises jouent la montre voire l'indifférence ;

3) Le partage du pouvoir pose problème dans l'entreprise : négocier avec le salarié les objectifs de professionnalisation et le choix des formations correspondantes n'est pas, c'est le moins que l'on puisse dire, la culture manageriale dominante. Pas besoin d'expliquer aux dirigeants et managers la différence entre concertation et négociation...

Mais vive la crise ! grâce au chômage partiel le DIF pourrait connaître un succès innatendu.

Hallucinationpartielle.jpg
Salvador Dali - Hallucination partielle

Les salariés placés au chômage partiel, qui perçoivent 60 % de leur salaire brut, pourraient ainsi suivre des formations dans le cadre du DIF. En effet, s'il est interdit de travailler pendant le chômage partiel, il n'est pas interdit de se former en dehors du temps de travail dans le cadre du DIF, le temps n'étant pas du temps de travail mais du temps de formation. Dès lors le salarié pourra bénéficier de l'allocation de formation, soit 50 % de son salaire net. Au total, le salarié percevra donc plus que s'il travaillait. Hallucinant ? non, banal car tel est également le cas si le salarié se forme pendant ses congés payés ou pendant un autre congé indemnisé, voire une préretraite. Dommage qu'il ait fallu attendre les situations d'urgence pour penser à être créatif avec le DIF. Une autre idée ?