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14/05/2013

Non, bob, t'es pas tout seul !

Quand on demandait à Francis Bacon si tel peintre n'avait pas influencé son travail, il répondait invariablement : "j'ai été influencé par tellement de peintres que c'est bien possible". La même réponse aurait pu être obtenu de Picasso, d'Ingres et finalement de tout ceux qui font véritablement de la peinture. Il faut nous y résoudre, nous sommes des éponges. Même, ou plutôt, surtout, cette grande tige d'Alain Garrigue, dont on comprend mieux du coup certaines peintures.

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Alain Garrigue - Eponge, mode d'emploi - 2001

Consciemment, inconsciemment, par volonté, par goût, par désir, par fascination, par obligation, par la contrainte, par le plaisir, tous les jours nous épongeons mots, images, émotions, connaissances, odeurs, sensations, raisonnements, relations, visions, rêves, actions, en un mot tout ce que nous vivons. Eponger, certes, et pourquoi pas de bon coeur. Mais pourquoi faire ? la véritable question est moins dans ce que nous épongeons que dans ce qui ressort lorsque nous pressons l'éponge. Que va nous livrer la magique alchimie de l'individualité, de notre singularité ? qu'allons nous faire, nous abstenir de faire, essayer de faire, rêver de faire, ne pas vouloir faire ou faire en sorte de ne pas faire ? C'est parce que la réponse à cette question est toujours une surprise, que je prends toujours autant de plaisir, depuis 25 ans, à être formateur, éponge au milieu des éponges. Et c'est ainsi que Bob l'éponge est grand !

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07/02/2013

Work in progress

J'aime les travaux en cours (comme toute personne qui est toujours en retard me direz-vous, syndrôme de la procrastination) et du coup j'aime les études, esquisses, dessins préparatoires, manuscrits gribouillés, bouts de feuillets noircis à la va vite, petits carnets de notes, cahiers de croquis, bref tout le fatras dans lequel apparaît toute la vie que l'on verra ensuite ordonnée dans l'oeuvre, du moins lorsque le peintre a du talent. Tel est le cas, par exemple, de Gustave Moreau ou d'Ingres, dont les dessins préparatoires fascinent tout autant que les toiles.

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Gustave Moreau - Etude pour Salomé

JD Ingres - Etude pour le Bain Turc

Dans les six mois qui viennent, va s'élaborer le Compte Personnel de Formation, qui sera au DIF ce que le papillon est à la chenille. Lorsque je présente l'ANI du 11 janvier 2013 et les principes qui régiront le Compte, j'ai souvent des réactions de protestation : mais alors on ne sait pas comment ça va marcher, rien n'est calé, c'est incroyable de signer des textes sans savoir où l'on va. Ingres et Moreau savaient-ils où ils allaient lorsqu'ils travaillaient leurs dessins ? ou bien les choses se sont-elles mises en place petit à petit, ou par à coup, ou par rupture ? qui sait ?  On dit parfois que le voyage compte plus que la destination. Dans l'élaboration des droits nouveaux, il ne faut pas oublier la beauté de la construction et considérer qu'elle conditionne souvent la beauté du résultat.

09/12/2012

Transmission versus acquisition

En 1907, Picasso a 26 ans, il a déjà peint un des tableaux les plus importants de l'art moderne et de toute sa production, qui sera encore longue. En 1862, Ingres a 82 ans, il peint  5 ans avant sa mort un chef d'oeuvre qui est une synthèse de tout son art et dont la modernité est époustouflante. Si les deux hommes s'étaient rencontrés, qui aurait été le tuteur de l'autre ? aucun bien évidemment, mais ils auraient échangé ou plus surement encore, ils se seraient montré leurs productions et auraient bu des coups ensemble. Peut être auraient-ils commentés cette phrase de Picasso : "A dix ans, je peignais comme Raphaël, mais cela m'a pris toute ma vie de dessiner comme un enfant".

