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29/01/2015

Des chiffres et des lettres

Dans "L'Esprit de Philadelphie" (2013), Alain Supiot analyse le passage d'un monde régi par les lettres ("Au commencement était le Verbe") à celui des nombres. Autrement dit, la substitution du calcul à la loi. La différence essentielle est que la loi, qui est littérature, suppose un travail de qualification, d'analyse, d'interprétation et laisse ouverte la question du sens. A l'inverse, le nombre construit un monde calculable, rationnellement établi et figé dans la vérité de l'équation. Avant lui, sous une autre forme, Rimbaud disait déjà la même chose (la poésie est un raccourci vers la vérité) : 

 Oh ! la science ! On a tout repris. Pour le corps et pour l'âme, — le viatique, — on a la médecine et la philosophie, — les remèdes de bonnes femmes et les chansons populaires arrangées. Et les divertissements des princes et les jeux qu'ils interdisaient ! Géographie, cosmographie, mécanique, chimie !...
     La science, la nouvelle noblesse ! Le progrès. Le monde marche ! Pourquoi ne tournerait-il pas ?
     C'est la vision des nombres. Nous allons à l'Esprit. C'est très certain, c'est oracle, ce que je dis. Je comprends, et ne sachant m'expliquer sans paroles païennes, je voudrais me taire.

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Ce qui est frappant aujourd'hui c'est que la demande faite au juriste n'est pas une demande du monde des lettres, mais de celui du calcul. On voudrait une règle certaine, débarrassée du doute, qui produise un résultat aussi mécaniquement que toute opération comptable à sa solution. L'usage littéraire de la règle, qui ouvre des espaces de décision, qui propose des analyses sociologiques de la réalité, qui crée de la responsabilité, de la décision et du choix, s'efface devant la rationalité du computer qui doit produire un compte exact. Ne cherchons pas ailleurs la fallacieuse recherche de sécurité juridique qui n'est jamais qu'une tentative à peine masquée d'annihilation du droit. Et pour vérifier que l'économie mathématique, et son outil le chiffre, ont pris le pas sur la loi humaniste, et son outil les lettres, il suffit de constater la prétention des économistes à établir qu'il existe des "lois économiques" (ce qui faisait bien rigoler Bernard Maris) que l'on nous révèle comme autant de lois naturelles. Car la religion du chiffre a de nombreux apôtres. On ne pourra nous empêcher de penser qu'il s'agit là d'un culte mortifère. 

28/01/2015

Le cri, cet argument

Les lenteurs de la mise en place de l'inventaire des certifications non diplômantes pénalisent particulièrement les organismes de formation qui réalisaient une part importante de leur activité avec le DIF, à savoir les organismes de formation en langues, en bureautique et en développement personnel, puisque les demandes de DIF portaient principalement sur ces trois thématiques et assez peu sur les formations métiers. Les centres de formation linguistiques ont été les premiers à réagir : articles dans la presse, interview dans les médias, interpellation du Ministre se sont succédés, pas toujours d'ailleurs avec des arguments techniquement très fondés puisqu'il n'a jamais été question d'exclure les langues de l'inventaire, qu'elles ne pouvaient pas figurer dans la première LNI (ce n'était donc ni un oubli ni une exclusion) et qu'il fallait, comme pour beaucoup d'autres, attendre l'inventaire. Bref, sur le fond pas très concluant. Sauf que les Ministres sont sensibles aux cris qui peuvent avoir de l'écho. 

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Frantisek Drtikol - Le cri

Le Ministre s'est donc ému de ce bruit qui parvenait jusqu'à lui, preuve que nous avons toujours un ministre qui s'occupe de formation professionnelle, du moins lorsque la presse en parle. Inquiet d'être pris à défaut, le dit Ministre demanda donc que la question soit réglée, ce qui nous vaut ce mercredi une réunion entre la DGEFP et les organismes de langues, afin de rendre éligibles les certifications en langues dans des délais rapides et sans attendre la sortie de l'inventaire. Du dérogatoire donc. Pourquoi pas ? on aurait toutefois préféré que le ministère identifie le problème avant, anticipe sur les délais, fasse travailler la CNCP et publie l'inventaire dans les temps. Mais il faut donc se résoudre à constater, une fois de plus, qu'avec les politiques c'est rarement celui qui a les meilleurs arguments qui a raison, et plus souvent celui qui crie le plus fort. 

