04/10/2016
Centralisme démocratique
Dans le cadre des travaux de refonte du Code du travail (que l'on avait déjà réécrit entièrement en 2008 mais l'on remet l'ouvrage sur le métier tout en proclamant que la stabilité juridique est gage d'efficacité et de sécurité....), la CGT a rédigé une longue note sur sa position en matière de norme sociale et de la place de cette norme dans les politiques d'emploi et de formation. Saluons l'exercice à la fois de formalisation des positions de l'organisation et de transparence. Et venons en au fond. Fidèle à ses positions traditionnelles, la CGT préfère la loi à la négociation et le niveau national au niveau local, ces deux priorités étant censées mieux garantir les droits des salariés.
Photo transmise par un militant CGT, le centralisme n'excluant pas l'humour
On pourra, à la lecture du document, mesurer l'écart entre les positions de la CGT et celles de la CFDT, cristallisé lors des débats sur la loi Travail, qui traduit deux approches. L'une jacobine, étatique et revendiquée comme telle, celle de la CGT, et l'autre plus girondine, plus décentralisée, qui fait le pari du terrain. Pour la CGT, le rapport de force sur le terrain, ou le rapport de négociation si l'on préfère, est plus favorable aux salariés au niveau national car moins soumis à la pression directe de l'employeur, pour la CFDT, il faut prendre le risque de la négociation décentralisée pour trouver des solutions, de l'innovation, de l'adaptation qui ne peut, par nature, résulter d'un niveau trop général. Rappelons que la France n'a jamais véritablement été Girondine et qu'elle ne prend pas le chemin de l'être si on en croit les programmes présidentiels qui ont été publiés à ce jour.
11:31 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : travail, loi, cgt, cfdt, syndicats, réforme, emploi, politique
19/03/2013
Chauve ou Souris
C'est intéressant la chauve-souris. Voyez mes ailes, je suis oiseau, voyez mon poil, je suis souris. Elle n'a pas à choisir la Chauve-Souris. Elle cumule les qualités : une ouïe de sonar, une vision nocturne hors-pair (et non, elles ne sont pas aveugles) et un odorat de compétition. Agaçant les gens qui cumulent comme cela des aptitudes à tout. C'est peut être pour cette raison qu'elles ont longtemps été persécutées et qu'elles continuent à effrayer.
Albert Penot - La Chauve-Souris - 1880
Elle a agacé ses confères syndicaux à vouloir cumuler les qualités la CGC. En tant qu'unique confédération syndicale catégorielle, elle bénéficie d'un mode de calcul de représentativité qui ne porte que sur le second collège (ou le second et le troisième lorsqu'il en existe trois). Mais pas sur le premier qui regroupe les ouvriers et les employés. Forte d'une représentativité de 35 % calculée sur l'ensemble de l'entreprise, le syndicat CGC d'une société entendait pouvoir signer seule un accord d'entreprise non catégoriel. Saisi par la CGT, le juge s'y oppose : quand bien même son score serait supérieur à 30 % au niveau de l'entreprise, en ayant fait le choix d'être catégorielle, la CGC ne peut signer seule un accord d'entreprise. Pas question de faire sa Chauve-Souris et de calculer des représentativités variables selon les circonstances. Catégorielle tu es, catégorielle tu resteras. Si la décision de la Cour d'appel de Versailles est limpide (CA Versailles), reste à savoir ce que la Cour de cassation dira sur la question.
00:44 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cgc, cgt, syndicat, accord, travail, droit, chauve-souris
13/03/2012
De l'engagement
La CGT a officiellement exprimé sa position pour la prochaine élection présidentielle en indiquant pour qui elle ne voterait pas. Le même jour, Laurence Parisot dans une interview aux Echos, annonçait tout aussi clairement, même s'il ne s'agit pas d'un communiqué du MEDEF, pour qui elle ne voterait pas. Si les positionnements politiques ne surprennent guère, leur expression a suscité force commentaire. Les vieilles rengaines sur la politisation des syndicats sont rebrandies. Les représentants de la démocratie sociale doivent-ils prendre position lorsqu'il s'agit de démocratie politique ? en droit, s'il est interdit à un syndicat de poursuivre des objectifs politiques, l'intervention politique est reconnue comme un moyen de défendre les intérêts des adhérents. L'engagement n'est donc pas une fin mais peut être un moyen.
