16/01/2014
Au seuil de l'orage
La décision était attendue depuis presque deux ans, la Cour de cassation ayant demandé en avril 2012 à la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) s'il était conforme à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne d'exclure les contrats aidés du calcul de l'effectif pour l'application des seuils sociaux. La décision vient d'être rendue le 15 janvier 2014. Le litige était né dans une association d'insertion, comptant une dizaine de permanents mais plus de 100 contrats aidés, et qui pour autant n'avait pas à mettre en place un comité d'entreprise. Le droit fondamental mis en cause en l'espèce était celui du droit à l'information et à la consultation des travailleurs. Certes le juge a donné tort à la CGT, à l'origine de la question, sur le fond de l'affaire mais au motif qu'un particulier ne pouvait directement invoquer la Charte et qu'il devait se retourner contre l'Etat pour engager sa responsabilité du fait de n'avoir pas mis la loi nationale en conformité avec le droit européen. Le détour tiendra l'orage à distance pendant quelques temps encore, mais il ne saurait être infranchissable.
Potentiellement, l'impact est énorme car aujourd'hui tous les contrats d'insertion bénéficient d'une mesure d'exclusion des seuils, mais également tous les contrats en alternance. L'application stricte du droit européen devrait donc conduire à réintégrer dans les effectifs des entreprises tout ce beau monde et à compter tout le monde, contrats de professionnalisation et d'apprentissage inclus. Mais pour cela, il faudra attendre que le Gouvernement, qui risque fort de traîner les pieds au mépris du droit mais avec le souci de ne pas alourdir les charges des entreprises, propose une modification de la loi. Pour l'instant, donc, il continue à ne pleuvoir que dans la mer.
00:05 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cjue, droit, travail, emploi, gouvernement, mer, orage, contrat, alternance, charges, économie, politique
22/07/2013
Exclusion-Inclusion
Je pense avoir découvert l'inclusion avec les porte-clés et leurs publicités insérées au coeur de ronds, carrés, coeurs, ovales de plastique transparents.
On m'a ensuite offert une boîte de jeu dénommée PLASTIC 2000 qui permettait de réaliser soi-même ses inclusions. Je ne pense pas en avoir réalisé une seule, mais la boîte me fascinait. Pourtant, inclure c'était enfermer, emprisonner, immobiliser, et je préférais de loin l'exclusion, mère de toute les libertés. Je retrouvai bien plus tard cette opposition dans les inclusions de Damien Hirst.
Damien Hirst - Saint-Sébastien - 2007
Entre temps, j'avais constaté dans un autre domaine, que l'on utilisait l'exclusion lorsque l'on se proposait d'inclure. Ainsi, tous les contrats de travail dont l'objectif est l'inclusion de jeunes (apprentissage, professionnalisation) ou de personnes en difficulté (contrat initiative-emploi, contrat d'accès à l'emploi, contrat unique d'insertion) commencent par exclure leurs bénéficiaires du droit commun pour mieux les inclure. Curieuse logique que celle qui consiste à tenter de ramener vers le droit commun en commençant par y déroger. Technique des petits pas me dit-on. Contradiction fondamentale est ma réponse. Apparemment, l'avocat général près la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) partage mon avis. Il vient de considérer que la loi française qui exclut du calcul des effectifs de l'entreprise les salariés en contrat d'insertion était contraire à la directive européenne qui garantit le droit à la représentation des salariés. En effet, lorsque l'employeur a une activité qui le conduit à recourir massivement aux contrats en insertion, il peut ne pas avoir à mettre en place de représentation du personnel. Les salariés de l'association marseillaise à l'origine de l'affaire sont plus de 120 et pour autant n'ont pas de comité d'entreprise. Si la CJUE suit les conclusions de son avocat général, il va falloir sérieusement recompter...et inclure.
23:20 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : travail, droit, inclusion, exclusion, insertion, europe, emploi, économie, art, social, apprentissage, alternance
19/04/2013
Former, c'est pas permis
Tout part, comme souvent, d'une louable intention : améliorer la qualité de l'alternance, dans le secteur de l'hôtellerie-restauration et notamment réduire le taux de rupture anticipée des contrats. Pour ce faire, les partenaires sociaux décident de rendre obligatoire pour tous les maîtres d'apprentissage et tuteurs de jeunes en contrat de professionnalisation une formation de deux jours destinée à garantir la qualité de l'accueil, de l'accompagnement et de la formation. Jusque-là, tout va bien. Mais on ne sait ce qui a poussé les signataires à retenir comme appellation du dispositif "Le permis de former". Peut-être la volonté d'insister sur le caractère obligatoire de la formation ou de valoriser le suivi de la formation par la délivrance d'un permis. Le choix n'en est pas moins malheureux.
