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13/07/2011

Une preuve par l'exemple

Dans le débat relatif à la réforme des OPCA, une pièce pourrait être ajoutée au dossier : celle de la négociation qui vient de s'achever à propos des Missions de l'Agence pour l'Emploi des Cadres (APEC). L'APEC est financée par des cotisations obligatoires des entreprises et des salariés mais vend également des prestations. Cette activité marchande pose la question du respect du droit de la concurrence et aurait pu conduire à scinder l'activité de l'APEC en deux : d'une part les prestations financées par le régime de contributions obligatoires, d'autre part les prestations vendues. Les partenaires sociaux sont parvenus à éviter cet éclatement en distinguant trois prestations différentes :

- les prestations d'intérêt général rendues dans le cadre des cotisations obligatoires. Elles relèvent d'une mission de service public (service économique d'intérêt général selon la terminologie européenne) ;

- les prestations non marchandes : elles ne sont pas vendues mais financées par les contributions dans le cadre d'un mandat de service public et au prix du marché ;

- les prestations vendues : elles ne peuvent recevoir aucun financement par les cotisations et doivent intégralement se financer aux conditions du marché.

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Francis Bacon - Triptyque - 1976

Le peintre qui réalise un triptyque peint trois tableaux. Pour autant, chacun de ces tableaux ne trouve du sens que dans la cohérence de l'ensemble. C'est à ce résultat que sont parvenus les partenaires sociaux dans la négociation sur l'APEC. Voilà un bel exemple à suivre pour la négociation sur les missions des OPCA qui pourraient être organisées de la manière suivante :

- les missions d'intérêt général rendues à toutes les entreprises dans les mêmes conditions et financées par les frais de gestion et de mission ;

- les missions non marchandes, financées par les frais de mission et dont le contenu serait négocié dans le cadre de la COM ou bien financées par des contributions conventionnelles supplémentaires ;

- les prestations complémentaires vendues au prix du marché et gérées de manière autonome des autres prestations.

Ce schéma simple est de nature à garantir à la fois la qualité des services et leur niveau par la multiplicité des sources de financement. Il satisfait à la fois à la législation française et au droit européen. Il s'appuie sur un exemple existant. Il pourrait donc être facilement décliné pour les OPCA. A moins qu'il ne se trouve quelqu'un pour expliquer que ce n'est pas possible. Il faudra alors dire si c'est pour des raisons juridiques ou politiques, car par les temps qui courent le droit a souvent bon dos.

ANI APEC.pdf

05/07/2011

Le DIF à la forge

La branche de la Métallurgie vient de renégocier son accord relatif à la formation professionnelle. Mis à la signature le 1er juillet 2011, ce texte devrait recueillir l'aval des organisations syndicales. Il annule et remplace tous les accords précédents sur le même sujet, rendant beaucoup plus lisible le dispositif de formation de la métallurgie. Petit zoom dans le cadre de cette chronique sur le DIF repassé à la forge pour une mise au goût du jour.

Tout d'abord, l'accord de branche ne s'applique qu'à défaut d’accord d’entreprise : priorité à la négociation de proximité. Leçon de l'expérience car le DIF est mis en oeuvre de manière très différente selon les entreprises.

Ensuite une approximation : l'accord prévoit que tout titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée bénéficie chaque année de 20 heures de DIF. Il liste ensuite les cas de suspension du contrat de travail qui ouvrent droit au DIF. Ces dispositions sont incohérentes. Pour qu'elles aient du sens il aurait fallu que le DIF soit lié au travail effectif. Etant lié à l'existence du contrat, il en résulte mécaniquement que seules les absences qui n'ouvrent pas droit à l'ancienneté (interruption du contrat et non suspension) ne sont pas prises en compte. Seule exception légale : le congé parental à temps plein.

 L'accord du 1er juillet prévoit également que toutes les formations entrant à la fois dans le champ de la FPC, de la politique de formation de l'entreprise et dans les orientations de la branche relèvent du DIF. Exit l'interdiction de faire du DIF sur les actions d'adaptation au poste de travail. L'accord en revient finalement à l'approche légale qui ne fait aucun lien entre les catégories de formation et le DIF. Voilà un bon coup de soufflet sur le champ du DIF dans les forges de Vulcain.

LesForgesdeVulcain-Velazquez-1630.jpg

Velazquez - Les forges de Vulcain - 1630

Dans la série des coups de limes salutaires, les négociateurs ont également prévu que le DIF pouvait être convenu lors de l'entretien professionnel ou sur demande du salarié. C'est l'accord qui est mis en avant et non l'initiative.

Dans la même veine, il est prévu qu'un accord bilatéral, employeur-salarié, peut librement déterminer si le DIF s'effectue pendant ou en dehors du temps de travail.

Par contre, l'accord ne règle pas, de manière fâcheuse, l'approximation légale qui veut que si seule la faute lourde prive du DIF, ce dernier en cas de licenciement doit être demandé pendant le préavis. Reprendre ce régime légal bancal ne permet pas d'offrir une solution certaine aux entreprises et aux salariés en cas de faute grave. Une prise de position plus courageuse aurait été bienvenue.

