28/03/2016
C'était le dictionnaire
...et voilà, terminé le Dictionnaire de la Formation, que vous pourrez retrouver en version complète ci-dessous. Pour une bonne visualisation, la double page est conseillée. Retour donc à l'actualité, même si elle donnerait plutôt l'envie d'aller faire un tour à la campagne.
"C'est qui le mec qui nous photographie ?
- ...sais pas, jamais vu...
- il se croit au Salon de l'Agriculture ?
- il a pas du en voir souvent des vaches...
- faut dire que des comme nous, y en a pas des masses....
- c'est pas faux...
- peut être qu'il va nous mettre en photo dans un livre....
- dans celui de cette année, on y était pas...
- tu crois qu'il va en refaire un l'an prochain...
- je l'ai entendu en parler, 30 ans de formation, Histoire(s) Personnelle(s) il paraît que ça va s'appeler...
- quel rapport avec nous ?
- plus que 9 mois, et tu le sauras...."
21:16 Publié dans DICTIONNAIRE | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : dictionnaire, formation, campagne, livre, photo, fin
07/03/2016
T comme....TRANSMISSION
On ne peut rien enseigner à autrui,
on ne peut que l’aider à le découvrir lui-même (Galilée)
Encore Tchouang-Tseu, et encore Jean-François Billeter pour la traduction de ce petit texte qui explique pourquoi un enseignant ne peut transmettre, juste aider à faire acquérir.
Le duc Houan lisait dans la salle, le charron Pien taillait une roue en bas des marches. Le charron posa son ciseau et son maillet, monta les marches et demanda au duc :
-Puis-je vous demander ce que vous lisez ?
-Les paroles des grands hommes, répondit le duc.
-Sont-ils encore en vie ?
-Non, ils sont morts.
-Alors ce que vous lisez là, ce sont les déjections des Anciens !
La main trouve et l'esprit répond
-Comment un charron ose-t-il discuter ce que je lis ? répliqua le duc ; si tu as une explication, je te ferai grâce ; sinon, tu mourras !
- J’en juge d’après mon expérience, répondit le charron. Quand je taille une roue et que j’attaque trop doucement, mon coup ne mord pas. Quand j’attaque trop fort, il s’arrête (dans le bois). Entre force et douceur, la main trouve et l’esprit répond. Il y a là un tour que je ne puis transmettre par des mots, de sorte que je n’ai pu le transmettre à mes fils, que mes fils n’ont pu le recevoir de moi et que, passé la septantaine, je suis encore là à tailler des roues malgré mon grand âge. Ce qu’ils ne pouvaient transmettre, les Anciens l’ont emporté dans la mort. Ce ne sont que leurs déjections que vous lisez là.
13:29 Publié dans DICTIONNAIRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dictionnaire, enseignement, éducation, pédagogie, livre, photo
03/03/2016
S comme....SECURISATION
Si tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te sentir en sécurité,
tu ne mérites ni l’une ni l’autre (Thomas Jefferson)
La formule « parcours professionnels sécurisés » est un oxymore, comme l’est la flexisécurité dont elle procède. Moins littéraire que l’obscure clarté des étoiles de Corneille, le silence assourdissant de Camus ou les splendeurs invisibles de Rimbaud, la formule n’en conserve pas moins sa contradiction. Sauf à ne pouvoir la concevoir que linéaire et ascendante sur le modèle de la «carrière», la notion de parcours inclut nécessairement la possibilité de prendre des orientations différentes, d’avoir à faire des choix, éventuellement même de prendre de fausses routes et ne peut donc exclure totalement la possibilité de se perdre.
Apprentissage des choix rapides
Par nature, le parcours ne renvoie pas à la sécurité mais davantage à la liberté et aux risques inhérents. Sécuriser les parcours cela reviendrait-il à le programmer entièrement puis à le confier à un GPS de l’emploi et de la formation qui nous en indiquerait toutes les étapes ? Cette vision-là n’est ni réaliste ni opératoire. Le parcours professionnel est une construction permanente qui évolue au gré des évolutions de l’individu lui-même et de son environnement. Une arabesque, une ligne droite, une ligne brisée, ou tout à la fois. Le principal n’est pas là, il est dans le plaisir de jouer avec le taureau.
