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11/04/2013

Les bras croisés

La salariée a été recrutée pour remplacer une employée administrative pendant un congé parental. Initialement prolongé, le congé a ensuite été abregé avec un retour prématuré dans l'entreprise de la salariée en congé. Le CDD de remplacement ayant été conclu de date à date, la remplaçante devait encore rester 4 mois à travailler dans l'entreprise. Le retour de la remplacée entraînant une nouvelle répartition des tâches au sein du service administratif, il fût demandé à la remplaçante d'exercer des activités différentes de celles effectuées jusque-là. Ce qu'elle refusa, restant assise les bras croisés derrière la remplacée revenue.

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Picasso - Femme assise aux bras croisés

Puis, au bout d'une semaine à ce régime, pendant laquelle elle exigea vainement de continuer à faire le travail de la remplacée, elle prit acte de la rupture du contrat, quitta l'entreprise et l'assigna en contentieux. La Cour d'appel puis la Cour de cassation lui ont donné tort. Comme souvent, les salariés confondent poste et emploi. Juridiquement, aucun salarié n'est attaché à son poste de travail. Il est tenu d'effectuer toutes les activités qui entrent dans sa qualification, laquelle détermine son salaire. Ainsi, il peut être imposé à tout moment à un salarié de prendre un nouveau poste, dès lors que celui-ci est compatible avec sa qualification. En l'espèce, la salariée a confondu le motif du contrat (le remplacement de Mme X) et l'objet du contrat (le travail, défini par la qualification d'employée administrative). Dès lors que le travail confié est un travail correspondant à la qualification, peu importe que le poste tenu soit ou non celui de la remplacée, qui aurait d'ailleur pu, elle aussi, se voir confier des tâches nouvelles correspondant à sa qualification, ce qui n'est pas une raison pour rester les bras croisés.

Cass Soc 27 mars 2013.pdf

06/10/2010

Identité professionnelle

La Gare Saint-Sauveur de Lille, superbe lieu consacré à la création sous de multiples formes, présente une exposition consacrée aux migrants. Ce qui permet de constater qu'il existe en Afrique de nouveaux éléphants.

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Pour la majorité des migrants, l'ailleurs n'est pas connu, il n'est peut être même pas rêvé. Certains sont tirés au sort par leur famille pour partir et pourvoir à la survie du groupe familial. S'ils échouent, ils ont pour consigne de ne pas revenir.

 

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L'exposition est présentée sur des balles de papiers à recycler, murs dérisoires souvent infranchissables car pour beaucoup les "papiers" demeureront inaccessibles.

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Sont également présentés des documents témoignant de la présence de travailleurs étrangers dans l'économie française. Et au détour d'un ballot de papier, ce document, certificat de travail datant de la fin des années cinquante.

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Comme sur beaucoup de certificats de travail, ce qui choque c'est la qualification. Ici il est attesté que le salarié a été employé en qualité de M2. Au plan juridique, l'entreprise confond la classification et la qualification. La première est un positionnement conventionnel, la seconde est la définition du périmètre de travail prévu contractuellement. Au plan symbolique, le désastre est encore plus grand puisque l'individu est réduit à une codification. La série "Le prisonnier" n'existait pas à l'époque mais on aurait compris que les salariés refusent d'être des numéros. On pourra toujours arguer que dans le milieu industriel, cette codification fait sens et que, comme les appellations d'OS ou d'OP elles renvoient à des univers professionnels identifiés. Il n'en reste pas moins que la qualification contractuelle c'est aussi une identité professionnelle, constitutive d'une identité sociale. Et que désigner l'individu par une codification abstraite c'est perdre de vue sa singularité. L'exposition sur les migrants évite cet écueil : elle présente des destins singuliers racontés par eux-mêmes. Et toute migrant commence son histoire en débutant par son prénom et son nom. La migration est un phénomène social, mais c'est surtout un ensemble de destins. Le fait que la qualification soit collective ne doit pas la conduire à nier, dans sa définition, les individus qui en sont titulaires.

25/03/2010

L'oiseau est au nid

Brindilles, brins d'herbe, bouts de ficelles, chiffons, papiers, cartons...l'oiseau fait son miel de toutes choses pour faire son nid. Rapidement, mais sans urgence. A la vitesse de son vol et de sa perception de la vie. A son rythme. Le nid peu à peu prend la forme de l'oeuf qu'il va accueillir. Une oeuvre qui en permettra une autre. Ainsi se construit parfois la jurisprudence : de décisions en décisions, au gré des demandes et des questions, le nid du raisonnement se forme et l'oeuvre se constitue qui permettra demain d'ouvrir d'autres horizons.

