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28/06/2017

Qui veut manager par référendum ?

Retour du débat à la française : on se jette les arguments à la tête en bombant le torse et gonflant la réthorique, plus soucieux d'emporter le combat des mots, que l'on confond souvent avec celui des idées, que de s'intéresser à la réalité dont ils parlent. Il y avait déjà eu cette passe d'armes à l'occasion de la loi Travail : qui allait décider du référendum en cas d'accord minoritaire qui doit être validé par le vote des salariés ? l'employeur ou les syndicats ? premier round pour les syndicats, seuls autorisés à ce jour à déclencher un référendum. Victoire symbolique, mais guère plus. Il suffit à l'employeur de demander aux syndicats de signer l'accord en premier, et c'est lui qui au final juge s'il donne vie ou pas à l'accord et à la possibilité de référendum. Au surplus, pas vu beaucoup de référendums passer depuis le début de l'année, pour tout dire, aucun. 

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Le deuxième round devrait être à la main des employeurs : la loi d'habilitation prévoit que le référendum pourrait être organisé sur décision de l'employeur. Voici donc l'affaire réglé et l'on peut s'empailler tranquillement sur l'air du "ce doit être moi !" "non pas du tout, c'est à nous". Mais en réalité, qui veut vraiment du référendum ? quel est le dirigeant d'entreprise qui est pressé d'organiser un vote des salariés, avec campagne électorale, cristallisation des positions, montées au créneau syndicales et obligation de se positionner de manière binaire (oui/NON) sur une question nécessairement plus complexe et qui appellerait à des réponses plus nuancées (le contenu de l'accord en question) ? Je ne connais pas un DRH qui piaffe d'impatience de pouvoir enfin organiser un référendum, je n'en connais que des méfiants envers une technique qui tient souvent du boomerang. Le pire c'est que les politiques sont bien placés pour le savoir, qui paient encore les dividendes du référendum de 2005. Mais tout le monde continue à faire comme si alors qu'en réalité, pour le référendum, c'est plutôt no.

30/05/2017

Du binaire paradoxal

Difficile d'anticiper ce que pourrait être la réforme du code du travail qui fait l'actualité mais dont on ne connaîtra la véritable teneur qu'au milieu de l'été et la version finale sans doute pas avant septembre. Il est une mesure qui revient toutefois régulièrement, le référendum d'entreprise. Déjà présent dans la loi Travail, il est actuellement soumis à une double limite : il ne sert qu'à valider un accord et n'est donc pas source de droit autonome et il relève de l'initiative des organisations syndicales (ceci dit, il n'est pas très compliqué pour un employeur de se réserver le dernier mot en ne signant pas l'accord le premier). Ces deux limites pourraient être levées en donnant à l'employeur la possibilité de décider seul de l'organisation du référendum et éventuellement de l'utiliser pour produire directement une norme. Et c'est sur ce point là que l'évolution serait contestable et paradoxale. 

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Contestable parce qu'un référendum, par nature, est binaire : oui ou non, pour ou contre. Il ne fait donc pas dans la subtilité. Or, nous avions compris (mais peut être avions nous mal compris) que ce qui justifiait, avec raison nous semble-t-il, la plus grande autonomie donnée aux accords d'entreprises, c'est qu'il est impossible de faire une application globale du principe de faveur et que lorsque des accords construisent un équilibre complexe, la comparaison thème par thème avec les accords de niveau supérieur n'a plus de sens. Autrement dit, il faut laisser à la négociation le soin de construire des équilibres subtils et d'arriver à concilier des intérêts pas toujours alignés. Certes, on ne manquera pas d'invoquer la démocratie directe et le droit de chacun de s'exprimer sur ses conditions de travail, mais on voit mal comment un outil aussi binaire que le référendum pourrait contribuer à rendre plus mature le dialogue social dans les entreprises. Que le référendum puisse avoir un intérêt managérial (consultation des salariés sur un sujet) oui certainement. Qu'il devienne source autonome du droit, c'est paradoxal pour un Gouvernement qui défend l'idée d'une union sinon des contraires du moins d'anciens adversaires et le travail de conviction. Prenons d'ailleurs ici le pari que c'est à la place respective de la négociation et de la décision unilatérale (fût-elle validée par un référendum) que l'on mesurera la véritable nature du projet de réforme du droit du travail. 

