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07/10/2014

Machine infernale

Il y certainement quelqu'un, mais qui donc que diable ?, qui oeuvre dans l'ombre pour que le Compte Personnel de Formation soit un échec. Quelqu'un qui trouverait intérêt à ce que le dispositif se transforme en un monstre bureaucratique comme seul notre pays sait en engendrer. Dernier acte en date du saboteur, avoir rajouté dans le décret relatif aux listes de formation éligibles au compte personnel de formation, le fait que les parties de certification inscrites au RNCP doivent figurer en tant que telles sur la les listes pour être éligibles au RNCP. Décryptons. Le législateur, cohérent dans son souhait de faire du CPF un outil de consommation régulière de  formation (d'où le mode d'acquisition sous forme de droits rechargeables, d'où le plafond à 150 heures) et d'orienter malgré tout vers des formations certifiantes pour mieux garantir la valorisation des compétence acquises, prévoit que les certifications inscrites au RNCP sont éligibles au CPF, mais que l'est également chaque module de ces certifications. Ce qui permet à chacun de suivre le module ou les modules de son choix sans nécessité de s'inscrire sur l'intégralité du diplôme. Logique pour un dispositif plafonné à 150 heures. Mais voilà que dans ce bel ordonnancement, surgit la machine infernale. 

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Machine à faire fonctionner le CPF (Jean Tinguely)

Prévoir que les modules ne seront accessibles que s'ils sont inscrits en tant que tels sur les listes, c'est obliger les partenaires sociaux à faire le tri non pas parmi 8 000 certifications enregistrées au RNCP, mais entre 80 000 modules correspondant, si l'on estime qu'une certification se compose d'en moyenne 10 modules. On touche à l'absurde. Car dans ce cas, rien ne sera accessible en modulaire et seuls les salariés bénéficiant d'un abondement pourront suivre une formation diplômante. 

Le pire, c'est que l'on a du mal à comprendre ce qui justifiait l'inscription de chaque module sur la liste, tout en craignant qu'il s'agisse à nouveau de cette volonté de tout contrôler, de tout maîtriser, de tout prévoir et au final de tout flécher dans un dispositif qui est censé favoriser la prise de responsabilité des acteurs et des bénéficiaires. 

Tant que de telles logiques seront à l'oeuvre, on peut toujours imaginer tous les systèmes et toutes les réformes que l'on veut, le chemin ne mènera jamais ailleurs qu'à l'échec. 

Décret Liste CPF.docx 

13/06/2014

Première sortie de route

Alors que j'avais salué, il y a quelques jours, les projets de décrets d'application de la loi du 5 mars 2014, en ce qu'ils respectaient parfaitement l'esprit et la lettre de la loi, voici une première entorse à ces principes dans une deuxième version de ces projets, après leur passage devant le CPNFTLV. Il s'agit de l'introduction d'une disposition relative au compte personnel de formation. La loi du 5 mars 2014 exclut formellement, et les débats étaient très clairs sur ce sujet, que les fonds collectés au titre du 0,20 % consacrés au CFP soient affectés à la rémunération des salariés. Toutes les ressources devaient être mobilisées pour les coûts pédagogiques et frais annexes. Et voilà qu'un décret rend possible ce que la loi interdit. Une sortie de route doublement malvenue. 

gohar dashti - mariage.jpg

Gohar Dashti - Mariage 

Malvenue dans son principe, car il n'est jamais très sain de considérer que la loi importe peu et que l'exécutif à tout pouvoir et serait plus légitime que le Parlement. Malvenue dans ses modalités car le décret prévoit que c'est "un accord conclu entre les signataires de l'accord créant l'OPCA" qui peut prévoir cette possibilité de financer des rémunérations. Pourquoi ne pas simplement renvoyer au droit commun de la négociation collective ? En réalité, tout cela sent la logique de boutique (permettre aux OPCA de ne pas avoir trop d'excédents si le dispositif démarre mal...mieux aurait valu au contraire maintenir la pression pour que le dispositif démarre rapidement) et le lobbying de la dernière heure (car il s'agit d'une revendication du MEDEF que les députés avaient repoussé). Bref, de petits arrangements qui une fois de plus contribuent à déligitimer la règle. 

