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18/07/2016

Le retour du joli miroir

La confusion entre le mot et la chose, c'est une vieille histoire. Peut être aussi ancienne que la Bible pour laquelle au commencement était le Verbe. Mais le temps ne fait rien à l'affaire et même le dépressif Houellebecq s'acharne à distinguer la carte du territoire. Pour les gouvernants, la confusion entre le texte et l'action n'est pas nouveau non plus. En créant le Conseil en évolution professionnelle (CEP), les rédacteurs de la loi du 5 mars 2014 pensaient que le bilan de compétences devenait inutile et que les salariés devaient garder leurs heures de CPF pour la formation. Ajoutez une pincée (voire une poignée) de défiance vis à vis d'un bilan de compétences que l'Etat et les partenaires sociaux trouvaient trop psychologisant et insuffisamment ancré dans les réalités économiques et sociales, et vous aboutissez à la décision de priver le bilan de l'éligibilité au CPF. Et par là même, les salariés privés du droit d'utiliser leurs heures pour affiner leur portrait sinon leur projet. 

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Comme seuls les imbéciles ne changent jamais d'avis (proposition non réversible : tout changement d'avis ne vaut pas brevet d'intelligence), le législateur revient sur sa décision première : la loi Travail qui sera adoptée avant la fin du mois rend le bilan de compétences éligible de plein droit. On regrettera, une nouvelle fois, les approximations rédactionnelles puisque la formule retenue est la suivante : "sont également éligibles au CPF...les actions de formation permettant de réaliser un bilan de compétences". Après la confusion du mot et de la chose, voici celle des formations et des bilans. Mais avec l'été (enfin) revenu, restons optimiste : avancer de guingois c'est toujours avancer. 

07/01/2016

B comme...Bilan de compétences

La boule à facettes

 Miroir mon beau miroir, fais miroiter mes aptitudes et compétences, met en lumière les facettes de ma personnalité, révèle les potentialités que si peu connaissent et dont je finis par douter…Dis moi que je suis atypique joli miroir et recouvre de cohérence ma trajectoire personnelle, conforte mes représentations positives et dissous les pensées critiques, guide moi sur le chemin de la reconnaissance et contribue à mon épanouissement.

Sinon vous pouvez aussi essayer l’horoscope de Marie-Claire : moins cher et plus rapide.

Bien évidemment, je caricature. Mais c’est en partie cette vision d’un bilan égocentré et pyschologisant qui a conduit à la mise en place du conseil en évolution professionnelle censé réaliser un travail de diagnostic plus technique sur les compétences des bénéficiaires et prendre en compte la réalité de l’environnement économique et social, d’où sa régionalisation, dans la construction des projets.

Même si, comme l’indique un conseiller d’un des opérateurs retenus : « Avec cinq entretiens individuels par jour, la réalité économique et sociale régionale elle devient un peu lointaine…».

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Jeunes femmes rouges toujours plus belles (F.H. Fajardie)

Sous couvert d’une approche plus technique, dont on ne niera pas la nécessité, il ne faudrait toutefois pas oublier que faire un bilan de compétences c’est aussi prendre le temps d’écire, ou réécrire, sa propre histoire, de mettre de l’humain sur un travail on ne peut plus engageant. Pourquoi le storytelling serait-il réservé aux politiques ?

Au final, est-on véritablement certain qu’il fallait priver les salariés de la possibilité de réaliser un bilan de compétences dans le cadre du compte personnel de formation ? Sous-couvert de faire leur bonheur, malgré eux comme souvent, on les a surtout privés de leur boule à facettes.

04/04/2014

Ce n'est pas un oubli

Certains s'inquiètent de l'absence du bilan de compétences dans les catégories d'action éligibles au Compte personnel de formation. Les formations certifiantes, diplômantes ou non, y figurent, l'accompagnement VAE également mais pas le bilan. Oubli essaient-ils de se rassurer, quand d'autres plus approximatifs osent la formule du silence de la loi qui ne permettrait pas de savoir si c'est possible ou pas. La solution à ces interrogations est pourtant simple : la loi a volontairement écarté le bilan de compétences des actions éligibles au CPF pour deux raisons, l'une positive et l'autre négative. La raison positive est que la création du Conseil en évolution professionnelle, accessible gratuitement à tout un chacun, doit permettre d'élaborer un projet d'emploi ou de formation sans avoir à consommer une partie des heures qui pourront servir à le réaliser. De l'économie en quelque sorte. 

