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17/05/2013

De la main

De tradition et par nature, l'Etat en France, a rarement la main amie, au sens où l'amitié établit de fait une égalité entre ceux qui se l'accordent  mutuellement. L'Etat, autrement dit ceux qui agissent en son nom, a toujours conservé, nonobstant la République, une main royale qui peut à l'occasion être une main bienveillante, mais qui n'est jamais une main amie car elle se refuse à connaître l'égalité. L'Etat, comme le Roi, se pense et se veut d'une nature unique et primordiale.

Il ne fait pas de doute que la Conférence sociale qui se tiendra les 20 et 21 juin est une main tendue aux partenaires sociaux. Certains esprits critiques croient y reconnaître la main du noyé sous le poids du chômage qui guette la corde que voudront bien lui tendre les acteurs sociaux. Fausse impression, comme toujours l'Etat organise un dialogue au cours duquel sa main indiquera bien plus le chemin à suivre qu'elle ne s'ouvrira amicalement pour une invitation  où tout peut se dire et tout est envisageable, faute de quoi il n'est point d'amitié.

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Main de Blaise Cendrars

Dans le domaine de la formation professionnelle, en effet, les dés sont apparemment jetés. Comme l'a encore répété  Hollande lors de sa conférence de presse, après que Sapin ait annoncé la couleur, il s'agira de réorienter les fonds de la formation vers ceux qui sont considérés comme prioritaires : les salariés les moins qualifiés et les demandeurs d'emploi. Pour ce faire, il suffit de rappeler aux partenaires sociaux que l'obligation légale de financement de la formation est une taxe fiscale et qu'il revient donc à l'Etat de décider de son affectation de principe, les modalités de mise en oeuvre pouvant être déléguées. Car l'Etat aime bien la délégation qui voit le délégataire faire ce qu'on lui dit, voire dicte. Dans ces conditions, l'enjeu de la Conférence sociale se réduira à choisir entre  embrasser la main à laquelle on va obéir ou bien refuser de le faire et se préparer à la gifle qui en résultera.

Blaise Cendrars, dont les oeuvres autobiographiques viennent de paraître en Pléiade accompagnées d'un très bel Album, écrivait beaucoup. Il inscrivait parfois en bas de ses lettres "avec ma main amie", la seule qui lui restait et qu'il offrait sans partage, car il avait lui, le sens de l'égalité.

15/05/2013

Ici les autres : on est là !

Réunion matinale qui finit tardivement, un peu de marche pour reprendre ses esprits et passage à table dans une des brasseries où la convivialité du service attire plus sûrement que le cuisinier. Les tables ont déjà commencé à se vider. En face de moi, trois hommes et une femme traitent manifestement de sujets sérieux. La femme parle peu. Deux des hommes s'en vont, le troisième reste seul avec sa collègue. Elle se met à lui parler tandis qu'il sort son smartphone et lit ses mails. Au bout d'un moment, il répond pour faire croire qu'il écoute. Je me replonge dans mon gazpacho (excellent) et la lecture du canard enchaîné, qui m'apprend que pendant la réception des organisations syndicales par le premier ministre, lundi après-midi, la majorité des ministres présents pianotaient sur leurs smartphones et tablettes devant des syndicalistes partagés entre la stupéfaction et la consternation.

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Le Caravage - Narcicce - 1599

Tout ceci me rappela une anecdote, recueillie lors du recrutement d'étudiants pour le Master de l'IGS à Toulouse. Je demandai à un étudiant ce qu'il retenait des petits boulots qu'il avait effectué pour gagner un peu d'argent. Se référant à une activité de vendeur en boulangerie exercé pendant quelquqes mois, il me répondit : "J'en retiens que l'on peut me parler uniquement avec des gestes pour me montrer ce que l'on veut acheter, tout en continuant à parler au téléphone et sans jamais m'avoir adressé la parole ni même regardé". Comme dirait Hannah Arendt, de la violence ordinaire en milieu ordinaire.

05/05/2013

Allez les petits !

Le Ministère de l'Education nationale vient de faire paraître les résultats des Universités en matière d'accès à la licence des étudiants engagés dans un premier cycle. Et surprise, en tout cas pour certains, ce sont les petites universités de province (Chambéry, Angers, Clermont, Pau, Orléans, LA Rochelle...), dont plusieurs étaient récemment menacées de fermeture faute de crédits suffisants, qui obtiennent les meilleurs résultats. Et d'une manière générale, les universités qui comptent moins de 20 000 étudiants sont plus performantes que les mastodontes des grandes agglomérations. On souhaite que les acharnés du regroupement, de la concentration, de la massification, les rois de l'économie d'échelle et des gains de productivité, les thuriféraires de la rationnalisation, se penchent sur ces résultats et s'autorisent à remettre leurs dogmes en question.