Ai Weiwei
D'ailleurs, tout le monde devrait se réjouir que chacun souhaite et puisse s'engager. La démocratie se porte mieux lorsque les citoyens s'engagent que lorsqu'ils négligent de le faire. Et l'engagement d'un seul peut parfois faire des émules à l'exemple d'Ai Weiwei.
Non l'engagement n'est pas un problème, sauf si l'on considère qu'il est impossible d'avoir des relations, de travailler efficacement, voire de cotoyer ceux qui ont d'autres engagements que les notres. Cette vision ostracisée de la société où l'on ne pratiquerait que l'entre soi endogamique est une véritable plaie. Je me souviens qu'un des premiers à me faire confiance lorsque j'ai débuté mon activité, était un représentant patronal à la réputation sulfureuse, autrement dit il fleurait l'extrême-droite. En réalité, il baignait dans des cultures de droite très diversifiées dont il faisait une anarchiste synthèse personnelle tout en aimant l'ordre et le cérémonial. Mais cela il m'a fallu du temps pour le découvrir. La vérité d'un individu n'est quasiment jamais dans son apparence.
L'engagement devrait être un acte aussi normal et banal que le fait de cotoyer avec plaisir ceux qui pensent autrement que nous. Manifestement nous n'en sommes pas là et ici j'adresse un salut personnel à Marc Ferracci qui refusa la semaine dernière un débat avec moi parce que j'avais osé écrire tout le mal que je pensai du rapport sur la formation professionnelle qu'il a coproduit pour l'Institut Montaigne (voir ici). Et au plaisir d'une prochaine rencontre, avec un peu d'engagement !
22:17 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : engagement, élection, syndicat, cgt, medef, politique, présidentielle
07/12/2011
Pas d'accord, pas de DIF
La solution n'est pas nouvelle, elle a déjà été jugée. Mais elle est réaffirmée dans des termes qui se veulent pédagogiques. De quoi s'agit-il ? de la mise en oeuvre du Compte Epargne Formation, ancêtre du DIF, chez Renault. Ce DIF conventionnel, jugé plus favorable que le légal, a été mis en oeuvre par la direction de Renault par prélèvement d'heures sur les compteurs pour certaines formations. La CGT fait un recours contre ces pratiques sur deux motifs : le DIF doit être réalisé exclusivement à l'initiative du salarié et il ne peut être utilisé pour des formations d'adaptation ou de maintien dans l'emploi. Le juge sanctionne l'entreprise mais sans donner tout à fait raison au syndicat puisqu'il ne reprend pas les arguments de la CGT, selon laquelle le DIF serait défini comme un droit individuel relevant de la seule initiative du salarié, mais préfère privilégier l'accord des parties, caractéristique première du DIF.
Watteau - L'accord parfait - 1719
Le motif principal de la décision porte sur la nécessité d'un accord. Selon le juge, le DIF n'est pas caractérisé par l'initiative du salarié, ce qui n'enlève rien à son droit d'initiative, mais par la nécessité d'un accord. Peu importe dès lors que le salarié soit à l'origine de la demande ou que l'entreprise lui ait fait des propositions : ce qui permet de valider le DIF c'est l'accord entre les parties.
Le juge écarte également le second argument de la CGT en précisant que la nature des formations n'est pas un critère d'imputation au DIF et qu'il appartient au salarié de décider si la formation doit être en rapport ou non avec ses fonctions. Les actions d'adaptation ne sont donc pas exclues du DIF par principe. Par contre, la décision précise qu'elles sont exclues du Compte Epargne Formation tel que mis en place chez Renault. Mais pour le DIF légal, cette réserve n'existe pas.
On appréciera tout particulièrement que le juge indique que ces arguments se déduisent de la lecture des textes "avec l'évidence requise en matière de référé".
C'est ce que l'on essaie d'expliquer depuis plusieurs années. Merci au juge d'apporter l'eau de l'accord parfait au moulin de la réflexion de ceux qui n'étaient pas convaincus.
01:22 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : dif, formation, renault, cgt, droit, travail