16/12/2014

Arbitraire et fait du prince

On pourra me rétorquer que lorsque l'on vient du Sud, on est pas toujours au garde à vous devant les règles (d'une manière générale d'ailleurs, on est pas très porté sur le garde à vous...). On pourra me dire que dans ces chroniques même, l'orthodoxie n'est pas toujours au rendez-vous. Oui, on pourra toujours le dire. Mais en même temps, on peut également trouver que les positions que l'administration vient de prendre dans sa deuxième version du Question/Réponse consacré aux OPCA, c'est un peu fort de café. Et que, comme en des temps plus impériaux mais non moins impérieux, force reste à l'Etat mais pas forcément à l'Etat de droit. Entre l'empire et la world company, le doigt divin tient lieu de parole sacrée.

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De quoi s'agit-il ? de trois questions qui n'étaient pas tranchées dans le premier Questions/Réponses et qui le sont dans le second avec le plus parfait arbitraire :

- En premier lieu s'agissant de la possibilité pour une entreprise de faire un versement volontaire à un OPCA. Toute la loi du 5 mars 2014 et les décrets vont dans le sens de l'OPCA unique (pour les arguments détaillés, voir l'article sur les OPCA publié dans Droit Social de Décembre 2014 et sur ce blog). La DGEFP devait produire un argumentaire sur ce point, elle se contente d'une affirmation : le versement peut être fait à l'OPCA de branche ou à un OPCA interprofessionnel. Pourquoi ce privilège sauf considération politique ? nous n'en saurons rien ;

- Ensuite sur la possibilité pour un OPCA de financer les frais de déplacement des administrateurs, prévue par la loi. Tout d'abord la DGEFP annonce que seuls sont visés les membres des Conseils d'administration. Puis elle indique aujourd'hui que les conseils d'administration régionaux, à qui elle dénie par ailleurs toute capacité de décision, sont également concernés alors que les sections paritaires professionnelles, qui figurent elles dans la loi et sont donc des instances paritaires "légales" de l'OPCA n'y ouvriront pas droit. Pourquoi une telle distinction ? sur quelle base juridique ? mystère, mais ainsi le veut-on et ainsi en sera-t-il ;

- Enfin sur la possibilité pour les OPCA de financer la rémunération des salariés dans les entreprises de moins de 10 salariés. La loi ne le prévoit pas, un projet de décret l'envisageait mais le décret final ne l'a pas repris et voilà que l'on nous annonce que puisque c'était prévu dans l'ANI du 14 décembre 2013 (texte non étendu, qui ne le sera jamais et qui n'a aucune valeur normative et surtout pas celle d'imposer une solution que la loi écarte) et bien il suffit qu'un accord ou le conseil d'administration de l'OPCA le prévoit et ce sera possible. 

Au final, trois positions dont on pourrait dire courtoisement qu'elles ont une base juridique fragile, et de manière plus directe qu'elles font litière des règles au profit d'une position politico-administrative. Le problème n'est même pas sur les solutions retenues : la loi aurait pu le prévoir. Le problème est que justement elle ne l'a pas prévu et que l'on nous administre une nouvelle fois la preuve qu'il vaut mieux être influent que respecter les règles pour préserver ses intérêts. Pas forcément le meilleur message à transmettre dans une société qui cherche des repères. Mais quand arbitraire et fait du prince sont dans un bateau et comptent bien y rester, ce sont ceux qui s'en tiennent à la règle qui tombent à l'eau. 

QR DGEFP OPCA v2.pdf

12/11/2014

Le soldat inventé

C'est la route du week-end : la rue de Rivoli, les Champs-Elysées, la Défense, la Normandie. Le petit bonhomme connaît bien et commente toujours. La Tour Eiffel qui scintille le vendredi soir, l'Obélisque de la Concorde, les statues équestres qui ouvrent les Champs, la grande avenue, l'Arc de Triomphe. Et puis ce grand pavois balayé par les courants d'air de l'arche, que l'on ressort  pour les cérémonies. Alors je lui parle du soldat inconnu et de plus inconnu encore, sa femme. Le petit écoute. Et puis on passe à autre chose. Et lors d'un trajet suivant, tout d'un coup la question : "On va le voir le soldat inventé ?". 

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Moi qui aime les formules courtes, précises et singulières, me voilà servi. Ce soldat inventé débusque la supercherie du soldat inconnu, réduit à un symbole, désincarné, sans corps, sans histoire, sans boue, sans crasse, sans peur, sans courage, démuni de tout puisque ramené à une fonction symbolique plus facile à manipuler que les êtres de chair. Ce soldat inventé, il surgit chaque fois que l'on convoque des mots pour remplacer des êtres, chaque fois que l'on réduit les histoires singulières à une histoire officielle, chaque fois que l'on généralise en niant les individus, chaque fois que la sensibilité particulière doit laisser la place à l'émotion collective. Chaque fois donc que la vérité recule derrière la fiction, surgit le soldat inventé qui occupe toute la place du soldat inconnu. 