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Ils s'apercevront ainsi que lorsque l'on est plus petit, on est plus léger, plus souple, plus réactif, plus créatif (puisque moins puissant a priori) et que l'on consacre au final beaucoup moins de temps à l'organisation que dans les grandes unités qui perdent leur temps à essayer de fonctionner. Voilà qui devrait, ou aurait du, faire réfléchir ceux qui pensent que l'on gagnera en productivité en fusionnant les services extérieurs de l'Etat, les Chambres de Commerce, les OPCA, les Universités et toutes les structures publiques ou para-publiques. Sur le papier, ces champions de l'efficacité considèrent que cela réduira le nombre de postes consacrés à l'administration du dispositif. Sur le terrain, cela a pour conséquence d'obliger ceux qui devraient faire autre chose à administrer les monstres ainsi créés à coup de reporting, de réunions de coordination, de process censés remplacer l'intelligence et qui ne font que favoriser le désinvestissement. Bref, pour retrouver l'agilité, la créativité, l'efficacité et le sourire, car tout cela va ensemble, rendez nous les petits !

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26/04/2013

Du courage

Du courage il en faudra aux salariés de Florange, condamnés après l’arrêt définitif des hauts-fourneaux à voir se détériorer lentement mais irrémédiablement un outil de travail qui est aussi le totem de la vallée et une part de l’identité professionnelle mais aussi personnelle. Pour ceux qui souhaiteraient voir de près ce courage, on ne peut que recommander l’excellent film d’Anne Gintzburger « La promesse faite à Florange ».

Et à propos de promesse, ce fût jour d’enterrement à Florange, comme 4 ans plus tôt à Gandrange.

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Du courage, il en aurait fallu aux Présidents de la République non pas pour tenir des promesses intenables, mais pour ne pas les faire et pour dire publiquement les limites de leur action et cesser de faire croire que la volonté peut tout, que la politique se réduit à la question du chef et de l’homme providentiel et que le destin d’un pays dépend du caractère d’un homme. Du courage il en faudrait pour qu’un Président accepte de dire, voilà ce qui relève de mon pouvoir et voilà ce sur quoi je ne peux agir. Du courage il en faudrait pour assumer, comme l’avait fait Lionel Jospin de dire que l’Etat ne peut pas tout. Et du courage il en faudrait également pour que, si l’Etat ne peut pas tout, il aille au moins au bout de ce qu’il peut. 

22/04/2013

Inversion

Le Sénat a adopté, samedi 20 avril, la loi de sécurisation de l'emploi, après un esclandre des communistes qui ont quitté la séance pour protester contre le raccourcissement des débats. Le groupe communiste dénonce d'ailleurs, comme la CGT et FO qui n'ont pas signé l'ANI du 11 janvier 2013 à l'origine du projet de loi, un texte qui comporte plus de régressions que de droits nouveaux pour les salariés. On pourrait penser, en effet, qu'un texte signé par toutes les organisations patronales mais une partie seulement des organisations syndicales, un texte sur lequel l'UMP s'abstient en période d'opposition féroce et qui voit la majorité de gauche s'affronter et se diviser, n'est pas franchement une loi qui penche en faveur des droits des salariés. D'ailleurs, si opposition et majorité avaient été inversées, l'UMP aurait voté ce texte comme un seul homme en lui reconaissant mille vertues, alors que le PS se serait abstenu en regrettant que le texte n'aille pas plus loin et soit un faux-semblant pour les salariés. Ainsi vont les vicissitudes du petit monde politique.

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Man Ray - Positif, négatif

Oui mais voilà, tout ceci sent trop la réaction superficielle, de circonstance, de positionnement politique. Et du coup, que penser de ce texte ? Peu de droits supplémentaires pour les salariés, et qui restent à construire, contre des reculs immédiats et bien plus graves ? c'est l'avis du PC, de certains aussi au PS, de la CGT et de FO. Pourtant, lorsque l'on présente les dispositions du texte à des entreprises, que l'on explique la généralisation de la couverture santé et de la prévoyance, la refonte des obligations d'information des représentants du personnel et la mise en place de la base de données unique, les négociations nouvelles obligatoires, le renforcement des droits du comité d'entreprise, l'obligation de négocier davantage avec les organisations syndicales, la validation des PSE par les syndicats ou l'administration, la soumission des accords de mobilité ou de compétitivité emploi à des accords majoritaires, on voit les mines s'allonger et l'atmosphère n'est pas à la satisfaction d'avoir arraché de nouvelles flexibilités et sécurité pour l'entreprise. Il paraît même que lorsque les représentants patronaux expliquent le texte à leur base, ils se font engueuler. Signe que tout n'est certainement pas blanc ou noir dans ces dispositions dont on ne sait toujours pas si elles auront vraiment un impact sur l'emploi, ni surtout s'il sera positif ou négatif, ces deux représentations d'une même réalité comme a su nous le montrer Man Ray.

16/04/2013

Transparence

En ces temps de transparence patrimoniale, de déboutonnage des élus pour vérifier leur consistance matérielle, de droit de savoir et de confusion entre personne publique et privée, les juges nous rappellent que la transparence, cela ne concerne pas que nos édiles. En donnant raison à un salarié qui contestait son licenciement pour faute grave au motif qu'il avait écrit aux membres du Conseil d'administration un courrier mettant en cause les pratiques de la direction, la Cour de cassation réaffirme un principe bien établi : un salarié du secteur privé n'a pas de droit de réserve et dispose au contraire d'une liberté d'expression dont il n'abuse qu'en cas d'injures, de diffamations ou de volonté de dénigrement. Mais une expression critique en des termes non fautifs ne peut être reprochée au salarié. Voilà une transparence qui risque de susciter bien des apparitions aux yeux des actionnaires qui ne sont souvent éclairés que par la direction générale.