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Picasso - Les demoiselles d'Avignon - 1907

Les partenaires sociaux ont signé le 19 octobre 2012 un accord sur les contrats de génération. Dans ce texte, est abordée la question de la transmission des compétences. La modernité est ici présente dans le refus de la figure traditionnelle de l'ancien qui initie le plus jeune. Le texte invite à mettre en place des actions organisant la transmission des compétences, qui concerne sans hiérarchie préétablie les deux acteurs principaux du dispositif. Encore mieux, le texte invite à créer des situations de travail qualifiantes, car c'est bien là que se situe la véritable question : plutôt que de transmission linéaire, il s'agit de créer les conditions de nouvelles acquisitions, le plus souvent partagées. Apprendre ensemble plutôt qu'apprendre de l'autre. Faciliter l'acquisition sans transmission, c'est sans doute la condition d'une véritable qualification de tous. Pour en savoir plus, vous pouvez lire ci-dessous la chronique écrite avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF qui commente plus en détail l'ANI du 19 octobre 2012. Mais n'oubliez pas auparavant de passer par le bain turc. Bon lundi à tous.

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Le Bain Turc - Ingres - 1862

LA_TRANSMISSION_DES_SAVOIRS_ET_DES_COMPETENCES.pdf

24/03/2012

Leçon pas magistrale

Il n'a pas ménagé sa peine et paraît fier du résultat. Le professeur qui a orienté ses élèves vers de fausses informations qu'il a lui-même disséminées sur le net leur a fait la leçon, ce qui était bien la finalité de la chose : ainsi vous copiez sans vérifier et prenez la première information trouvée pour argent comptant ! l'intention est tout aussi louable que la morale : pensez par vous même, faites vous confiance. Mais la démonstration comporte tout de même plusieurs biais.

Le premier est bien connu des policiers : lorsque l'on rassemble soi-même les éléments du délit et que l'on incite autrui à le commettre, la procédure pénale s'en trouve altérée. Le second est méthodologique et trouve sa traduction dans la phrase de Wilson Mizner : "Copier sur un seul, c'est du plagiat, copier sur deux c'est de la recherche". Le troisième tient de l'exemple : la démonstration serait plus éclatante si nombre de thèses puis ensuite de cours ne se résumaient pas à des compilations sans faire véritablement apparaître de pensée singulière.

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Ingres - Calques

Le quatrième nous est apporté par Ingres : plus de 4 000 calques sont conservés au Musée Ingres de Montauban. Ingres tricheur ? certains le lui ont reproché et notre enseignant lui aurait peut être demandé de dessiner par lui-même. Le cinquième n'étonnera pas qui a fréquenté l'institution scolaire : tous les étudiants savent, et ceux qui ne l'ont pas intégré sont rejetés du système, que les concours et diplômes mesurent davantage une docilité dans la reproduction et la capacité à fournir le format attendu que de faire preuve d'autonomie.  Lorsque l'on récompense le conformisme on est mal venu à reprocher la reproduction.

Et surtout, tant que les enseignants donneront à produire de la copie, et qu'ils consacreront un volume aussi important de leur temps à corriger de la copie, il ne faudra pas s'étonner qu'à l'absurdité de cette monolithique demande réponde une paresse intellectuelle qui est le plus droit chemin vers le succès.

Professeur, plutôt que de tendre des pièges à vos étudiants, réfléchissez à leur demander des productions qui nécessitent leur créativité et leur compétence, en un mot leur autonomie, et laissez leur la possibilité d'utiliser les ressources de leur temps, faute de vous voir assigner à celui qui fut le vôtre.

23/03/2011

Beauté du travail-travail

Le conseil venait d'Ingres, il fut entendu par Degas : "Il faut produire des lignes, et encore des lignes, si vous voulez devenir un bon artiste". Degas produisit des lignes, dont celles-ci. La cuisse puissante, la hanche creusée, le ventre plat, le bras juvénile, la pudeur et l'abandon de l'attitude, le mouvement d'ensemble du dessin, comme une ligne de fuite bien présente. Pas de doute, Degas a du en tracer des lignes pour parvenir à celles-ci.

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Degas - Femme nue étendue

Joan Miro, dont on peut actuellement admirer les sculptures au Musée Maillol, déclarait que dans son travail il y avait le travail-travail, avec sa dimension artisanale, et puis la dimension fantasmatique qui lui donnait tout son sens. Le rêve habitant le travail.

Voilà un chemin possible pour la compétence et pour l'innovation. Du travail-travail, de la répétition, du rythme maintenu, du geste renouvelé, surgiront des lignes nouvelles, et ce d'autant plus que le rêve et le fantasme viendront, à leur heure, sans qu'ils ne soient forcés, dans la fluidité de l'acte répété, nourrir le travail. Beauté du quotidien répété, plaisir de la découverte des éclosions de la banalité. Ce qu'exprimait à sa manière Degas déclarant : "Je voudrai être illustre et inconnu".

