Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24/05/2012

Le prix de la faute

Le salarié n'a pas été très rigoureux : il a utilisé les outils informatiques du cabinet d'expertise comptable à son profit, ou plus exactement pour rendre service à un ami. Plus quelques autres manquements que l'employeur n'a guère appréciés. Résultat : licenciement pour faute lourde et prélèvement d'un dédit formation sur les sommes restant dues. Le salarié obtient de la Cour d'appel la requalification en faute grave, en l'absence de toute intention de nuire. La Cour de cassation en conclut dès lors qu'il n'est pas possible de faire payer le dédit-formation, la décision de licencier relevant de l'employeur et non du salarié. Alors que plusieurs Cours d'appel avaient des positions inverses, la Cour de cassation estime donc que la faute grave ne permet pas de réclamer le paiement d'un dédit-formation qui n'entre  pas dans le prix à payer pour la faute.

Jean_Béraud_Après la faute - 1890.jpg

Jean Béraud - Après la faute - 1890

Les clauses de dédit sont assujetties à quatre conditions : un accord écrit avant le début de la formation, une durée raisonnable au regard de la formation suivie, un engagement du salarié limité aux dépenses réelles de l'entreprise et un support de ces dépenses par l'employeur, ce qui suppose qu'il dépense plus en formation que son obligation légale et qu'il n'ait pas déjà été remboursé par son OPCA ou tout autre financeur. Il faut ajouter une cinquième condition, le fait que le salarié quitte volontairement l'entreprise, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il commet une faute grave. Certains y verront un moyen facile d'échapper au paiement d'un dédit formation en ayant un comportement que l'employeur ne peut tolérer sans pouvoir pour autant rapporter la preuve que ce comportement est du à la volonté d'éviter le paiement en ne démissionant pas (la preuve d'une volonté en ce sens  permettrait en effet de retenir la qualification de faute lourde - comportement ayant pour objet de nuire à l'employeur en vue d'échapper à une obligation - et de réclamer des dommages et intérêts). Ils n'auront pas tort mais ce sera le prix à payer par ceux qui estiment que l'utilisation de la contrainte juridique est un bon moyen de fidélisation des salariés.

Cour Cassation - Dédit Formation.pdf

Commentaires

La clause de dédit-formation était en l'espèce mal rédigée...C'est tout.

Écrit par : bcallens | 24/05/2012

Ce n'est pas un problème de rédaction : la clause est inutilisable en cas de faute grave et toute mention contraire serait dépourvue d'effet. Devant la difficulté qu'il peut y avoir à prouver la faute lourde, cela rend l'application du dédit beaucoup plus problématique si le salarié adopte un comportement fautif. Mais après tout tant mieux que la contrainte juridique ne soit pas la meilleure voie pour garder les salariés.

Écrit par : jpw | 25/05/2012

Bonjour,

On au une idée de la manière dont la clause a été rédigée :elle apparaît dans les moyens du pourvoi :

"TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné Monsieur X... à verser à Monsieur Y... la somme de 4.
900 € en application de la clause de dédit formation de l’avoir débouté de sa demande au titre de
l’allocation de formation et de frais de stages ;
AUX MOTIFS QUE « l’article 16 du contrat de travail “ formation “ dispose que, dans le cas où Monsieur X...
aurait bénéficié de séances de formation payées par le cabinet depuis moins de deux ans organisées au sein
de l’entreprise ou à l’extérieur et dont le coût total excède une somme correspondant au salaire de deux
journées de travail, il s’engage à rester au service du cabinet pendant une durée minimale de deux années
à compter du dernier jour de cette ou de ces séances de formation".

Je pense que l'hypothèse d'un licenciement pour faute grave devrait pouvoir être intégrée dans une clause de dédit-formation et cela n'aurait rien de scandaleux.

Si l'on part du principe que la faute grave se définit comme celle qui rend impossible le maintien du lien contractuel, on peut en conclure que l'employeur a alors été contraint de se séparer de son salarié...Si ce dernier avait alors bénéficié d'une formation excédant ses obligations légales et conventionnelles de l'employeur, il est alors normal que celui-ci soit dédommagé...

Mais quandon lit la clause telle qu'elle apparait dans les moyens du pourvoi, cela ne semblait pas possible...

Écrit par : bcallens | 25/05/2012

Votre argumentaire est celui du pourvoi et il est rejeté par la Cour de cassation : la faute grave ne peut être assimilée à une rupture imputable au salarié. La décision appartient à l'entreprise qui a toujours le choix de licencier ou non. C'est pour cette raison que l'assurance chômage indemnise le salarié après une rupture pour faute grave. Juger autrement reviendrait à dire que la faute grave créé une compétence liée de l'employeur et que la rupture est imputable au salarié. Tel n'est pas le cas puisqu'il n'y a pas de la part du salarié de volonté de rompre le contrat. A l'employeur d'assumer ses choix.

Tout ceci sous réserve de faute lourde, donc intentionnelle, qui là emporterait la responsabilité du salarié.

Par ailleurs, l'article R. 2241-9 pourrait être invoqué qui ne prévoit de clauses de dédit qu'en cas de démission.

Enfin, concernant la clause de dédit du cabinet comptable, elle aurait pu être contestée également par le fait qu'elle ne laissait à la charge de l'entreprise que deux jours de formation par an, tout le reste devant être remboursé par le salarié : difficilement compatible avec les obligations de gestion des compétences des employeurs.

Et re-enfin, le fait que l'AGEFOS ait réglé les dépenses, même avec un appel spécial auprès de l'entreprise, aurait pu également conduire à ne pas appliquer le dédit : toute somme perçue par l'OPCA est mutualisée, même les versements volontaires, et cela aurait donc abouti à ce que l'entreprise soit remboursée deux fois.

Peu de chances de succès donc.

jpw

Écrit par : jpw | 25/05/2012

Bonjour,

J'entends bien...Mais si l'employeur avait formulé autrement la clause, en prévoyant expressément l'engagement du salarié à dédommager l'employeur en cas de démission prématurée ou de rupture du contrat pour faute grave ?

Car après tout, compte tenu de la définition de la faute grave, pourquoi une telle clause serait-elle dépourvue d'effet ? Elle est légitime et une telle stipulation fait la loi des parties. A moins de me trouver un texte d'ordre public qui l'en empêcherait.

Écrit par : bcallens | 26/05/2012

Maintenant, pour ce qui concerne l'espèce, il pouvait y avoir effectivement d'autres motifs faisant obstacle à l'application de la clause. Mais ceci est une autre question, mon propos concernait le cas général...

Écrit par : bcallens | 26/05/2012

R 2241-9 n'autorise la mise en place de clauses de dédit qu'en cas de démission.

Le licenciement reste une décision de l'employeur, qu'il n'est pas obligé de prendre. Ce qui exclut qu'une décision unilatérale de l'employeur déclenche une obligation pour le salarié. Même en cas de faute grave.

Écrit par : jpw | 26/05/2012

Les commentaires sont fermés.