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Les cadres de direction devraient se souvenir, outre que les salariés n'ont pas de droit de réserve mais une liberté d'expression, que la loyauté due par le salarié s'exerce à l'endroit de l'entreprise, considérée dans son exhaustivité et qu'elle n'est pas une obligation d'allégeance aux personnes.

Et la Cour de cassation en profite pour, dans la même décision, rappeller une autre évidence : un salarié ne peut être cadre dirigeant dès lors qu'il est soumis à un contrôle de ses horaires. Là aussi, question de cohérence, en toute transparence.

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09/04/2013

In memory of Bobby Sands

Margareth Thatcher est morte hier. Cela devrait tous nous arriver un jour. Simplement il y en a pour qui cela arrive plus tôt que pour d'autres. Une pensée pour Bobby Sands et les 9 autres grévistes de la faim morts en prison en 1981. Le plus âgé avait 30 ans.

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Photographie : Peter Morrison.

06/04/2013

Ombre et lumière

Avouez que pour un pays champion de la consommation du médicament prozaïque, dont la dépression est la seconde nature, nous vivons une période, comme diraient les grammairiens, de concordance des temps : le froid, la pluie, la neige, la crise économique, la crise politique, le chômage, les licenciements, le ministre du budget qui fraude, le président nord-coréen qui confond ses jouets et les missiles nucléaires, la grippe aviaire qui repart en Chine, Carla bruni qui sort un nouveau disque et le Stade Toulousain qui est éliminé des compétitions européennes. Dans cette grisaille ambiante, on guette en vain le rayon de soleil, le coin de ciel bleu qui pourrait annoncer qu'un jour la chenille deviendra bien papillon.

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Hé oui, tout le monde est susceptible de muter, tout individu est potentiellement schizophrène (Jacques, ami psychanalyste, si tu me lis peux-tu confirmer ?) et porte en lui les possibilités inverses. Et dans certains cas, comme s'emploie à le démontrer Cahuzac, peut mettre autant de sincérité à traquer les fraudeurs que d'énergie à frauder lui même. Et à propos de sincérité, un petit commentaire juridique, pour vérifier que l'ombre n'est pas très loin de la lumière.

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Connaissez-vous la différence entre la fraude fiscale et l'optimisation fiscale ? la fraude c'est quand on se fait prendre ou quand on a pas un conseil suffisamment habile pour faire ce que l'on veut en toute légalité. Le Monde nous apprend ces jours ci comment la Société Générale, BNP Paribas ou encore Goldmann Sachs font la différence entre les deux (voir par exemple ici). A propos de Goldmann Sachs, c'est la Banque qui a longtemps conseillé la Grèce pour l'aider à dissimuler ses déficits. Amusant lorsque l'on voit aujourd'hui les anglos-saxons se déchaîner contre Chypre. Cette manie de mettre en cause les pays du Sud est plaisante lorsque l'on consulte la liste des paradis fiscaux, dont la majorité se trouvent sous domination britannique et dont quelques uns ne sont pas dans la méditérannée mais dans des mers qui se trouvent au nord de la Loire, tels Jersey ou Guernesey ou encore l'île de Man (voir ici les ombres et lumières britanniques). Mais le voile d'ombre restera jeté sur ces paradis du nord, tandis que l'on mettra en lumière ceux du Sud. Après tout, ils ont le soleil, il faut bien qu'ils en paient le prix.

05/04/2013

Conférence en Amérique

Liaisons Sociales avait choisi la Maison de l'Amérique Latine pour organiser une Conférence sur la loi de sécurisation de l'emploi. En m'y rendant jeudi matin, je pensai à mon copain Alain parti en goguette en Argentine et qui s'est retrouvé sous des trombes d'eau la nuit dernière.

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Buenos Aires

En arrivant à la maison de l'Amérique Latine, je jette un coup d'oeil à la vitrine qui présente des livres Sud-Américains. Le premier titre qui me saute aux yeux est "Je ne suis pas venu pour faire un discours" de Garcia Marquez. Je m'en souviendrai au moment de présenter le volet Formation de la loi. Mais en attendant, j'écoute les avocats parler de la loi : le travail technique est brillant, chaque mot, chaque virgule, chaque formule est disséquée, pesée, analysée et passé au crible de la marotte des avocats : le risque juridique, le contentieux et les aléas liés à la future position du juge, grand manitou de la chose judiciaire. Les têtes des participants se courbent au fur et à mesure des interventions, se demandant tout à la fois si cette loi apporte bien de la simplification (certainement pas), une nouvelle sécurité juridique (sans doute en partie, mais le propre de toute règle étant d'être interprétable, si l'on veut supprimer le risque il faut supprimer les juges, ce que la loi de sécurisation s'emploie d'ailleurs à faire), de nouveaux outils dans la boîte à outils (oui bien sur, François sera content -pas le pape, l'autre) et une régression ou un progrès  pour les entreprises et salariés (les deux mon capitaine). Mais il ne faut pas s'étonner que des avocats nous livrent une telle vision de la loi, pas plus qu'il ne faudrait s'étonner d'avoir une image peu flatteuse de notre société si l'on s'en tenait à la description que pourrait nous en faire un policier, par exemple.

