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12/05/2010

Unir plutôt que désunir

La classification, qui conduit à distinguer et catégoriser, est une méthode de la connaissance scientifique. Elle offre le grand avantage de permettre une compréhension globale grace à l'ordonnancement et de donner du sens à toute connaissance nouvelle en la resituant dans un ensemble plus vaste. Elle présente aussi l'inconvénient de travailler davantage sur les caractéristiques des objets de connaissance que sur les relations qu'ils peuvent entretenir entre eux. En cela, toute classification a une dimension statique, uniquement tempérée par la prise en compte d'évolutions temporelles (classification des espèces par exemple). Ce culte de la distinction marque l'appréhension duale des phénomènes par le monde occidental (vrai/faux, bien/mal, corps/esprit, théorie/pratique, intellectuel/émotionnel, pensée/action, éducation/travail, etc.). Ce raisonnement par opposition a le mérite de la simplicité. Il n'est cependant fécond que lorsqu'il est dépassé par un mouvement dialectique. En Chine, le ciel et la terre n'ont de cesse de s'unir pour donner naissance à toute chose.

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Guo-Xi - Début du printemps

L'arrêt de la Cour d'appel de Rouen, en date du 10 avril 2010, n'est pas très chinois, et pourtant il pourrait potentiellement l'être et nous allons suggérer à la Cour de cassation, si elle est saisie, de franchir le pas. La Cour d'appel condamne une entreprise qui n'a pas informé un salarié de ses droits à DIF dans le cadre d'une rupture conventionnelle à  lui verser des dommages et intérêts. La solution est louable, la motivation un peu moins : les juges appliquent simplement à la rupture conventionnelle le droit du licenciement. Il doit être fait mention dans la rupture conventionnelle des droits à DIF pour que le salarié puisse présenter une demande de formation avant la fin du contrat, comme en cas de licenciement avant la fin du préavis. Osons une suggestion pour la Cour de cassation : conserver la solution mais changer de motivation. Si le salarié doit être informé de ses droits au DIF c'est au nom d'une négociation loyale que doit conduire l'employeur en cas de rupture conventionnelle avec un salarié parfaitement informé par lui de ses droits. Ainsi, la convention doit indiquer ce qu'il advient des droits au DIF : utilisation avant le départ ou renonciation à l'utilisation et usage ultérieur, éventuellement, dans le cadre de  la portabilité. C'est ce que je conseille à mes clients : que la convention indique le sort réservé aux droits au DIF, mais sans reproduire un régime, celui du licenciement, qui n'a de sens que dans le cadre d'une décision unilatérale de l'entreprise. En présence d'une négociation, c'est le droit de la négociation qui doit s'imposer. Si la Cour de cassation, à condition qu'elle en ait l'occasion, veut bien suivre ce raisonnement, elle contribuera à sortir le DIF de l'opposition binaire formation décidée par l'entreprise/formation décidée par le salarié pour faire place à une négociation qui constitue un dépassement par le haut de deux unilatéralités.

Et à propos du DIF, ci-dessous quatre schémas pour tenter de lui donner du sens et d'identifier les moyens de sa mise en oeuvre.

Commentaires

Bonjour,

Il m'arrive rarement de commenter une décision que je n'ai pas lue...Mais, bon, une petite exception.

Personnellement, elle m'a assez étonné et pour être franc, je me suis fais la même réflexion que vous...

Nous sommes ici en présence d'une décision de Cour d'appel qui va bien au-delà de la loi puisqu'elle impose une formalité qui ne s'y trouve pas (bien au contraire l'article L1237-11 vient nous dire que la rupture conventionnelle est exclusive du licenciement ou de la démission).

Reste l'obligation de bonne foi...règle naguère de style mais qui prend aujourd'hui de plus en plus d'ampleur. C'est presque devenu le "couteau suisse" des juristes ! C'est aussi pour cette raison qu'il faut se méfier des tribunaux...

Elle est toutefois utilisée depuis un certain temps déjà dans le droit de la formation professionnelle

Souvenons-nous de l'arrêt Expovit de 1992 où la Cour de Cassation a "pondu" en réalité un arrêt de réglement (théoriquement interdit) en reliant un peu artificiellement la règle qu'elle a posée (assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois - principe qui s'est retrouvé ensuite dans la loi) à l'obligation de bonne foi dans l'exécution des contrats.

Pour les employeurs, l'obligation de bonne foi est toujours une épée de Damoclès...Je pense qu'il faut toujours avoir cela à l'esprit.

Quant à l'arrêt évoqué (si vous l'avez, pourriez-vous me l'envoyer ?), je ne sais pas s'il a fait ou va faire l'objet d'un pourvoi. Si, oui, je ne suis pas sûr qu'il passera l'épreuve...

Écrit par : Bruno Callens (NOVATEM) | 12/05/2010

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