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09/02/2012

Machines autodestructrices

Liaisons Sociales en fait le thème de son dernier numéro d'Entreprises et Carrières : les accord seniors génèrent de la frustration, notamment avec les entretiens de mi-carrières, entendez des plus de 45 ans, qui ne sont pas ou plus faits et lorsqu'ils le sont c'est à la stupéfaction des seniors à qui on les a proposés :

"Comment envisagez-vous votre avenir professionnel ?

- c'est plutôt à vous de me le dire...

- Ah mais non, je suis là pour vous écouter...

- Certes, mais ce n'est pas moi qui décide de mes missions, de mon évolution possible dans l'organisation, de mon parcours...

- Mais cet entretien a pour objectif de vous permettre d'exprimer vos souhaits...

- Et quelles sont les décisions qui pourraient en résulter...

- Ah ça ! ...."

Et voilà comment les entretiens de mi-carrière frustrent le bénéficiaire et le manager : rien à décider, rien à proposer, mais un entretien à tenir et la pression des RH pour les réaliser effectivement, d'ailleurs c'est écrit dans l'accord senior qu'il faut les faire, donc allez-y. Ou comment faire de la RH autodesctructrice.

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Jean Tinguely - Machine autodestructrice - 1960

En 1960, Tinguely créé un hommage à New-York : une machine autodestructrice, installée dans les jardins du Moma, préfigurant la ville carnassière qui s'autodétruit et renaît sans cesse, New-York la ville du mouvement perpétuel, illustration constante de la destruction  créatrice de Schumpeter.

Les ressources humaines ressemblent parfois à ces machines autodesctructrices, lorsqu'elles agissent selon leurs logiques, ou contraintes, propres, sans se soucier des utilisateurs. Ce qui donne : j'étais obligé de faire un accord senior, je l'ai fait, maintenant la suite n'est plus de mon ressort. Et ce discours peut être tenu sur l'égalité professionnelle hommes-femmes, sur la pénibilité, sur les travailleurs handicapés, sur la GPEC, etc. Les ressources humaines produisent du formel sur des obligations légales et ensuite, bon courage les managers mais surtout ne venez pas nous chercher, nous on a fait notre job, à vous de jouer maintenant. Et pas question de renacler, vous seriez des résistants au changement ou des rebelles à la contrainte qui s'impose à tous. Allez, après ça, expliquer aux managers que la fonction RH a de la valeur ajoutée ou qu'elle peut servir à autre chose que leur compliquer la vie. Ils vous répondront invariablement que le service Ressources Humaines ressemble pour eux à une machine autodestructrice et que le RH ferait mieux de s'abstenir d'agir, ce serait toujours ça de pris. Tout ceci n'empêche pas des RH de considérer qu'ayant rempli leur obligation, ils ont fait ce qu'il fallait. Et peu importe les conséquences sur les opérationnels. C'est à celà que l'on mesure la capacité d'autodestruction et que l'on voit les limites d'une politique qui consiste à faire de l'obligation légale l'alpha et l'oméga des politiques RH. Pour aboutir à ce résultat, autant laisser les acteurs sociaux se débrouiller entre eux, ce sera moins machinal et moins destructeur.

25/02/2011

Jeunes gens, restez potaches (surtout quand le prof est mauvais)

Visite au Musée des Abattoirs à Toulouse qui présente une des figures de l'art conceptuel, Bernard Venet, et quelques pièces de sa collection. L'art conceptuel, l'art mathématique, l'art minimaliste ne constituent pas mon verre de vin préféré (je n'aime pas le thé), mais les grandes traverses courbes, rondes, allanguies, inclinées, redressées, ne manquent ni d'allure ni d'émotion.

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Par contre, les équations mathématiques en panneau de 3x4, les tas de charbon  et les cartons passés au goudron ne me retiennent guère. Tel n'était pas le cas d'un groupe d'adolescents, sagement rangés autour de sacs de charbon, entourant du charbon non ensaché sur lequel était posée une traverse. Leur prof, puisqu'enseignant il y avait, leur expliquait doctement dans un charabia d'un pédantisme stupéfiant toute l'importance du tas de charbon.

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Dans un élan insensé d'innovation pédagogique, l'enseignant arrêta un instant son indigeste logorrhée pour poser une question : "A quoi vous fait penser le tas de charbon ? allez y, osez, dites ce qui vous vient...". On comprit vite que les mots intéressaient peu l'intervenant qui cherchait uniquement à obtenir le vocable "forme" pour lancer sa formule magique : "Ce tas est une forme, savez-vous d'où vient le terme forme ? de fromage...". A ce stade, impossible de retenir l'éclat de rire moqueur que méritait le pédant qui constituait à lui tout seul une magnifique promotion de la politique gouvernementale de suppression des postes d'enseignants (je me suis repris depuis : on peut vouloir augmenter les postes ET supprimer certains enseignants). Le plus triste dans l'histoire, est sans doute qu'aucun élève ne s'est jeté en bon potache dans le tas de charbon ou n'a, avec l'innocente stupidité qui nous caractérise invariablement à certain âge, craqué une allumette pour la jeter dans le tas de charbon sous les yeux effrayés du professeur héberlué (davantage d'ailleurs par le fait qu'il ne saurait s'il faut crier au génie devant un tel acte de liberté artistique ou s'il doit réprimander l'élève de son inconséquence). Bref, il était temps d'aller voir ailleurs.

