Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/05/2012

Déraisonnable (2)

Décidément, le Crédit Agricole n'a guère de chance avec sa convention collective et les périodes d'essai. Trois ans après avoir été condamné pour une période d'essai excessive d'une durée d'un an (voir ici), la banque des champs subit une fois encore les foudres du juge qui, cette fois-ci, juge excessive une période d'essai de 6 mois. Il faut dire que l'emploi n'était pas le même, en l'occurence dans l'affaire il s'agissait d'une assistante commerciale. L'entreprise avait procédé à une première évaluation, peu satisfaisante, de la salariée après 3 mois. Mais avait décidé d'aller au  bout de la période d'essai fixée à 6 mois en application de la convention collective. Louable mais injustifié pour le juge : la période d'essai ne peut servir qu'à apprécier les capacités du salarié et sa durée doit être totalement calibrée à cette exigence. Dès lors, six mois d'essai peuvent être considérés comme déraisonnables sur la base de l'emploi occupé.

8601.jpg

Ange Leccia - La déraison du Louvre

L'occasion également pour le juge de rappeler une fois de plus qu'il n'est pas tenu par les termes d'une convention collective et que les partenaires sociaux peuvent, dans leur grande sagesse, manquer de vigilance. Pour la Cour de cassation, il paraît évident que fixer la durée de l'essai en fonction de la catégorie professionnelle n'a guère de sens : c'est la réalité de la situation qui compte et la difficulté de réaliser l'activité confiée.

On pourrait se dire que cette décision va inciter les employeurs à se séparer encore plus vite de leurs salariés, sans prendre le risque d'un contentieux a postériori, à moins qu'au contraire elle n'incite à ramener les périodes d'essai à ce qu'elles sont, à savoir une mise en situation de travail qui permet d'apprécier la compétence du salarié.Pour le reste, il faut raison garder.

18/01/2011

Pas d'essai pour la neige

L'hôtelier est rompu à l'usage des contrats saisonniers. Il en a encore conclu plusieurs pour la saison, dont un avec une serveuse embauchée le 1er janvier avec une période d'essai de dix jours. Le 8 janvier, la neige ayant déserté, et les clients avec, la station de sports d'hiver, il est mis fin par l'hôtelier à la période d'essai. Tempête judiciaire s'en suit : la salariée conteste la possibilité de rompre la période d'essai pour ce motif. Avec raison selon la Cour de cassation qui censure une décision qui n'est pas fondée sur un motif inhérent à la personne du salarié (Cass. soc., 10 décembre 2010). Tempête sous le crâne de l'employeur qui se demande comment il convenait de s'y prendre et pourquoi il ne peut pas librement rompre une période d'essai. Laissons passer la tempête de Turner avant de lui répondre.

Turner-Tempête de neige.jpg

William Turner - Tempête de neige - 1842

Pourquoi n'est-il pas possible de rompre une période d'essai pour absence de neige ? parce que la période d'essai a pour seule finalité d'apprécier les compétences du salarié (C. trav., art. L. 1221-20) et qu'elle ne peut être rompue que pour ce motif à l'exclusion de tout autre. D'ailleurs, les règles relatives au licenciement ne peuvent s'appliquer pendant une période d'essai (C. trav., art. L. 1231-1).

Que convenait-il de faire ? si l'employeur voulait gérer l'aléa de la neige, il ne devait pas prévoir de période d'essai. Il aurait ainsi pu licencier pour un motif économique, au bout de huit jours. Ou bien, il devait proposer un CDD de courte durée, renouvelable. Ou encore, il devait attendre la fin de la période d'essai avant de licencier. Mais prévoir une période d'essai, signifie que l'on garantit l'emploi du salarié pendant cette période, sauf si son comportement s'avérait inapproprié avant le terme même de la période d'essai. Et voilà que l'on découvre que la période d'essai, loin d'être la période de totale précarité que l'on imagine souvent, est en fait une garantie d'emploi stable pendant l'essai pour pouvoir apprécier les compétences du salarié. En clair, avec la période d'essai, l'employeur annonce qu'il va prendre son temps pour apprécier le salarié et sécurise le contrat pendant ce laps de temps. Il n'est pas certain que cette définition juridique de l'essai soit exactement celle qui prédomine dans les représentations. C'est pourtant celle que les tribunaux semblent déterminés à faire prévaloir.

