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24/05/2013

L'accord des pas d'accord

La décision était attendue depuis quelques mois, car elle pouvait couper court au développement de la rupture conventionnelle. La question posée à la Cour de cassation était en effet de savoir si une rupture conventionnelle homologuée pouvait être conclue entre un salarié et un employeur dans un contexte de conflit. Répondre par la négative aurait eu pour conséquence que seuls les bons amis pouvaient négocier librement les modalités de fin de leur contrat de travail : pour les autres, il ne restait que l'unilatéral, à savoir la démisssion ou le licenciement. La Cour de cassation n'a, fort heureusement, pas emprunté cette voie.

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Edward Munch - La Bagarre - 1932-1935

Dans une décision rendue jeudi 23 mai, elle a décidé qu'une situation conflictuelle ne s'opposait pas, par principe, à la conclusion d'une rupture conventionnelle. Il est donc possible de sortir d'un conflit par la négociation, ce qui redonne vie à l'adage selon lequel un bon accord vaut mieux qu'un mauvais procès. Sont ainsi transposés au niveau individuel, les accords collectifs de fin de conflit.

Toutefois, la Cour de cassation rappelle que, s'agissant d'une rupture négociée, aucune partie ne doit imposer sa volonté à l'autre ou faire pression sur le consentement de l'autre. Par conséquent, il n'est toujours pas possible de menacer un salarié de licenciement pour l'engager ensuite dans une procédure de rupture conventionnelle : un tel acte ferait risquer la nullité à l'accord de rupture. Après l'envoi de la convocation à l'entretien préalable, il faut donc oublier la rupture conventionnelle et ne surtout pas négocier  pendant l'entretien de licenciement. Négocier en situation de conflit oui, sous pression non.

Cass.Soc 23 mai 2013 RC.pdf

14/02/2012

Tout va bien, on se quitte ?

Les décisions de Cour d'appel s'accumulent en des sens opposés et la Cour de cassation devra bientôt trancher en posant une solution de principe : est-il possible ou non de conclure une rupture conventionnelle alors qu'il existe un litige entre l'employeur et le salarié ? La Cour d'appel de Riom a répondu par la négative en janvier 2011 estimant que lorsque le salarié est en litige avec son employeur, il ne peut librement négocier. Plus pragmatique, sans doute parce que plus au sud, la Cour d'appel de Montpellier a rappelé le 16 novembre 2011 qu'aucun texte n'interdit de conclure une rupture conventionnelle dans un contexte litigieux et que les débats parlementaires n'ont pas évoqué de réserve particulière  à ce sujet. De la position de la Cour de cassation dépend donc l'avenir de la rupture conventionnelle homologuée comme forme de séparation amiable.

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Edvard Munch - La séparation

Il n'y a que des juges, certains du moins, pour considérer que la rupture conventionnelle ne sera utilisée que dans le cadre d'une cordiale entente des parties : "Tout va bien entre nous, quittons nous". En réalité, la rupture conventionnelle vient souvent conclure une dégradation des relations ou constitue une alternative satisfaisante à une démission ou un licenciement. En vertu de quel principe interdirait-on aux parties de constater qu'elles ont des relations conflictuelles et que la meilleure solution est de ne pas les prolonger ? le seul contrôle que doivent exercer les tribunaux est celui de la volonté du salarié. Le consentement du salarié était-il libre ou non ? sachant que la loi organise tout le processus de rupture selon des modalités qui garantissent la validité de l'accord du salarié. Si l'on considère que tout litige constitue par principe et par nature une pression insupportable sur la volonté du salarié qui lui interdit de conclure un accord conventionnel de rupture, alors cela signifie que la volonté du salarié est entièrement soumise au rapport de subordination dès lors qu'il existe un conflit d'intérêts avec l'employeur. Ce faisant, en pensant protéger le salarié, on le considère comme un individu qui ne peut agir de manière responsable et dont la volonté est inévitablement alterée par le contrat de travail lui même. Pas sur que ce soit un service à rendre aux salariés que de les considérer comme aliénés par la moindre situation conflictuelle.