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01/03/2016
S comme....SAVOIR
Le savoir sans le savoir, c’est ce qu’on appelle l’instinct (Louis Hamelin – La Rage)
On ne redira jamais assez la faiblesse, ou plutôt n’ayons pas peur des mots, l’ineptie, de la fameuse trilogie : savoir, savoir-faire savoir-être. Pourquoi ? Pas simplement pour le jargon mais plus fondamentalement pour un défaut originel rédhibitoire : la compétence c’est de l’action, de l’activité et cela suppose donc toujours du faire.
Oublions le jargon : on parlera plutôt de connaissances, de capacités et de comportements. Les connaissances renvoient aux ressources (qu’elles proviennent de l’expérience ou de la formation), les capacités à ce que l’on est capable de réaliser et les comportements à la manière dont on le réalise.
Evacuons ainsi l’être qui ne relève pas du champ de la formation professionnelle mais, au moins depuis Parménide, d’une philosophie de l’existence qui peine toujours à en tracer les contours.
Et concluons sur un petit exercice : essayez le baiser de cinéma avec le savoir-être. Il risque de manquer de saveur, sauf pour les adeptes du tantrisme. Mieux vaut savoir y faire.
20:08 Publié dans DICTIONNAIRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, formation, savoir, connaissance, compétence, éducation, dictionnaire, livre, photo
29/02/2016
R comme....RYTHMES
Au commencement était le rythme,
et le rythme s’est fait chair (Moravagine – Blaise Cendrars)
Les deux bâtiments se côtoient dans le parc des musées d'Amsterdam. Dans le premier, le Rijksmuseum, se trouve La laitière, que l'on peut contempler en doutant qu'il s'agisse d'une peinture, sans savoir de quoi il pourrait bien s'agir d'autre. Les couleurs, la patine, le dessin, la précision du trait, tout semble impossible à la réalisation. Et l'impossible peut être observé à loisir et à plaisir.
Vermeer a peint une petite quarantaine de tableaux en vingt ans.
Dans le second, le musée Van Gogh, est présenté le plus grand rassemblement existant des oeuvres du peintre. Pourtant, il ne s'agit que d'une petite partie des 840 tableaux, mille dessins et aquaralles sans compter les centaines de lettres envoyées à ses proches, pleines de subtilité, de goût et de vie. Van Gogh n'était pas pressé, ni fou : il était rapide. Bien trop rapide pour son époque.
Valse à trois...temps, cultures, saisons
Imaginons que l'on ait demandé à Vermeer de peindre au rythme de Van Gogh, ou à ce dernier d'adopter le tempo de Vermeer. La folie et l'impuissance auraient à coup sur frappé les deux, pourtant reconnus comme des travailleurs acharnés. Chacun à leur rythme.
Ni la lenteur ni la rapidité ne sont souhaitables pour elles-mêmes. Il suffit de savoir laquelle convient.
Les marcheurs savent qu'en montagne le faux-pas, c'est-à-dire celui qui n'est pas le sien, ne pardonne pas et réduit singulièrement la performance. En ce sens, Vermeer et Van Gogh nous posent deux questions : comment les organisations prennent-elles en compte le rythme propre à leurs collaborateurs, sachant que sur un rythme qui n'est pas le sien il est peu probable que l'on soit performant. La seconde question est plus directe : et vous, quel est votre rythme ?
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28/02/2016
R comme...REPRESENTATIONS
Je ne peins pas une femme, je peins un tableau (Matisse)
L’expérience est simple, elle consiste à se placer à distance de l’auditoire, à montrer un œuf et à demander aux spectateurs ce qu’ils voient. Un œuf entend-t-on rapidement. Ce qui ne correspond pas à ce que l’on voit mais à ce que l’on connaît. Si l’on s’en tient à ce que l’on voit, il faut décrire un objet ovoïde, de couleur chair, de faible poids et d’apparence solide. Comme dirait Wittgenstein : « « Quand je vois un objet, je ne peux pas me le représenter. Quand nous nous représentons quelque chose, nous n’observons pas ». De l’autre côté de la planète, un chinois, Tchouang-Tseu, disait à peu près la même chose : « Quand on perçoit, on ne parle pas, quand on parle on ne perçoit pas ».