26/08/2016

LOI TRAVAIL : LE SOURIRE DES CARIATIDES

Si la hiérarchie des normes a largement fait débat, au point de devenir l'objet central de la contestation de la loi travail, il est un point que les contestataires ont peu mis en avant, car il aurait plutôt correspondu à leurs aspirations. Je veux parler des nouvelles règles de validité des accords collectifs. Même si son entrée en vigueur se fera progressivement (1er janvier 2017 pour tous les sujets liés à la durée du travail, 1er septembre 2019 pour les autres accords), le principe est désormais que la validité d'un accord collectif dans l'entreprise est subordonnée à sa signature par des syndicats représentant la majorité des voix exprimées lors des élections professionnelles (contre 30 % jusqu'alors). Et si les syndicats signataires ne sont pas majoritaires mais atteignent tout de même 30 % des voix, ils pourront solliciter un référendum pour décider de la validation, ou non, du texte. Voici donc une entorse à la démocratie représentative par recours à la démocratie directe. Il pourrait en résulter un vote plus fréquent des salariés sur leurs conditions de travail, et non seulement tous les 4 ans pour l'élection. Un peu comme la Suisse organise des votations régulières, ce qui confirmerait au passage que la démocratie est plus vivace à petite échelle. 

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Le principe majoritaire n'avait pas été adopté en 2008 par crainte de blocage du dialogue social et d'une plus grande difficulté d'atteindre une majorité d'engagement. La loi travail offre donc une alternative : le référendum. Certains y voient un mauvais coup porté aux syndicats, dont la légitimité serait ainsi remise en cause par un contournement minoritaire. L'analyse est un peu rapide car les syndicats eux-mêmes peuvent avoir intérêt à revenir vers la base avant de s'engager. Et c'est peut être avoir une lecture du référendum trop inspiré de son utilisation politique, dans laquelle il n'est jamais répondu à la question posée. Car le référendum n'est jamais si légitime que lorsqu'il est utilisé régulièrement. En tout état de cause, ces règles nouvelles sont de nature à modifier profondément les stratégies de négociation, chacun ayant désormais en tête qu'un vote de la base est toujours possible. D'où le léger sourire des cariatides. 

01/04/2012

6ème semaine de congés payés ?

Vu la date à laquelle l'annonce a été faite, on aurait pu penser à un plaisanterie. Mais la campagne électorale est peu propice à l'humour, c'est plutôt l'inverse si l'on en juge par les efforts que fait François Hollande pour rester sérieux face au destin. L'annonce a surpris jusque dans son camp et apparemment très peu de ses proches étaient au courant. Tous n'ont d'ailleurs pas très bien compris le sens de la manoeuvre. L'annonce par Nicolas Sarkozy d'un référendum, à l'image de celui qui vient d'avoir lieu en Suisse, sur l'octroi d'une 6ème semaine de congés payés n'était pas vraiment attendue. Pour le chantre du "Travailler plus" et le pourfendeur des 35 heures, annoncer une semaine supplémentaire de congés payés, cela n'allait vraiment pas de soi. On pourrait penser que, pessimisme économique et propension des français à voter non aidant, il s'agit d'un référendum purement tactique pour obtenir un non des français, ce qui légitimera l'ouverture d'un nouveau débat sur la durée du travail. Habile manière de proposer plus de congés avant d'en supprimer quelques uns. Mais non.