Enfin, on notera que l'accord lève l'ambigüité de l'accord précédent sur le DIF en cas de démission. L'accord métallurgie est un des rares accords à prévoir qu'en cas de démission le DIF est de droit. Il est dorénavant précisé que l'engagement de l'entreprise est plafonné comme en matière de licenciement. Cette précision, qui ne figurait pas dans la précédent accord, permet de porter les droits du démissionnaire à hauteur de ceux du salarié licencié, sans aller au-delà.

Au final, plutôt de la belle ouvrage, même si manifestement il est encore possible de peaufiner l'usinage.

AccordUIMM1erJuillet2011.pdf

30/06/2011

Fin de partie

La pièce est à épisode et celui qui se clôt n'est pas le dernier. La réforme de la formation professionnelle, qui en réalité est surtout une réforme des OPCA, débutée en juillet 2008 va connaître son premier épilogue dans les prochains jours. Les dernières négociations sont en cours pour finaliser la recomposition des OPCA et définir leurs nouvelles modalités de fonctionnement. Le processus a été long, initié par la lettre de Christine Lagarde aux partenaires sociaux en juillet 2008, le nombre d'intervenants dans le débat a été pléthorique (Rapports du Sénat, de l'IGAS, de la Cour des comptes, du groupe quadripartite présidé par Pierre Ferracci...), les partenaires sociaux ont conclu un ANI le 7 janvier 2009, le législateur a voté la loi du 24 novembre 2009.

Restait la mise en oeuvre pour terminer la première partie, la mise en ordre de marche, avant de pouvoir juger de l'efficacité du nouveau système. Et c'est peu de dire que cette fin de partie tourne au fiasco.

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Dorothéa Tanning - Endgame - 1944

Chargée de piloter le dossier, la DGEFP a commis deux erreurs majeures. La première sur le fond : considérer que dans un système qui associe de multiples acteurs, qui repose depuis l'origine sur l'articulation entre le législateur et la négociation collective, il était possible de faire prévaloir une vision autoritaire, monolithique, administrative et unilatérale des textes adoptés, parfois même sans en respecter ni la lettre ni l'esprit. La deuxième erreur est de méthode : en faisant paraître en toute fin du processus de négociation, des positions qui prennent à rebours l'histoire et le droit, la DGEFP soit méconnait la dynamique de la négociation collective, soit se donne pour objet de mettre à mal, ou plus exactement sous tutelle, la gestion paritaire.

Les partenaires sociaux ont décidé de ne pas s'en laisser compter, et pour la plupart de maintenir leur position dans les accords qui seront conclus. Conclusion : soit la DGEFP fait évoluer sa manière de considérer les OPCA et la négociation collective, prenant notamment la mesure de la loi Larcher, soit il reviendra au juge de jouer les arbitres.

La 12ème chronique consacrée à la Fabrique des OPCA, écrite avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF, revient sur ce fiasco et identifie les questions qui pourraient faire l'objet de contentieux, ainsi que celles qui demeurent pendantes faute d'avoir eu la volonté de les traiter par le dialogue.

La Fabrique des OPCA 12.pdf

 

24/06/2011

Faire face

Comme le torero se présente face au taureau, le danseur de flamenco ouvre sa poitrine comme un défi à tous les dangers. Pour les deux, il s'agit moins de ne pas avoir peur que de décider d'aller au-delà de cette peur.

Nous avions exprimé, avec Jean-Marie Luttringer, le souhait que les partenaires sociaux n'aient pas peur de prendre des positions qui n'étaient pas celles de l'administration, notamment telles qu'exprimées dans le "Questions/Réponses" relatif à la réforme des OPCA. Il fallut dépasser le temps de la stupeur pour que vienne celui de la réaction. Par un communiqué daté du 17  juin, le CPNFP conteste les positions prises par la DGEFP et réaffirme l'existence d'un champ de négociation autonome sur la formation. Jeudi 23 juin, les partenaires sociaux envisagent de saisir le Conseil d'Etat sur la légalité de textes qui n'ont pas été présentés au Conseil National de la Formation Professionnelle Tout au Long de la Vie (CNFPTLV). Dans les négociations en cours, des dispositions relatives à Conseils d'administration territoriaux ou sectoriels paritaires, à des ressources purement conventionnelles, à des sections professionnelles ayant autorité (sous le contrôle du Conseil d'administration, bien évidemment) sur les politiques de branche, sont maintenues contre l'avis de l'administration. Un petit air de flamenco sonne aux oreilles.

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Cristina Hoyos et Antonio Gades

Ne pas avoir peur de l'épreuve de force, être capable de faire une entrée en mêlée musclée si cela s'avère nécessaire, est le meilleur moyen de ne pas perdre le match avant de l'avoir joué, surtout lorsque l'adversaire joue également le rôle d'arbitre. Car là est bien le problème de fond. Lorsque l'arbitraire et l'autoritarisme tiennent lieu de méthode de Gouvernement, tout va bien lorsque tout le monde se couche et se soumet. Mais il suffit que quelqu'uns se relèvent et l'on voit alors rapidement combien le Roi est nu. Encore faut-il avoir la volonté de faire face. On ne peut que se féliciter que les partenaires sociaux l'aient eu.