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Jesse A. Fernandez - Wilfredo Lam

Juste le temps d'une pause, pour regretter que soit terminée l'exposition de Jesse A. Fernandez (mais vous pouvez découvrir - en espagnol- l'hilarant texte de Copi, l'Uruguayen), et c'est à moi. Pas de discours donc, droit au but :

- vous avez aimé expliquer que le DIF était un droit dont l'usage devait être négocié, vous adorerez expliquer que le compte personnel de formation est un compte non monétaire (en langage populaire et non techno : il n'y a pas de sous dedans) ;

- vous pensez que le DIF ne marche pas, demandez-vous ce que cela révèle sur la capacité de dialogue et de partage du pouvoir dans les entreprises, surtout à l'occasion d'une loi qui veut faire primer le dialogue social sur l'arbitrage judiciaire ;

- vous craignez le provisionnement et des charges nouvelles pour l'entreprise, dormez tranquille ;

- vous vous demandez comment ça marche techniquement, il vous faudra attendre l'an prochain (la Conférence Sociale en juillet, un ANI à l'automne, une loi en début d'année, un vote au printemps) pour les détails ;

- vous voulez savoir si certains négociateurs, signataires, n'ont pas compris qu'ils supprimaient le DIF en signant l'ANI ? la réponse est oui ;

- vous vous demandez à quoi va servir le conseil en évolution professionnelle ? à faire ce que le bilan de compétences n'a jamais fait : croiser un diagnostic individuel de compétences avec la situation du bassin d'emploi sur lequel on se trouve ;

- vous vous demandez pourquoi le conseil en évolution professionnelle a été confié au service public d'orientation ? vous avez raison, c'est une erreur, il reviendra normalement aux FONGECIF ;

- vous vous demandez ce que c'est que la Gestion Prévisionnelle Négociée des Emplois et des Compétences ? c'est une négociation qui ne porte ni sur la Gestion (liberté de l'entreprise), ni sur la prévision (ah le charme d'une négociation sur la prévision...), ni sur l'emploi (ce n'est pas le PSE triennal), ni sur les compétences (on ne négocie pas les compétences). Alors sur quoi : sur les dispositifs et méthodes de développement des compétences. C'est à dire comme avant ;

- vous vous demandez pourquoi la négociation inclut dorénavant les "grandes orientations de la formation" ? pas pour exclure les petites orientations mais pour rester à un grand niveau de généralité et que la négociation ne donne surtout pas l'idée de négocier le plan de formation.

Pari tenu Gabriel, je n'ai pas fait de discours.

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La journée est clotûrée par Jean-Denis Combrexelles, Délégué Général au Travail qui s'emporte presque : oui bien sur, on peut chicaner sur telle ou telle rédaction, mais l'essentiel de la loi c'est quand même d'inviter à la négociation et de prévoir une régulation plus grande par l'accord (entre partenaires sociaux ou avec l'administration) en lieu et place de décisions unilatérales et de leur contestation judiciaire. Un pari sur l'intelligence et la bonne foi en quelque sorte. Belle sortie, tempérée par la dernière question : "Est-ce que cette loi crééra des emplois ?", geste de lassitude du Délégué et rires, jaunes peut être, mais rires tout de même, dans l'assistance.

En partant, je repasse devant la vitrine, et cette fois-ci, le titre qui me saute aux yeux c'est celui qui figure ci-dessous. Amen.

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25/03/2013

Flaubert et la formation

 Si l'on s'en tient à sa définition, une idée reçue est une opinion située entre le stéréotype, le cliché et le lieu commun. L'idée reçue a comme caractéristique : d'être très répandue, d'être tenue pour évidence qui n'a plus besoin d'être démontrée, de permettre d'éviter de se poser des questions gênantes et au final de ne plus nécessiter de réfléchir. D'où son succès.

Lorsque Flaubert écrivit son Dictionnaire des idées reçues, il n'y fit pas figurer la formation, ni l'enseignement ou l'éducation. Peut être l'époque n'y associait-elle pas d'idées reçues.

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René Thomsen - La maison de Flaubert - 1897

Elle s'est bien rattrapée depuis car les diagnostics portés à la va vite sur notre système de formation professionnelle ne manquent pas, encore la semaine dernière par l'Institut Montaigne, récidiviste en matière de colportage d'idées reçues. En voici dix rassemblées dans une chronique écrite pour l'AEF, avec Jean-Marie Luttringer, qui prend la peine d'expliquer pourquoi il serait bon que toute réforme éventuelle de la formation commence par écarter les idées trop facilement reçues.

Flaubert en formation ou le dictionnaire des idées reçues sur la formation.pdf

Et pour ceux qui seraient curieux de la beauté de la Fornarina, un bonus :

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Raphael - Portrait d'une jeune femme (La Fornarina)

22/03/2013

A qui sociaux ?

