La prolifération de l'information s'accompagne du risque de la perte de qualité des messages transmis. Deux exemples en ce début de semaine. Sur France-Info une interview de Christina Gieser sur le DIF. Rappel du cadre légal qui nous présente un DIF très formel puis les infos chocs : l'employeur ne peut refuser le DIF que deux fois, la portabilité permet au salarié de transférer ses heures chez un ancien employeur, en cas de licenciement le droit est perdu s'il y a faute grave. Soit trois erreurs sur la nature du DIF, de la portabilité et de la loi du 24 novembre 2009.
Alain Garrigues - Grain à moudre sur incohérences diverses - 2001
Dans un autre domaine, Isabelle Raoul-Duval, avocate, nous explique pourquoi la transaction est préférable à la rupture conventionnelle . Son article paru dans les Cahiers du DRH du mois d'avril 2010 nous fournit cinq raisons : une plus grande sécurité juridique, l’exhaustivité, de la transaction, la discrétion, l’opposabilité immédiate, l’homologation judiciaire. Sur le premier argument, constatons simplement qu'il y a peu de contentieux sur les ruptures conventionnelles...et beaucoup sur les transactions qui veulent éviter le contentieux. Sur l'exhaustivité, l'argument est stupéfiant : l'imprimé CERFA de rupture conventionnelle ne laisserait pas la place de traiter toutes les questions. Notre avocate n'a pas imaginé que pourrait être établie une convention de rupture et que le CERFA n'était qu'un formulaire administratif aux fins d'homologation. Sur la discrétion, dans les deux cas il s'agit d'un contrat bilatéral sans publicité. Sur l'opposabilité immédiate et l'homologation judiciaire il suffit de faire une convention en respectant les délais et elle devient quasi-inattaquable. Mais là est peut être le problème : un formalisme simple et à la portée des parties, peu ou pas de contentieux, bref si la transaction est meilleure c'est sans nul doute pour les avocats. Pour les parties concernées, et non intéressées, on continuera à conseiller la rupture conventionnelle de préférence à la transaction.
Et plus que jamais, prenez la peine de vérifiez les informations, y compris celles qui vous sont livrées sur ce blog.
Ci-dessus l'interview sur le DIF diffusé par France-Info et le commentaire d'Alain Garrigues :
Alain Garrigue - Divine Rigolade - 2009
Commentaires
Bonjour,
Il est heureux que les grands médias s'emparent (enfin) du DIF. Mais peut mieux faire car il est temps !
Cela étant, en l'occurrence, trois erreurs en si peu de temps ...Pour quelqu'un dont c'est quand même le métier...
(Remarquez, bien souvent l'approximation ou le non-dit est souvent plus grave que l'inexactitude à proprement parler).
L'une d'entre elles est assez fréquente, celle qui consiste à penser que l'employeur ne peut refuser que deux fois, alors qu'en réalité, la loi ne prévoit qu'une transformation possible du DIF en CIF en cas de désaccords persistants durant deux années civiles consécutives...Règle à mon sens complètement stupide ; il eût été préférable d'imaginer en cas de désaccord, un mécanisme de médiation ou d'arbitrage.
Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Le licenciement perdu en cas de faute grave...La dame n'est manifestement pas à jour...Alors même qu'elle cite la loi du 24 novembre 2009.
Sur la portabilité, je suis personnellement de plus en plus agacé car on la présente de manière positive en faisant croire précisément que le salarié part avec ses heures...(même s'il y a quand même un petit progrès par rapport au régime antérieur) .
Le problème est qu'en réalité le DIF qui s'exprime normalement en "temps-formation" est converti en un "budget-formation" calculé sur une base horaire dérisoire dont le résultat est une impossibilité concrète d'obtenir une formation à hauteur du crédit d'heures acquis (la plupart du temps).
Je crains fort que l'évocation de la nouvelle "portabilité" en occultant cette réalité favorise un certain attentisme chez les salariés alors que le mécanisme est très largement piégé.
Écrit par : Bruno Callens (NOVATEM) | 13/04/2010
Bonjour,
Il n'y a pas que sur France Info...