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Le Caravage - Narcisse

La seconde raison tient à un regard critique sur les pratiques de bilan de compétences telles que développées depuis plus de vingt ans. En vrac : trop de place à la dimension personnelle par rapport à la dimension professionnelle, trop souvent généraliste et incapable de répondre précisément à une appréciation des compétences contextualisée, trop méthodologique et pas assez en expertise sur les métiers et les parcours, déconnecté d'une connaissance fine des bassins d'emploi sur lesquels vont s'exercer les projets ce qui rend difficile l'appréciation de leur pertinence, etc. Si l'on voulait résumer, pour le législateur mais également pour nombre des négociateurs de l'ANI du 14 décembre 2013, le bilan de compétences serait trop souvent une prestation "miroir" dans laquelle le consultant appui un travail introspectif et trop rarement une véritable appréciation des compétences corrélées à la réalité des activités pouvant être développées au sein d'un territoire donné. Autrement dit, trop de bilan de personnalité et pas assez de diagnostic ouvert sur l'environnement. Ce qui explique à la fois le contenu qui a été fixé pour le Conseil en évolution professionnelle et pourquoi l'absence du bilan de compétences n'est pas un oubli. 

04/04/2012

Cogénération

Les professionnels qui travaillent avec l'Education nationale sur la rénovation des licences professionnelles constatent dépités la faiblesse du niveau moyens des étudiants en langues. Ils en concluent que cela constitue un frein à l'embauche pour les grandes entreprises, mais que c'est moins grave pour les PME puisque 70 % ne sont pas tournées vers l'exportation. Cette appréciation traduit une vision totalement linéaire et instrumentale de la compétence : l'activité serait première et la compétence utilisable ou non dans l'activité. C'est oublier que la compétence modèle l'activité et que si tous les étudiants étaient bilingues, sans doute que beaucoup plus de 30 % des PME seraient exportatrices. Si l'activité nécessite la compétence, la compétence rend possible une activité qui n'existait pas. Plutôt que de manière linéaire, la relation emploi-compétence devrait être envisagée comme une cogénération.

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Picasso - Peintre et son modèle

Si Picasso, ce grand prédateur, a autant peint sur le thème du peintre et son modèle, s'il a autant travaillé sur les toiles d'Ingres, de Velazquez, de Cézanne, c'est parce qu'il savait bien, lui le Minotaure, que l'on se nourrit des autres et que c'est dans cette dynamique qui vous transforme en même temps qu'elle vous permet d'agir que s'ouvre la possibilité de l'innovation.

L'activité, l'emploi, ne sont pas des données préconstruites à l'intérieur desquelles s'insère l'individu, ils sont modelés par les personnes qui les occupent et leur évolution est en partie déterminée par les compétences non requises a priori mais qui vont venir s'exercer malgré tout. L'emploi et les compétences ? un système de cogénération.

03/04/2012

GREC

La gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) se heurte à plusieurs biais, dont le principal a été très rapidement identifié par Pierre Dac : "La prévision est difficile, surtout quand elle concerne l'avenir". Combien de plans stratégiques à trois ans révisés au bout de six mois, combien de projets si longtemps travaillés qui ne virent jamais le jour parce qu'entre temps le dirigeant ou promoteur du projet avait changé, combien de certitudes d'aujourd'hui qui seront balayées demain par un contexte nouveau. Au-delà de l'instabilité qui caractérise notre monde frénétique, un second biais se trouve dans l'adéquationisme mécanique : je prévois les compétences de demain, je mesure celles des salariés, je comble l'écart et l'affaire est faite. Que le monde serait simple s'il ne s'agissait pas d'humains encore plus instables que l'environnement ! Cette logique d'adéquation, qui condamne le salarié a toujours courir vers les compétences de demain, est une impasse. Peut être que pour voir loin, il faut une GREC.