Ce n'est pas un conseil, juste un message personnel, un soir de déplacement.

29/01/2011

Chronique du week-end : l'énigme des femmes d'Ingres

Poursuite des chroniques du week-end en compagnie d'Ingres. Il aurait pu être question, à propos d'Ingres, de la manière dont on devient innovant en allant au bout du clacissisme, autre manière de montrer que c'est par la maîtrise de la technique que l'on parvient à la dépasser ou encore à gagner en liberté (pour peu que l'on en ait le souci, tout de même). Mais l'énigme d'Ingres n'est pas là. Elle est évidemment dans les femmes d'Ingres, pour qui la  femme n'existe pas. Mais il y a des femmes. Et en  chacune d'elles, une irréductible singularité et des permanences universelles. Lorsque l'on peint les femmes comme J.A.D.  Ingres, on sait cela. Ce qui fit le plus rire Ingres, longtemps après sa mort, c'est la frénésie comptable des critiques et commentateurs qui s'échinèrent sur les vertèbres de l'Odalisque. Et l'air pénétré des petits malins tout empreints d'histoire causale et linéaire qui virent en lui le précurseur de Picasso. En réalité, Ingres se fout de tout cela. Il dessine, il calque, il découpe, il ajuste, il organise, il démembre, il reconstruit, il imagine, il invente, il voit. Remarquez que souvent Ingres allonge, étend, donne de l'ampleur, étire et multiplie. Jamais il ne réduit, ne rétrécit, ne diminue, ne coupe ou ne se livre à l'ablation. Ingres est amoureux de la peinture, des femmes, des formes, de la vie, des couleurs, de l'harmonie, du beau, de lui-même aussi car il applique à la lettre le précepte "aime ton prochain, comme toi même". Le modèle est son prochain. En bon amoureux, l'excès est un minimum. Pour Ingres, jamais trop.

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J.A.D Ingres - Grande Odalisque - Musée du Louvre

D'ailleurs il n'y a pas une mais des odalisques. Et lorsque Ingres peint chacune de ses odalisques, il peint plusieurs femmes là où tous s'obstinent à n'en vouloir qu'une seule. Voici le long bras d'une maîtresse aux gestes d'arrangeuse de fleurs, voici la croupe forte d'une fille du Nord de la Garonne, voici le dos musclé d'une femme du Sud dont le corps vit sous le soleil, découvrez le sein de la jeune fille pubère, fixez le visage de celle que dévisage le peintre qu'elle fixe, entendez le croisement de jambes fait pour agacer vos nerfs érotisés, prenez plaisir à suivre la courbe des pieds abandonnés au repos mais dont la cambrure traduit la fausse lascivité. Toutes ces femmes sont là devant vous. Epargnez nous l'anthropomorphie laborieuse du bras trop long, du dos inhumain, des hanches impossibles et les pénibles observations qui à grand coup de rationnalité voudraient dissimuler le trouble érotique qui est le votre. Cette peinture est un collage, vous le savez à présent, plus rien n'entrave donc votre plaisir de la regarder encore et de la regarder toujours. N'y cherchez pas la femme et prenez le temps d'y découvrir toutes les femmes et pour ce faire n'hésitez ni à tirer le rideau ni à lever les draps.

01/12/2010

Des dialogues vertueux

Ecrire c'est d'abord lire, peindre c'est d'abord regarder. Comme les écrivains empruntent à ceux qu'ils ont aimé lire, les peintres dialoguent dans leur peinture avec leurs prédécesseurs. Et, précision que je sens nécessaire bien qu'elle ne devrait pas l'être, il n'y a strictement aucune antinomie entre ces emprunts et la réalisation d'une oeuvre toute personnelle. Car l'oeuvre va dire la manière de voir, de traduire et de comprendre, au sens le plus global. En ce sens, tout dialogue est singulier.

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Martial Raysse           -               J.D.A Ingres

 

On peut considérer que le dialogue social est vertueux et que la confrontation est un aiguillon de la créativité, même si chacun ne se situe pas sur le même terrain, comme le peintre et le photographe.