Voir ici par exemple :
http://www.rhonealpesjob.com/actualites/8294/Petit-dejeuner-entreprises-special-DIF-au-CESI.aspx
Écrit par : Bruno Callens | 14/04/2010
Pour une fois je ne suis pas d'accord avec Bruno callens ni avec JP Willems. Les erreurs de Mme Gierse étaient assez bénignes dans une interview de 4 minutes globalement très claires et de qualité.
On peut évidemment ergoter, "le DIF n'est pas réalisable en cas de faute grave", c'est faux mais franchement quand dans le feu de l'action on répond à des journalistes il y a de quoi s'emmêler les pinceaux entre la faute grave et la faute lourde, on se demande pourquoi "sémantiquement" la lourdeur est moins lourde que la gravité. Il n'y avait qu'à qualifier les fautes avec des niveaux. Mais simplifier le code du travail semble au dessus des forces de notre pays qui n'a pas été capable de faire simple et juste en mai 2008.
Pour la réalisation possible après deux années de désaccord, je ne vois pas où est l'erreur. Évidemment il y a de nombreuses contraintes (il faudra que les fongecifs puissent traiter tous les DIF contentieux et que ceux-ci correspondent à des priorités) mais le fond n'était pas faux.
Quand j'ai été auditionné par la commission des Lois en mai 2009 j'ais proposé qu'en cas de désaccord l'employeur soit contraint de recevoir son salarié et de lui proposer des formations alternatives. Le législateur n'a en fait que repris l'ANI de janvier 2009 sans être capable de donner une impulsion au Droit à la Formation (sacrifié sur l'autel des futures et actuelles négociations sur les retraites).
Enfin dernier point : la portabilité. Elle n'est certes pas favorable au salarié qui quitte l'entreprise mais quand même meilleure que dans l'ancien système. Le problème est cette base de 9,15 euros. J'avais proposé à la commission des Loi de doubler cette base pour passer à 18 euros par heure de DIF porté mais là encore le législateur n'a pas été capable d'améliorer l'ANI des partenaires sociaux.
En tout cas nous sommes persuadés à l'AFTLV que le DIF percera à partir de septembre 2010. Nous faisons tous les efforts de communication pour cela et de grands médias s'apprêtent à sortir des dossiers DIF en mai prochain.
Nous sortons pour notre part en mai une seconde édition du dépliant id-Reflex DIF. Il y aura certes quelques raccourcis mais quand on vulgarise l'information il faut mieux éviter de faire trop compliqué.
Cdt
Didier Cozin
Gérant AFTLV
Écrit par : cozin | 14/04/2010
Bonjour,
Merci pour votre commentaire qui n'emporte pas ma conviction. Bien sur que si le fond est faux et c'est fondamental par rapport aux messages à faire passer. L'optique demeure celle d'un droit du salarié, sur lequel il se renseigne seul, qu'il demande et que l'employeur ne pourrait refuser à terme ou bien le FONGECIF. Bref, votre raisonnement et celui de Mme Gieser aborde le DIF à partir d'un droit exclusif du salarié et non sous l'angle de la négociation. Le problème n'est pas de trouver les moyens de solvabiliser un DIF personnel ou de limiter les possibiltiés de refus pour l'employeur ou de dire les entreprises doivent payer (et vous faites souvent référence à une marmite sociale à propos du DIF : il n'y a pas plus de marmite que de potion).
La question posée par le DIF est de savoir comment l'on peut développer le dialogue sur la formation dans l'entreprise et non rester dans cette logique de droit opposable, qui est une vision exclusivement conflictuelle du droit. Or, le droit organise aussi la négociation et la recherche de solutions communes et pas simplement la détermination d'un créancier et d'un débiteur.
Tout discours renvoyant donc à un choix du salarié et un refus ou acceptation de l'employeur plutôt qu'à des processus de négociation me paraît donc s'inscrire dans ce qui conduit à l'échec même du DIF et surtout ne génèrera aucune avancée notable dans les modes de relations sociales et de management.