Délibération CPNFP du 17 juin 2011.pdf

21/06/2011

Moi je...connais pas le socle de compétences

Revaloriser l'apprentissage, augmenter le nombre d'apprentis, à peu près tous les Gouvernements ont affiché cet objectif depuis trente ans (loi de 1971 sur l'apprentissage). Quand soudain surgit Nadine Morano, annonçant par voie de radio, TV et presse écrite : "J'ai décidé de mener une véritable révolution culturelle dans notre pays". Diable. Et aussi : "J'ai créé un Club de l'apprentissage", puis encore "J'ai lancé une campagne de communication", ce n'est pas fini "je suis en train de négocier avec les régions" mais nous arrêterons à "j'ai signé le premier contrat le 1er juin".

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Dans leur accord du 7 janvier 2009, les partenaires sociaux, quelque peu malmenés ces temps-ci  par le Gouvernement, ont défini quatre compétences clés sur le marché du travail. Ce socle de compétences est le pendant, pour la formation continue, du socle de connaissances de la formation initiale. Il se compose de la maîtrise d'une langue, de la maîtrise des outils informatiques et bureautiques, de la capacité à apprendre et de la capacité à travailler collectivement. Travailler collectivement ? oui mais cela passe par un apprentissage.

20/06/2011

Un peu d'histoire

Il faut éclairer l'histoire par les lois et les lois par l'histoire. Ainsi s'exprimait Montesquieu. Le juriste toulousain Hauriou estimait, pour sa part, que si un peu de sociologie éloigne du droit, beaucoup de sociologie y ramène. Bref, si l'on perd de vue les conditions de production de la règle, il y a de fortes chances que l'on en perde le sens. C'est ce qui arrive à la DGEFP, dont les positions deviennent ubuesques, lorsqu'elle explique à des OPCA qu'ils ne peuvent déléguer à des structures paritaires territoriales ou sectorielles, en s'appuyant sur un texte dont l'histoire démontre qu'il signifie exactement le contraire de que l'on voudrait lui faire dire. Mais qui veut tuer son chien...

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Félix Labisse - Lucrezia - 1972 - Série "Les faiseuses d'histoire"

Le droit c'est de la technique, dans l'art de le manier, et de la politique, dans l'usage que l'on en fait. En prétendant que toute délégation de gestion doit être faite à un organisme patronal, la DGEFP commet une double erreur. La première est technique, les OPCA sont des organismes paritaires et le principe de paritarisme, légal, prévaut sur une exception fixée par décret. La seconde est politique. En utilisant, avec au choix incompétence ou mauvaise foi, un argument aussi faible pour remettre en cause le paritarisme, l'administration tente de faire prévaloir une vision autoritaire des relations sociales que l'on croyait dépassée au moins depuis l'adoption en 2004 du nouvel article premier du Code du travail. Et sur ce plan également, une approche historique du paritarisme et des dynamiques de la négociation collective aurait du conduire sur d'autres voies. En ces périodes de baccalauréat, il en est qui ont sérieusement besoin de réviser.

UN OPCA PEUT-IL AVOIR DES DELEGATIONS PARITAIRES.pdf

16/06/2011

Et surtout, trichez !

Injonction de jour de bac : Trichez ! ne lésinez pas sur les moyens, connectez vos portables, utilisez vos oreillettes, allumez vos I-pad, sortez vos micro-fiches, pianotez sur vos calculettes, allez bouquiner dans les toilettes, déroulez vos papyrus, utilisez les technologies, les ruses potaches, la coopération subsersive, bref résistez en trichant.

Mais résister à quoi au juste ? à ces examens qui ne sollicitent que votre mémoire, votre capacité de régurgitation, votre conformisme reproductif, votre capacité à réciter par écrit, votre absence de créativité, votre formatage par le corrigé type et l'obéissance aux canons de l'examen. Vos examinateurs sont des sots ? ne tombez pas dans le panneau, soyez moins stupides qu'eux, trichez. Et obtenez votre examen haut la main et sans scrupule car la capacité d'adaptation, l'inventivité et la résistance à l'inutile méritent récompense. Dans ces conditions, comme l'avait compris Marcel Carné, les tricheurs, c'est l'avenir.

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L'Education nationale aura réussi son rôle d'éducateur le jour où tous les documents seront autorisés aux examens. Où l'accès à l'information sera libre. Et où on demandera aux impétrants de démontrer leur capacité à gérer cette information, à l'utiliser pour des productions qui font sens, à faire preuve d'engagement personnel, de capacités de choix, d'argumentation et de mise en relation de compétences pluridisciplinaires. Où les méthodes de travail n'apprendront pas à reproduire mais à travailler, où la compétence ne sera pas considérée comme un avatar de la connaissance mais comme sa sublimation. C'est pas demain ? et non, demain c'est le jour où il faut tricher.