Sur le fond, certains arguments sont pourtant recevables : la prise en charge des rémunérations peut permettre de contribuer à lancer le dispositif, permettre une appropriation plus facile par l'entreprise, faciliter les accords pour suivre la formation pendant le temps de travail...Mais en contrepartie, on favorise toutes les dérives : la formation comme moyen d'économiser les salaires, la déresponsabilisation de l'entreprise (alors que l'objectif de la loi était exactement l'inverse), le maintien de l'idée que la formation doit être gratuite (alors que la loi tentait d'installer la notion d'investissement), etc. Pas de doute, il s'agit bien d'une sortie de route. 

projet_decret_ce-cpf-_v_cnfptlv_13_juin_2014[2].pdf

03/06/2014

Passage

Un projet de décret précise les modalités de passage du DIF au CPF à la fin de l'année. Souhaitons que le projet reste en l'état car il a le mérite de faire simple : 

- les employeurs ont l'obligation d'informer avant le 31 janvier 2015 tous leurs salariés de leur solde de DIF au 31 décembre 2014 ;

- ces heures sont utilisables par priorité au titre du Compte personnel de formation (CPF) jusqu'en 2020 ;

- elles peuvent être complétées par les heures du Compte personnel de formation, dans la limite de 150 heures. 

Sur ce dernier point, quelques explications sont nécessaires pour que les conditions du passage soient précisément identifiées. 

IMG_6833.jpg

Les heures de CPF peuvent venir compléter les heures de DIF, sans qu'une demande de formation au titre du CPF ne puisse excéder 150 heures. Ainsi, le salarié qui dispose de 120 heures au titre de son solde d'heures de DIF, pourra utiliser son compteur CPF à hauteur de 30 heures maximum. Par contre, les heures acquises au titre du CPF qui ne peuvent s'ajouter au solde d'heures de DIF, sont utilisables de manière autonomes. 

Le décret précise également les modalités de prise en charge financière : l'OPCA compétent (ou POLE EMPLOI pour les demandeurs d'emploi ou les OPACIF lorsque le CPF est utilisé dans le cadre du CIF) doit financer le coût réel, avec possibilité pour son Conseil d'administration de décider d'un plafonnement. Exit les coûts forfaitaires du DIF portable, c'est d'un véritable pouvoir d'achat dont sont dotés les salariés dans le cadre du CPF. 

Par contre, le projet de décret ne tranche toujours pas la question de savoir si le salarié présente directement sa demande de financement à l'OPCA ou s'il le fait par l'intermédiaire de l'entreprise. C'est un des derniers points importants à déterminer pour basculer véritablement dans l'opérationnel de la réforme. 

05/10/2010

OPCA vampirisés

Le champ de l’emploi et de la formation professionnelle, au sens le plus large, connaît un mouvement de concentration sans précédent. Que l’on en juge : fusion ANPE-Assedic au sein de Pôle emploi, mise en place des DIRECCTE, réforme des réseaux consulaires avec concentration des pouvoirs au niveau des chambres régionales plutôt que départementales, généralisation des Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES) associant Universités, Grandes Ecoles et Centres de recherche, etc. Ce mouvement général a deux logiques : la première est la recherche d’effets de taille et de levier en vue d’économies d’échelle et d’une meilleure efficacité. Pourquoi pas, même s’il n’est pas de loi qui démontre que l’efficacité d’une organisation est proportionnelle à sa taille. La seconde est une remontée d’un cran des niveaux de décision, ce qui ne surprendra personne en période de crise. Toutes les organisations ont tendance à recentraliser les décisions lors des périodes de tangage, et la France avec sa tradition jacobine est mal placée pour faire exception à ce principe qui constitue un réflexe quasi-naturel même si l’option inverse pourrait se défendre (en période de crise il faut décentraliser pour responsabiliser et mobiliser davantage tout un chacun).

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Edvard Munch - Le vampire

Il serait tentant d’inscrire la mise en place du FPSPP et la réforme des Opca dans ce mouvement d’ensemble, et nul doute qu'elles n'y sont pas étrangères. Il est cependant indispensable de les en  distinguer. En effet, les institutions visées (Pole Emploi, PRES, réseaux consulaires, DIRECCTE …) sont des institutions publiques ou parapubliques. Que l’Etat mette de l’ordre en sa maison ou dans les dépendances, rien que de plus naturel. Mais les OPCA et au-delà la gestion paritaire de la formation professionnelle ce n’est ni la maison de l’Etat ni ses dépendances. Et ce qui peut valoir dans un cas, décision étatique de restructuration suivie de contrats d’objectifs qui assignent des missions et objectifs, ne se conçoit guère dans l’autre où l’autonomie des partenaires sociaux doit trouver sa place et un dialogue s’instaurer entre l’intérêt public porté par l’Etat et l’intérêt général porté par la gestion paritaire. En d’autres termes, entre la démocratie politique et la démocratie sociale. Le décret du 22 septembre 2010 laisse une place à ce dialogue et l’on peut s’en féliciter, mais il maintient tout de même une tutelle sur les OPCA qui ne place pas les deux interlocuteurs dans une véritable position de négociation. Pour qu’il en soit ainsi, il faudra que les partenaires sociaux tirent un jour les conséquences concrètes de l’autonomie de gestion qu’ils revendiquent.