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Tom Hunter        -          Vermeer

La négociation d'entreprise sur la formation professionnelle s'est peu développée depuis 40 ans. Les causes en sont multiples : faiblesse globale de la négociation collective dans les entreprises françaises (moins de 20 % des entreprises de plus de dix salariés signent un accord collectif chaque année), défiance des négociateurs de branche,  compétence des négociateurs d'entreprise, intérêt pour le sujet, etc. La chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF explore les conditions d'une relance de la négociation d'entreprise sur la formation professionnelle. Elle expose notamment le parallèle entre le DIF, moyen négocié d'accès à la formation, et la négociation collective et la place qu'occupe la formation dans les négociations obligatoires. Et pourquoi l'on peut espérer un dialogue un peu plus fourni et fructueux dans les années à venir.

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18/08/2010

Transmission

Antiochus se meurt d'amour pour sa marâtre Stratonice. Le médecin a compris la nature du mal qui l'habite. Stratonice également qu'Ingres présente avec une modernité stupéfiante, dans une pose que Picasso, entre autres, étudiera longuement. Au milieu d'une pièce encombrée d'histoire et d'un lourd passé figuré par les colonnes, les statues ou encore les peintures, elle rayonne telle une apparition qui tranche avec la romantique et un peu mièvre scène de la maladie d'Antochius. Elle sait déjà que son mari, Seleucus, l'offrira à son fils pour qu'il guérisse et que perdure la dynastie. C'est moins l'amour qui triomphe que le poids de l'histoire et du destin. Dans cette pesante et pénible histoire d'hommes, Ingres, par la représentation de Stratonice, nous fait comprendre en un instant pourquoi la compagnie des femmes doit systématiquement être préférée aux communautés masculines.

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Ingres - Antiochus et Stratonice - 1840
L'histoire de Seleucus pourrait être rappelée aux dirigeants qui n'ont de cesse de n'être oublié après leur départ : voici un souverain qui s'efface au profit de son successeur et qui fait prévaloir la dynastie sur son bonheur. Plutôt que de consacrer beaucoup de temps à être un dirigeant inoubliable, quitte d'ailleurs à pratiquer la politique de la terre brûlée pour aviver les regrets, peut être conviendrait-il d'en consacrer un peu à organiser la suite.

12/08/2010

Le temps du travail

Lu dans une revue à propos d'un tableau d'Ingres : "Ingres mit 7 ans pour peindre cette oeuvre". Le rédacteur voulait sans doute dire qu'Ingres a mis 7 ans pour finaliser le tableau après qu'il ait commencé à mettre de la peinture sur la toile. Ce qui n'a pas forcément grand chose à voir avec le temps nécessaire pour faire le tableau. Si l'on s'en tient à l'exécution seule, alors il faudra souvent constater que Picasso ne peut mettre que quelques heures, voire quelques minutes, pour produire une oeuvre.

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Ingres - Mme Moitessier
Picasso - Grand nu au fauteuil rouge
En réalité, le temps d'exécution ne nous apprend pas grand chose sur l'oeuvre produite. Dira-t-on de Cécilia Bartoli qu'il lui a fallu cinq minutes pour chanter divinement un air de Vivaldi ou de Mozart ? Il faudrait peut être cesser de vivre au XIXème siècle et dans le modèle industriel. Pour peindre chacun des tableaux qu'ils ont produit, Ingres et Picasso ont mis l'intégralité de leur temps de vie jusqu'à la fin du tableau.
Ce qui me rappelle la réflexion d'un client qui me posait une question très technique et complexe. Comme je lui répondis sur le champ il eût cette remarque : "j'aurais cru qu'il s'agissait d'une question difficile".
Peut être aurons-nous une chance de comprendre quelque chose au travail quand nous cesserons de le mesurer en temps.

10/05/2010

Horreur, je suis un DJ !

Je me souviens qu'à la création du Répertoire Opérationnel des Métiers (ROME), on m'avait expliqué que cela servirait notamment à identifier des compétences transverses, utilisables pour des métiers différents, a priori éloignés et auxquels on ne pense pas. J'avais fait l'expérience, et mesuré la portée du concept, en expliquant à des documentalistes que leurs compétences transverses étaient celles d'un logisticien : gestion de références et de flux. Elles, les documentalistes sont plutôt des femmes, ont failli me lyncher. Le travail de documentaliste est noble : on travaille sur des contenus, on organise le savoir, on ouvre l'accès à la culture. On est pas un magasinier ! Peut être, mais en compétences transverses si.