15/06/2011

Allô, l'Etat ? ici la démocratie sociale

Suite du feuilleton des OPCA et plus largement de la négocation sur la formation professionnelle. Dans une interview donnée à l'AEF, Jacques Barthélémy revient sur la possibilité pour un accord collectif de prévoir des contributions conventionnelles en matière de formation professionnelle. S'appuyant tant sur le droit constitutionnellement garanti de la négociation, les principes du droit conventionnel et les principes du droit de la formation, Jacques Barthélémy confirme, pour ceux qui en douteraient encore, que la position de la DGEFP excluant toute création de financement en dehors des règles fiscales ne repose sur aucun fondement.

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LONDRES

Rappelons que la DGEFP estime que la création d'une obligation conventionnelle ayant pour objet le financement de dispositifs de formation professionnelle non prévus par le code du travail « ne peut être envisagée, aucune disposition législative n'autorisant expressément la création d'une ou de plusieurs contributions conventionnelles permettant de remplir l'obligation fixée à l'article L.6331-1 en sus des articles créant l'obligation légale. ».

Jacques Barthélémy rappelle qu'il ne s'agit pas de remplir l'obligation légale de financement, mais de dégager des moyens conventionnels, supplémentaires aux financements fiscaux et n'ayant pas la même nature, dans le cadre de la capacité générale des partenaires sociaux à créer des garanties collectives pour les salariés.

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PARIS

Une certaine culture française voudrait qu'en l'absence de texte spécial, l'interdiction prévale. Comme s'il fallait faire fi des principes et que l'opérationnel n'existait que dans la prescription. On voit comme cela finit : attendre que l'on vous indique où vous pouvez vous coucher. Dans cette affaire, on aimerait, au nom de la démocratie sociale qui en a bien besoin, que les partenaires sociaux refusent de se plier à l'injonction et que, d'une manière plus générale, ils ne se couchent pas.

Place du champ conventionnel en formation-J.Barthelemy.pdf

14/06/2011

L'énigme des pierres d'achoppement

Entre un peu de travail le week-end pour absorber ce qui peut l'être du travail en retard et les jours fériés qui n'en sont pas mais que l'on ne travaille pas, on s'y perd un peu. Alors pourquoi pas une chronique de week-end en semaine, avant de reprendre le cours de la réforme des OPCA et du débat sur la négociation et la loi, si l'AEF veut bien publier l'interview qu'elle a réalisée de Jacques Barthélémy sur ce sujet.

Petit intermède donc avec un retour sur les pierres d'achoppement. Les quoi ? les pierres d'achoppement qui font référence au Facteur Cheval. C'est en butant sur une pierre lors d'une tournée à travers champ, que le Facteur Cheval, intrigué par la forme de la pierre, commença le travail qui le conduisit à bâtir son palais à Hauterive. Chacun a ainsi ses pierres d'achoppement qui jalonnent son parcours. Moments où se cristallisent en un jaillissement faussement hasardeux quelques unes des clés de notre existence. En voici une livrée ici.

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Magritte - Les valeurs personnelles

Adolescent, je n'accordai pas un intérêt particulier à la peinture. Les sujets naturalistes m'ennuyaient et la peinture onirique me paraissait peu crédible. Je n'entendais rien à la peinture abstraite. Et puis j'ai découvert, dans une revue pour enfants, cette peinture de Magritte. Dans laquelle j'ai buté. Le thème de la chambre fait certes écho à l'adolescent, mais il y avait autre chose. Le fait que l'on pouvait à la fois peindre de manière réaliste et réaliser une peinture onirique. Que les deux ne s'opposaient pas. Qu'au contraire, c'est dans l'union des contraires que se trouve la voie de l'innovation et du merveilleux. Que la capacité à produire des synthèses à partir d'éléments disparates est une voie de connaissance. Cette révélation demeure. Les pierres d'achoppement font d'excellentes pierres de taille.

13/06/2011

Pour en finir (en partie) avec la formation

La lassitude peut avoir ses charmes. Après l'intensité de l'effort, sentir le corps s'abandonner au repos est un plaisir total. Il faut avoir beaucoup donné pour aspirer au temps suspendu. Qui a cavalé goutera plus intensément l'immobilité. Irrésistiblement, les contraires se nourrissent et s'attisent. La dialectique de nos passions contraires est une infinie source de plaisir. Mais cela suppose de concilier ce qui s'oppose et de dépasser chaque synthèse par une synthèse nouvelle. La notion de formation a longtemps été une synthèse suffisamment structurante et active pour promouvoir le développement des individus. Tel n'est plus le cas aujourd'hui. Telle les ménades épuisées de Sir Lawrence Alma-Tadema, la formation est un concept qui en vient à produire des effets négatifs et qui est incapable de générer des dynamiques nouvelles.