15/11/2011

Malades

Le Gouvernement préfère l'optimisation fiscale à l'optimisation sociale. Voici donc ressorti à l'approche des élections présidentielles, le slogan de la lutte contre la fraude aux allocations, systématiquement présentées comme ce qu'elles ne sont pas, une assistance sur le mode de l'aumône, et jamais comme ce qu'elles sont, un droit dont on ne bénéficie qu'à certaines conditions dont souvent celle d'avoir contribué à financer le régime. Tel est le cas notamment des indemnités journalières d'assurance maladie mises sur la sellette à travers deux annonces retentissantes : les salariés bénéficiant de faux arrêts maladies seraient mis à l'amende et un quatrième jour de carence serait rajouté aux trois jours légaux existants. Juridiquement, dans les deux cas, le coup est à côté de la cible.

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Edward Munch - L'enfant Malade - 1896

Si le "responsable mais pas coupable" a un sens juridique, la responsabilité civile n'étant pas la culpabilité pénale, le "pas responsable mais coupable" n'en a aucun. On ne peut être coupable, de fraude en l'occurence, que si l'on est responsable, c'est à dire si l'on dispose du pouvoir de décision. Les salariés ne pouvant se prescrire de faux arrêts maladie, il faudra si l'on veut véritablement un coupable se tourner du côté des médecins. Quant à la seconde mesure, elle ne fera qu'accroître le fossé entre les catégories de salariés sans règler le problème. Qui subit aujourd'hui la carence de trois jours ? les salariés des PME, ceux qui sont couverts par une convention collective peu protectrice et ceux qui ont une prévoyance minimale. Qui ne la subit pas et ne la subira pas plus sur 4 jours que sur 3 ? les autres, c'est à dire les salariés ayant une convention protectrice, une bonne mutuelle ou travaillant dans une grande entreprise qui prend à sa charge la carence. Les salariés les moins protégés le seront donc encore un peu moins sans que rien ne change pour les autres. Quant aux médecins, ils peuvent dormir tranquille, en période préélectorale ils ne sont carrément pas dans la cible.

26/08/2011

D'une culture l'autre

Il n'est pas un français pour contester que la cuisine est une tradition française. Peut être un peu moins pour reconnaître que cette tradition existe dans tous les pays et que le rapport à la nourriture, à la manière de la préparer et de la consommer, en dit aussi long sur l'état d'une société que la lecture de son Code pénal (non moins bon révélateur toutefois).

Le succès des émissions culinaires télévisées est à cet égard instructive. On pourrait penser que pour des passionnés de cuisine, la participation à un programme où il s'agit avant tout de cuisiner est une fête, dans la tradition française, mais aussi européenne : si le banquet marque la fin de toute aventure d'Astérix, archétype du héros Gaulois, il emprunte parfois aux maîtres flamands.

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Le Banquet de Bruegel revu par Uderzo

Mais surprise, les candidats tirent des têtes de six pieds de long, pleurent à tout instant, sont en permanence à fleur de nerfs et vivent névrotiquement le rapport au succès ou à l'échec. Toute mise à l'écart est plus terriblement vécu que le départ d'Eve et d'Adam du paradis. Traversant les siècles, la culpabilité aurait donc poursuivi son terrible office ? pourquoi ce rapport pathologique à l'échec ? problème éducatif ? reste judéo-chrétien ? infantilisme généralisé ? égos déployés à tout va ?

Un début de réponse peut être trouvé outre-atlantique. Dans le même type d'émission culinaire, des Québécois (libres évidemment), apprentis cuisiniers, concourent pour un titre de Chef. Compétition joyeuse, remerciements de ceux qui sont éliminés pour la participation, convivialité. Taux lacrymal quasi-nul, concentration n'excluant pas le sourire, sérieux mariné dans l'humour. Bref, pas encore la bacchanale de Picasso, mais pas loin.