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Martial Raysse - Made in Japan - 1964 (d'après Ingres)

Je n'ai aucun goût pour la musique électronique (initié par Kraftwerk, je me suis arrêté à Soft Cell), je n'aime pas les boîtes de nuit, le bruit m'est pollution, je préfère les états de conscience modifiés que l'abrutissement par l'alcool ou la pharmacie et j'apprécie mieux les aigus légers que les basses lourdes. Pourtant, comme Martial Raysse s'appuie sur Ingres et construit à partir de chefs d'oeuvre qui ne sont pas les siens, je m'appuie sur les oeuvres d'autrui, je cite, j'analyse, j'interprète, je recrée, je déforme, je reproduis et surtout je rapproche des oeuvres et des idées sans rapport apparent entre elles, et je m'approprie le tout. Soit exactement le travail d'un DJ qui sample, et même si je ne me suis jamais pris, Dieu merci, pour David Guetta, voilà une perturbante révélation. Et vous, vous faites quoi avec vos compétences transverses ?

03/05/2010

Une oeuvre jamais terminée

Ingres dessinait pafaitement. Et décalquait beaucoup aussi. Comme l'écrivain lit et cite, le peintre décalque et copie. C'est ainsi qu'il se forme, c'est ainsi qu'il créé, c'est ainsi qu'il innove et invente. Car l'on ne créé jamais seul et loin du plagiat, la citation, la reprise, la copie, l'influence constituent des hommages à l'oeuvre électivement choisie. Le Musée Ingres de Montauban dispose d'un inestimable fond dans lequel on peut admirer les croquis préparatoires à l'un des plus grands chefs d'oeuvre de la peinture : Le bain turc.

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Ingres - Etudes préparatoires et Le bain turc - 1862

L'oeuvre est achevée alors qu'Ingres à 82 ans. Achevée ? non car la construction continue. Le bain turc passe en d'autres mains, celles de Picasso notamment qui toute sa vie le copiera.
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Picasso - 1968

Et si le Bain turc n'avait pas existé, Picasso aurait-il peint ce qui est également un des chefs d'oeuvre absolu de la peinture, à savoir Les demoiselles d'avignon ?

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Picasso - Les demoiselles d'Avignon - 1907

Ainsi Le bain turc est-il toujours fécond et produit ses effets au-delà de la toile elle-même et de son auteur. Notre échelle d'appréciation d'une oeuvre est parfois bien réduite par un double manque : le recul nécessaire à l'observation véritable et la mise en perspective dans le temps. C'est ainsi qu'il faut regarder le dispositif du DIF. Accepter qu'il s'agisse d'un dispositif en construction qui continuera d'évoluer, considérer qu'en matière sociale six ans c'est bien peu pour l'appropriation d'un tel dispositif qui tranche avec plus de trente ans de pratiques antérieures de formation et enfin, et peut être surtout pour les professionnels de la formation, admettre que la formation n'est pas le centre d'intérêt principal ni des entreprises, ni des salariés, ni des syndicats et que le fait d'être "de la profession" ne confère aucune qualité particulière pour le leur reprocher. Chacun est juge de ses priorités. Cela ne doit pas empêcher le débat sur à la fois les finalités et les modalités de mise en oeuvre d'un dispositif potentiellement révolutionnaire et factuellement progressiste. En guise de contribution à ce débat, une interview parue dans Entreprises et Carrières.


30/12/2009

Fait du prince

On se souvient d'un président de la République déclarant très officiellement qu'une loi qui venait d'être validée par le Conseil Constitutionnel ne s'appliquerait pas dans l'attente de son abrogation. Il s'agissait de Jacques Chirac et de la loi sur le mort-né CPE (contrat première embauche). Que la parole présidentielle supplante la décision de la plus haute institution, garante de nos droits et libertés, parait inconcevable dans un Etat de droit. Cela fut pourtant salué par beaucoup comme une grande victoire. Peut être faut-il y voir une certaine inculture juridique, qui serait largement préférable à une incapacité de distinguer que certains principes ne peuvent souffrir d'exception. On ne compte plus les circulaires ministérielles qui ajoutent à la loi quant elles n'y contreviennent pas directement, contribuant ainsi à déligitimer l'outil législatif qui n'est plus qu'un outil de communication lorsque l'on annonce à grands frais des lois dont on ne se soucie guère de l'application. La République et l'Etat de droit ont décidément bien du mal à déloger le prince bouffi de pouvoir et d'arbitraire,  dont Ingres avait compris qu'il suffisait de  le représenter précisément et véritablement  pour le ridiculiser.