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Sir Lawrence Alma-Tadema - Ménades épuisées après la danse - 1874

La notion de besoin de formation a longtemps été utilisée pour promouvoir la formation dans l'entreprise. Elle conduit aujourd'hui à une triple impasse. En premier lieu, la formation étant un moyen, parler de besoin de formation (et non de besoin de compétences) c'est privilégier le moyen sur la fin et surtout considérer que seule la formation permet de développer les compétences, en oubliant tous les autres moyens. En second lieu, rendre synonyme besoin de formation et besoin de compétences, laisse penser que la formation ne peut avoir pour objet que le développement des compétences, ce qui occulte toutes les autres finalités possibles : reconnaissance, communication, changement culturel, innovation,...Enfin, parler de besoin de formation, ou même de besoin de compétences, ne nous dit rien sur la finalité de l'action : de la formation ou des compétences pour quoi faire ?

La notion de besoin de formation est aujourd'hui épuisée, il est temps de la mettre au repos. C'est sans doute également vrai pour la notion de plan de formation et cela ne tardera pas à l'être pour les services formation. Cette focalisation sur un moyen exclusif de développement professionnel a fait son temps. La danse fût belle, mais voici venu le temps du repos.

Par quoi remplacer besoin de formation, plan de formation et service formation ? par professionnalisation ou développement professionnel serait une première étape qui permettrait de tenter une synthèse entre le moyen et l'objectif. Synthèse élargie, elle permettrait sans doute de faire émerger de nouvelles dynamiques. Jusqu'à l'étape suivante. Bon lundi et bonne semaine à tous.

08/06/2011

Le DIF ? une Chance !

Dans une décision du 18 mai dernier, la Cour de cassation juge que "le salarié, dont la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est justifiée et qui n'est pas tenu d’exécuter un préavis, a droit à être indemnisé de la perte de chance d'utiliser les droits qu'il a acquis au titre du droit individuel à la formation".

Pour ceux qui défendent l'idée que le DIF est un droit dont le salarié aurait seul l'usage, un capital individuel en quelque sorte, voici un sujet de préoccupation : le DIF est une chance ! autrement dit, une possibilité. La Cour de cassation ne sanctionne pas l'impossibilité d'utiliser un droit, du fait de la rupture, mais la perte de la possibilité, donc de l'éventualité, de son utilisation. Résumons : le DIF c'est 4 droits. Le droit à un crédit, le droit à l'information, le droit à la négociation de l'utilisation du crédit (droit d'initiative et droit d'avoir une réponse) et le droit à portabilité. Ce n'est ni un droit de consommation, ni un droit de créance.

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Giovanni de Lutero - La Fortune : La Chance

Chacun des droits est sanctionnable  : le défaut de gestion du crédit, le défaut d'information, le défaut de réponse ou le défaut de mise en oeuvre de la portabilité. Sans doute l'employeur pourrait-il également être condamné pour ne pas avoir conduit une négociation loyale sur le DIF ou pour avoir opposé des refus illicites (budget insuffisant, non prise en charge par l'OPCA, etc.). Mais il est peu probable que l'impossibilité de se mettre d'accord après une négociation loyale trouve un jour une sanction juridique.

En réalité, qui veut favoriser le développement du DIF doit porter son regard non sur le moyen (le DIF lui même) mais sur la finalité. Lorsque le DIF est demandé par le salarié pour renforcer sa compétence, pour travailler dans un meilleur confort et une meilleur sécurité ou pour anticiper sur des évolutions d'emploi connues, voire sur une situation personnelle (inaptitude par exemple) : son refus par l'entreprise constitue un manquement à ses obligations de gestion des compétences dans le domaine de la performance du salarié, de sa santé ou de ses obligations de veille à l'évolution de l'emploi. Et c'est à ce titre que le refus de DIF sera sanctionnable. Par contre, si le salarié s'obstine à passer par la voie du DIF pour des projets personnels, peu de chance, donc de possibilité, qu'il reçoive l'aide du juge. Comme disent les Québécois, si tel était le cas, le salarié serait bien chanceux !

06/06/2011

Première fois

Mieux que les marroniers des journalistes, il y a les thématiques manageriales. Elles reviennent en toute saison, sont indémodables et peuvent être commentées à l'infini. Mais celle qui demeure l'énigme absolue, plus que celle d'Oedipe, c'est la motivation. Qu'est-ce qui fait que l'on se met en mouvement ? qu'est-ce qui conduit à s'investir dans une activité parfois au-delà du raisonnable, qu'est-ce qui allume la flamme tous les matins ou au contraire l'empêche d'éclore ? toutes les théories de la motivation ont pu fournir des bouts et morceaux de réponse, mais peu de certitudes. Peut être parce que la question est résolument individuelle ? peut être. Si la question de la motivation peut ainsi se poser un lundi matin, c'est du fait de deux évènements sportifs survenus ce week-end.

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Comment le Stade Toulousain peut-il rester motivé pour aller au bout de l'énergie d'arracher un 18ème titre de champion après avoir été mené pendant 70 minutes (sur 80). Comment l'entraîneur peut-il conserver cette envie formidable de victoire alors qu'il a conquis 9 titres de champion et 4 coupes d'Europe ? Autre lieu, autre sport, Rafael Nadal a remporté son 6ème tournoi de Roland-Garros. Quel mental faut-il avoir pour mettre autant d'énergie dans chaque balle frappée et avoir de l'énergie encore, couronnée par un désir de victoire qui forge une volonté aussi inflexible que les reins d'un danseur de flamenco.