Cela fait partie de ces phrases, tellement entendues qu'elles paraissent proférer des évidences et ne méritent plus guère qu'on s'y attarde. A chaque manifestation, chaque mouvement social, il est question des acquis sociaux chèrement acquis par la lutte et qu'il s'agit de défendre. Et toute l'histoire du travail se trouve revisitée par cette antienne : les avancées sociales sont le fruit de luttes qui créent des rapports de force favorables. Sauf que l'on est plus souvent dans le mythe que dans la réalité. Pour s'en tenir au dernier siècle, les acquis sociaux majeurs datent de 1936 (congés payés, semaine de 40 heures), de 1945 (sécurité sociale, comités d'entreprise), de 1968 (augmentation du SMIC, reconnaissance des syndicats dans l'entreprise), de 1982 (39 heures, retraite à 60 ans, lois Auroux) et de 1998 (35 heures). 

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Si le Front Populaire s'est appuyé sur les grèves et occupations d'usine et les accords Matignon de 36 (et encore, les congés payés ne faisaient pas partie des revendications syndicales prioritaires), ce n'est véritablement qu'en Mai 68 qu'il y eût un vrai rapport de force  exclusivement dû à un mouvement social qui aboutit à l'obtention d'acquis sociaux actés par les accords de Grenelle.Dans tous les autres cas, ce que l'on peut désigner comme acquis sociaux résulte soit d'un contexte historique, avec le Gouvernement d'union nationale présidé par le Général de Gaulle en 1945 qui mit en oeuvre le programme du Conseil National de la Résistance, soit de l'arrivée de la gauche au pouvoir. Enfin, jusqu'en 1998 parce qu'il y a peu de chances que 2012, ou 2013, soit à rajouter aux grandes dates de l'histoire sociale.

21/03/2013

Un train de sénateur

Audition mercredi par le rapporteur de la loi de sécurisation de l'emploi au Sénat, sur son volet formation. Je plaide pour une retranscription complète de l'ANI, actant le principe de codécision, définissant les premières priorités du compte et  officialisant sa substitution au DIF. Le rapporteur, qui connaît bien la formation professionnelle,  écoute, entend, paraît manifester quelque intérêt, mais au final, on sent bien l'hésitation et la tentation bien plus grande de considérer que la traduction minimale et sans portée opérationnelle sera la bienvenue. Certes, il paraît possible de donner une première traduction, mais des travaux sont lancés par ailleurs, le sujet est complexe, il n'y a pas de pression de la part des partenaires sociaux sur le volet formation de l'accord, d'autres dimensions du texte vont mobiliser beaucoup d'énergie, le Ministre de la Formation n'est plus là et personne ne porte véritablement ce projet de Compte personnel sur lequel il y a autant d'idées que d'interlocuteurs, bref, il n'y a que des coups à prendre et il est sans doute, en toute sagesse sénatoriale, urgent d'attendre.

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Pourtant, il y avait un beau wagon qui aurait pu être inclus dans le train des dispositions que la loi de sécurisation va tenter de mettre en oeuvre sans délai. Mais il y a de fortes chances pour qu'il reste sur cale. Le renvoi à la loi future sur la réforme de la formation nous porte en effet assez loin. La Conférence sociale de Juillet, puis une négociation interprofessionnelle, puis un projet de loi, puis un processus parlementaire, il y a fort à parier qu'aucun texte positif ne sera adopté avant au moins un an. Et si ensuite on rajoute les délais d'opérationnalisation, cela nous renvoie au mieux au 1er janvier 2016. Peut-être après tout est-ce un rythme politique : tous les maires savent que les travaux doivent être terminés quelques mois avant les élections suivantes pour être actés au bilan. Mais j'avais cru comprendre qu'il y avait urgence et que la formation était une priorité. Avec le non-remplacement de Repentin et l'attentisme qui semble s'instaurer, j'avais manifestement mal compris.

11/03/2013

Equilibre

Laurence Parisot en fait injonction au Gouvernement et au Parlement : impossible de toucher à l'ANI qui a été signé le 11 janvier 2013 sans en bouleverser l'équilibre. Les parlementaires devront s'en tenir à reprendre le texte, tout le texte et rien que le texte. Les amendements intempestifs qui viendraient le modifier seraient une marque de défiance envers la démocratie sociale, que le Président Hollande souhaite par ailleurs conforter. Une telle injonction a peu de sens, pour deux raisons.

La première tient au processus de production des lois organisé par l'article 1 du Code du travail : sur les sujets relevant de leur compétence, les partenaires sociaux sont appelés à négocier en amont de tout projet de loi d'origine gouvernementale. Mais ce n'est bien évidemment que la première étape du processus, et le Parlement doit ensuite faire son oeuvre.

