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01/05/2013

Menteurs !

Non, non, non. Il ne s'agit pas d'un  blog consacré à DSK, Cahuzac, Guéant ou quelques autres qui démentent laborieusement ce dont on les accuse, tout en avouant en partie, mais tout de même pas trop. Non, ce n'est pas un débat sur le mensonge en politique et la question de savoir, ultime défense du compteur en Suisse, si une promesse électorale non tenu est un mensonge plus ou moins condamnable qu'une fraude fiscale. Non il ne s'agit pas de tout cela. Mais bon Dieu, de quoi alors ? juste d'une petite phrase que les avocats insèrent à la fin des transactions,  en jargonnant le plus possible, car cela fait sérieux, ou incompréhensible ce qui d'ailleurs revient au même.

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Nathalie Pirotte - Menteur/Menteur - 2008

Cette petite phrase dit en substance qu'en application de l'article 2044 du Code civil la transaction règle toutes les questions passées, présentes et à venir liées à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail. Autrement dit, circulez il n'y a plus rien à voir, tout est réglé par le contrat et le juge n'est plus le bienvenu. Sauf que le juge s'invite souvent tout seul et n'a nul besoin d'être désiré pour intervenir. En l'occurence, la Cour de cassation refuse toute validité à de telles clauses et s'en tient au principe : la transaction ne règle que les litiges qu'elle vise expressément. Autrement dit, toutes les demandes portant sur des litiges qui ne sont pas précisément identifiés dans la transaction (avec les prétentions des parties et leurs concessions), sont recevables et ne peuvent se voir opposer la clause générale selon laquelle tous les litiges sont éteints. Que les juristes ne cherchent pas, il n'y a pas de manière de se protéger contre TOUT litige et le risque de contentieux est permanent. Ah si, il y a bien une protection contre les recours en justice : avoir respecté ses obligations. C'est bien plus efficace qu'une formule juridique dénuée de toute portée. Et cela évite de mentir.

Cour_de_cassation_civile_Chambre_sociale_24_avril_2013.pdf

22/10/2012

Le retour des contre-lettres

Après les lettres festives, voici le retour annoncé de missives beaucoup moins ludiques. Il s'agit des contre-lettres, ces contrats occultes par lesquels on s'engage mutuellement sur une opération en général illégale à laquelle on donnera une apparence légale et autre que la véritable intention des parties. Un exemple :  il s'agira de se mettre d'accord sur une rupture amiable d'un contrat de travail, tout en lui donnant l'apparence d'un licenciement, assorti d'une transaction dans laquelle chacun recevra ce que la contre-lettre a prévu. Si ces pratiques n'avaient pas totalement disparu depuis la création de la rupture conventionnelle en 2008, leur nombre s'en était trouvé considérablement diminué. Il faut dire qu'il n'était plus besoin d'escroquerie, car c'est bien de cela qu'il s'agissait avec la contre-lettre qui visait à contourner le fisc et l'URSSAF, puisque les mêmes droits (indemnité exonérée et assurance chômage) étaient attachés à la rupture conventionnelle et au licenciement. Plus d'intérêt donc à passer par des pratiques illégales, on pouvait aller au but en terrain découvert.

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Gaston Chaissac - Lettre

Mais voila que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 se propose d'instaurer un forfait social (entendez une cotisation supplémentaire) d'un montant de 20 % sur les indemnités versées à l'occasion d'une rupture conventionnelle. Si cette ample ponction avait également porté sur les indemnités de licenciement, on aurait compris que l'on se trouvait face à une mesure destinée à la fois à freiner les ruptures de contrat et à combler le déficit des finances non pas de la belle-mère mais de l'Etat. Mais que non. Il ne s'agit que de taxer les ruptures conventionnelles que certains aimeraient bien interdire car dans leur représentation elle ne sert qu'aux employeurs qui abusent à volonté de la volonté des salariés. Suggérons à tous  ceux-la d'aller faire un tour sur le terrain social et de demander leur avis aux principaux concernés. Mais le fait est là : la rupture conventionnelle sera taxée mais pas le licenciement. De ce fait, nous verrons ressurgir les petits arrangements à l'amiable, les accords secrets, les comportements délinquants (appelons les choses par leur nom pénal, c'est toujours plaisant) et autres occulteries de grand chemin. Dans cette affaire, il y aura au moins une catégorie sociale qui trouvera son bonheur : les avocats qui n'étaient guère sollicités pour les ruptures conventionnelles dont la simplicité garantissait l'autonomie de chacun, vont retrouver de l'activité avec les contre-lettres, les procédures de licenciement et les transactions.Il leur sera aisé d'expliquer que le montant de leurs honoraires est moins élevé que le coût du forfait social. Quant aux autres, ils devront soit payer le prix de leur accord, soit revenir à l'illégalité. Et voila comment une fois de plus en voulant faire le bonheur des gens malgré eux, on en revient à leur compliquer la vie.

