24/02/2012
Du sens des choses
Je me souviens d'un responsable d'un service formation qui prenait un malin plaisir à me citer des articles du Code du travail. Ce faisant, il pensait faire du droit. Il en connaissait plein. Il les savait par coeur et les utilisait souvent. La citation du numéro lui conférait un sentiment de toute puissance qui s'affichait largement sur son visage et que confortait l'impuissance de ses interlocuteurs à faire face à cette redoutable précision. Mais la précision extrême est une des stratégies possibles pour tenter de masquer l'incompétence. En réalité, jamais cet homme n'a fait du droit. Pour deux raisons. La première est que le fait de comprendre tous les mots d'une phrase ne garantit pas d'en saisir le sens. La seconde est que cette phrase ne s'éclaire peut être qu'au vu des intentions qui ont présidé à sa création mais également articles qui l'entourent et à quelques principes dans lesquels elle s'insère.
Thomas Hirschhorn - Concretion
Aucun des éléments utilisés par Thomas Hirschhorn n'est incompréhensible : des mannequins, du ruban adhésif, des traverses de bois. Le sens de CONCRETION est-il pour autant évident ? et peut être faudrait-il prendre connaissance des 19 autres oeuvres qui ont été présentées lors de l'exposition CONCRETION pour donner un sens à cette troupe qui se rigidifie sous nos yeux. Car le durcissement, de la pensée, des relations, du monde, est la thématique proposée. Mais isoler un élément de son contexte rend plus difficile d'en saisir la signification.
La Cour de cassation a illustré cette exigence d'élargissement du regard pour la compréhension du sens dans une décision du 25 janvier 2012. Une salariée prend un congé parental le 1er février suite à un congé maternité, et envoie un courrier à l'employeur pour l'en informer le 7 février alors que le Code du travail prévoit une information un mois à l'avance. L'entreprise procède au licenciement pour absence injustifiée. A tort nous disent les tribunaux. La salarié remplissait les conditions pour bénéficier du droit au congé parental, qui était donc de droit, et avait informé l'employeur par d'autres moyens. L'envoi tardif du recommandé ne constituait donc pas une faute grave. Le manquement de la salariée à une exigence précise d'un texte n'est donc pas une faute dès lors que l'on redonne à ce texte sa véritable portée au regard de la finalité du droit et de son mode d'exercice. Pour qui veut véritablement comprendre le sens des choses, on conseillera donc non pas d'être imprécis, mais de préférer la vision globale à la vision à courte focale.
01:32 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : congé parental, droit, droit du travail, art, art contemporain, jurisprudence, focale, photographie
Commentaires
Bonjour,
Vous semblez oublier que derrière le pinaillage que vous semblez abhorrer (et les textes le permettent souvent cet exercice malheureusement) il y a souvent des intérêts à défendre et une certaine conception de ce que l'on estime être juste.
On pinaille toujours quand cela nous arrange...
Lorsque vous dites : " La seconde est que cette phrase ne s'éclaire peut être qu'au vu des intentions qui ont présidé à sa création mais également articles qui l'entourent et à quelques principes dans lesquels elle s'insère.".
Je ne crois pas beaucoup à l'intention du législateur si c'est de cela dont il s'agit. Et d'ailleurs peu importe...
Écrit par : Bruno Callens | 24/02/2012
Je ne pense pas que l'on puisse faire du droit sans sociologie de la regle, ecole toulousaine ! Sinon on ne fait que de la technique et ce n'est qu'une partie du droit, celle qui ne traite pas du sens. La technique est une chose, l'usage que l'on en fait une autre.
Écrit par : jpw | 24/02/2012
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