Malheureux parce que s'il y a permis de former c'est qu'il n'est pas possible de former sans être allé soi-même en formation. L'accord ne vise pourtant que les nouveaux maitres d'apprentissage ou tuteurs, pas ceux qui l'ont déjà été, qui n'ont pas été formés et qui s'en trouvent dispensés par leur expérience. Mais si l'expérience suffit, pourquoi créer une formation obligatoire ?
Malheureux également parce qu'un permis atteste de compétences, de capacités. Or, le permis de former est délivré sur la base du suivi d'une formation et non pas après vérification de la capacité à former. Comme si l'on vous donnait le permis de conduire après 20 leçons sans s'assurer que vous maîtrisez le véhicule.
Pour avoir choisi un si mauvais intitulé, et avoir sacrifié le sens des mots à la beauté de la formule, les responsables seront condamnés à revoir le film consacré à Michel Clouscard, ce qui leur rappelera que lorsque tout est permis, rien n'est possible.
00:06 Publié dans DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : formation, alternance, apprentissage, professionnalisation, permis, hôtel, restaurant, travail, expérience
13/03/2013
Travailler ne suffit pas
Certaines représentations sont tenaces, et qu'elles soient fausses ne paraît avoir aucune importance : elles sont tellement établies qu'elles sont tenues pour évidence et ne soulèvent guère de question. Ainsi de la formation en alternance : à l'école on se forme, en entreprise on travaille. En formation on acquiert la connaissance, la théorie, dans l'entreprise on met en oeuvre, on pratique. Sauf que cette représentation binaire des rapports entre école et entreprise est doublement erronnée. D'abord parce que se former c'est du travail, et si l'on veut se former, il vaut mieux travailler. Ensuite parce que le travail est formateur, dans certaines conditions, celles qui rendent possible l'apprentissage.
Georges Mazilu - Le peintre et l'apprenti - 2004
Pour avoir oublié que dans l'apprentissage, l'entreprise est un lieu de formation, et pas simplement de travail, EDF a vu le juge requalifier un contrat d'apprentissage en CDI de droit commun. L'entreprise avait eu le tort de se contenter de mettre l'apprenti en situation de travail, sans l'organiser de telle manière que l'apprenti bénéficie d'une formation professionnelle complète, selon les termes du code du travail. Car tel est bien le coeur de la formation en alternance : être organisée à partir d'un travail dont le contenu et les modalités sont organisées de telle manière que le salarié bénéficie d'une réelle formation dans l'entreprise. Merci au juge de nous rappeler qu'en formation on travaille, et qu'en entreprise on se forme.
00:16 Publié dans DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : apprentissage, formation, entreprise, droit, obligation, travail, éducation, alternance, salarié, jurisprudence
26/04/2012
Un vrai travail
Lorsque les partenaires sociaux ont créé le contrat de professionnalisation en 2003, et non un énième contrat de formation, c'est bien pour signifier à toutes les parties concernées que la formation ne résultait pas exclusivement de l'action de formation suivie en dehors du poste de travail, mais également de l'exercice de ce travail. Venant après la VAE, la professionnalisation, qui vaut tant pour les contrats que pour les périodes, c'est la reconnaissance que le travail apporte, comme la formation, des compétences mais pas les mêmes et pas de la même manière. Un parcours de professionnalisation, ce n'est pas une formation où on apprend et un travail dans lequel on applique ce que l'on a appris en formation. C'est deux moyens différents d'acquérir des compétences distinctes qui concourrent ensemble à la professionnalisation. Dans une décision du 12 avril dernier, la Cour de cassation valide la prise d'acte de la rupture d'un contrat de professionnalisation par un salarié parce que l'entreprise ne lui a pas confié un travail lui permettant de se professionnaliser. Au regard de l'objet du contrat, pas un vrai travail donc.
La formule des juges est lapidaire : en ne donnant pas un travail au contenu suffisant, l'employeur n'a pas assuré l'obligation de formation qui lui incombe.