22/12/2010

Articulations

On pourrait rapidement règler la question du régime de la rupture conventionnelle pour s'intéresser à celle  de son articulation avec une procédure de licenciement ou une transaction. Allons y donc.

La rupture conventionnelle peut être quasi-totalement sécurisée à deux conditions : que les délais de réflexion soient respectés et la volonté du salarié véritable et que soient passés en revue lors de la négociation, qui doit être loyale, tous les droits en cours dont il convient de règler le solde (congés payés, jours de RTT, DIF, salaires à percevoir, etc.).

Ceci étant fait, venons en aux articulations. Peut-on engager une rupture conventionnelle et, faute d'accord, enchaîner sur un licenciement ? oui à une condition. Que le processus de rupture conventionnelle, comme toute négociation, ait été ouvert et fermé. Ouvert par une première réunion officielle sur le sujet, fermé par un relevé de désaccord actant les positions des parties et l'impossibilité de parvenir à un accord. Pourquoi ? parce que si un licenciement est mis en oeuvre et qu'il doit ensuite y avoir transaction, les discussions relatives à la rupture conventionnelle ne doivent pas être assimilées à des pourparlers transactionnels qui, intervenus avant le litige, conduiraient à la nullité de la transaction. Attention donc à clôturer formellement toute négociation sur une rupture conventionnelle afin de retrouver de la liberté de décision.

En cette période de Noël, la poupée de Bellmer s'impose pour illustrer ce que peuvent être d'harmonieuses articulations.

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Hans Bellmer - Série "La poupée"

L'inverse est-il praticable ? à savoir, est-il possible d'interrompre une procédure de licenciement en  cours pour conclure une rupture conventionnelle ? la Cour de cassation l'exclut, considérant que dès lors qu'il existe un contexte conflictuel, la rupture conventionnelle est impossible En l'occurence, la procédure de licenciement serait considérée comme plaçant le salarié en situation de ne pouvoir exprimer librement sa volonté.

Dernière question, est-il possible de conclure une transaction après une rupture conventionnelle. Oui dans deux cas. Le premier concerne toute autre question que la rupture. En l'absence de litige sur la rupture puisqu'il y a eu accord, il peut y avoir conflit sur une autre question (salaires, heures supplémentaires, etc.). Et c'est sur cette question que doit porter la transaction avec toutefois la conséquence que portant sur des salaires et non sur l'indemnisation d'un préjudice, elle ne bénéficiera pas des exonérations sociales et fiscales liées à la transaction sur une rupture du contrat de travail.

La seconde hypothèse est celle d'une transaction portant sur l'accord de rupture. A priori il s'agit d'un non sens : pourquoi transiger si on s'est mis d'accord ? la conclusion d'une transaction supposerait que l'accord n'ait pas résisté au temps et qu'un litige oppose le salarié et l'employeur, par exemple sur l'absence d'une volonté véritable du salarié. Tel serait le cas d'un salarié qui invoquerait après coup une situation de harcèlement ayant vicié son consentement. Mais comment acter qu'un litige a supplanté l'accord autrement qu'en saisissant le Conseil de Prud'hommes de cette question ? et l'on réservera donc la possibilité de conclure une transaction valable aux litiges dont la preuve se déduit de la saisine d'un Conseil des prud'hommes, offrant alors le choix d'une transaction judiciaire ou extra-judiciaire.

Toutes les questions ayanté été réglées, vous voici disponibles pour construire de belles articulations et apprécier celles de la poupée.

20/12/2010

Rupture conventionnelle et transaction : halte au bluff !

