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13/01/2012

Complet

Par nature, conviction ou habitude professionnelle, j'ai plutôt tendance à être constructiviste. Plutôt tendance à voir des individus aux prises avec une réalité qu'ils élaborent à l'aune de leur propre cheminement qu'à considérer la connaissance, la vérité scientifiquement établie, le savoir, comme des Graals qui divisent le monde en deux : ceux qui les possèdent et les autres. Cette attitude constructiviste ne conduit pas nécessairement à un relativisme sans fin : il y a des valeurs pour mettre de l'ordre dans les constructions de chacun.

C'est cette vision de la connaissance et des apprentissages qui m'a toujours rendu incompréhensible, et mystérieuse, la fameuse phrase d'Hemingway : "Nous naissons avec tout notre avoir et nous ne changeons jamais. Nous n'acquérons jamais rien de nouveau. Nous sommes complets dès le début". Peut être un abus de Daïquiri ou plus certainement encore, un manque. Et puis j'ai eu un fils.

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Hemingway au complet

La phrase d'Hemingway est alors devenue une évidence. Certes l'irréductible constructiviste en moi se dit que c'est une expérience nouvelle qui a conduit à l'éclaircie. Mais il s'agit moins d'une construction que d'une révélation, au sens de la visite comme dirait Hélène Grimaud. Est de l'ordre de l'accès au mystère en effet le constat quotidien qu'effectivement nous sommes complets. Car l'enfant n'est pas un adulte en devenir, mais un être de toutes facultés dont il use à loisir. Que cette complétude ait besoin du temps du déploiement est une chose. Qu'elle ne soit pas un déterminisme, en est une autre que l'on validera aisément en vérifiant que tous les arbres ne connaissent pas la même évolution suivant leur lieu d'implantation, et pourtant ils sont également complets dès le début. Reste à devenir ce que nous sommes, selon l'injonction Nietzschéenne, ce qui éclaire définitivement la phrase d'Hemingway qui finalement, avait peut être bu lorsqu'il l'a écrite, la dose de Daïquiri qui convient.

17/08/2011

Paresse de la comparaison (2)

Certes, avec l'arbre, on se rapproche du vivant. Certes Brassens, entre autres, a célébré l'arbre repère et totémique dont il ne faudrait pas trop s'éloigner pour trouver le bonheur. Mais à ne pas quitter son arbre des yeux, on prend le risque de trouver que la laisse est courte.

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Port d'attache  (Home base) - Gilbert Garcin - 2006

La comparaison entre l'arbre et les hommes est non seulement suspecte mais schizophrénique : rappelons nous que les racines sont enterrées et que lorsqu'il ne reste que la souche c'est que l'arbre est mort, comme les nationaux de souche de tout poil.

Et ni l'arbre, ni la souche, ne verront la mer...à moins que....

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L'arbre qui voulait voir la mer - Gilbert Garcin - 2009

...des jambes n'apparaissent, rendant l'arbre plus humain et enfin nomade. La capacité de marche de tout humain est quasiment infinie. La sédentarisation est une mutilation dont l'horizon est le canapé. Cessons donc de comparer les humains à des arbres qui en sont à peu près l'antithèse, car petites ou grandes, c'est sur ses jambes que l'humain avance. Nietzsche et Rousseau, qui pensaient en marchant,l'avaient bien compris.

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20/05/2010

Parcours de supermarché

La sécurisation des parcours professionnels est devenue la réponse aux problèmes d'éducation, d'emploi et de formation. De manière emblématique, elle a fourni le nom du nouveau "supra-OPCA" national qui est chargé de réorienter une partie des fonds de la formation vers les salariés prioritaires : le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels a d'ailleurs lancé ses premiers appels à projets cette semaine (voir le site : http://www.fpspp.org). Mais quid de la nature des parcours ? la culture de l'ingenierie à la française, soit le modèle mathématique appliqué aux jardins, sévira-t-elle encore pour nous fournir des modèles de parcours préétablis, préformatés, calibrés, normés dans lesquels on fera entrer des cohortes de salariés et de demandeurs d'emplois, pour leur plus grand bien c'est évident. Poser cette question c'est se demander qu'est-ce qu'un bon parcours ? le parcours linéaire qui passe par la bonné école, le bon diplôme, le bon emploi, le bon réseau ? l'enchaînement logique d'étapes cohérentes qui séduisent tant les recruteurs ? le passage par des modules de formation standardisés qui vont fournir tout à la fois motivation, culture d'entreprises, recettes de bon aloi et outils de la performance à l'encadrement ?