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La seconde raison est plus fondamentale : la démocratie politique et la démocratie sociale ont toutes deux leur légitimité. La question n'est pas de savoir laquelle doit primer, mais bien au  contraire comment leurs actions peuvent intelligemment se combiner. La recherche de l'équilibre entre les deux démocraties est sans doute un exercice difficile, mais il ne relève en tout état de cause ni du diktat politique (nous sommes élus par le peuple, pas vous), ni de l'impératif social (nous avons négocié, reprenez en l'état sinon c'est un déni). Le Professeur Despax, qui était par ailleurs d'un grand calme et un fervent défenseur de la négociation collective, s'emportait déjà dans les années 80 lorsque les partenaires sociaux, coutumiers du fait donc, intimaient au Parlement de s'en tenir à la retranscription des accords conclus. L'examen du projet de loi de sécurisation de l'emploi par le Parlement sera l'occasion pour les députés de démontrer où se situe, pour ce qui les concerne, le point d'équilibre.

09/03/2013

Economicus rex

Les enterrements sont rarement propices aux débats sereins. L'émotion aidant, la dithyrambe et son corrollaire d'acrimonie en réaction, saturent l'espace des idées. Les récentes disparitions d'Hugo Chavez et de Stéphane Hessel en témoignent. Le besoin de sanctification se confronte au rejet de l'unanimisme, le tout attisé par les medias qui ne trouvent plus guère leur compte que dans l'émotion sans préoccupation de l'objet sur lequel elle se porte (notez ces journalistes télés qui nous annoncent pathétiquement "restez avec nous il va y avoir de l'émotion" aussi bien pour un radio-crochet, que pour un match de football ou un procès d'assises). En ces périodes lacrimales, mieux vaut donc s'abstenir de surenchérir. Sauf lorsque l'on peut lire ceci sous la plume de Luc Rosenweig, paru sur Causeur : "Il n’est quand même pas courant ni banal de voir un pays disposant d’une rente pétrolière phénoménale se trouver à court de devises, en proie à une inflation galopante et produisant un déficit budgétaire annuel de 20% de son PIB.
Le « socialisme bolivarien » n’est rien d’autre qu’une forme de redistribution de la rente pétrolière vers des catégories de la population qui n’en voyaient pas la couleur avant la prise de pouvoir par Chavez en 1999 : ce dernier s’est constitué une clientèle électorale à coups de subventions aux produits de consommation courante, d’un gonflement inouï de la fonction publique, et de constructions de logements à bas prix dans des régions jusque là délaissées par le pouvoir central. Tout cela est fort sympathique, montre un réel souci des petites gens, mais transforme toute une partie de la population en une immense armée d’assistés."

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Dans un bidonville au Brésil

En 2013, il paraît donc tout à fait normal à un journaliste économique de mettre en parallèle d'une part le taux d'inflation, le PIB et la dette, et de l'autre côté l'amélioration concrète et immédiate des conditions de vie, de logement, de santé et d'éducation de la plus grande partie de la population. On notera que les pauvres sont réduits à "une clientèle électorale", sur le modèle occidental, et que changer la vie quotidienne de milliers de personnes "est bien sympathique". Et tout ceci proféré sur le ton de l'évidence. Je me suis toujours spontanément méfié, c'est un euphémisme, de ceux qui étaient capables d'employer sans y voir malice l'expression "petites gens". Luc Rosenweig est sans doute un adepte du principe selon lequel il vaut mieux apprendre aux gens à pêcher que leur fournir du poisson. Hugo Chavez savait sans doute d'expérience qu'avant que tout le monde ne sache pêcher, il vaut mieux continuer à fournir du poisson.

06/03/2013

Fil conducteur

Si le Gouvernement trouve que la formation professionnelle est un système complexe, que dire de la taxe d'apprentissage ! un financement éclaté en quatre destinations (FNDMA, CFA, Ecoles, Fonds national de péréquation) avec des dépenses déductibles, des quotas dans les versements et la liberté de choix des entreprises. Au final, les organismes consulaires, l'Education nationale et les CFA patronaux et/ou paritaires se partagent à tiers presques égal la part d'apprentissage alors que l'Education nationale et les consulaires toujours, mais également les grandes écoles, émargent sur les fonds destinés aux premières formations technologiques. Pas simple la remise à plat de tout ceci, d'autant qu'il faut à la fois conforter l'apprentissage dans le supérieur, pour la revalorisation de l'apprentissage, et prioriser les jeunes sans qualification. La quadrature du cercle. Et bien voici comment il convient de procéder pour dénouer les fils et trouver le bon fil conducteur. Solution offerte à tous et sans copyright.

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Il suffit d'affecter l'intégralité de la taxe, comme le propose le Président de la République, à l'apprentissage en préservant la libeté de choix des entreprises, mais en obligeant les CFA et écoles qui reçoivent des fonds à les consacrer exclusivement à des dispositifs d'apprentissage. Et s'agissant du supérieur, à se limiter à recruter des apprentis au sein de la filière apprentissage. Qui de ce fait mériterait enfin son nom de filière. L'apprentissage dans le supérieur oui, mais à condition qu'il ne s'agisse pas d'un simple déport d'étudiants vers le dispositif d'apprentissage, mais que soit organisée et préservée une voix dans laquelle on ne pourrait entrer qu'au niveau V ou IV, et dont les niveaux III, II et I seraient totalement réservés aux apprentis en poursuite d'études. Et voilà comment impliquer le supérieur dans le développement de l'apprentissage, recentrer la taxe sur ceux qui en ont le plus besoin et faire de l'apprentissage une choix positif et non plus par défaut. Quant aux écoles, ayant préservé leurs ressources, elles mettront leurs qualités pédagogiques au service d'un nouveau public. Comme quoi, il suffit d'un fil conducteur pour que toute la complexité s'évanouisse (et sans doute pas qu'elle si cette proposition venait à voir le jour).