Il se trouvera bien quelques avocats pour dire : "On vous l'avait bien dit !" et proclamer qu'il faut éviter la rupture conventionnelle et préférer la bonne transaction qui règle toutes vos affaires. Pourquoi ? parce que la Cour de cassation vient de juger le 15 décembre dernier qu'une rupture conventionnelle ne peut interdire au salarié d'intenter une action en justice contre son employeur. Ce dernier avait pourtant pris la précaution d'indiquer dans la convention que le salarié "renonce à toute contestation des conditions et de la rupture de son contrat de travail". Sur cette base, la Cour d'appel avait débouté le salarié de sa demande de rappel de salaires. A tort dit la Cour de cassation, la phrase n'est que bluff et ne peut priver le salarié du droit d'aller en justice.

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Fragonard - Blind man's bluff (colin-maillard) - 1751

Le problème est que le bluff est identique lorsqu'une telle phrase figure dans une transaction. De manière régulière, les juges acceptent des demandes de salariés qui ont conclu des transactions comportant une clause qui précise que "revêtue de l'autorité de la chose jugée, la présente transaction interdit au salarié de saisir les tribunaux pour tout différend né ou à naître relatif à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail". Comme dirait Jacques Chirac, ces clauses juridiquement tournées n'engagent que ceux qui y croient. Bluff ou droit psychologique, au choix, et dans tous les cas ignorance, on y croit pas trop, ou mauvaise foi du rédacteur. En effet, la Cour de cassation juge de manière constante que la transaction et ses effets sont limités au règlement des litiges qu'ils listent. De ce fait, un salarié peut saisir le juge pour faire valoir ses droits relatifs à des souscriptions d'action même s'il a signé une transaction comportant la mention "les parties renoncent de la manière la plus expresse à formuler toute réclamation que ce soit pour quelque cause que ce soit" (Cass. soc., 8 décembre 2009). Raté. Ou encore, la Cour suprême a permis à un salarié ayant transigé sur la rupture de son contrat en reconnaissant dans la transaction n'avoir plus aucun litige d'aucune nature lié à l'exécution ou à la rupture du  contrat de travail, de réclamer un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement (Cass. soc., 2 décembre 2009). Encore raté. Et l'on pourrait multiplier les exemples.

Le principe est pourtant simple : il n'existe pas de clause valide qui sécurise totalement l'entreprise contre un recours du salarié. Après une rupture conventionnelle, le salarié peut saisir le juge pour des heures supplémentaires ou du harcèlement, mais il peut également le faire après une transaction indemnisant la rupture du contrat de travail. Le désistement total d'instance est trop chose trop grave pour qu'on l'accepte sans modération, et puis manifestement les juges n'aiment pas le bluff. Peut être, par contre, aimeraient-ils jouer à colin-maillard chez Fragonard, et en l'espèce ils le méritent bien.

13/04/2010

Halte au bluff !

La prolifération de l'information s'accompagne du risque de la perte de qualité des messages transmis. Deux exemples en ce début de semaine. Sur France-Info une interview de Christina Gieser sur le DIF. Rappel du cadre légal qui nous présente un DIF très formel puis les infos chocs : l'employeur ne peut refuser le DIF que deux fois, la portabilité permet au salarié de transférer ses heures chez un ancien employeur, en cas de licenciement le droit est perdu s'il y a faute grave. Soit trois erreurs sur la nature du DIF, de la portabilité et de la loi du 24 novembre 2009.

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Alain Garrigues - Grain à moudre sur incohérences diverses - 2001

Dans un autre domaine, Isabelle Raoul-Duval, avocate, nous explique pourquoi la transaction est préférable à la rupture conventionnelle . Son article paru dans les Cahiers du DRH du mois d'avril 2010 nous fournit cinq raisons :  une plus grande sécurité juridique, l’exhaustivité, de la transaction, la discrétion, l’opposabilité immédiate, l’homologation judiciaire. Sur le premier argument, constatons simplement qu'il y a peu de contentieux sur les ruptures conventionnelles...et beaucoup sur les transactions qui veulent éviter le contentieux. Sur l'exhaustivité, l'argument est stupéfiant : l'imprimé CERFA de rupture conventionnelle ne laisserait pas la place de traiter toutes les questions. Notre avocate n'a pas imaginé que pourrait être établie une convention de rupture et que le CERFA n'était qu'un formulaire administratif aux fins d'homologation. Sur la discrétion, dans les deux cas il s'agit d'un contrat bilatéral sans publicité. Sur l'opposabilité immédiate et l'homologation judiciaire il suffit de faire une convention en respectant les délais et elle devient quasi-inattaquable. Mais là est peut être le problème : un formalisme simple et à la portée des parties, peu ou pas de contentieux, bref si la transaction est meilleure c'est sans nul doute pour les avocats. Pour les parties concernées, et non intéressées, on continuera à conseiller la rupture conventionnelle de préférence à la transaction.
Et plus que jamais, prenez la peine de vérifiez les informations, y compris celles qui vous sont livrées sur ce blog.