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André Masson - Il n'y a pas de monde achevé - 1942

Tout cela manque un peu de vie, mais c'est toujours le cas lorsque l'on ne tolère l'herbe qu'aux endroits où l'on a prévu de l'herbe, et surtout risque d'être fort artificiel. C'était il y a plus d'un siècle, mais la modernité de l'éternel retour de Nietzsche ne se dément pas : il est temps de réhabiliter les chemins de traverse, les raccourcis à travers champs, les sentiers improbables, la pédagogie de l'errance et de la quête du bon chemin, l'importance du détour, la possibilité du demi-tour, la nécessité parfois de couper court, le plaisir de la route, le discernement des pistes effacées et au final la liberté et le développement de la faculté de choisir qui n'est guère compatible avec les autoroutes engorgées. Considérons que pour l'humain la notion de programmation est inappropriée, laissons le concept de linéaire à la grande distribution qui sait en faire bon usage et valorisons les véritables parcours : "Arrivée de toujours, qui t'en iras partout" (Rimbaud). Ah oui, la phrase de Rimbaud nous le rappelle : pour aller partout, il faut arriver de toujours, et donc avoir du temps.

30/07/2008

Chronique d'une réforme annoncée (IX)

Quand Heidegger travaillait-t-il ? Une des plus importantes oeuvre philosophique a été conçue en marchant dans les montagnes, en regardant "le moment où naissent les nuages". Nietzsche et Rousseau connaissaient aussi les vertus de la marche en montagne pour le travail. Plus près de nous, on peut se souvenir que Jean-Claude Quentin, Secrétaire Confédéral FO, préparait les négociations en allant à la pêche au coup.

 

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Le temps, c'est de l'art, Jean - Jean-Louis Bouzou - Collage 

Si l’on transfère la question vers la formation, elle ne se simplifie pas pour autant : quand nous formons nous ? en travaillant, c’est ce que nous dit la VAE, en formation, pour le temps observable de face-à-face pédagogique ou de mise en situation d’apprentissage, mais au-delà ? toute formation ne suppose-t-elle pas un temps de réappropriation, d’assimilation, de réflexion qui constitue la condition de l’apprentissage effectif ? comment tracer les limites du temps de formation et définir le régime applicable à ce temps ? la neuvième chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle,  fait l’hypothèse que la définition d’un régime propre du temps de formation peut résulter des dispositions actuelles relatives à la formation en dehors du temps de travail et que ce temps peut préfigurer une nouvelle approche du temps de formation, envisagé comme un temps personnel à finalité professionnelle. La négociation sur la formation devra, aussi, aborder cette question du temps.

chronique_temps_de_formation.pdf

06/06/2008

Reproduire ou produire ?

« Notre enseignement accable l’étudiant sous une masse d’informations non reliées entre elles ce qui évite :
-Toute liaison entre les disciplines ;

-De laisser le temps de la réflexion ;

-De laisser le temps de découvrir la culture non-officielle »

Est-ce une phrase de Cohn-Bendit en 68 ? de philippe Meirieu qui débat avec Finkielkrault sur les mérites comparés des savoirs et de la pédagogie ? d'un enseignant pris d'un doute sur son métier ?

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Munch - Nietzsche - 1906
 
Il s'agit en fait d'une phrase écrite par Friedrich Nietzsche en 1871 à propos de l'enseignement en Allemagne. Comme on peut le constater, tout change mais rien ne change.
Souvent centrés sur la restitution conformiste de masses d'informations peu ou pas digérés, nos systèmes d'examens à l'Université perpétuent ces vices ancestraux. 
On peut s'en apercevoir lorsque l'on tente de rompre avec de telles pratiques. Donnant à des étudiants une évaluation pour clore un module d'enseignement, j'eu droit à cette récrimination : "Mais monsieur vous nous avez donné à traiter un cas que l'on n'avait jamais étudié et qui faisait appel à d'autres connaissances que votre matière !".
Peut-on sans passer pour un donneur de leçon expliquer que la vie ne se présente pas à vous sous forme disciplinaire et que l'on passe son temps à traiter des situations jamais rencontrées ? espérons que oui parce que telle fut ma réponse