Peut être qu'une des raisons est à rechercher du côté du plaisir. Et peut être qu'une autre est de faire partie de ceux pour qui la 10ème, la 100ème ou la 1000ème fois est fondamentalement vécue, toujours, comme une première fois. Et peut être que ces deux raisons n'en font qu'une. Bonne semaine à tous.

27/05/2011

Bonheur des autres

Mais non nous ne vivons pas dans un monde de brutes. Il y a des milliers de biens intentionnés qui ne pensent qu'au bonheur...des autres. Par exemple, le Responsable formation qui va dépenser une énergie considérable pour que les salariés puissent partir en formation,  utiliser leur DIF et s'intéresser à leurs compétences. Ou alors le Responsable ressources humaines qui va rendre service au manager en lui mettant à disposition une information complète sur la formation et un guide très détaillé à propos du DIF. Mais aussi les OPCA qui inondent les entreprises d'information sur les dispositisf de formation pour qu'elles soient mieux informées. Est-ce que le salarié a le désir de formation ? est-ce que le manager est disponible pour partager la technicité du responsable formation ? est-ce que l'entreprise a vraiment besoin de ces dispositifs que l'OPCA voudrait lui faire découvrir ? pas la peine de poser la question, la réponse est présupposée et la parole des intéressés, qui ne savent pas ce qui est bon pour eux, superflue. Et après, vous vous étonnez que les salariés, les managers et les entreprises vous envoient paître en vous demandant de les laisser vivre !

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Matisse - Le bonheur de vivre

Voilà des enquêtes qui vous disent que le DIF est un échec parce que 10 % seulement des salariés l'utilisent. Comme si 100 % était un objectif réaliste. Voilà des responsables ressources humaines qui se plaignent du peu d'intérêt des managers pour les ressources humaines. Et de leur propre intérêt pour le travail des managers, ils en sont satisfaits ?

On connait la formule : "Gardez moi de mes amis, mes ennemis je m'en charge". Et si certains veulent faire le bonheur d'autrui, on leur conseille humblement de commencer par demander à ces autruis où ils mettent leur bonheur.

DIF ENTREPRISES ET CARRIERES.pdf

25/05/2011

Quis custodiet ipsos custodes ?

"Qui gardera nos gardiens ?". La phrase de Juvénal a été choisie pour figurer en exergue de Watchmen, chef d'oeuvre d'Alan Moore et Dave Gibbons. "Qui gardera nos gardiens ?", c'est la jeunesse qui regarde le monde des adultes et qui chemine vers la maturité : se garder soi-même et avoir autorité sur soi. Cette maturation passe par un questionnement sur l'autorité : "A qui obéissent nos parents ?", "Qui conseille le Prince ?", "Pourquoi le Roi est-il Roi ?". A partir de là, souvent le Roi est nu et la maturité peut librement se déployer. Echapper à ce questionnement d'enfant, l'enfance étant le nid des questions pertinentes, c'est souvent s'en remettre aux gardiens, manifester un sourd désir de temple. Poser la question de l'autorité des gardiens, c'est inscrire l'histoire dans le temps et non dans le temple, s'attacher aux questions dans un monde de réponses et avoir en permanence la tentation de la liberté face au pouvoir. Si ces thèmes vous parlent, ils vous invitent à lire, ou à relire, Watchmen (on peut ne pas voir le film).

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Dans la réforme des OPCA, la DGEFP s'est érigée en gardienne du temple. Elle s'est abstraite du temps, l'histoire de l'assurance formation, du questionnement, il n'y a que des certitudes articulées sur l'ordre public dans les positions de l'administration, et ne parlons pas de liberté quand il s'agit avant tout d'établir un pouvoir qui prescrit, assigne et contrôle. Cette culture là n'est pas propre à la DGEFP. Elle irrigue une grande part de l'administration française et d'une certaine culture républicaine. Au-delà de l'argumentaire juridique sur les positions prises par l'administration, déjà publié, la 11ème chronique de la Fabrique des OPCA, écrite avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF,  s'efforce d'expliciter la position de la DGEFP, vestale de l'ordre public,  et de démontrer pourquoi une telle culture, reposant sur la défiance et n'accordant que peu de place à l'intelligence des acteurs, mériterait d'être dépassée. En conséquence de quoi, il n'y aurait plus de raison, et ce serait heureux, de se poser la question de "Qui gardera nos gardiens".

La Fabrique des Opca 11.pdf

20/05/2011

Toujours pas peur

La Délégation Générale à l'Emploi et à la Formation Professionnelle (DGEFP) a publié sous forme de Questions/Réponses, sa position sur la mise en oeuvre de la réforme des OPCA. Ce document aborde plusieurs domaines juridiques : droit fiscal applicable aux OPCA, droit de la concurrence, droit de la négociation collective, droit de la gestion paritaire. La lecture d'ensemble du document est traversée par deux lignes de force : la prédominance du fiscal et la volonté politique de mettre les OPCA "au pas". Le recours permanent et systématique, à tort ou à raison, à la notion d'ordre public, traduit cette conception traditionnelle de l'administration française qu'exprimant et représentant l'intérêt public elle ne saurait être qu'obéie. Le jacobonisme et l'unilatéralisme continuent à aller bon train dans le royaume de France. Pourtant, comme indiqué dans une chronique précédente, on ne peut qu'inviter les négociateurs à ne pas avoir peur.