Que voyez-vous ?
C’est la raison pour laquelle il faut absolument éviter les audioguides dans les musées, car alors on n’observe plus, on ne perçoit plus, on ne voit ce qui nous est raconté et l’on devient incapable de toute observation.
Vous souhaitez regarder vraiment ? Oubliez tout, plus de connaissance, plus de préjugés, plus de projection : retrouvez ce moment où « l’œil existe à l’état sauvage » comme l’affirmait André Breton. Il faut juste ne pas avoir peur.
20:58 Publié dans DICTIONNAIRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, formation, éducation, photo, dictionnaire, livre, musée, vue, perception
26/02/2016
R comme...REFORME
...et comme réchauffée
Voyez la réforme : le compte personnel de formation est un droit universel. Oui, mais il ne s’acquiert que lorsque l’on est salarié et ne peut s’utiliser que si l’on est salarié ou demandeur d’emploi.
Reprenons : le compte personnel de formation est universel, il concerne donc tous les travailleurs. Mais son acquisition demeure liée au travail salarié, exit donc les périodes de travail non salarié, d’emploi public ou de chômage. Et son usage est limité aux demandeurs d’emploi et aux salariés puisqu’il n’y a plus personne pour financer lorsque l’on devient fonctionnaire ou contractuel public ou travailleur non salarié. Soit la bagatelle de 9 millions de personnes. Et une impasse pour ceux qui souhaitent se former après avoir créé leur entreprise (combien de créateurs d’entreprise parmi les concepteurs du CPF ?).
Terrain vague
A lier les droits au contrat de travail et à l’ancienneté, on est encore dans le modèle des trente glorieuses de l’emploi durable et du statut salarié pour tous.
Tant que l’on ne s’affranchira pas du statut pour l’acquisition et l’usage des droits, on pourra toujours se payer de mots « sécurisation », « parcours », « droit universel »,…il n’en restera pas moins que l’on continuera à faire les mêmes vieilles soupes dans les mêmes vieilles marmites.
Addendum : écrite avant le projet de loi de réforme du droit du travail, cette chronique mérite actualisation. Le projet de loi prévoit en effet que les travailleurs indépendants bénéficieront du CPF. Voici donc une revendication satisfaite...ou presque. Car le projet prévoit que le CPF pour les non salariés n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2018, soit une première acquisition de 24 heures qu'au mois de mars 2019. C'est dire qu'il n'y a vraiment pas urgence. Quand aux fonctionnaires, le texte leur ouvre accès au CPA mais sans qu'il soit expressément question du CPF, ce qui ne permet pas très bien de dire s'ils seront effectivement concernés et quand. Et comme dit Martine Aubry, pour rester dans l'actualité : "Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup".
09:07 Publié dans DICTIONNAIRE | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : dictionnaire, réforme, formation, cpf, aubry, travail, emploi, éducation, cpa
24/02/2016
Q comme....QUIZZ
C'est Quizz ?
1. OUI
2. NON
3. Quizz c'est ?
Conseil aux impétrants pour les jours de bac : Trichez ! Ne lésinez pas sur les moyens, connectez vos portables, utilisez vos oreillettes, allumez vos I-pad, sortez vos micro-fiches, pianotez sur vos calculettes, allez bouquiner dans les toilettes, déroulez vos papyrus, utilisez les technologies, les ruses potaches, la coopération subversive, bref résistez en trichant.
Mais résister à quoi au juste ? à ces examens qui ne sollicitent que votre mémoire, votre capacité de régurgitation, votre conformisme reproductif, votre capacité à réciter par écrit, votre absence de créativité, votre formatage par le corrigé type et l'obéissance aux canons de l'examen. Vos examinateurs sont des sots ? Ne tombez pas dans le panneau, soyez moins stupides qu'eux, trichez. Et obtenez votre examen haut la main et sans scrupule car la capacité d'adaptation, l'inventivité et la résistance à l'inutile méritent récompense.
Sérieux, c'est qui ?