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Joan Miro - Femme et Oiseaux

La décision de la Cour de cassation en date du 2 mars 2010 concernant l'obligation de l'employeur de former ses salariés, apporte sa brindille, et même plus, à la construction d'un droit à la formation, qui est le nid d'une plus ample obligation de professionnalisation des salariés tout au long de la vie. En l'occurence, un Hôtel est condamné pour n'avoir pas formé quatre plongeurs illettrés, les privant ainsi de toute possibilité d'évolution. La société avait plaidé l'absence de  demande précise en ce sens des salariés, suivi en cela par le juge d'appel mais pas par la Cour suprême. L'entreprise a l'obligation générale de proposer des formations aux salariés tout au long de leur carrière. Rappelons que l'ANI du 7 janvier 2009 et la loi du 24 novembre 2010 posent en principe que tout salarié a droit à une évolution d'au moins un niveau de qualification au cours de sa carrière professionnelle. Voici une première manière de désigner un débiteur à cette créance. Ainsi se poursuit la construction du nid du droit de la compétence. Mais avec cette décision, depuis début mars, l'oiseau est au nid.

11/11/2008

Formation différée

Le Code de l'Education et le Code du travail prévoient tous deux le droit à la qualification pour toute personne. Ce droit à la qualification est, de fait, souvent virtuel faute de donner une traduction concrète à ce que les partenaires sociaux appellent de leurs voeux depuis 2003 : la reconnaissance du droit pour tout individu d'accéder à un premier niveau de qualification. Faute de moyens et de volonté politique, ce droit n'a jamais dépassé le stade de l'invocation incantatoire.

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La Sagrada Familia - Barcelone - Cathédrale à achèvement différé

La chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF montre comment le droit peut utilement se saisir de la notion de droit à la qualification et tenter de lui donner un avenir. Plus que jamais, l'effectivité du droit à la qualification est en effet posée. Les partenaires sociaux, dans le cadre de leur travail préparatoire à la conclusion d'un accord réformant la formation professionnelle doivent de nouveau se poser la question, mais de manière opérationnelle cette fois-ci, de déterminer les conditions dans lesquelles le droit à la qualification peut acquérir une réalité. La présente chronique a pour ambition de contribuer à cette définition.

27/08/2008

Catégorie professionnelle et qualification

On connaît le douanier Rousseau et le facteur Cheval. Le premier était peintre le second sculpteur. Ah non, douanier et facteur. L'identité sociale n'est pas unique. Il n'est pas passé dans le langage courant de dire l'employé de sécurité sociale Kafka, le directeur d'usine Primo Levi ou l'employé de banque Italo Svevo. Mais l'on sait que les trois sont écrivains. Quelle est alors la bonne manière de qualifier ?

 

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Statue de Kafka à Prague

Vient de paraître au Journal Officiel du 26 août un décret du 22 août 2008 modifiant les indicateurs du bilan annuel sur l'égalité professionnelle hommes-femmes. Dorénavant, les données devront être établies par "catégories professionnelles". Le décret lui-même nous indique : "Concernant la notion de catégorie professionnelle, il peut s'agir de fournir des données distinguant :
a) Les ouvriers, les employés, les cadres et les emplois intermédiaires ;
b) Ou les catégories d'emplois définies par la classification ;
c) Ou les métiers repères ;
d) Ou les emplois types."
Si la première définition est assez précise, elle trace des catégories très larges qui ne permettent pas de véritables comparaisons de situations. Concernant les classifications, le recours aux critères classants ne les rend pas pertinentes en terme de catégories d'emploi, quant aux métiers repères ou emplois types, ils relèvent d'une logique purement gestionnaire. On aurait souhaité que soit utilisé le recours à la qualification professionnelle, entendue comme la qualification contractuelle, c'est-à-dire la définition du périmètre des activités qui peuvent être exercées par un salarié en vertu de son contrat de travail. Les tribunaux s'évertuent à nous rappeler que la qualification est la base des droits et obligations du salarié et qu'elle ne peut être modifiée sans son accord. Faire un peu de droit permettrait au moins d'apporter un peu de précision dans les définitions. Ce n'est pas le Douanier Rousseau, ni Kafka, qui prétendraient le contraire.


05/06/2008

Chronique de la réforme annoncée (IV)

Le facteur Cheval aurait-il obtenu par la VAE un diplôme d'architecte, un CAP de maçon ou un titre de conducteur de travaux pour avoir conçu son Palais idéal ?
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Aurait-il eu la patience, comme pour son Palais, de remplir les 120 pages du dossier de validation ? le jury se serait-il transporté sur place et aurait-il du se concerter longuement pour déterminer les critères de validation des compétences démontrées par Cheval ?
 
Et Cheval aurait-il tiré fierté de ces diplômes ou l'oeuvre réalisée suffisait-elle à son apaisement ?
 
La quatrième chronique de la réforme de la formation professionnelle réalisée avec Jean-Marie Luttringer et publiée par l'AEF (Agence Education Formation : http://www.aef.info/) porte, on l'aura compris, sur la certification professionnelle.
 
La certification était une forme de valorisation des personnes, elle risque de devenir demain une condition de circulation à l'intérieur du marché du travail. Pour éviter une telle évolution, les négociateurs de la réforme devront nécessairement distinguer entre les certifications techniques qui valident des capacités à faire et les certifications qui permettent de construire sa qualification personnelle.