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Courbet - Le fou de peur - 1845

Pourquoi ne faut-il pas craindre les avis de la DGEFP ? parce que cette lecture trop exclusivement fiscale, méconnait des règles de base de la négociation collective, du droit de la concurrence et de l'autonomie des personnes morales paritaires. Le document, qui n'a en lui-même aucune valeur juridique, n'est pas fondé sur des bases suffisamment solides pour qu'elles soient stables. Voilà pourquoi les négociateurs doivent tenir compte des positions prises par l'administration, comment en serait-il autrement lorsque l'autorité qui va instruire les demandes d'agrément s'exprime, mais ne doivent pour autant pas douter que les règles dont ils pourront revendiquer l'application ne sont pas exactement celles affichées par la DGEFP. Si vous ne me croyez pas, allez y voir vous-même.

DGEFP-Questions-Reponses OPCA.pdf

Commentaire du Questions-Réponses DGEFP-OPCA.pdf

18/05/2011

Et soudain, l'avalanche

Le délégué syndical a manifestement bien fait son travail. Les courriers sont tous arrivés le même jour. Une soixantaine. Adressés à la direction de l'entreprise qui compte quelques centaines de salariés. Une belle proportion. La rédaction des lettres est appliquée, le style est formel mais correct, il est dupliqué à l'identique dans les soixante missives. Seule change la formation demandée. Les soixante salariés qui demandent en même temps à bénéficier du DIF ont fait l'effort de choisir chacun une formation différente. Stupeur du DRH qui n'avait rien vu venir. Que faire face à une telle avalanche ?

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Turner - Avalanche dans les Grisons

Pas de panique. Rien ne presse. Tout d'abord convoquer un comité d'entreprise ou inscrire la question à son ordre du jour. Indiquer que l'entreprise avait jusqu'à présent comme politique de gérer les demandes au fil de l'eau, n'ayant quasiment pas de demandes. Devant l'afflux massif, et pour endiguer l'avalanche, l'entreprise ne peut plus apporter uniquement des réponses individuelles au cas par cas mais doit élaborer une politique. D'où la réunion du comité d'entreprise auquel cette politique est présentée. Ce qui permettra ensuite de répondre aux salariés, selon les choix de formation qu'ils ont proposé, qu'ils entrent ou non dans la politique de l'entreprise. Rien de bien méchant donc. Mais cela le serait encore moins si au lieu d'attendre que la pression ne vienne d'en bas, les entreprises se posaient la question de savoir à quoi peut servir la formation dans l'entreprise et pourquoi il faudrait privilégier le DIF comme modalité de formation. Pour ceux qui souhaitent avoir quelques idées, au cas où, vous pouvez consulter le document joint. Car plutôt que d'attendre l'ensevelissement on peut prendre l'initiative de choisir le bon chemin, celui qui met à l'abri des avalanches.

Pourquoi développer le DIF dans les politiques de formation.pdf

13/05/2011

Yoko et le Webinar

Non ce n'est pas le titre du nouvel album de Yoko Tsuno (le dernier s'intitule La servante de Lucifer). Vous connaissez Yoko Tsuno bien sur. La japonaise électronique et romantique, apparue au début des années 70 qui brisa le coeur de générations de filles et de garçons, dont le mien évidemment. Intelligente, rapide, décidée, esthétique, cultivée, curieuse de tout, joyeuse, étrange, naturelle, évidente, souriante, raffinée, sportive, créative, combattante, Yoko Tsuno séduit.

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 Elle incarne une génération qui agit et qui s'empare des technologies nouvelles non pas pour multiplier les gadgets ou se saouler de jeux électroniques, mais par goût de la connaissance, fascination des créations de l'esprit et curiosité de s'engouffrer dans les espaces ouverts par la science qui n'est pas, ici, dépourvue de conscience. Yoko Tsuno, c'est la technologie sexy contre la technique aliénante. C'était mon horizon de science-fiction. Aujourd'hui cet horizon prend d'autres formes dont celle du Webinar. Le quoi ? webinar ou seminar by web. En toulousain, une discussion en laïve avec des tas de gens qui ne sont pas en face de vous. Une sorte de formation à distance. Vous voyez ? non ? alors inscrivez-vous pour voir : le direct a lieu mardi 17 mai à 16 heures (inscription gratuite évidemment). Pour s'inscrire :  suivez le lien. Le sujet ? Comment financer sa politique DIF. Vous aurez accès à des vidéos, des speechis, des documents et un chat en direct avec...et non, pas Yoko Tsuno mais votre serviteur. Yoko, elle est déjà inscrite.