L'Education nationale aura réussi son rôle d'éducateur le jour où tous les documents seront autorisés aux examens. Où l'accès à l'information sera libre. Et où on demandera aux candidats de démontrer leur capacité à gérer cette information, à l'utiliser pour des productions qui font sens, à faire preuve d'engagement personnel, de capacités de choix, d'argumentation et de mise en relation de compétences pluridisciplinaires. Où les méthodes de travail n'apprendront pas à reproduire mais à travailler, où la compétence ne sera pas considérée comme un avatar de la connaissance mais comme sa sublimation.
Et les Quizz là dedans ? Constituant le degré zéro de l’évaluation, ils appellent la même stratégie : Trichez !
23:28 Publié dans DICTIONNAIRE | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : quizz, évaluation, formation, éducation, photo, livre, dictionnaire, bac, examen
23/02/2016
P comme....PROFESSIONNALISATION
Défie toi du bœuf par devant, de la mule par derrière
et du moine de tous côtés (Miguel de Cervantes)
Le cuisinier Ting dépeçait un beuf pour le prince Wen-houei.
On entendait des « houa » quand il empoignait de la main l’animal, qu’il retenait sa masse de l’épaule et que, la jambe arqueboutée, du genou l’immobilisait un instant.
On entendait des « houo » quand son couteau frappait en cadence, comme s’il eût exécuté l’antique danse du Bosquet ou le vieux rythme de la Tête de lynx.
-C’est admirable ! s’exclama le prince, je n’aurais jamais imaginé pareille technique !Le cuisinier posa son couteau et répondit :
Beauté du geste (Catherine Huppey)
Ce qui intéresse votre serviteur, c’est le fonctionnement des choses, non la simple technique. Quand j’ai commencé à pratiquer mon métier, je voyais tout le boeuf devant moi. Trois ans plus tard, je n’en voyais plus que des parties. Aujourd’hui, je le trouve par l’esprit sans plus le voir de mes yeux. Mes sens n’interviennent plus, mon esprit agit comme il l’entend et suit de lui-même les linéaments du boeuf. Lorsque ma lame tranche et disjoint, elle suit les failles et les fentes qui s’offrent à elle. Elle ne touche ni aux veines, ni aux tendons, ni à l’enveloppe des os, ni bien sûr à l’os même. (…)Quand je rencontre une articulation, je repère le point difficile, je le fixe du regard et, agissant avec une prudence extrême, lentement je découpe. Sous l’action délicate de la lame, les parties se séparent avec un « houo » léger comme celui d’un peu de terre que l’on pose sur le sol. Mon couteau à la main, je me redresse, je regarde autour de moi, amusé et satisfait, et après avoir nettoyé la lame, je le remets dans le fourreau. (…)
Tchouang Tseu (Traduction : Jean-François Billeter)
21:59 Publié dans DICTIONNAIRE | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : professionnalisation, formation, tchouang-tseu, billeter, littérature, livre, photo, dictionnaire, travail
19/02/2016
P comme....PLAN
On ne vous demande pas de penser, il y a des gens payés pour cela (Taylor)
« Plutôt que de dresser un modèle qui serve de norme à son action, le sage chinois est porté à concentrer son attention sur le cours des choses pour en déceler la cohérence et profiter de leur évolution. Bref, au lieu d’imposer son plan au monde, il s’appuie sur le potentiel de la situation »
François Jullien, Traité de l’efficacité
Que voulez-vous apprendre ? à construire des plans qui s’imposeront au monde par leur ingéniosité, leur virtuosité, leur efficience, leur attractivité ? Et qui dispenseront les autres de penser. Ou bien vous immerger dans l’environnement, le saisir, le sentir, le « corporer » pour adopter le geste juste, l’action idoine, le rythme parfait ? Et mettre les individus sous tension en exigeant que chacun fasse de même.
- Taylor ou Toyota ?
- Plutôt le jazz....
En deux mots, vous êtes plutôt Taylor, la force du bureau d’études et le choc des procédures, ou Toyota, la religion de l’amélioration continue et de la qualité totale ?
En ce qui me concerne, je suis plutôt toulousain.
00:31 Publié dans DICTIONNAIRE | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : toyota, taylor, production, création, industrie, jazz, formation, travail, toulouse, dictionnaire, livre, photo
17/02/2016
P comme....PAUSE
C’est du sport !
