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20/05/2010

Parcours de supermarché

La sécurisation des parcours professionnels est devenue la réponse aux problèmes d'éducation, d'emploi et de formation. De manière emblématique, elle a fourni le nom du nouveau "supra-OPCA" national qui est chargé de réorienter une partie des fonds de la formation vers les salariés prioritaires : le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels a d'ailleurs lancé ses premiers appels à projets cette semaine (voir le site : http://www.fpspp.org). Mais quid de la nature des parcours ? la culture de l'ingenierie à la française, soit le modèle mathématique appliqué aux jardins, sévira-t-elle encore pour nous fournir des modèles de parcours préétablis, préformatés, calibrés, normés dans lesquels on fera entrer des cohortes de salariés et de demandeurs d'emplois, pour leur plus grand bien c'est évident. Poser cette question c'est se demander qu'est-ce qu'un bon parcours ? le parcours linéaire qui passe par la bonné école, le bon diplôme, le bon emploi, le bon réseau ? l'enchaînement logique d'étapes cohérentes qui séduisent tant les recruteurs ? le passage par des modules de formation standardisés qui vont fournir tout à la fois motivation, culture d'entreprises, recettes de bon aloi et outils de la performance à l'encadrement ?

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André Masson - Il n'y a pas de monde achevé - 1942

Tout cela manque un peu de vie, mais c'est toujours le cas lorsque l'on ne tolère l'herbe qu'aux endroits où l'on a prévu de l'herbe, et surtout risque d'être fort artificiel. C'était il y a plus d'un siècle, mais la modernité de l'éternel retour de Nietzsche ne se dément pas : il est temps de réhabiliter les chemins de traverse, les raccourcis à travers champs, les sentiers improbables, la pédagogie de l'errance et de la quête du bon chemin, l'importance du détour, la possibilité du demi-tour, la nécessité parfois de couper court, le plaisir de la route, le discernement des pistes effacées et au final la liberté et le développement de la faculté de choisir qui n'est guère compatible avec les autoroutes engorgées. Considérons que pour l'humain la notion de programmation est inappropriée, laissons le concept de linéaire à la grande distribution qui sait en faire bon usage et valorisons les véritables parcours : "Arrivée de toujours, qui t'en iras partout" (Rimbaud). Ah oui, la phrase de Rimbaud nous le rappelle : pour aller partout, il faut arriver de toujours, et donc avoir du temps.