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Picasso - Bacchanale

Pourquoi tant de décalage ? il vient peut être de loin et les peintres, comme souvent, peuvent nous aider. D'où le Caravage a-t-il sorti ce Bacchus triste devant l'abondance de chère ? d'une profonde mélancolie qui habite la vieille Europe et qui en fait la zone du monde à la fois la plus riche et la plus consommatrice d'anti-dépresseurs ?

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Caravage - Bacchus

Les Québecois ont fait leur cuisine avec une part de culture greco-latine et une part de culture anglo-saxonne. Le mélange est plutôt savoureux. Il nous permet de ne pas oublier ce que proclamait un grand ripailleur français, François Rabelais, que le rire, et non les larmes, est le propre de l'homme.

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Anthony Lelgouarch - Le rire de Gouarch

05/10/2010

OPCA vampirisés

Le champ de l’emploi et de la formation professionnelle, au sens le plus large, connaît un mouvement de concentration sans précédent. Que l’on en juge : fusion ANPE-Assedic au sein de Pôle emploi, mise en place des DIRECCTE, réforme des réseaux consulaires avec concentration des pouvoirs au niveau des chambres régionales plutôt que départementales, généralisation des Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES) associant Universités, Grandes Ecoles et Centres de recherche, etc. Ce mouvement général a deux logiques : la première est la recherche d’effets de taille et de levier en vue d’économies d’échelle et d’une meilleure efficacité. Pourquoi pas, même s’il n’est pas de loi qui démontre que l’efficacité d’une organisation est proportionnelle à sa taille. La seconde est une remontée d’un cran des niveaux de décision, ce qui ne surprendra personne en période de crise. Toutes les organisations ont tendance à recentraliser les décisions lors des périodes de tangage, et la France avec sa tradition jacobine est mal placée pour faire exception à ce principe qui constitue un réflexe quasi-naturel même si l’option inverse pourrait se défendre (en période de crise il faut décentraliser pour responsabiliser et mobiliser davantage tout un chacun).

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Edvard Munch - Le vampire

Il serait tentant d’inscrire la mise en place du FPSPP et la réforme des Opca dans ce mouvement d’ensemble, et nul doute qu'elles n'y sont pas étrangères. Il est cependant indispensable de les en  distinguer. En effet, les institutions visées (Pole Emploi, PRES, réseaux consulaires, DIRECCTE …) sont des institutions publiques ou parapubliques. Que l’Etat mette de l’ordre en sa maison ou dans les dépendances, rien que de plus naturel. Mais les OPCA et au-delà la gestion paritaire de la formation professionnelle ce n’est ni la maison de l’Etat ni ses dépendances. Et ce qui peut valoir dans un cas, décision étatique de restructuration suivie de contrats d’objectifs qui assignent des missions et objectifs, ne se conçoit guère dans l’autre où l’autonomie des partenaires sociaux doit trouver sa place et un dialogue s’instaurer entre l’intérêt public porté par l’Etat et l’intérêt général porté par la gestion paritaire. En d’autres termes, entre la démocratie politique et la démocratie sociale. Le décret du 22 septembre 2010 laisse une place à ce dialogue et l’on peut s’en féliciter, mais il maintient tout de même une tutelle sur les OPCA qui ne place pas les deux interlocuteurs dans une véritable position de négociation. Pour qu’il en soit ainsi, il faudra que les partenaires sociaux tirent un jour les conséquences concrètes de l’autonomie de gestion qu’ils revendiquent.

Vous venez de lire la conclusion de la chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF qui commente la parution du décret du 22 septembre 2010 relatif aux OPCA. Si vous voulez savoir pourquoi l'Etat vampirise les OPCA, vous pouvez lire la chronique jointe ci-dessous. En vous souvenant que par définition, le vampire est humaniste.

OPCA - Chronique AEF -JML-JPW - Octobre 2010.pdf