Quelle est la différence entre un manager et un entraîneur sportif ? Le premier considère que la performance est au minimum linéaire et si possible croissante, le second base tout son travail sur les cycles de performance et l’évidence qu’aucun sportif ne peut être au top de ses résultats toute l’année.
Parmi les premières décisions de Benjamin Millepied lors de sa prise de fonction de la Direction de la danse à l’Opéra de Paris : revoir les rythmes des entraînements, les temps de pause et la récupération. Pour gagner en exigence et performance (petit ajout d'actualité : il a également supprimé les pauses que certaines divas -précision à toutes fins utiles : diva est transgenre- s'octroyaient en lieu et place des entraînements).
J’ai cherché vainement dans les supports d’entretien annuel un quelconque calendrier qui identifierait les périodes fortes de l’année, les périodes de récupération, les périodes d’acquisition de ressources, etc. Salarié linéaire, performance linéaire. Loin, assez loin, de la réalité.
Un entraîneur sportif en conclurait que les salariés sont soit épuisés, et donc peu performants, soit dopés, soit en surrégime, ce qui expliquerait quelques pétages de plombs. Mais un entraîneur sportif ça ne connaît pas vraiment le travail.
22:07 Publié dans DICTIONNAIRE | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : pause, formation, réforme, éducation, enseignement, sport, danse, livre, dictionnaire, photo
16/02/2016
P comme....PARCOURS
Faire demi tour, c’est déjà aller quelque part
Si je vous montre le chemin, est-ce que je vous rends service et vous évite de vous perdre, ou bien est-ce que je suis dirigiste et ne vous autorise pas à tracer votre propre route et à voyager en autonomie ?
Les partitions, en musique baroque, sont très peu écrites et laissent une large place à la créativité de l'interprète : faut-il s'en plaindre ?
Dans un autre domaine, le GPS libère-t-il l'esprit qui n'a pas à se soucier de la route et peut donc vagabonder ou bien appauvrit-il la connaissance du conducteur qui s’en tient au fil rouge de l’écran et perd tout repère géographique ?
Parcours personnalisé un 1er janvier à Barcelone
On constate souvent que lorsque le besoin disparaît, l'organe ne tarde pas à faire de même. Souvenons nous de ces araignées trouvées dans une grotte dont l'entrée était obstruée par l'eau depuis plusieurs centaines d'années : plongées dans l'obscurité totale, dans laquelle elles ont survécu, les araignées étaient totalement dépigmentées et avaient perdu leurs yeux.
Alors si vous ne souhaitez pas mutiler les stagiaires, laissez les parcours ouverts, permettez les réorientations, les demi-tours, les raccourcis, le braconnage et la créativité : les organes des susdits vous en sauront gré.
19:48 Publié dans DICTIONNAIRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : parcours, formation, réforme, professionnel, barcelone, dictionnaire, livre photo
10/02/2016
M comme ....MODULAIRE
Objectif lune
L’homme n’a pas plus besoin de racines, il n’est pas arbre, qu’il ne se construit avec des briques, il n’est pas maison, ou qu’il ne doit changer de logiciel ou de disque dur, il n’est pas ordinateur. Ces images sans relief sont des chemins directs pour l’impasse de la pensée.
De même, l’homme n’est pas un capital, il n’est pas une somme de compétences et il n’est pas modulaire. Comment alors se projeter dans un parcours modulaire et penser ses propres compétences sous forme de blocs ?
Pêcheuse de Lune
En retournant aux fondamentaux : pour qui a connu les années soixante, le module c’est le LEM. Non, pas la loi de l’emmerdement maximal, le Lunar Excursion Module. Le véhicule spatial qui débarqua des hommes sur la lune. De l’extérieur, le LEM ressemble à un petit bricolage, à des boîtes à œufs recouvertes d’aluminium pour résister à la chaleur avec une petite échelle en allumettes. Le LEM, ou scénario de la fusée modulaire, s’est imposé chez les ingénieurs de la NASA, après qu’ait été longtemps privilégiée l’hypothèse d’un vaisseau unique. Mais voilà, le modulaire est plus léger, mieux adapté à chaque étape, plus économe, mieux garanti que le monobloc.