13/10/2010

Pas de motif, un seul motif

Le droit du travail oblige parfois l'employeur à motiver ses décisions, notamment en matière disciplinaire ou de licenciement. Mais ce principe n'est pas général et certaines décisions, qui pourtant font grief au salarié ce qui justifierait, sur le principe, qu'il puisse en connaître les raisons, n'ont pas à être motivées. Pourquoi cette différence ? avançons une explication sans avoir vérifié si elle ne comportait pas de contre-exemple. Deux lois relativement récentes ne font pas obligation à l'employeur de motiver sa décision qui doit pourtant être écrite. Elles nous permettent peut être de comprendre pourquoi certaines décisions n'ont pas à être motivées : parce qu'il n'existe qu'un seul motif possible. L'unicité du motif est un thème cher à Jean-Pierre Balagué, peintre toulousain.

DSCF6028.JPG

Jean-Pierre Balagué - Sans titre - 2004

La loi du 25 juin 2008 a réformé le droit de la période d'essai en prévoyant une rupture possible par l'employeur sous la seule condition de respect d'un préavis mais sans motivation. Pourquoi ? parce que le seul motif possible de la rupture d'une période d'essai est une évaluation négative des compétences du salarié dans son travail, ce qui est l'objet même de la période d'essai (C. trav., art. L. 1221-20). Si le salarié prouve que d'autres motifs sont à l'origine de la rupture (motif économique notamment ou motif non inhérent à l'appréciation de ses capacités), la rupture sera considérée comme abusive. Un peu antérieure, la loi du 4 mai 2004 a introduit dans le code du travail le droit individuel à la formation (DIF) conçu par les partenaires sociaux. Ce droit nécessite un accord entre l'employeur et le salarié pour pouvoir être mis en oeuvre. Si l'employeur refuse une demande de DIF il n'a pas, légalement, à motiver ce refus. Pourquoi ? parce que le seul motif de refus possible est un désaccord sur la formation choisie par le salarié. Il n'est en effet pas question pour l'employeur de nier le DIF mais simplement d'en négocier la mise en oeuvre. Dès lors, en cas de refus, inutile pour le salarié de s'entêter à représenter des demandes similaires. Mieux vaut inverser la proposition et demander à l'employeur quelles sont les formations pour lesquelles il est prêt à accepter une demande de DIF. Ce qui renverra l'entreprise à l'obligation de décider d'une politique de DIF qu'elle doit présenter tous les ans au comité d'entreprise. Certaines conventions collectives imposant la motivation, les entreprises ont tout intérêt à s'en tenir au motif légal. En effet, un refus fondé sur une absence de budget ou un refus de financement de l'OPCA pourrait être criticable car étranger au seul motif légalement prévu. Et l'on constate qu'absence de motivation ne signifie donc pas totale et discrétionnaire liberté de décision.

10/06/2009

Déraisonnable

La Cour de cassation vient, dans une décision du 4 juin 2009, de juger déraisonnable une période d'essai d'un an prévue par la Convention collective nationale du Crédit Agricole. La caisse qui avait recruté un chargé d'affaires, n'avait fait qu'appliquer les dispositions conventionnelles qui prévoyaient pour cette fonction une période de stage d'un an, tenant lieu d'essai. La légitimité de la pratique paraissait donc établie : pas tant que cela d'après les juges. Une durée d'essai d'un an n'est pas raisonnable au regard des exigences de la convention n° 148 de l'Organisation Internationale du Travail qui prévoit que la période d'essai doit avoir une durée raisonnable.

Laderaisond'amour.jpg
La déraison d'amour

Cette décision livre deux enseignements. La première est que le juge détient la vérité et qu'il est au final seul habilité à dire ce qui est raisonnable ou pas. La deuxième est qu'une convention collective, pas plus qu'un contrat de travail, ne constitue un blanc seing et que sa validité peut être mise en cause lorsque son contenu n'est pas conforme aux normes supérieures, en l'occurence une convention internationale. Les partenaires sociaux ne sont pas infaillibles et le résultat de leur négociation peut être discuté. Pas la décision du juge rendu en dernier ressort. Ite missa est.

06/10/2008

Stagiaires à l'essai

La loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 fait produire des effets à la période de stage réalisée en entreprise en cas d'embauche ultérieure : "En cas d’embauche dans l’entreprise à l’issue du stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d’études, la durée de ce stage est déduite de la période d’essai sans que cela ait pour effet de réduire cette dernière de plus de la moitié, sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables "(art L1221-24 du C. trav).