09/11/2014

A l'Est

A l'époque, on avait pas un hamster (je veux dire un journaliste avec un bonnet en fourrure sur la tête pour montrer qu'il fait froid) en direct sur BFM TV, I-télé, LCI pour hurler : "Restez avec nous, ici il y a beaucoup d'émotion, les gens s'embrassent dans la rue, c'est extraordinaire...monsieur, monsieur, pourquoi ce moment est si important pour vous ?" et pour passer à un autre car le quidam choisi regardait fixement la caméra, sans même pleurer ce qui aurait été un minimum. Ce soir là,  toutes les fissures et lézardes du mur de Berlin craquaient et laissaient passer des mains, des bras, des jambes, des têtes, des cris, des chants qui ouvraient une nouvelle page d'histoire. 

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La Spree se préparait à redevenir un lieu de promenade amoureuse, où peu à peu les amants allaient oublier les noyés, les pourchassés, les tirés à vue. 

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L'Ouest allait découvrir qu'à l'Est le temps s'était figé. Que les traces de la guerre étaient soigneusement préservées pour maintenir le moral des troupes et persuader les plus récalcitrants que les nazis étaient à l'Ouest, lequel reconstruisait à tout va pour démontrer exactement le contraire. 

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Encore un peu plus à l'Est, à Dresde, il avait bien fallu reconstruire, puisqu'il ne restait plus rien à montrer ou presque. Et la manière dont on avait reconstruit ne laissait aucun espoir de retrouver un jour le paradis perdu. 

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Des voitures minuscules et la grande tour de télévision de Berlin Est, comment mieux faire sentir aux individus leur petitesse face à la grandeur de l'Etat ? 

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L'Alexanderplatz d'Alfred Döblin a laissé place à une agora sur laquelle quelques ambulants vendent d'ignobles saucisses aux égarés qui ont franchi Check Point Charly et cherchent en vain un bistro au coeur de la ville. 

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Celui qui marche sait-il que dans quelques mois, la reconstruction allait commencer ? c'était il y a 25 ans, c'était le monde d'avant. 

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06/11/2014

Dialectique

Colloque mercredi 5 novembre, organisé par la DGEFP, sur la place du travail dans la réforme de la formation professionnelle et plus largement sur la possibilité de prendre appui sur le travail pour se professionnaliser.  Avec la double conviction qu’il est nécessaire de mieux prendre en compte le travail réel dans les situations pédagogiques et que le temps du tout formation comme solution à un problème de compétence, individuelle ou collective, est révolu.

 Allons un peu plus loin : développer ses compétences c’est accepter à un moment donné la confrontation. Confrontation avec de nouvelles situations de travail, confrontation avec des pensées opposées à la sienne, avec des pratiques différentes, avec des méthodes qui ne sont pas les notres. Bref, pour progresser il faut se mettre en situation d’inconfort, sortir des situations endogamiques, du cercle de ceux qui nous confortent et aller au-devant de ceux qui nous dérangent. Rien d’autre que le retour de la dialectique en somme.

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Marcel-G Lefrancq - La dialectique - 1945

 Pour progresser il va donc falloir que je lise le bouquin d’Eric Zemmour, que je passe une journée de travail avec des managers persuadés que le droit du travail est le premier frein à l’économie, que j’accompagne une négociation avec l’objectif qu’elle n’aboutisse pas, que je participe à une table ronde avec Marc Ferracci, que je préconise de s’affranchir de règles qui pourtant font sens, que je lise en détail les jurisprudences qui ne vont à rebours  de constructions qui tenaient la route, que je présente des lois absurdes en essayant de leur donner du sens, que j’encourage l’expression des opinions les plus farfelues dans les formations…et bien j’ai essayé tout cela et manifestement ça marche  (sauf le bouquin de Zemmour, faut pas déconner quand même, je m’en suis tenu à la lecture de Causeur, ce qui n’est déjà pas mal). A ceux qui s’inquiéteraient, livrons une conclusion rassurante : la dialectique on est pas obligé du matin au soir, on peut aussi faire ce que l’on aime, comme on aime, avec ceux que l’on aime. Il faut juste ne pas oublier de sortir, régulièrement, du confort.

09/10/2014

La zone !