Pour vanter les mérites de la modularisation, avouez que le LEM et la conquête de l’espace cela à toute de même une autre allure que les ‘blocs de compétences », non ?
00:02 Publié dans DICTIONNAIRE | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : lune, lem, formation, éducation, dictionnaire, livre, photo, peinture, compétence, bloc
09/02/2016
L comme....LIBERTE
N’attends rien, désire tout (Raoul Vaneigem)
Apprendre une recette ou apprendre à faire la cuisine ?
La formation recette est celle qui apprend à sélectionner les ingrédients, livre les secrets de la préparation, fournit les temps de cuisson, donne les variantes possibles et enseigne la reproduction. Elle séduit par l'immédiateté de son résultat. Elle est montrable et valorise celui qui apprend. Toutefois, à la troisième invitation, le convive peut se lasser et le cuisinier aussi. Il faut d'autres recettes. La formation, à terme, crée donc la dépendance et non l'autonomie. Elle fournit les poissons, mais n’apprend pas à pêcher. Vite, encore un poisson !
La formation qui apprend la cuisine prend son temps. Elle parle des mets : légumes, condiments, viandes, poissons, coquillages, agrumes, arômes, piments, épices, herbes...Elle parle des méthodes : cuissons, macérations, émulsions, saisies, marinades...Elle parle de mélanges : assortiments, goûts, saveurs, correspondances, oppositions, mariages. Elle vous livre les conditions de la production, vous ouvre les voies et chemins, vous outille pour l'aventure mais ne vous tient pas la main et refuse de vous inviter à reproduire. Elle a, comme le cuisinier, l'exigence de la création. Le goût de l'autonomie et de la liberté. Elle ne garantit pas la satisfaction immédiate de l'invité mais organise les conditions de la surprise.
Mais foin d'oppositions : pour libérer tous les possibles, la formation prendra soin d'apprendre la cuisine tout en suggérant quelques recettes. Bon appétit !
00:05 Publié dans DICTIONNAIRE | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : dictionnaire, formation, éducation, enseignement, liberté, livre, photo, cuisine, recette
08/02/2016
L comme....LAPSUS
Monsieur le Ministre, il faut durcir votre sexe…euh votre texte (Robert-André Vivien à l’Assemblée nationale – 1975).
Tous les citoyens sont égals et fraternaux (Fournier à la Chambre des députés – 1914).
Sartre ne croyait pas à l’inconscient. Est-ce vraiment l’inconscient qui parle lorsque notre langue fourche, que les idées s’associent et que les mots se jouent de nous ? N’est-ce pas plutôt notre volonté, notre souhait, notre crainte ou notre désir qui s’expriment ? à quoi pensait la belle jeune femme en me disant « Je tombe de soleil ? » et celle, jamais satisfaite qui avoue : «Je recherche toujours la perversion ». Certains messages sont beaucoup plus clairs, lorsqu’un DRH annonce qu’il va présenter le tableau de mort des effectifs ou un salarié que lundi il va au bourreau.
Chez Freud, on le sait, le sexe n’est jamais loin. Il est vrai que lorsque l’on annonce une réunion du COPUL, qu’il ne faut pas perdre l’objectif de vue en cours de rut ou que l’entreprise a une copulation assez âgée, le petit père Freud affiche un sourire satisfait.
Le lapsus a souvent l’image d’une soupape qui libèrerait soudainement un trop plein de tension. Comme cet animateur annonçant qu’il va nous exploser la situation ou ce dirigeant qui nous laisse le joint de finaliser le projet.
Laissons à la jeune femme tombée du soleil le soin de définir le lapsus : « un état de confiance modifiée ».
11:01 Publié dans DICTIONNAIRE | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : dictionnaire, formation, éducation, lapsus, freud, livre, photo, ressources humaines
06/02/2016
J comme...JEU
Je(u) est un autre (Arthur Rimbaud)
Apprendre par le jeu est une évidence…pour les enfants. Les adultes peuvent également être convaincus, mais ils l’assument mal. Le temps où les surréalistes se réunissaient dans les cafés pour ouvrir l’esprit, l’éventail des possibles et la manière de vivre par le jeu est bien lointain.