Ci-dessus l'interview sur le DIF diffusé par France-Info et le commentaire d'Alain Garrigues :
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Alain Garrigue - Divine Rigolade - 2009

14/12/2009

Une indemnité ambivalente

Depuis l'entrée en vigueur de la rupture conventionnelle, le doute planait sur le montant minimal de l'indemnité due au salarié. Pour le Code du travail, il s'agissait du montant de l'indemnité légale de licenciement. Pour les partenaires sociaux, l'accord sur la modernisation du travail du 11 janvier 2008 créant la rupture conventionnelle indiquait que l'indemnité de rupture ne pouvait être inférieure à l'indemnité conventionnelle de licenciement lorsqu'elle était supérieure à l'indemnité légale. Mais le texte n'était pas clair. Ils ont dans un premier temps conclu un PV d'interprétation disant que l'ANI du 11 janvier visait bien l'indemnité conventionnelle. Mais un PV d'interprétation n'a pas de valeur juridique. Ils ont alors conclu un ANI le 18 mai 2009 pour dire de manière explicite que c'était bien l'indemnité conventionnelle, mais qu'elle ne s'appliquerait qu'après extension de ce nouvel accord. Curieux texte qui confirme ce qui était dit mais en reporte les effets au nom de la sécurité juridique. L'extension est intervenue le 26 novembre dernier publiée le 27. Depuis le 28 novembre (un jour après la publication), toute rupture conventionnelle se traduit donc obligatoirement par le versement au salarié d'une indemnité conventionnelle égale à l'indemnité légale de licenciement ou à l'indemnité conventionnelle de licenciement lorsqu'elle est supérieure. Sauf, et oui il s'agit d'un ANI, pour les salariés des secteurs agricoles, de l'économie sociale, du secteur sanitaire et social, des professions libérales et des particuliers (secteurs situés en dehors du champ d'application des ANI).

A première vue, la nouvelle règle est plus favorable pour le salarié. En réalité, elle pourrait être ambivalente.

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Burton Silverman - Ambivalence - 1928

Lorsque la rupture conventionnelle intervient à la demande de l'entreprise, il n'est pas douteux que l'octroi d'une indemnité supérieure est un plus pour le salarié. D'autant que cette indemnité n'est qu'un minimum et que les règles d'exonération ouvrent largement la possibilité de négociation (au-delà de l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'indemnité de RC n'est assujettie qu'à CSG et CRDS dans la limite de deux ans de salaire). Par contre, lorsque le salarié est demandeur d'un départ et qu'il souhaite conclure une rupture conventionnelle plutôt que de démissionner pour bénéficier de l'assurance chômage ou pour sécuriser son départ vers une nouvelle entreprise, l'augmentation de l'indemnité peut constituer un frein important pour l'entreprise. Là où elle aurait pu négocier pour un faible coût (l'indemnité légale de licenciement est égale à 1/5ème de mois de salaire par année d'ancienneté), elle risque de trouver que le versement de l'indemnité conventionnelle de licenciement, parfois bien supérieure à l'indemnité légale, est un coût trop important et de ce fait refuser la rupture. Pour le salarié, il n'est pas possible de renoncer à l'indemnité conventionnelle, une transaction sur ce point étant par ailleurs dépourvue de valeur. Ce qui constitue une bonne nouvelle pour certains, peut donc devenir une difficulté supplémentaire pour d'autres. Si l'ambivalence peut avoir ses charmes, pas certain qu'elle soit au goût de tous.