Vous venez de lire la conclusion de la chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF qui commente la parution du décret du 22 septembre 2010 relatif aux OPCA. Si vous voulez savoir pourquoi l'Etat vampirise les OPCA, vous pouvez lire la chronique jointe ci-dessous. En vous souvenant que par définition, le vampire est humaniste.

OPCA - Chronique AEF -JML-JPW - Octobre 2010.pdf

30/04/2010

Et la lutte continue

Il est de nobles combats. Que l'on est fier de mener et que l'on serait prêt à reprendre demain. Des combats qui nous grandissent, qui établissent notre capacité de résistance, notre refus de subir et notre volonté d'assumer les risques inhérents à la lutte menée. Des combats qui ont du sens et qui ouvrent des chemins. Des combats souhaitables mêmes, tant l'évitement de l'affrontement est parfois pire que la violence. Et le premier de ces combats est souvent à livrer avec soi-même, tel Jacob luttant avec l'ange.

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Delacroix - Lutte de Jacob avec l'ange

Et puis il est des combats plus douteux. Soit dans la manière dont ils sont conduits, soit simplement par leur finalité. Des combats stériles qui n'ont aucune issue positive et dont toutes les parties seront les victimes. Des combats d'arrière-garde, des combats de coqs, des combats d'ego et toutes autres sortes de conflits dont le seul mérite, comme les coups de marteau, réside dans leur fin. On peut parfois, comme Wolfgang Paalen, parer ces combats de mille couleurs sans changer leur nature.
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Wolfgang Paalen - Combat de princes saturniens (III)

Le combat, on n'ose dire la guérilla, que l'Etat mène aux partenaires sociaux quant à la gouvernance du système de formation professionnelle n'a que peu de vertus. La dernière illustration en date se trouve dans le projet de décret concernant les OPCA. On trouvera ci-dessous une analyse réalisée pour l'AEF avec Jean-Marie Luttringer qui explique pourquoi non seulement le combat est vain mais également regrettable du point de vue des bénéficiaires finaux de la formation. Et si vous souhaitez mettre à profit le week-end pour admirer un combat qui en vaille la peine, souvenez-vous que le tableau de Delacroix vous attend dans l'église Saint-Sulpice, à Paris.


22/04/2010

Baiser mortel ?

Le projet de décret relatif aux OPCA qui sera examiné le 23 avril par le CPNFPTLV traduit la persistante suspicion de l'Etat envers les OPCA. On ne veut pas parler des obligations de transparence qui figurent dans le décret : que les OPCA publient leurs règles de prise en charge, la liste des 20 organismes de formation qui reçoivent le plus de financements ou encore qu'ils publient leurs comptes, rien que de très normal et les partenaires sociaux auraient du avoir la bonne idée de faire tout cela avant que l'Etat ne le leur impose.

Plus discutable par contre est la COM : convention d'objectifs et de moyens conclue entre l'Etat et chaque OPCA pour trois ans. Dans tout contrat qui se respecte, les parties souscrivent des engagements réciproques. Or, ici il n'y a d'engagement que pour l'OPCA ! l'Etat lui se réserve de procéder à des mises en demeure dans la digne tradition de l'unilatéralisme administratif qui prescrit et ordonne. La République a décidément du mal à se départir de monarchiques attitudes et habitudes. Pour l'OPCA qui n'atteindrait pas les objectifs, le contrat devient ainsi l'instrument de sa perte. La signature de la COM pourrait donc ressembler au baiser mortel désignant le futur disparu.

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Picasso - Le baiser - Juan les Pins - 1925

La vision réductrice de l'administration transparait également dans l'approche des frais de gestion : sont considérés comme tels à la fois les frais de collecte, les frais de gestion des dossiers de financement et les services apportés aux entreprises sous forme de conseil ou de diagnostics de compétences. C'est faire masse de coûts qui n'ont pas grand chose à voir entre eux. Si les frais de collecte et de gestion doivent être plafonnés et considérés comme des frais de fonctionnement, les coûts d'information, de conseil et d'accompagnement sont des prestations en nature qui bénéficient aux entreprises au même titre que les financements de formation, qui sont eux des prestations en espèces. Il y a ainsi une supercherie précautionneusement entretenue à traiter de la même manière ce qui relève du fonctionnement et ce qui relève des prestations en nature.
Mais après tout, rien de bien surprenant de la part de l'Etat qui agit conformément à sa nature. Quant aux partenaires sociaux qui trouvent que la férule est sévère, ils ne tenaient qu'à eux de se libérer du joug étatique en négociant le passage à une obligation conventionnelle et non plus fiscale de financer la formation. Qui refuse l'autonomie est mal venu à se plaindre d'être soumis.