On souhaite que cette décision serve de point d'appui pour cesser de traiter le contrat de professionnalisation comme le seul support du suivi d'une formation. Combien d'OPCA aujourd'hui, puisque c'est désormais eux qui ont en charge de valider les contrats, vérifient le contenu de l'emploi occupé, exigent la fiche de poste et valident un parcours associant des compétences développées dans le travail et en formation ? le jour où tout les emplois seront qualifiants et apporteront des compétences, le jour où l'on cessera de bâtir des modèles d'activité sur la standardisation des comportements et au final sur la déqualification des salariés, ce jour-là on saura peut être ce qu'est le vrai travail. En nous en proposant une définition, les juges ont ouvert la voie.
00:26 Publié dans DROIT DE LA FORMATION, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : contrat de professionnalisation, travail, vrai travail, droit, formation, alternance, contrat
15/07/2011
Etudiants manuels
La loi relative au développement de l'alternance et à la sécurisation des parcours professionnels (proposition de loi Cherpion), vient d'être votée. Parmi ses dispositions figure la carte d'étudiant des métiers. Cette carte sera délivrée aux apprentis et aux jeunes en contrat de professionnalisation qui suivent une formation diplomante d'une durée d'au moins un an. Pour un même diplôme, les jeunes en alternance auront donc une carte d'étudiants des métiers et les autres étudiants une carte...d'étudiant. Faut-il en conclure qu'ils n'étudient pas de métiers ? que le jeune apprenti qui fait un Master RH ou un CAP de boulangerie étudie un métier mais que le jeune étudiant inscrit dans le même Master en formation initiale ou l'élève de lycée professionnel qui prépare le CAP de boulanger sont des étudiants sans métier ? Pourquoi le mode de préparation d'un diplôme, alternance ou pas, doit-il conduire à distinguer entre les étudiants ?
Robert Mapplethorpe - Illustration pour Une Saison en Enfer
Les députés soucieux de valoriser l'alternance et les filières professionnelles sont pris la main dans le sac : le choix d'une dénomination particulière singularisant les étudiants "des métiers" par opposition sans doute aux étudiants "de la connaissance", renvoie à une division entre le travail intellectuel et manuel qui date du 19ème siècle (au 18ème siècle on avait pas ces préjugés : le travail indépendant était tenu pour noble, le salariat pour vil et tout vrai professionnel coordonnait sa tête et ses mains, il ne serait d'ailleurs venu à l'esprit de personne de les dissocier).
Rimbaud écrivait dans Une saison en Enfer : "La main à plume vaut la main à charrue. Quel siècle à mains ! je n'aurai pas ma main".
Les parlementaires ont sans doute lu Rimbaud...avec la main. Etudiants des métiers, bienvenue dans le 21ème siècle !
00:44 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : étudiants, étudiant des métiers, alternance, cherpion, mapplethorpe, rimbaud, éducation, formation, une saison en enfer
21/01/2011
Les jeunes à la niche, mais pas tous
On pensait que le Harry Potter Gouvernemental, je veux parler de François Baroin, traquait sans répit les niches fiscales et les vidait systématiquement de leur contenu. Après la suppression de l'exonération des intérêts d'emprunts et des avantages fiscaux des jeunes mariés, on se demandait à qui le tour ? et bien pas aux jeunes qui peuvent tranquillement continuer à occuper leur niche et à visionner, par exemple, les films de Marco Ferreri.
Une instruction fiscale du 6 janvier 2011 vient confirmer deux avantages fiscaux réservés aux jeunes. En premier lieu, les salaires des apprentis sont exonérés d'impôt dans la limite d'un SMIC brut, soit 16 125 euros par an, ce qui est particulièrement intéressant quand on se souvient que le salaire de l'apprenti est net de cotisations salariales. Un apprenti peut donc être payé plus que le SMIC sans payer d'impôt ce qui est une bonne nouvelle pour lui...ou pour ses parents. Sont également exonérés, dans une moindre mesure puisque la limite est fixée à 4031 euros par an, les étudiants qui exercent des emplois salariés pendant leurs études. Encore faut-il être jeune, c'est à dire avoir moins de 26 ans puisque telle est la limite officielle de la jeunesse.
Et remarquons que les jeunes titulaires d'un contrat de professionnalisation, bien que jeunes, ne bénéficient d'aucune exonération et paieront leurs impôts sans avoir droit à la niche, ce qu'ils regretteront encore plus en visionnant les films de Marco Ferreri.