Cette disposition pose deux questions : doit-on appliquer cette disposition indépendamment de l'emploi sur lequel est embauché le stagiaire et pendant quel délai cette règle s'applique-t-elle ?

Pour la première question, le texte ne prévoit pas, comme pour l'embauche après un CDD ou un contrat d'intérim, une prise en compte uniquement en fonction de l'emploi occupé. Ce qui est logique car un stagiaire n'occupe pas un emploi, il ne peut donc pas y avoir analogie avec les CDD ou l'intérim. On considère ici que la connaissance de la personnalité du stagiaire permet de raccourcir la période d'essai de moitié. Après un stage de six mois, la période d'essai ne peut être que de deux mois en cas d'embauche sur statut cadre et de quatre mois en cas de renouvellement (au lieu de 4 ou 8 mois).

web_DSC_0234G.JPG
Oeuvre collective réalisée en stage de peinture

La deuxième question concerne le délai entre la fin du stage et l'embauche. Il est évident qu'un délai très court constituerait une fraude à la loi. En tout état de cause, un délai inférieur à la durée de la diminution de la période d'essai ferait courir à l'entreprise un risque de requalification (par exemple : différer l'embauche d'un mois pour récupérer deux mois d'essai peut être considéré comme une fraude). Il convient donc d'admettre que le délai d'application de la règle est, au minimum, la durée pendant laquelle la période d'essai aurait été réduite.

03/10/2008

Mettre fin à l'essai

La loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 modifie les règles de calcul de la période d’essai, mais introduit également un préavis légal qui doit être respecté en cas de rupture par l’une ou l’autre des parties. La durée de ce préavis n’est pas identique pour l’employeur et le salarié : si ce dernier doit un préavis de 48 h, ramené à 24 h dans les 8 premiers jours de l’essai, l’employeur doit un délai de 24 h si le contrat a moins de 8 jours, 48 h entre 8 jours et un mois, deux semaines après un mois de présence et un mois après trois mois de présence. Pour un cadre qui aurait une période d’essai de quatre mois, il faudrait donc prendre la décision au bout de trois mois pour l’informer de la poursuite ou non du contrat. Ce qui réduit d’autant la durée de la période d'essai

peintures-acryliques-abstraites-24-03-07.jpg
Guy Leroy - Essai 33

Toutefois, l’article 1221-25 qui fixe ces durées précise que la durée du préavis ne peut avoir pour effet de prolonger la période d’essai. Si je préviens le cadre 15 jours avant la fin du contrat, celui-ci n’est pas prolongé pour autant. Quid alors du non-respect du préavis ? s’il n’a pas pour effet de prolonger le contrat, il faut considérer que, comme tout préavis du par l’employeur qui n’est pas exécuté il doit être payé. Dans ce cadre, l’entreprise conserve le droit de rompre le contrat jusqu’à la fin de la période d’essai, mais si la date de la décision ne permet pas le respect du délai de prévenance, le salarié a droit à un préavis payé qui demeure sans effet sur le contrat. En pratique, le cadre prévenu à 15 jours du terme de la période d’essai que son contrat n’est pas poursuivi aura droit à 15 jours d’indemnité pour tenir compte du délai de prévenance d’un mois. Le prix de la décision tardive.

.

12/06/2008

L'essai transformé

Le dilemne est toujours le même : faut-il tenir compte des fraudes et faire des textes spécifiques pour tenter de les éviter ou bien faut-il s'en tenir aux textes généraux et les faire respecter ?

Les partenaires sociaux ont choisi, dans l'ANI du 11 janvier 2008 la première hypothèse. Constatant que 30 % environ des CDD et contrats d'intérim sont des contrats de pré-recrutement, illicites il va sans dire, les organisations patronales et syndicales ont décidé d'augmenter la durée des périodes d'essai pour favoriser le recours direct au CDI. 

446px-Montaigne_Essais_Manuscript.jpg
Les Essais de Michel de Montaigne - 1595 (édition posthume)
 
Le pari du CDI sera-t-il gagné ? à voir. Dans l'attente, le régime de la période d'essai se trouve largement modifié. En pièce jointe, les nouvelles dispositions commentées de la partie du nouveau code du travail consacréé à la période d'essai. L'avenir nous dira si cet essai est véritablement transformé.