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Ingres - Napoléon 1er

L'actualité nous fournit encore deux exemples de l'arbitraire érigé en méthode de gouvernement. Doivent entrer en vigueur au 1er janvier  2010 les sanctions prévues pour les entreprises qui n'ont pas mis en place un plan d'action en matière d'emploi des seniors et pour celles qui n'atteignent pas le quota de travailleurs handicapés (il s'agit en fait dans ce dernier cas d'une augmentation sensible des pénalités existantes). Le Ministère du Travail vient d'annoncer que les sanctions en matière d'emploi des seniors ne s'appliqueraient qu'à partir du mois d'avril et que les sanctions pour l'emploi des travailleurs handicapés seraient également différées de quelques mois. Le motif est que les entreprises ne seraient pas informées ou n'auraient pas eu le temps de prendre leurs dispositions. Il est vrai que la loi sur les handicapés ne date que de 2005 et celle sur l'emploi des seniors de 2008. Si l'on considère que ces lois sont mauvaises ou que leur mise en oeuvre n'est pas opportune, que l'on saisisse l'Assemblée. Mais non, trop long...et trop démocratique. Une lettre d'un ministre suffira pour décider de quelle manière la loi doit s'appliquer ou non. Ingres nous manque.

20/10/2009

L'eau tarie

La mise en place du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels va se traduire par le prélèvement d'une somme variant entre 5 et 13 % de l'obligation légale de financement de la formation professionnelle. Le Gouvernement a annoncé qu'il souhaitait faire du FPSPP, dont on rappellera que s'il est paritaire et non tripartite, l'utilisation de ses fonds relève à titre principal d'une convention conclue avec l'Etat, un des outils principaux de la politique de l'emploi. Il est donc plus probable que le premier prélèvement soit proche de 13 % et non de 5. Au total, ce sont environ 900 millions d'euros qui seront soustraits aux OPCA au titre du Plan, du DIF, de la Professionnalisation et du CIF. Les responsables des FONGECIF ont d'ores et déjà annoncé qu'il y aurait en 2010 environ 5 000 CIF de moins (sur 30 000). La même diminution des ressources est très probable pour le DIF, les entreprises ne pouvant donc baser leur politique de développement du DIF sur le financement par leur OPCA. En ce domaine, la période faste est derrière nous (il paraît que ce n'est pas qu'en ce domaine, mais rien n'oblige à le croire) : la source du financement externe de la formation va être moins abondante, sinon tarie.

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Yamasuma Morimura - Portrait
(La source I, II, III d'après Ingres - 1989)

Mais que va donc faire le FPSPP de tout cet argent : financer la politique de l'emploi et la formation des demandeurs d'emploi et concentrer les fonds sur les salariés prioritaires (salariés des TPE et PME, salariés les moins qualifiés, salariés dont l'emploi évolue fortement et/ou disparaît, etc.). Il y aura donc des bénéficiaires (ouf !) du prélèvement opéré par les OPCA. Mais, et là comme dans bien d'autres domaines, il va d'abord falloir payer pour voir.

29/09/2009

Faire disparaître le travail

Le musée Ingres à Montauban présente jusqu'au 4 octobre 2009 "Ingres et les Modernes". Plus de 200 oeuvres sont réunies qui démontrent l'incroyable influence que Ingres a exercé sur les peintres de toutes époques et de tous styles et l'invraisemblable créativité qu'il a su propager à travers les siècles. Mais au milieu de tous ces génies de la peinture, Picasso, Masson, Matisse, Bacon, Chirico, Picabia et plus près de nous Orlan, Cindy Sherman, Ernest Pignon-Ernest ou encore Araki sans oublier le montalbanais Duchein, ce qui frappe au milieu de la profusion de peintures de tous genres ...ce sont encore les peintures d'Ingres. L'oedipe, le songe d'Ossian, Angélique, la Source...l'oeil revient sans cesse aux tableaux d'Ingres, s'en approche et les caresse comme y invite la douceur satinée de sa peinture et la beauté surgit de l'absence de touche, car Ingres peint sans touche, vous avez bien lu.