Car quand les adultes se tournent vers le jeu, il faut qu’il soit sérieux. Ainsi les économistes ont consacré par des prix Nobel plusieurs tenants de la théorie des jeux, qui rationnalise le ludique.
Apprentissage de l'amitié
En formation, terrain pourtant propice, le mot jeu est tellement imprononçable qu’on est allé chercher « game » en s’empressant de lui rajouter un « serious » destiné à éliminer toute équivoque.
Et voilà comment au lieu de développer des pédagogies du jeu pour l’apprentissage, on se retrouve à créer des « serious games ». En oubliant que celui qui renonce à sa part d’enfance renonce à lui même. Franchement, vous trouvez ça sérieux ?
22:59 Publié dans DICTIONNAIRE | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jeu, formation, éducation, pédagogique, enseignement, livre, dictionnaire, photo
05/02/2016
I comme...IRM
Identités Rapprochées Multiples
L'expérience se renouvelle sans cesse. Lors des présentations en début de formation, il se trouve toujours une ou un participant pour dire :"Oh vous savez moi j'ai un parcours atypique...". Comme tout le monde, est-on tenté de répondre.
Bernard Lahire (La culture des individus – 2004) en a fait le constat méthodique : les trajectoires individuelles se diversifient au moyen de pratiques sociales multiples en dehors des groupes de référence dont on relève. Bien plus que le repli identitaire ou communautaire, c’est la diversité des appariements qui caractérise notre société. Moins visible peut être, mais bien plus présente.
Philippe Sollers nomme Identités Rapprochées Multiples ces différents états d'un même individu qui le rendent moins facile à catégoriser, moins aisé à appréhender, plus difficile à comprendre aussi.
Il ne faut pas s'étonner que ce phénomène soit peu visible : le simplisme de l'individu ramené à un essentiel préexistant est une référence mieux partagée que la complexité de l'être aux mille facettes. Le premier est réduit à une image grossière alors que le second se refuse sans cesse et ne vous offre un visage que pour mieux dissimuler l'autre.
Reconnaître les identités rapprochées multiples c'est accepter que l'autre dispose d'une liberté inaliénable et qu’il ne puisse jamais être réduit à la représentation que l’on s’en fait. Accepter la liberté d’autrui, tout un programme.
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03/02/2016
I comme...INTERACTION
Un peu de sociologie éloigne du droit, beaucoup de sociologie y ramène (Maurice Hauriou)
Maurice Cohen est docteur en physique et en mathématiques, spécialiste de l'intelligence artificielle. Il est l’auteur de plus de 250 publications scientifiques et a résolu plusieurs problèmes mathématiques considérés comme « impossibles », telle l’équation de Poincaré. Il est également peintre.
Il procède de la même démarche créatrice pour résoudre une équation mathématique et réaliser une toile :
"Si l’on n’est pas philosophe, un peu poète, on ne peut pas aller très loin dans le domaine de l’intelligence artificielle. Le monde est non linéaire et les plus grands problèmes ne peuvent être résolus par un système cartésien. L’art nous force presque à penser hors de cette logique cartésienne. C’est après trois semaines de peinture intensive que j’ai résolu le problème de Poincaré qui date du XIXe siècle."
Nature ou culture ?
Le travail de Maurice Cohen nous invite à deux questions. L'une spécifique à son activité : qu'est-ce qu'un chercheur et comment s'effectue un travail de recherche ? Avec de la technique, de la méthode, de la discipline et de la créativité. Si l'on veut décrire les compétences du chercheur, les trois premiers points ne poseront pas, trop, de problème. Le quatrième est moins évident. Il nous fournit pourtant une des clés : la créativité c'est la capacité à faire des liens qui n'ont jamais été faits et à disposer d'un état d'esprit suffisamment libre.
La deuxième question est plus générale : que nous apporte l'art ? Christian de Portzamparc, l'architecte de la cité de la Musique à Paris et de l'immeuble Vuitton à New-York affirme: "Lorsque je lis de la poésie, de la littérature, lorsque je m’intéresse à la psychanalyse, à la peinture, à la sculpture, je ne considère jamais que je m’éloigne de mon métier".