01:32 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : apprentissage, alternance, contrat de professionnalisation, niche fiscale, baroin, harry potter, marco ferreri, la chair, cinéma
16/12/2010
Le boeuf, le nageur et l'opéra
La deuxième anecdote rapportée par Jean-François Billeter concerne un cuisinier qui explique comment il appris à découper un boeuf : "Quand j'ai commencé à pratiquer mon métier, je voyais tout le boeuf devant moi. Trois ans plus tard, je n'en voyais que des parties. Aujourd'hui, je le trouve par l'esprit, sans plus le voir de mes yeux. Mes sens n'interviennent plus, mon esprit agit comme il l'entend et suit lui-même les linéaments du boeuf". Voici donc trois phases dans l'apprentissage : la confrontation directe avec un problème dont on ne sait comment l'aborder, puis la connaissance analytique qui permet l'action raisonnée et enfin l'incorporation totale du geste qui fait que l'objet à disparu, que les parties n'existent plus et que l'acte de découper le boeuf prend une dimension nouvelle, bien au-delà de la matérialité de la découpe.
La troisième anecdote est le récit d'une rencontre. Celle de Confucius avec un homme qu'il croit voir se noyer dans de dangereux tourbillons d'un fleuve bouillonnant. Mais qui s'aperçoit qu'en fait l'homme nage là où personne ne se risquerait, puis sort tranquillement de l'eau pour se sécher. Confucius l'aborde :
- Quelle est votre méthode pour nager ainsi ?
- Je n'en ai pas. Je suis parti du donné, j'ai développé un naturel et j'ai atteint la nécessité ;
- Que voulez-vous dire ?
- Je suis né dans ces collines et je m'y suis senti chez moi : voilà le donné. J'ai grandi dans l'eau et je m'y suis peu à peu senti à l'aise : voilà le naturel. J'ignore pourquoi j'agis comme je le fais : voilà la nécessité". Partir de ce qui est, travailler le naturel, agir de manière nécessaire, c'est-à-dire de manière spontanée car les gestes s'imposent de façon immédiate et naturelle. Au bout de la nécessité, la liberté. Voilà pourquoi Matisse, lorsqu'il abandonne l'intention au geste qui imagine le dessin devient un peintre musicien dont on peut écouter les tableaux.
Matisse - Dessin à la plume - 1936
Loin de la vision doloriste du travail, voici donc un cuisinier et un nageur qui progressent dans l'exercice de leur métier par l'incorporation toujours plus grande du geste juste qui ne sera trouvé que lorsque l'action peut s'exercer sans aucune intention. L'apprentissage de la liberté dans l'activité au profit de l'oeuvre créée, mais également du plaisir de celui qui l'accomplit. Ecoutons le cuisinier après qu'il ait terminé la découpe : "Mon couteau à la main, je me redresse, je regarde autour de moi, amusé et satisfait, et après avoir nettoyé la lame, je le remets dans le fourreau". Voici un artisan qui est devenu le boeuf qu'il découpe et qui s'amuse de cette virtuosité légère qu'il a acquise. Etonnante Chine ? mais non. Voici Mozart : "Ma tête et mes mains sont tellement prises par le troisième acte qu'il n'y aurait rien de miraculeux si je devenais moi-même le troisième acte" et Rimbaud : "Je devins un opéra fabuleux".
Voici donc une bonne base de travail pour réformer véritablement la formation et l'emploi des jeunes. Rendez-vous au mois de mars pour voir le résultat du travail accompli par les partenaires sociaux et par l'Etat. On souhaite qu'ils puissent se redresser, regarder amusés et satisfaits autour d'eux et ranger leurs stylos après avoir conclu d'innovants accords qu'ils auront plaisir, et nous avec, à mettre en oeuvre.
00:05 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, PEDAGOGIES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : billeter, chine, confucius, emploi des jeunes, formation, alternance, apprentissage, pédagogie
15/12/2010
Pas de travail manuel, pas de transmission
Le début d'année verra s'ouvrir une négociation sur l'emploi des jeunes et les formations en alternance. Il sera question de professionnalisation, d'apprentissage, d'insertion, d'emploi et de quelques autres questions liées. Inévitablement, les confusions habituelles reparaîtront et l'on reparlera de revaloriser les métiers manuels, de formation pratique et théorique, de transmission aux plus jeunes, etc. Pour mettre un peu d'ordre dans ces réflexions, sollicitons Jean-François Billeter et ses "Leçons sur Tchouang-Tseu" dont on ne saurait que trop recommander la lecture (Editions Allia, 2002). Trois anecdotes sur l'enseignement sont rapportées. Dans la première un charron taille des roues malgré son âge. Il explique : "Quand je taille une roue et que j'attaque trop doucement, le coup ne mord pas. Quand j'attaque trop fort, il s'arrête dans le bois. Entre force et douceur, la main trouve et l'esprit répond. Il y a là un tour que je ne puis exprimer par des mots, de sorte que je n'ai pu le transmettre à mes fils, que mes fils n'ont pu le recevoir de moi et que je suis encore là à tailler des roues malgré mon grand âge". Henry Miller, vieux singe chinois, écoute avec attention la leçon au milieu de montagnes que sa main a tracé, nous livrant les dispositions de son esprit.