21/01/2013

Et ça netour !

C'est reparti. Non pas comme en quarante, n'exagérons rien ,mais comme depuis 40 ans. Comme depuis qu'il existe un marché de la formation, libre dans son accès et contrôlé dans son exercice, et que le vieux fantasme d'un service public de la formation ne s'est pas dissipé. Et que tous les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, ont relayé un message dont la vacuité le dispute à l'imbécillité, n'ayons pas peur des mots. Si l'on résume : "Il y a trop d'organismes de formation ! imaginez, 50 000". Oui et alors ? cela nuirait, paraît-il à la qualité. Mais est-ce que le fait qu'il y ait 50 000 bistrots en France dont un bon nombre de gargottes empêche qu'il y ait un Pré-Catelan (merci mon épouse !) et bien d'autres qui font l'excellence de la gastronomie française. On pensait que Thierry Repentin, le Ministre de la Formation Professionnelle, plutôt mesuré, avisé et prenant le temps de s'imprégner du milieu, échapperait aux sottises habituelles. Raté ! lors de la présentation de ses voeux à la Presse, il déclare, dans le plus pur langage techno-langue de bois "nous envisageons une rationalisation du nombre d'organismes de formation". Rationalisation cela signifie bien évidemment réduction. Et une fois parti dans les chemins de traverse, difficile de se désembourber : pour rationaliser on fera un cahier des charges pour imposer un niveau minimal pour les formateurs. Toujours l'approche française par le statut : surtout ne regardons pas la qualité des prestations, présumons que le statut fait la valeur. On s'énerverait presque de tant de passéisme fleurant bon le 19ème siècle de nos jours. On était plus moderne, mais vraiment bien plus, dans les années soixante lorsque l'on proclamait que Small is beautiful. Aujourd'hui, signe des temps, on rationalise. Et le pire, c'est que tout cela est dit sérieusement. Comme le chantait Dutronc, ça netour (toujours dans le même sens et on avance pas).


04/12/2012

D'un costume, l'autre

Lorsque l'on veut déposséder l'autre de lui même, on lui retire ses vêtements. Soit pour le laisser nu et démuni, soit pour lui faire revêtir un dépersonnalisant uniforme. Hanna Pesut, photographe canadienne, n'est pas animée de ces mauvaises intentions. Elle souhaitait simplement découvrir l'autre côté du couple par l'inversion des vêtements. Le résultat est parfois troublant.

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Pam et Bruce

Mais il peut aussi être drôle.

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Cam et Jill

L'inversion des rôles auxquels vient de se prêter le Gouvernement ne produit pas le même effet humoristique. Il faut croire que le traumatisme suscité par Jospin disant, à juste titre, que l'Etat ne peut pas tout à propos de Vilvoorde, va hanter nos politiques pendant les générations à venir. Car après le volontarisme sarkozyste le plus souvent dénué d'effet, voici un volontarisme présidentialo-gouvernemental des plus confus. Que l'Etat intervienne pour réguler l'économie, trouver des points d'équilibre avec le social, avoir une action incitative ou nationaliser, pourquoi pas, s'il l'estime nécessaire, il est dans son rôle. Mais à devenir l'interlocuteur des employeurs en lieu et place des syndicalistes qui n'en peuvent mais, il prend le risque d'une grande confusion des genres. On ne se trompe pas impunément de costume.

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Mariko et Sam

Va-t-on convoquer toutes les entreprises qui licencient à Matignon ? Menacer de nationaliser à chaque plan social ?  envoyer un Ministre dans chaque site annoncer aux salariés que l'on s'occupe d'eux ? car là est bien le problème. Comme avant le mois de mai, la communication prend le pas sur l'action et surtout sur l'efficacité. Montrer que l'on fait devient plus important que faire, au risque de faire n'importe quoi. Ce n'est pas en enfilant un costume qui n'est pas le sien que l'on agit juste. Et ce n'est même pas sûr que cela amuse la galerie. Et puisque le souvenir de Jospin paraît si présent, osons un rappel : c'est en voulant adapter son action aux sondages et à l'opinion que Jospin a oublié les principes de sa politique initiale et qu'il a ouvert la voie au 21 avril 2002.

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Gina et Claudio

15/10/2012

Vacance ?

Dans une de ces formules que les politiques adorent parce qu'ils pensent que ça fait malin, mais qui rappellent furieusement la réthorique de l'enseignement de bon aloi, Guillaume Peltier attirait cet été notre attention sur le fait qu'il n'y a pas loin du pouvoir en vacances à la vacance du pouvoir. La rentrée n'y a rien changé : le procès en immobilisme du pouvoir se poursuit, aggravé par le fait que cet immobilisme ne serait rompu que par de brusques réveils destinés à créer toujours plus de taxation. Pendant ce temps, les plans sociaux continuent, merci. Le piège du temps politique se referme sur l'exécutif. Car le temps politique, mais aussi le temps économique, sont des temps courts, et de plus en plus courts. Le temps social lui, est un temps long, et il n'y a guère de probabilité qu'il cesse de l'être.C'est ce décalage que nous vivons actuellement et qui laisse planer ce sentiment de vacance.