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10/05/2011

La meilleure formation

A l'entrée de la superbe exposition que la Cinémathèque consacre au monstre Stanley Kubrick, une phrase vous accueille : "La meilleure formation, pour faire un film, c'est d'en faire un". Pour qui aime les lumineuses synthèses, la phrase est comme un éclair dans un ciel bleu. Certes, on pourrait moquer la sentence et lui trouver un côté bidasse : "La meilleure façon d'marcher, c'est encore la noooootreeeeuuuu ! c'est de mettre un pied d'vant l'ooooootre et d'recommencer !". Ou encore le côté ricain agaçant sans complexe et dans l'action jusqu'au cou : "Just do it". On pourrait, sauf que l'on ne peut pas compte tenu des films que Kubrick a fait et de la manière dont il les a fait.

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La manière, c'est essentiellement deux choses. Les films de Kubrick sont tous différents, empruntent tous à des genres différents, mais les thèmes kubrikiens y sont constamment présents sans jamais être répétés. La fidélité et la constance dans le mouvement permanent.

La deuxième chose c'est le souci de la technique, c'est la maîtrise mathématique du story-board, du script, de la prise de vue, le bricolage des optiques, l'invention d'effets spéciaux, la fabrication d'images avec la rigueur et la précision d'un travail de titan. Et cette maîtrise technique exceptionnelle, cet ouvrage sans cesse remis sur le métier, conduit à la plus grande liberté, à une éblouissante créativité et à l'innovation permanente. Kubrick ou le méthodique en liberté. Les grands peintres ne disent pas autre chose, ne font pas autre chose : peindre, peindre, peindre. Pour arriver à se libérer de la peinture et peindre enfin.

Voilà pourquoi, la meilleure formation pour faire, c'est de faire, avec la fidélité dans le mouvement et la liberté dans la rigueur.

L'exposition se visite et s'apprécie jusqu'au 31 juillet.

06/05/2011

La Carpe et le Lapin

La Cour des comptes en avait déjà fait la proposition et le Rapport Cherpion sur la mise en oeuvre de la loi du 24 novembre 2009 également. L'UMP reprend l'idée dans ses 80 propositions pour l'emploi : il faut articuler le DIF au CIF. Si d'aussi brillants cerveaux se rejoignent sur la nécessité d'opérer un rapprochement entre DIF et CIF, il est nécessaire de s'incliner. Mais ce faisant, on se rapproche du terrain et dès lors la réalité apparaît un tout petit peu plus nette sous forme de trois ordres de grandeur. Le DIF bénéficie à 17 millions de salariés (potentiellement). Le plan de formation concerne quasiment 6 millions de salariés tous les ans. Et le CIF arrive à financer 45 000 demandes de formation en moyenne. Proposer une articulation entre un dispositif qui concerne 17 millions de salariés et un autre qui en touche 45 000, c'est comme militer pour le mariage de la carpe et du lapin.

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Paul Rebeyrolle - La carpe et le lapin

Les assemblages dispararent peuvent ne manquer ni de charme ni de poésie. Ce n'est toutefois pas ce qui les rend opérationnels. L'évidence semble plaider pour une articulation entre le DIF et le Plan. Peut être est-ce trop évident, puisque nul ne semble le voir. Et pourtant, tout plaide en ce sens : le DIF et le Plan sont financés intégralement par l'employeur, ils font tous deux partie de la politique de formation, ils associent formations imposées et formations négociées, ils pourraient permettre de viser l'objectif d'un salarié sur deux en formation chaque année. Mais non, on préfère se poser la question de savoir comment dix hectolitres de Médoc  et une bouteille de Margaux vont pouvoir s'assembler pour donner un vin de qualité. Il y a rarement de bonnes réponses à de mauvaises questions.

28/04/2011

Dérive vers l'innovation

La dérive est source d'innovation. Peut-être même l'innovation n'est-elle possible que s'il y a dérive. En partant vers l'Ouest, pour aller aux Indes, Christophe Colomb s'est lancé dans une dérive qui le mena d'île en île dans les Caraïbes. Personne n'avait fait ces trajets avant lui. Pourquoi ? parce que comme pour l'oeuf, personne n'y avait pensé.

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Nils Dardel - L'oeuf de Colomb - 1924

Pour certains, le développement de services par les OPCA constitue une dérive. Ces organismes devraient se contenter de collecter les fonds de la formation et les redistribuer à qui les demande. La loi du 24 novembre 2009 rend justice aux OPCA qui ont osé l'innovation. En élargissant les missions des OPCA, en leur demandant d'intervenir non plus exclusivement pour financer la formation mais également pour établir des diagnostics, apporter information et conseil, situer leur action dans une logique RH, accompagner les entreprises en matière de GPEC ou encore informer et orienter les salariés, le législateur a rendu légal ce que les plus performants faisaient déjà...en dérivant.

Ceci fait, une nouvelle dérive apparaît : comment développer encore de nouveaux services et quel régime juridique leur donner ? c'est à cette question que répond la chronique n° 9 de la Fabrique des OPCA, écrite pour l'AEF avec Jean-Marie Luttringer, dans laquelle il est également question de Nostradamus, de petit canard et...d'oeufs.

La fabrique des Opca 9.pdf