CirculaireDGT8decembre2009-RC.pdf

10/12/2009

Retour de bâton

Dans un livre paru en 1992, Ernest Pépin conte les ravages que causa à la Guadeloupe dans les années cinquante le mythique Homme au bâton. Même si personne ne le vit, sauf les femmes qui l'accusèrent d'être la cause de leur grossesse inexpliquée, l'Homme au bâton répandit la terreur sur l'île, chacun multipliant les parades les plus improbables sans pouvoir éviter ses foudres. On échappe pas à l'Homme au bâton.

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Editions Folio 1997 - Première édition 1992

On n'échappe pas toujours non plus au retour du bâton lorsque l'on utilise le droit avec une mauvaise foi avérée, la même peut être que celle des jeunes femmes promptes à désigner l'Homme au bâton comme l'invisible auteur de l'outrage. Nombre de transactions, puisque c'est de cela qu'il s'agit, portent une formule générale en conclusion par laquelle le salarié s'interdit tout recours contre l'entreprise, la transaction mettant définitivement et irrévocablement fin à tous les litiges pouvant résulter de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail. La Cour de cassation vient de rappeler de manière catégorique qu'une telle clause était totalement dépourvue d'effet (Cass. soc., 2 décembre 2009). Une transaction ne peut régler que le ou les litiges qu'elle énumère et pour lequel, ou lesquels, l'entreprise et le salarié conviennent de concession réciproque. Il n'existe aucune formule légale permettant à l'entreprise de se protéger de manière définitive et absolue contre un recours contentieux du salarié : je transige sur le licenciement ? je peux demain être assigné pour des heures supplémentaires. Ce risque là ne peut être évité, pas plus qu'il n'est possible aux humains, et notamment aux jeunes femmes, de se prémunir contre la visite de l'Homme au bâton.

18/11/2009

Nemo auditur

Nemo auditur propriam turpitudinem allegans. L'adage est un des rares que les étudiants en droit retiennent aisément : rythme de la formule, mystère du nemo, trouble du turpitudinem, appropriation du propriam...on chercherait en vain les raisons de la résonnance particulière du latin. Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Ainsi en a jugé la Cour de cassation  le 10 novembre dernier à propos d'une affaire très banale : une entreprise a transformé en licenciements pour motif personnel des licenciements économiques et signé des transactions avec les salariés pour régler l'affaire. Pris de remords, ou plus exactement s'apercevant après coup qu'il y avait plus à gagner qu'à perdre, les salariés intentent une action en nullité de la transaction. Gagné. Mais mauvaise surprise, les tribunaux exigent la restitution des sommes perçues au titre de la transaction annulée. Les avocats des salariés s'indignent : l'employeur, au nom de l'immoralité des transactions conclues et de l'adage Nemo auditur...ne peut demander restitution des sommes. Si confirme la Cour de cassation.

 

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Nemo in Roppongi
Si les juges ne le mentionnent pas, il est fort possible qu'ils aient retourné l'adage et l'aient appliqué aux salariés : qui a signé une transaction nulle ne peut prétendre conserver les sommes reçues. On perçoit l'agacement des juges devant d'une part la prolifération de transactions qui constituent de manifestes détournement de la loi, quand il ne s'agit pas purement et simplement d'escroquerie (au fisc, à l'URSSAF, etc.), et d'autre part ces repentis tardifs des salariés qui remisent la mise et pensent que le prochain jackpot sera supérieur au premier. Dans l'affaire, nul n'est tout blanc. A l'occasion, rappelons que contrairement à certaines rumeurs, la rupture conventionnelle est une solution bien plus sécurisée que la transaction, qui présente également le petit mérite de la légalité sans turpitude.

30/10/2008

Rupture conventionnelle : le Quizz

La rupture conventionnelle du contrat de travail pose quelques questions, pas toujours exclusivement juridiques. En voici 6 :

- Quelle est la différence entre une rupture conventionnelle et une transaction ?

- Après l’homologation de la rupture conventionnelle, est-ce que le salarié est privé de tout recours contentieux ?

- Quel contrôle l’URSSAF peut-elle opérer sur la rupture conventionnelle ?

- Peut-on conclure une rupture conventionnelle en cours de procédure de licenciement (après l’entretien préalable par exemple et avant notification) ?