Henry Miller - Sans titre - 1940
Le charron livre deux enseignements. Le premier à destination des tenants du manuel et de l'intellectuel. Le tailleur de roue a la main qui cherche et l'esprit qui trouve. Allez lui expliquer que vous opposez la main et l'esprit et il vous regardera interloqué. Le second enseignement s'adresse à tous les formateurs, tuteurs et enseignants. L'apprentissage ne peut se transmettre par les mots, il ne peut non plus résulter uniquement de l'exemple. L'apprentissage suppose une acquisition personnelle, singulière, qui seule permet l'appropriation et qui ne s'effectue ni par les mots, ni par la démonstration. Elle suppose une conquête personnelle, des tatonnements, des erreurs, des victoires et au total la création d'un "geste" personnel. Le formateur ne transmet pas : il guide, il accompagne, il permet de tirer des leçons de l'activité, mais il laisse l'apprenti transformer son expérimentation en incorporation de l'activité.
Pas de travail manuel et pas de transmission linéaire, voilà deux bonnes bases pour la formation des jeunes.
Pour les deux autres anecdotes, rendez-vous demain. Belle journée à vous.
00:05 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, PEDAGOGIES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : formation, alternance, apprentissage, billeter, henry miller, éducation, pédagogie, enseignement
18/11/2010
Les gitanes et l'alternance
Lorsque Goya peint la Maja nue, à la fin du XVIIIème siècle, il honore une commande. Il ne peint ni une allégorie, ni une image mythique et certainement pas LA femme. Il peint une femme, corporellement présente, dont la brosse rend tous les détails de la peau en lui ajoutant, puisque telle est la vocation de la peinture, de la lumière. La gitane est bien réelle et pourtant elle ne pèse guère sur le canapé qui la reçoit : elle est un rai lumineux incarné.
Goya - La Maja nue - 1800
Lorsque Goya, toujours à l'initiative du même commanditaire, peint la Maja vêtue, il n'habille pas la Maja nue, il peint autrement sa nudité, qui n'est pas moins provocatrice pour ne plus l'être si directement. Les deux toiles étaient commandées pour aller ensemble. La Maja vêtue cachait la Maja nue avant que de s'exposer à ses côtés. On peut préférer l'une ou l'autre, il n'y a nulle hiérarchie entre elles, chaque tableau mettant en valeur l'autre et les deux s'en trouvant rehaussés.
Goya - La Maja vêtue - 1802
Le Président de la République et le nouveau Ministre du Travail souhaitent développer la formation par alternance. On ne peut que se féliciter de l'initiative. L'alternance offre des situations pédagogiques diversifiées qui permettent de mieux assurer le développement de compétences. Le passage du milieu éducatif au milieu du travail ouvre de plus larges espaces d'apprentissage qu'un milieu endogène. Encore faut-il ne pas établir de hiérarchie. On s'inquiète un peu lorsque Xavier Bertrand déclare que l'alternance permet de mieux apprendre un métier ou qu'elle est le moyen prioritaire de lutte contre le chômage. Elle est avant tout un dialogue entre l'apprentissage en milieu éducatif et l'apprentissage au travail. Sans rapport de hiérarchie entre les deux. Il serait temps de mettre fin à la duplicité de certains qui ne voient pour les uns que temps perdu à se couper des réalités dans les enseignements scolaires et pour les autres que vil travail normé et abrutisssant dans l'entreprise. L'alternance, c'est le moyen de permettre à deux mondes qui vivent dans le confort de leur ignorance réciproque de dialoguer , à l'instar des Maja de Goya, pour le plus grand profit de ceux à qui elle est destinée.
00:05 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alternance, formation en alternance, apprentissage, pédagogie, sarkozy, xavier bertrand, emploi, chômage, jeunes, goya, peinture