Cordialement.
JPW
Écrit par : jpw | 15/04/2010
Sur le fond je suis évidemment d'accord, le DIF est une négociation, un droit d'un type nouveau que nous ne savons pas encore pratiquer en France. Mais en attendant des centaines de milliers de salariés perdent leur emploi et leur employabilité alors que de nombreux employeurs sont totalement déresponsabilisés face à cette situation.
Le Droit du travail est un tout et les employeurs quand l'entreprise va mal n'ont pas la moindre envie d'anticiper ou de préparer leurs salariés à de nouveaux métiers. Ils attendent que leur PSE soit examiné et ne dépenseront pas un centime supplémentaire que ce qui leur sera imposé.
Les salariés ne sont pas à armes égales face à leur employeur quand ils réclament leur DIF.
Un salarié très qualifié qui connaît la formation et a réussi son parcours initial n'aura aucune difficulté à avancer et argumenter son projet. Il n'en est pas de même pour un travailleur peu ou pas qualifié, fragilisé par la situation économique et qui (si par extra-ordinaire en arrive à demander son DIF) sera la plupart du temps éconduit par son employeur sous des prétextes fallacieux (manque de temps, de budget, de possibilités)..
Nous avons rencontré les élus du CE d'un grand magasin parisien il y a 2 jours. Ils ont le même diagnostic que nous : la situation économique est très grave (ce grand magasin parisien vend un à un tous ses établissements de province pour se faire un peu de trésorerie) et à terme c'est bien en France l'emploi de millions de travailleurs peu qualifiés qui est en jeu.
Sur le fond nous sommes d'accord mais quand il y a le feu dans la maison on ne peut pas faire le difficile et choisir le secouriste qui vous vient en aide. Le DIF est une bouée de sauvetage pour les salariés peu qualifiés et nous faisons tout pour qu'elle leur serve le plus rapidement possible. Ce n'est pas le cas de beaucoup d'organismes de formation qui préfèrent jouer la prudence et ménager les grands donneurs d'ordres.
Cordialement
Didier Cozin
Écrit par : cozin | 15/04/2010
Bonjour,
Les erreurs repérées ne sont à mon avis, pas si bénignes que cela...
Affirmer (j'ai réécouté) que l'employeur ne peut refuser que deux fois (ce qui est faux) aboutit à l'idée que le salarié dispose d'une garantie qui n'existe pas...
Dire que "le DIF n'est pas réalisable en cas de faute grave" aboutit, à l'inverse, à introduire l'idée d'un obstacle éventuel qui n'existe plus.
En réalité, et sans évoquer la différence entre la faute grave et la faute lourde (trop "technique") elle aurait pu très simplement dire que que le salarié ne perd le bénéfice de son DIF en cas de licenciement pour faute que dans de rares cas (la faute lourde étant caractérisée par l'intention de nuire, c'est beaucoup plus rare). Elle a induit l'idée inverse...
Quant à la portabilité, on induit souvent en erreur par les non-dits...
Quant aux considérations sur le "dialogue", la "concertation" et la "négociation", je crains fort que, en raison du déséquilibre inhérent à la relation employeur-salarié, que tout cela n'ait pour effet que de favoriser des pratiques dilatoires (ce sujet a me semble-t-il suscité sur ce blog des réactions assez agressives d'un lecteur, avocat de son état semble-t-il).
Et de toute façon, on ne négocie que ce qui est négociable.
Dans le code du travail, les dispositions relatives à la formation affirment surtout des obligations à charge de l'employeur.
On est dans le mode contraignant (voir l'article L6321-1...).
Parallèlement La jurisprudence (qui est d'ailleurs à l'origine de tout cela) tend depuis quelques années à se durcir, comme le confirme un dernier arrêt de la Cour de Cassation du 2 mars dernier. On raisonne en termes d'obligations non respectées, de fautes et de responsabilités...
Et il y a de fortes chances que cela continue...
Cordialement
Écrit par : Bruno Callens (NOVATEM) | 15/04/2010
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