- Peut-on mettre une clause dans la rupture conventionnelle qui interdit aux parties de saisir les prud’hommes sur toute question concernant le contrat de travail après sa rupture ?

- Que peut faire l’employeur si un salarié souhaite conclure une rupture conventionnelle et réalise moins bien son travail pour forcer l’accord de l’employeur ?

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Rupture du barrage de Malpasset (Var)  - 1959

Les réponses aux six questions dans le document ci-dessous.

02/10/2008

Rupture conventionnelle….il ne faut pas transiger

La nouvelle rupture conventionnelle se met en place, plus d’un millier de rupture auraient déjà été homologuées par les DDTEFP au cours du mois de septembre. Mais l’appropriation de l’outil n’est pas encore totale. Notamment, la distinction entre rupture conventionnelle et transaction. Deux points méritent d’être précisés. Le premier est qu’il ne peut y avoir de transaction portant sur la rupture du contrat de travail lorsque celle-ci a été conventionnelle. La transaction ayant pour objet de régler un litige, elle serait nécessairement nulle si elle portait sur un accord, tout en permettant au salarié de contester ensuite la validité du consentement puisqu’une transaction a été nécessaire postérieurement à la rupture conventionnelle. Une transaction faisant suite à une rupture conventionnelle ne pourrait donc porter que sur l’exécution du contrat de travail, et non sa rupture, ce qui conduirait inévitablement à qualifier les sommes versées à titre d’indemnité transactionnelle de salaire.

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Rupture - copyright : Brisedemer

Le deuxième point concerne les effets de la rupture conventionnelle. Elle n’a pas les effets d’une transaction valide et n’interdit pas un contentieux ultérieur qui peut porter soit sur la rupture elle-même, et il faudra alors que le salarié démontre un vice du consentement pour remettre en cause la rupture, soit l’exécution du contrat de travail, une demande de paiement d’heures supplémentaires par exemple, puisque la rupture conventionnelle n’est pas un accord global qui clôt la relation de travail mais uniquement une manière d’y mettre fin par accord mutuel. Même s’il est possible de régler le sort de certains droits (clause de non-concurrence, crédit DIF, …) dans le cadre de la rupture, elle ne peut être assortie d’une clause générale indiquant que dans le cadre de la rupture le salarié considère qu’il est rempli de ses droits et qu’il renonce par avance à toute action. Une telle formule conduirait directement à la nullité de l’accord de rupture requalifié en transaction…non valide. Conclusion : soit la rupture conventionnelle, soit la transaction, mais pas les deux.

22/07/2008

Séparabilité

Le terme, d'habitude utilisé en mathématiques où il n'est pas synonyme de séparation, a été utilisé par Laurence Parisot qui faisait de la possibilité de rompre plus facilement la relation de travail un objectif. Les partenaires sociaux sont arrivés sur ce point  à  un accord le 11 janvier 2008, que la loi de modernisation du marché du travail vient de consacrer. La dernière pierre est apportée à l'édifice par la publication au journal officiel du 19 juillet d'un arrêté fixant le modèle de Rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée que devront utiliser les négociateurs d'une telle rupture.
 
Rappelons les avantages du dispositif : l'employeur et le salarié peuvent librement convenir de mettre un terme à leur relation, l'entreprise devra verser une indemnité de rupture au minimum égale à 1/5ème de mois de salaire par année d'ancienneté et au plus égale à deux ans de salaire (cette indemnité bénéficiant d'exonérations sociales et fiscales car n'ayant pas le caractère de salaire), la rupture doit avoir été convenu après un ou plusieurs entretiens, respecter un délai de rétractation de quinze jours pour chacune des parties et faire l'objet d'une homologation de la part du Directeur départemental du travail. Rien ne s'oppose donc à la séparation, préférons le terme à celui, impropre, de séparabilité dès lors que les parties en conviennent.
 
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La séparation d'Hector et Andromaque - Sculpture de Giorgio de Chirico (photo : Guesswhoandwhere) 
 
J'ai déjà signalé (voir note du 13 juin 2008) que cette forme de rupture pouvait constituer un faux-ami : l'entreprise peut s'inquiéter des files d'attente qui pourraient se former devant le bureau du DRH pour venir expliquer que la motivation est en train de baisser lentement mais surement et qu'une rupture assortie d'indemnités permettrait de régler gentiment la question, les salariés pour leur part peuvent craindre une détérioration de leur situation dans l'entreprise sauf s'ils veulent bien entrer en pourparler pour une séparation amiable. Le dispositif est si largement utilisable qu'il ne sera pas surprenant, comme souvent en matière sociale, que le pire et le meilleur se cotoient.
 