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Si l'on en croit les déclarations faites à la presse, il s'agirait d'une mesure de redistribution de la valeur ajoutée. Selon l'actuel Président "Qu'est-ce que le temps ? de l'argent ! aussi je proposerai aux salariés de gagner davantage de jours de congés payés ce qui relancera la croissance puisque dès que l'on ne travaille pas on consomme". Aux journalistes qui s'étonnaient de cette proposition, jamais évoquée précédemment, il a été répondu "J'ai décidé de couper l'herbe sous les pieds de Mélenchon quand j'ai vu le référendum en Suisse. Vous connaissez la lenteur légendaire de ce peuple que je respecte par ailleurs. S'ils ont besoin de moins de congés, c'est parce que leur rythme de travail ne le leur permet pas. En proposant une 6ème semaine de congés payés, je démontre que les français constituent le peuple le plus productif au monde par heure travaillée.". Si, comme la presse présente lors de cette déclaration, vous demeurez dubitatifs, peut être cet argument emportera-t-il votre conviction : "La contrepartie de la 6ème semaine de congés, sera que ceux qui veulent travailler pendant leurs congés seront autorisés à le faire. Cette interdiction a perdu son sens et il faut redonner de la liberté". Alors 5 semaines sans travailler ou 6 semaines en travaillant. Vous voteriez quoi ?

18/02/2012

Sérieux ?

La machine a été inventée par Wim Delvoye. Alignement de cuves et de tuyaux, elle reproduit un tube digestif humain. Conçue pour ingérer de véritables aliments, dont des menus conçus spécialement pour elle par de grands chefs, elle les transforme, comme le corps humain, en matière fécale. Si la prouesse technique n'est pas mince, on pourra disserter longtemps sur la valeur artistique d'une machine à produire, osons le terme, de la merde. Les étrons soigneusement emballés dans de petits sacs plastiques sont pourtant vendus 1 000 euros pièce. Comme quoi, le n'importe quoi peut rapporter gros.

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Wim Delvoye - Cloaca original - 2000

C'est sans doute à ce dernier principe, n'importe quoi peut rapporter gros, que pensait François Fillon lorsqu'il a détaillé le projet de référendum sur la formation professionnelle. Objectif ? "récupérer les 30 milliards consacrés à la formation pour les consacrer à la formation des chômeurs". Selon le premier Ministre, il faudrait que les corps intermédiaires qui ont en charge la gestion de ces milliards acceptent de les consacrer à la formation des chômeurs, ce qui permettrait de donner à tous une formation qualifiante. Cette déclaration a été faite sur le mode le plus sérieux. Or, elle l'est beaucoup moins que la machine de Wim Delvoye. Pourquoi ? Il suffit de décomposer les 31,5 milliards de dépenses recensés en 2009 (dernière année connue) :

- 13 milliards de dépense des entreprises pour la formation et l'apprentissage

- 5 milliards de l'Etat pour la formation et l'apprentissage, dont une partie pour la formation des chômeurs

- 4,5 milliards pour les régions dont une grande partie pour la formation des chômeurs

- 6 milliards dépensés par l'Etat, les collectivités locales et l'hôpital pour former leurs agents

- 2 milliards de dépenses de l'UNEDIF et de POLE EMPLOI pour les demandeurs d'emploi

- 1 milliard dépensé par les ménages.

S'agit-il de prélever ces sommes pour en faire un impôt global destiné à la formation des chômeurs ? d'arrêter de financer la formation des salariés, de supprimer l'apprentissage et de ne plus envoyer en formation aucun fonctionnaire ? et si on le faisait, on disposerait de 10 000 euros par demandeur d'emploi. Comment financer à chacun une formation qualifiante tout en leur assurant un revenu avec cette somme ?

La proposition est tellement invraisemblable que l'on se demande pour quelle raison un Premier Ministre la reprend à son compte sur le ton de l'évidence. Tiens au fait, pourquoi ?

16/02/2012

Du passé dépassé

Je n'aime pas particulièrement les peintures de Philippe Pasqua. Chairs à vifs, corps maladifs, personnages passifs. Ces portraits sont à la peinture ce que les livres de Houellbecq sont à la littérature des années 90 : une fin de siècle triste et dépressive qui n'en finit pas de sangloter sur le souvenir du paradis perdu que constituèrent les trente glorieuses. Une peinture qui appartient au passé et qui n'a plus grand chose à nous dire aujourd'hui. Du vu et revu, réchauffé, dépassé pour celui qui est un des artistes les plus en vue d'aujourd'hui.

