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01/06/2010

Montrer l'invisible

Les mains sont liées comme celles d'amis proches et plus vraisemblablement d'amoureux. Il ne s'agit pas d'un bonjour, même pas d'une poignée de main amicale, affectueuse ou virile. Il s'agit d'un enlacement. Les doigts se superposent, se touchent, s'étreignent et se parlent. Leur union incarne la tragédie de la dernière fois. Les mains savent que plus jamais elles ne se lieront. La dernière étreinte. Le dernier baiser.

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Le regard ne peut qu'être attiré par ces mains qui disent la vérité de la relation, content l'histoire et ne se mentent pas. Nous sommes au-delà de la connivence dans une relation qui échappe à l'histoire des autres. Et puis le regard s'élargit.
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Le Caravage - L'arrestation du Christ - 1602

Les mains appartiennent au même homme, Jésus, que Judas désigne d'un baiser aux romains qui l'emporteront. La force et la fureur de la scène contrastent avec la passivité de Jésus. Mais l'examen du visage de Judas suscite le doute. Son geste est sûr mais délivré comme à regret. Et sa main étreint chaleureusement Jésus. Les mains, comme dans tous les tableaux du Caravage, parlent. Ce ne sont pas les mains de Jésus qui sont liées, mais celles de Jésus et Judas. Ces mains au premier plan marquent l'accord des deux hommes. Jésus doit être livré, Judas doit accomplir ce geste qui le condamne pour l'éternité mais qui permet à l'avènement de s'accomplir. Les mains parlent et le Caravage ne peut imaginer que l'acte de Judas ne soit qu'une simple délation. La vérité ne peut être dite crûment, n'oublions pas que Le Caravage  eût des démêlées avec l'Eglise, mais la pièce de théâtre qui se joue sous nos yeux en masque une autre, que seuls les acteurs connaissent. Les acteurs et Le Caravage dont les oeuvres sont rassemblées à Rome dans une exposition magistrale qui permet de constater ce que peut être parfois la peinture : un moyen de voir ce que l'on ne peut voir.

31/05/2010

MAXXI !

Pour la 501ème chronique depuis l'ouverture de ce blog en février 2008, un petit détour par Rome où le Musée d'Art du XXIème siècle (MAXXI) ouvrait ses portes dimanche 30 mai après plusieurs années de travaux. Le bâtiment, conçu par Zaha Hadid, est magnifique. On circule à l'intérieur de grandes courbes épurées qui nous convient à la découverte d'oeuvres plus surprenantes les unes que les autres.

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Maxxi - Rome

Mais il n'y a pas que l'architecture qui soit réjouissante. Alors que l'art contemporain est souvent grave, sinistre, lourdement symbolique, dépressif et pompeusement politique, ici les oeuvres font la part à l'humour, à la nature, à l'engagement, au volontarisme et la mise à distance amusée prend souvent la place du trop facile regard cynique sur le monde. Il est particulièrement réjouissant de voir le film "Democrazy" de Vizzoli, dans lequel BHL devient un trop crédible candidat à la présidence des Etats-Unis (cherchez sur Dailymotion ou You tube, Sharon stone est dans le coup aussi pour démontrer, si besoin était, qu'en politique la communication peut tout). L'invité d'honneur pour l'ouverture est Gino De Dominicis dont l'oeuvre protéiforme associe l'humour, le mystère, la dérision et la beauté.

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De Dominicis - Squelette
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Gino De Dominicis - Sans titre ou Avec titre

Rome est une ville extraordinaire où l'on peut entrer dans une église et découvrir une sculpture de Michel-Ange, dans une autre des toiles du Caravage et dans une autre encore l'extraordinaire extase de Sainte-Thérèse du Bernin. Tout cela au milieu des ruines de la Rome antique, de dizaines de statues grecques et dorénavant d'un doux écrin pour l'art contemporain que l'on aimerait plus souvent aussi inventif. Il n'est pas si fréquent de trouver du travail sérieux qui ne se prend pas au sérieux, de la critique qui sait emprunter le chemin du rire sans perdre de sa force, du mélange des genres qui fertilise la création à venir et au final vous donne l'envie. Evitez de faire un stage de management en DIF pour vos managers, envoyez les passer un week-end à Rome (et les autres aussi d'ailleurs).

10/05/2010

Horreur, je suis un DJ !

Je me souviens qu'à la création du Répertoire Opérationnel des Métiers (ROME), on m'avait expliqué que cela servirait notamment à identifier des compétences transverses, utilisables pour des métiers différents, a priori éloignés et auxquels on ne pense pas. J'avais fait l'expérience, et mesuré la portée du concept, en expliquant à des documentalistes que leurs compétences transverses étaient celles d'un logisticien : gestion de références et de flux. Elles, les documentalistes sont plutôt des femmes, ont failli me lyncher. Le travail de documentaliste est noble : on travaille sur des contenus, on organise le savoir, on ouvre l'accès à la culture. On est pas un magasinier ! Peut être, mais en compétences transverses si.

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Martial Raysse - Made in Japan - 1964 (d'après Ingres)

Je n'ai aucun goût pour la musique électronique (initié par Kraftwerk, je me suis arrêté à Soft Cell), je n'aime pas les boîtes de nuit, le bruit m'est pollution, je préfère les états de conscience modifiés que l'abrutissement par l'alcool ou la pharmacie et j'apprécie mieux les aigus légers que les basses lourdes. Pourtant, comme Martial Raysse s'appuie sur Ingres et construit à partir de chefs d'oeuvre qui ne sont pas les siens, je m'appuie sur les oeuvres d'autrui, je cite, j'analyse, j'interprète, je recrée, je déforme, je reproduis et surtout je rapproche des oeuvres et des idées sans rapport apparent entre elles, et je m'approprie le tout. Soit exactement le travail d'un DJ qui sample, et même si je ne me suis jamais pris, Dieu merci, pour David Guetta, voilà une perturbante révélation. Et vous, vous faites quoi avec vos compétences transverses ?