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Plutôt que les lycéens sans réaction devant leur sinistre enseignant, il était réjouissant de voir le défi qu'une petite fille lançait à une machine de Jean Tinguely, auquel révérence est due pour savoir ainsi captiver la véritable jeunesse. De laquelle il ne faut pas désespérer si l'on en croit le petit bonhomme  hilare qui ne s'est laissé abuser ni par Venet ni par le triste professeur. Car il sait bien lui, que c'est fromage qui vient de forme, et non l'inverse.

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08/02/2011

Etranges machines

Les OPCA sont d'étranges organismes. Paritaires, créés par accord, soumis au contrôle de l'Etat, gérant plus de 6 milliards d'euros, ils demeurent méconnus mais alimentent moultes suspicions : pratiques opaques, conflits d'intérêts, gestion dispendieuse, productivité hasardeuse...les travaux préparatoires de la loi du 24 novembre 2009 n'ont pas épargné les OPCA, ni leurs gestionnaires. Sans nécessairement que les rapports de l'IGAS, de la Cour des comptes, de la commission Ferracci ou Parlementaire ne nous éclairent davantage sur les pratiques de ces drôles de machine (sauf peut être le rapport de l'IGAS, de loin le meilleur de tous ceux cités).

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Jean Tinguley - Grosse Meta Maxi-Maxi Utopia  - 1987

Pour mieux comprendre les OPCA, Jean-Marie Luttringer et moi-même produirons 12 chroniques au rythme d'une par semaine sous le titre générique "La Fabrique des OPCA". Ces chroniques seront publiées par l'AEF et seront mises en ligne sur ce blog. Elles porteront sur les thèmes suivants :

I. Les OPCA et la négociation collective

1. Création d'un Opca et liberté de choix de l'entreprise ;
2. Représentativité patronale et syndicale et administration de l'OPCA ;
3. Opposabilité des clauses d'un accord formation au conseil d'administration d'un Opca ;
4. Les pouvoirs de la CPNE et ses relations avec l'Opca ;
5. Les procédures d'extension et d'agrément et leurs effets juridiques.

II. Fonctionnement, financement et gestion des Opca

6. La gouvernance paritaire : assemblée générale, conseil d'administration, section paritaire professionnelle (SPP) ;
7. Délégation de gestion et subdélégation ;
8. Ressources fiscales, ressources conventionnelles ;
9. Prestations de services à l'entreprise aux salariés aux demandeurs d'emploi ;
10. Les relations entre l'Opca et le FPSPP ;
11. Le plan comptable ;
12. Les conventions d'objectifs et de moyens.

Peut être cette vision rapprochée permettra-t-elle de mieux saisir les logiques et modes de fonctionnement de la bête.

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Voici donc la première des douze chroniques de la Fabrique des OPCA. Elle porte sur la mise en place d'un OPCA et la liberté de choix de l'entreprise. Pourquoi les OPCA ne sont-ils que partiellement concurrents entre eux et quelles sont les libertés d'une entreprise vis-à-vis d'un OPCA, telles sont les questions traitées dans cette première chronique.

La fabrique des Opca-1-CréationOPCAetLibertéchoixentreprise.pdf

08/09/2010

Hommage aux bricoleurs anonymes

Certes Jean Tynguely n'est pas un anonyme. Mais c'est un bricoleur. Qui ne peut s'empêcher d'assembler, de souder, de visser, de lier, de coordonner, d'harmoniser, de concrétiser le rêve inespéré des bouts de ferrailles et rebus de la technique. Jean Tinguely ne peut voir une pièce de bois, de caoutchouc, de métal, sans vibrer en songeant à la place qu'elle pourrait trouver dans une improbable machine.

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Mais à quoi donc servent les machines de Jean Tinguely. Les fontaines passent encore, mais ce grand oiseau de métal tout encombré de ses ailes brandies comme des bras impuissants ? Et ces roues qui tournent en tout sens dans une cacophonie baptisée Heureuse Utopia ?

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Tinguely, comme Calder ou Miro, ouvre en grand les portes et fenêtres de la vie et des enfants, des oiseaux, des avions, des trains, des millepattes, des cacatoès, des renards roux aux yeux rieurs, des lapins magnétiques et mille autres joyeux drilles s'engouffrent dans ces ouvertures. Tinguely montre que la vérité est dans l'évidence de l'enfance.

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Les petits bricolages de Jean Tinguely nous offrent au final des grandes machines qui parviennent à notre grande surprise à fonctionner défiant toute les lois de la probabilité. De la même manière que tous les bricoleurs au quotidien dans les organisations inventent des outils personnels, des excel de secours, des circuits non prévus de circulation de l'information, des réseaux informels de ressources, des démerdes aussi géniales que clandestines, des process non certifiés ni certifiables, des raccourcis procéduriers aux allures de chemins de traverses, des transgressions fulgurantes et mettent en oeuvre des compétences non répertoriées, échappant à tout référentiel, dépassant largement l'imagination des metteurs en fiche de la création et de l'inventivité humaine. Bref, tous ceux sans qui rien ne tiendrait  et qui peuvent voir dans les oeuvres de Tinguely un clin d'oeil qui leur est adressé en forme d'hommage.