Le détour artistique ? Un moyen de penser un peu au-delà de notre pensée habituelle.
21:58 Publié dans DICTIONNAIRE | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : dictionnaire, nature, culture, science, art, création, formation, éducation, livre, photo
01/02/2016
I comme....INNOVATION
Je ne cherche pas, je trouve (Picasso)
Les souvenirs des rues chaudes de Barcelone, la découverte des sculptures africaines et de ce que l’on appelait alors « l’art nègre », l’émulation des collectifs d’artistes réunis à Paris au début du siècle (le précédent), l’excitation de l’inconnu, la transe de la maîtrise technique qui permet de tout expérimenter, la jeunesse, la liberté, un peu de folie, une énergie sans égale, un fort vent du Sud et sans doute quelques autres ingrédients, permettent à Picasso de peindre en 1907, à l’âge de 26 ans un tableau qui révolutionne la peinture moderne. L’alchimie toute personnelle d’un individu accordé aux influences et à la dynamique de l’époque.
Toute l’histoire de la peinture démontre que la création n’a jamais été aussi innovante que lorsque les foyers de créations étaient multiples et leurs relations intenses. L’histoire de l’innovation technologique n’est pas différente.
Grace à des écosystèmes dynamisant, on s’affranchit de l’existant et l’on ouvre des voies nouvelles. Une recette à base d’horizontalité, de diversité, de fécondités croisées, de liberté et de prise de risque. Soit l’exact inverse du jacobinisme centralisateur, pyramidal, hiérarchique et prescripteur qui prévaut depuis les rois de France, le principal échec de la République étant de ne pas avoir su construire une alternative à la Royauté faite de cent mille fleurs fleuries issues du small is beautiful. A votre avis, c’est pour demain ?
19:54 Publié dans DICTIONNAIRE | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : picasso, peinture, livre, dictionnaire, formation, éducation, innovation, emploi, travail
31/01/2016
I comme...INDIVIDU
Je suis un homme, je suis un homme…(Michel Polnareff – 1970)
C'est la route du week-end : la rue de Rivoli, les Champs-Elysées, la Défense, la Normandie. Le petit bonhomme connaît bien et commente toujours. La Tour Eiffel qui scintille le vendredi soir, l'Obélisque de la Concorde, les statues équestres qui ouvrent les Champs, la grande avenue, l'Arc de Triomphe. Et puis ce grand pavois balayé par les courants d'air de l'arche, que l'on ressort pour les cérémonies.
Alors je lui parle du soldat inconnu et de plus inconnu encore, sa femme. Le petit écoute. Et puis on passe à autre chose. Et lors d'un trajet suivant, tout d'un coup la question : "On va le voir aujourd’hui le soldat inventé ?".
De l'autre côté du miroir
Moi qui aime les formules courtes, précises et singulières, me voilà servi. Ce soldat inventé débusque la supercherie du soldat inconnu, réduit à un symbole, désincarné, sans corps, sans histoire, sans boue, sans crasse, sans peur, sans courage, démuni de tout puisque ramené à une fonction symbolique plus facile à manipuler que les êtres de chair.
Ce soldat inventé, il surgit chaque fois que l'on convoque des mots pour remplacer des êtres, chaque fois que l'on réduit les histoires singulières à une histoire officielle, chaque fois que l'on généralise en niant les individus, chaque fois que la sensibilité particulière doit laisser la place à l'émotion collective. Chaque fois que l’on parle, insupportables expression, du « salarié lambda », de « Mme Michu », du « stagiaire de base », ou que l’on généralise à tout va « les jeunes », « la génération Y », « les seniors », « les français », etc. on déclenche une pluie de poncifs, on embrume la pensée.
Chaque fois donc que la vérité de l’individu recule derrière la fiction catégorielle, surgit le soldat inventé qui occupe toute la place du soldat inconnu. Vieille histoire en fait, puisque Diogène déjà promenait sa lanterne en criant : « Je cherche L’homme ! », qu’il ne trouva jamais ne voyant que des hommes.
20:19 Publié dans DICTIONNAIRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dictionnaire, formation, éducation, philosophie, miroir, apparence, photo, livre