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Ingres - La source - 1856
Mais écoutons le :"La touche, si habile qu'elle soit, ne doit pas apparaître : sinon elle empêche l'illusion et immobilise le tout. Au lieu de l'objet représenté elle fait voir le procédé, au lieu de la pensée, elle dénonce la main". Si vous voulez que l'on voit son résultat, cachez le travail.
Cette leçon doit être présente à chacun de nos actes. Quelle que soit la complexité d'un problème, le temps passé à le résoudre, il s'agit de mettre à disposition de ceux qui auront à l'affronter  des solutions simples et efficaces. Le professionnalisme consiste avant tout à valoriser la finalité de l'action et non à agir pour se valoriser. A cette condition, nous serons comme Ingres véritablement, et non faussement, modernes.

26/08/2009

Des professionnels, pas des héros

Le talent d'Ingres a beau transformer la supplique de Thétis en une incroyable scène de séduction, l'archétype n'est pas remis en cause : en cas de difficulté il convient de s'en remettre à Dieu, au sauveur, à l'homme providentiel (la figure de la femme providentielle reste, elle, à construire). Le mythe du chef, du leader, de la personnalité charismatique dont doit venir le salut est une constante qui ne se dément pas. Les recruteurs le savent bien à qui l'on passe souvent cette commande qu'ils ne savent pas toujours traduire de manière opérationnelle : à quoi reconnaît-on un chef, un leader, le charisme ? quoi qu'il en soit, le salut viendra de l'individu doté de qualités exceptionnelles, reste à le trouver.

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Ingres - Jupiter et Thétis
Souvenons-nous juste que Thétis est une nymphe, Jupiter un Dieu et qu'il s'agit de mythologie. Les toulousains, eux, ne l'ont pas oublié. Viscéralement rétifs au centralisme, à l'autorité descendante et à la soumission par principe à un ordre, ils font valeur de l'autonomie, de la compétence et du collectif. C'est ainsi que le Stade Toulousain vient de décider que pour la saison de Rugby 2010 il n'y aurait pas un capitaine dans l'équipe mais six. Six joueurs susceptibles de jouer alternativement le rôle de capitaine : parce que le niveau d'exigence est tel qu'un même joueur, qui n'est pas un héros, ne saurait s'y maintenir toute la saison, parce que celui qui est capitaine un jour doit savoir redevenir équipier un autre, parce que la responsabilisation de plusieurs est un atout, parce que enfin il s'agit de professionnalisme et non de mythologie. Combien de dirigeants sont prêts à reconnaître qu'ils ne sont pas tous les jours de l'année au mieux de leur inspiration et qu'ils seraient mieux avisés parfois de déléguer ou de s'abstenir plutôt que de se prendre pour Jupiter.

11/05/2009

Apprendre à désapprendre

Dans la chronique du 6 mai, Proust nous invitait à prendre du recul à partir de l’Odalisque d’Ingres et de l’Olympia de Manet, d’abord opposées par la critique avant de devenir sœurs dans l’excellence. Il constatait également que l’expérience sert rarement de leçon. Une découverte de ce week-end permet de se reposer la question : voyez-vous dans l'Odalisque et l'Olympia ci-dessous des horreurs ou des banalités ou bien de nouveaux chef d'oeuvres qui prendront place aux côtés des précédents ?

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Julieth MARS TOUSSAINT - Odalisque - 2008

Julieth Mars Toussaint expose à la Galerie Guigon à Paris des toiles inspirées de chefs d’œuvre de la peinture que l’artiste se réapproprie avec une grande liberté qui n’exclut pas une totale fidélité. Manifestement, chez lui les leçons du passé sont assimilées. Elles ne conduisent ni à la reproduction ni à l’inhibition mais au contraire favorisent une liberté extrême qui s’exprime avec une force et une vigueur incroyables.

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Julieth MARS TOUSSAINT - Olympia - 2006

Julieth MARS TOUSSAINT dispose d'une solide formation historique et académique. Pour aller sur sa propre voie il a du apprendre à désapprendre ce qu'il savait.

Construction/Déconstruction/Reconstruction, voilà un chemin fécond pour la création. Dans les cursus de formation, on peut construire, c'est bien. Déconstruire est nécessaire mais s'en tenir à cela est désastreux. Reconstruire n'est pas possible si les deux étapes précédentes n'ont pas été respectées. Proust aurait aimé Julieth MARS TOUSSAINT.