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Thomas Lévy-Lasne - Vacance

La Conférence sociale du mois de juillet a lancé un cycle de négociations qui devront être conclues avant la fin de l'année. Ensuite, s'enclenchera le processus législatif qui n'aboutira sans doute pas avant le printemps. Résultat, la future réforme annoncée du marché de l'emploi, de la flexi-sécurité, de la régulation de la précarité et des licenciements, ce n'est pas avant un an pour les premiers effets. Trop long ? le seul moyen d'aller plus vite aurait été que les partenaires sociaux ne négocient pas, que le Parlement intervienne sans délai et que la loi impose et contraigne. Le choix de faire vivre la démocratie sociale, de laisser aux interlocuteurs sociaux le temps de construire eux-mêmes des solutions est un pari risqué par le décalage qu'il crée avec l'urgence d'une situation sociale dégradée. Mais c'est le pari qu'une réforme n'est efficace que si les principaux acteurs sont parties prenantes à son élaboration. Et la conviction que la loi seule ne peut pas tout, comme il est constant que l'on ne change pas une société par décret. Reste donc dans l'attente à payer le prix politique de cette méthode d'action qui consiste, comme dirait l'autre, à laisser du temps au temps.

29/09/2012

Adultes en voie de disparition

Les députés vont bientôt discuter du contrat de génération. Mesure phare, en matière sociale, du nouveau Gouvernement, le contrat de Génération se propose de favoriser l'embauche des jeunes et le maintien des seniors dans l'emploi. Confomément au Code du travail, avant qu'un projet ne soit présenté à l'Assemblée, les partenaires sociaux sont consultés. Et FO fait savoir qu'elle souhaite que la limite d'âge pour les jeunes soit fixée à 30 ans et pour les seniors à 55 ans. Jusqu'à présent, les jeunes en France ce sont les actifs de moins de 26 ans, quant aux seniors la loi renvoie à la négociation collective la fixation d'une limite d'âge que certains font commencer à 45 ans, d'autres à 50 ans et d'autres encore à 55 ans. Si la proposition de FO était retenue, nous serions donc jeunes pendant 30 ans, adultes pendant 25 ans puis seniors pendant également 25 ans si l'on considère que l'espérance de vie moyenne tourne autour de 80 ans. Voilà une nouvelle approche des trois âges de l'homme.

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Le Titien - Les trois âges de l'homme - 1512

Jusqu'à présent, tous les pays d'Europe arrêtent la jeunesse à 25 ans révolus. Tous sauf un. L'influence conjuguée du soleil, de l'insouciance, d'un rapport compliqué à la règle chiffrée et des mamas a conduit les italiens à considérer que l'on était jeune jusqu'à 30 ans. La proposition de FO nous permettrait donc de devenir le second pays d'Europe à bénéficier de cette jeunesse prolongée.

On proposerait volontiers d'aller plus loin. Si l'on poussait la jeunesse jusqu'à 45 ans et que l'on faisait débuter un peu plus tôt l'entrée dans la catégorie des seniors, à 45 ans par exemple, on aurait inventé avec le Contrat de Génération un dispositif qui concerne tout le monde. Et on éviterait tous les inconvénients liés aux effets de seuil. Alors bien sur il n'y aurait plus d'adultes, mais c'est vraiment un problème ça ?

06/09/2012

My Generation

C'est parti ! après les contrats d'avenir qui ressemblent furieusement aux contrats du passé (désolé, pas résisté) sans toutefois arriver à innover comme le faisait le dispositif des nouvelles qualifications au début des années 80, voici les contrats de génération qui vont associer un jeune et un senior dans un bel élan paternaliste ou le papa senior sera tuteur du fiston junior pour lui mettre le pied à l'étrier et lui apprendre les bons vieux trucs des anciens. C'est pas touchant ça ? pour le coup, l'imagination a encore oublié de s'inviter au pouvoir et l'on nous ressert la transmission des compétences, comme l'horizon indépassable du senior. Ce faisant, on continue à reproduire le modèle de l'ancienneté des trente glorieuses comme si quelques révolutions culturelles et technologiques n'étaient pas passées par là. Avec le retour de la morale à l'école, antienne de nos gouvernements successifs, on a tout de même l'impression que le passé ne passe pas et qu'inventer des solutions nouvelles adaptées à un contexte qui évolue plus vite que les individus qui tentent d'y survivre est hors de portée de nos gouvernants successifs. Pas très excitant tout ça. Mais enfin, tout le monde à l'air content. Plus ou moins, mais content, du MEDEF à la CGT. Pour ma part, quitte à retourner dans le passé, au contrat de génération je préfère mille fois My Generation, c'est carrément plus Rock'n Roll et surtout c'est pas démodé.