Mais au moment de l'entrée en vigueur du dispositif, faisons le pari qu'à travers la rupture conventionnelle le législateur vient de réouvrir en grand la porte des préretraites ASSEDIC. Rendez-vous dans quelques mois pour en juger.
 

13/06/2008

La rupture conventionnelle : un faux-ami ?

La loi sur la modernisation du marché du travail rénove le régime de la rupture conventionnelle. Jusque-là, ce mode de rupture dont le code du travail ne prévoyait pas précisément le régime, était assimilé à une démission quant à ses conséquences : le salarié donnant son accord pour quitter l'entreprise, il n'avait pas droit à percevoir une indemnité et n'était pas pris en charge par l'assurance-chômage. De ce fait, mais aussi souvent pour éviter des licenciements économiques ou pour contourner les régles restrictives en matière de mise à la retraite, on a vu proliférer ces dernières années les "faux" licenciements avec transaction à la clé pour permettre au salarié de percevoir une indemnité exonérée de charges et d'impôts et de percevoir l'assurance chômage.

Conscients de ces dérives, les partenaires sociaux ont négocié un nouveau régime de rupture destiné à donner un cadre juridique adapté à ces pratiques illicites. Comme pour la période d'essai (voir chronique précédente) il s'agit d'éviter l'illégalité en tenant compte des pratiques et en faisant évoluer le droit pour redonner un cadre légal. L'intention est louable et les employeurs ont d'autant plus consenti à la négociation qu'ils considèrent que la rupture conventionnelle clôt de meilleure manière le litige que la transaction, ce qui est vrai : alors que les juges remettent en cause la transaction de plus en plus souvent, notamment si le salarié démontre que des négociations ont précédé le licenciement, il sera très difficile de remettre en cause une rupture conventionnelle établie selon un process qui offre des garanties pour le salarié et l'imprimatur de l'administration. 

Toutefois, à l'usage, cette nouvelle rupture conventionnelle pourrait se révéler pour les entreprises et les salariés un faux-ami.

 

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Au rendez-vous des amis - Max Ernst - 1922
 
Faux-ami pour les entreprises d'abord : avec le nouveau régime très favorable de la rupture conventionnelle, quel salarié va continuer à démissionner, sauf s'il est en partance pour une opportunité plus favorable (et encore). L'intérêt sera d'amener l'entreprise à la négociation. Combien de salariés, par ailleurs, vont saisir l'occasion de cette nouvelle rupture pour proposer à l'entreprise de négocier sur leurs départs. D'autant que si la loi fixe un plancher d'indemnité de départ, l'indemnité légale de licenciement, il n'y a pas de plafond et les limites d'exonération sont fixées très haut (2 ans de salaire). Le risque pour l'entreprise est de se retrouver à gérer ....des files d'attente de salariés qui souhaitent partir et qui vont voir-là une opportunité d'autant plus intéressante que le chantage à la productivité (baisse maîtrisée des activités...) devrait faire son apparition.

Faux-ami pour les salariés ensuite car la tentation risque d'être forte, notamment en cas de besoin de capital, d'essayer de négocier un départ avec l'entreprise dans de bonnes conditions....sans prendre en considération le fait que l'accès à l'emploi se fait plus facilement depuis un autre emploi que depuis le chômage et que la prime immédiate est parfois un chèque sur l'avenir.
 

Avant de se précipiter sur la mesure, il est donc important de prendre le temps de la réflexion et de déterminer quels objectifs l'entreprise va poursuivre sur ce dispositif nouveau  qui va nécessiter un temps d'appropriation. Dans cette réflexion, il faudra prendre en compte le taux de turn-over souhaité, le message que tout départ peut s'acheter, l'effet de prolifération, etc. Décidément, il n'est vraiment pas évident que la vie des DRH s'en trouve simplifiée.

En pièce jointe, les nouvelles dispositions du Code du travail avec les commentaires :
 
La Rupture Conventionnelle.doc