Un détail pour conclure : le prénom de Julieth lui a été donnée par sa mère après qu'elle eut déjà perdu deux garçons avant ou à leur naissance. Un ancien consulté lui avait dit : donne à ton futur garçon un nom de fille, il ne mourra pas. Sa peinture est là pour nous prouver que Julieth MARS TOUSSAINT est vivant et bien vivant.

12/11/2008

Autonome et dépendant

La compétence c’est l’accès à l’autonomie, à la maîtrise des situations professionnelles. Cette autonomie ne doit pas être confondue avec l’indépendance. On est rarement, pour ne pas dire jamais, compétent seul. Subsiste de manière permanente une dépendance à l’environnement, aux conditions de production de l’activité et…aux autres. De ce fait, le travail sur la compétence individuelle devient à un moment donné une impasse, car il repose sur l’idée que l’individu peut être indépendant alors qu’il s’agit de le rendre avant tout autonome, c’est-à-dire à la fois certain de son savoir et de ses capacités et conscient de la nécessité de la coopération. Le travail sur la compétence collective et les interdépendances est donc une étape indispensable de la construction de la compétence individuelle, c’est-à-dire de la véritable autonomie.

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Ingres - Raphaël et la Fornarina -
L'interdépendance du peintre et du modèle

Le peintre est autonome dans sa technique, dans la maîtrise de son œuvre, dans la production du tableau. Il est pourtant dans une dépendance mure, choisie et mesurée, pour peu que la passion ne s'en mêle, vis-à-vis du modèle. Cette interdépendance assumée est une véritable source de créativité, de la même manière que Picasso travaille longuement à partir d’Ingres, de Velazquez ou de Poussin pour produire des chefs d’œuvre uniques. Picasso n’est pas indépendant, il est sacrément autonome et a construit son autonomie dans une interdépendance librement choisie. Si personne ne doute de la compétence individuelle de Picasso, il est bon de se souvenir qu’elle a été construite et s’est exercée dans un dialogue permanent avec d’autres compétences.

15/05/2008

Valoriser l'action et non agir pour se valoriser

Le dos s'allonge infiniment, la réalité de le beauté est renforcée par son irréalité. L'Odalisque ne nous tourne pas le dos, elle nous le montre sans ostentation, sans provocation, avec un naturel qui n'a d'égal que le surnaturel de la chute de reins. Montrer sans faire voir. Tout le génie d'Ingres. Laissons lui la parole :"La touche, si habile qu'elle soit, ne doit pas être apparente : sinon elle empêche l'illusion et immobilise tout. Au lieu de l'objet représenté elle fait voir le procédé, au lieu de la pensée elle dénonce la main ».

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Ingres - La Grande Odalisque - 1804

 

L'action en ressources humaines doit avoir le souci de ne pas mettre en avant le procédé, ou le processus, mais le résultat, pas le moyen, mais la fin, pas le chemin, mais le port. Les outils doivent s'effacer au profit de la finalité et le responsable ressources humaines au profit des autres acteurs. En formation, par exemple, l'action de formation s'effacera derrière l'objectif recherché, comme pour l'évaluation de la performance, le support d'entretien s'effacera devant le contenu du dialogue. Agir sans laisser de trace et en ayant la volonté de ne pas en laisser : voilà l'exigence d'Ingres pour parvenir à la réalisation de l'oeuvre. Dernier des classiques et premier des modernes, Ingres mérite que l'on porte attention à ses leçons. 

02/03/2008

Ingres et les seniors

Quintessence de son art, condensé d'années de recherche, de milliers de calques et de dizaines de tableaux, chargé d'émotions et d'innovations auxquelles emprunteront maints épigones, dont Picasso n'est pas le moindre, le Bain Turc aura donc inspiré jusqu'aux Demoiselles d'Avignon.

 Ce chef d'oeuvre est également le dernier grand tableau peint par Ingres, à 82 ans, deux ans avant de s'éteindre. Les baigneuses étant là, la mort pouvait bien passer.

 

ME0000028982_3.jpg Quelques dirigeants d'entreprise et DRH pourraient utilement méditer devant ce tableau d'Ingres : si à 82 ans l'homme est capable d'un tel élan de créativité, de puissance picturale, de synthèse de toute une vie et d'une énergie remarquablement maîtrisée, aurait-il été raisonnable de le mettre en préretraite à 55 ans ?

15:24 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ingres