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Philippe Pasqua - Constance

En 1993, Charles Pasqua lançait le débat sur le droit à la formation différée. A savoir la reconnaissance pour toute personne sortie du système scolaire sans être titulaire d'un diplôme de niveau III (BTS, DUT),  d'un droit de créance sur la collectivité pour reprendre ses études. Les partenaires sociaux ont repris ce droit dans leur accord du 5 décembre 2003 et ont demandé aux pouvoirs publics de le mettre en oeuvre. Les Conseils régionaux y étaient favorables. Et puis rien.

Encore plus tôt, en 1989, Michel Rocard mettait en oeuvre le crédit formation pour que tout jeune sans qualification bénéficie d'une formation et d'un diplôme. L'objectif était de réduire le chômage des jeunes. En 1991, le gouvernement fit le constat qu'il valait mieux mettre les jeunes en situation d'emploi et les accompagner par la formation si nécessaire que de former tous azimuts en étant déconnecté de l'emploi. Les partenaires sociaux ont fait leur ce principe par l'ANI du 7 janvier 2009, la loi l'a repris en créant la Préparation opérationnelle à l'emploi (POE).

On sait de longue date que la formation ne créé pas l'emploi, ce qui a manifestement échappé à quelques uns, et qu'elle est plus efficace lorsqu'elle s'effectue en situation d'emploi plutôt que de chômage. Et l'on en a conclu que c'était l'articulation entre l'activité et la formation qui était pertinente plutôt que leur juxtaposition. Bref tous ces débats ont déjà eut lieu et ont été tranchés.

Remettre au goût du jour la formation des demandeurs d'emploi comme préalable à l'emploi sans se préoccuper du droit à la formation différée, c'est faire comme Philippe Pasqua, agir en faisant comme si tout cela n'avait pas déjà été posé et réglé il y a 25 ans. Quelqu'un peut-il les réveiller ?

11/02/2012

Radiation

Pas la peine d'en rajouter sur le référendum relatif à l'assurance-chômage qui n'a guère de sens au plan de la gouvernance du social, du droit du travail ou de la faisabilité technique. Juste l'occasion de rapporter une anecdote qui date de l'été dernier. Un ami DRH s'inscrit à POLE EMPLOI avant l'été. Fin juillet, coup de fil attentionné :

- vous savez que vous pouvez partir en congés si vous voulez ?

- je ne savais pas, mais je comptais partir quinze jours dans ma famille...

- il n'y a pas de raison que les demandeurs d'emploi ne puissent pas partir. Vous pouvez vous absenter pendant trois semaines sans impact sur votre situation...

- bon, voilà les dates auxquelles je serai absent...

- c'est enregistré, merci.

Dans la première semaine d'absence, convocation par mail à un entretien à POLE EMPLOI sous peine de radiation. Comme quoi, consulter ses mails pendant les congés n'est pas qu'un vice de work alcoholic et peut s'avérer utile. Coup de fil furibard :

- vous vous foutez de moi ? vous venez m'informer que je peux m'absenter et dès que je le fais vous me convoquez ?

- nous sommes désolés, c'est un envoi automatique, le robot qui envoie les mails n'a pas du prendre en compte les dates. Pourtant elles sont saisies, je ne comprends pas...

Ah ces radiations administratives incompréhensibles et innocentes.

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Innocent radiation

Le nombre de radiations administratives oscille en 40 et 50 000 par mois, soit plus de 500 000 par an. Il paraît qu'il y a peu d'erreurs. Mon ami n'a pas eu de chance, voilà tout. Ou plutôt si : pendant ses congés, il a croisé un vieux copain qui l'a mis sur un recrutement en cours. Il a été embauché en septembre. Du coup, grace aux congés, il est radieux et radié.