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La Gestion Réactive des Emplois et des Compétences ne s'inscrit pas dans un avenir tracé mais au contraire dans un avenir ouvert. Que sera demain ? on en sait rien, raison de plus pour s'y préparer. En travaillant son crawl comme aurait dit Nougaro. En se donnant les moyens de faire face à l'imprévu, en évitant les routines, les paresses, les reproductions, les situations sans aucune créativité et en privilégiant l'évolution, la curiosité, l'envie, la confrontation à la nouveauté et le désir de découverte. En apprenant à apprendre, en faisant de la méthodologie de travail, en structurant son action. Ce qui permet de faire face sans appréhension à l'inconnu. Avec la GREC, l'avenir ne fait plus peur et on en vient à prendre plaisir à ce qu'il ne soit pas écrit.

14/05/2010

Apprendre c'est faire

Peut être faut-il attribuer à un certain scientisme ou positivisme propres au 19ème siècle, cette phrase de Paul Valéry  : "Tu ne m'apprends rien si tu ne m'apprends à faire quelque chose". Mais si cette phrase avait été dite par Tchouang-Tseu on y aurait  vu l'illustration  de ce que l'homme n'est qu'activité et que celle-ci associe indissolublement corps et esprit. Ailleurs, en Afrique par exemple, on pourrait y voir la traduction que tout savoir a une traduction directe, de la même manière qu'une amulette de mauvaise augure peut véritablement provoquer la mort de celui qui la reçoit. La résistance est peut être plus forte pour qui a été nourri, directement ou non, de Platon et/ou de religion et qui est habitué à distinguer le monde des idées et la vie matérielle ou encore la vie terrestre et la vie céleste. Pourtant, qu'est-ce qu'une connaissance qui jamais ne se traduit en acte ? quid du rêve que l'on tient pour une simple rêverie sans lendemain (heureusement, l'inconscient veille !).

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Odile Redon - Le rêve

La fameuse trilogie savoir, savoir-faire, savoir-être a peu de sens au regard de l'affirmation de Valéry. Le savoir sans le faire n'existe pas et le savoir être est une tautologie puisque être c'est déjà faire. Bref, rien à tirer de ce trio et on défie quiconque de démontrer l'intérêt pratique de cette distinction.
Pour élargir un peu le propos, à quoi bon la vie sociale, la vie culturelle, les voyages si toute expérience n'agit pas sur le cours de votre vie ? Paul Valéry encore : "Mon âme a plus de soif d'être étonnée que de toute autre chose. L'attente, le risque, un peu de doute, la vivifient bien plus que ne le fait la possession du certain". Pouvez-vous lire ce quatrain de Mallarmé sans que votre manière d'aimer ne s'en trouve modifiée ?
Nous promenions notre visage,
(Nous fumes deux, je le maintiens)
Sur maints charmes de paysages,
O soeur, y comparant les tiens.

(Mallarmé - Prose pour Des Esseintes)
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11/04/2008

Compétences : le jour d'après

Si près de 90 % des salariés sont satisfaits des formations suivies, moins de la moitié considèrent qu'ils peuvent effectivement utiliser les acquis de formation (étude CEREQ).

Manifestement, si l'amont de la formation parait bien maîtrisé par les entreprises, il n'en est pas de même du retour. Le problème, est manifestement celui du jour d'après.

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L'après-formation laisse trois possibilités :
- la disparition rapide des acquis qui n'auront pas le temps de se transformer en compétences ;
- l'application de ce qui a été acquis, dans une logique de recette : j'apprends/j'applique ;
- l'investissement des acquis dans une situation de travail évolutive qui permet d'enclencher une dynamique permettant au salarié de développer ses compétences au-delà même des acquis de la formation.
 
Ce qui donne trois résultats possibles en matière de compétences à l'issue de la formation:
 
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Le résultat 1 - 2 ou 3 dépendra simultanément : de l'implication du manager dans le processus de formation, de la qualité de l'articulation entre formation et activité, de la possibilité d'avoir des situations de travail évolutives et du partage avec le salarié de l'objectif de départ. 
 
Et une cinquième condition, et non la moindre : que la formation ne se résume pas à des recettes mais qu'elle donne également des outils et méthodes permettant de traiter des situations qui n'auront jamais été rencontrées. C'est par l'association d'une formation à la fois très pragmatique et très conceptuelle que l'on peut atteindre cet objectif. L'union des contraires supposés gage de l'efficacité de la formation.