Comment se fier aux juges, comme dirait un homme politique ? pas facile lorsque le juge varie plus souvent que le vent ne tourne. Car non content de jouer les démiurges et de créer de toute pièce des règles nouvelles, le juge a la fantaisie d'appliquer ces règles au cas d'espèce, ce qui lui permet donc de les interpréter au gré des circonstances. La surprise et la créativité y gagnent ce que le justiciable perd en sécurité juridique car bien malin qui pourra dire ce que le juge va décider. 

En matière sociale, il en est ainsi notamment à propos des mutations géographiques. Les juges ont, en la matière, commencé par innover en jugeant que tout salarié n'était pas recruté pour un lieu exclusif mais pour une "zone géographique" dans laquelle l'employeur peut le muter sans que cela ne constitue une modification de son contrat de travail. La solution a l'avantage du pragmatisme en imposant à un salarié de suivre une modification d'adresse sans grande conséquence sur ses contraintes de transport, tout en fixant une limite à ce pouvoir de l'employeur, je veux parler de la "zone". 

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Derniers mots de la "Zone" d'Apollinaire

Reste à définir ladite "zone". Est-ce un bassin d'emploi ? un bassin de vie ? une frontière administrative (commune, agglomération, pays, département, région....) ? une zone à géométrie qu'il convient de mesurer en temps plus qu'en kilomètres ? on avoue la difficulté car suivant les entreprises, les caractéristiques de la zone peuvent largement varier. Chez les juges aussi  donc qui avaient décidé, en 2009, que deux villes distantes de 50 kms étaient dans la même zone, et qui  a  au contraire jugé le 12 juin 2014 (Cass. soc., 12 juin 2014, n° 13-15.139 F-D) qu'une mutation entre deux villes distantes de 30 kms ne peut être imposée car, du fait de difficultés de circulation constatées l'hiver sur la route qui les relie, le temps de trajet s'en trouve rallongé, ce qui conduit, par le constat de l'aggravement des conditions de travail, à refuser à l'employeur de pouvoir appliquer la mutation d'office. Reste que tous ces changements de jurisprudence, c'est tout de même un peu "la zone". 

19/09/2014

Finkielkraut, le réel et le droit

Alain Finkielraut a des obsessions et elle ne sont guère joyeuses : la disparition du monde classique, la fin de la littérature, la remise en cause de l'ordre établi, l'irruption de comportements qu'il ne comprend guère, l'envahissement par la technologie et quelques autres sombres idées fixes. On le remarquera, l'optimisme n'est chez lui ni un naturel, ni une volonté. Et d'ailleurs les optimistes technophiles comme Michel Serres le désespèrent. Parmi les leitmotivs de Finkielkraut, comme chez tous les déclinistes, l'idée fortement ancrée que tous ceux qui ne pensent pas comme eux sont dans le déni du réel. Réalité le recul du niveau des élèves, la prolifération des femmes voilées, les parisiens scotchés à leur smartphone et à candycrush dans le métro,...toutes occasions de vérifier qu'il a bien raison de penser ce qu'il pense. Sauf qu'à ne voir que les smartphones il ne voit plus le reste. Le fait que la proportion de lecteur de livres papiers soit plus importante chez les personnes ayant le plus de technologie (ordinateur, smartphone, tablette...) que chez les autres lui demeure étrangère. Bref une réalité certes, mais très parcellaire. Très classiquement, et malgré ses dénégations, Finkielkraut n'a pas franchi le cap de penser contre lui-même, mais n'est pas Sartre qui veut. 

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Robert Capa - Homme réel mourant pour des idées

Mais ce soir, il n'était même plus question de réel. S'embarquant sans béquille ni lumière sur des terrains inconnus, voici que Finkielkraut nous annonce que le CDI est une protection telle que les entreprises ne peuvent embaucher car elles savent qu'il leur sera impossible de se séparer d'un salarié incompétent et que s'il venait à un chef d'entreprise l'hasardeuse idée de procéder à un tel licenciement, il se retrouverait illico aux prud'hommes. Rappelons donc un petit morceau de réalité : chaque année plus de 800 000 salariés sont licenciés, dont les deux tiers pour motif personnel, le plus souvent lié à une faute ou une insuffisance. Et sur ces deux tiers, le taux de contentieux est inférieur à 25 %, soit environ 180 000 contentieux par an pour 18 millions de salariés. Un taux de 1 % de conflictualité judiciaire. Finkielkraut, comme tous les pseudos-réalistes, cherche ses clés sous la lumière du lampadaire et il est persuadé que ce qu'il voit est identique à ce qu'il ne voit pas, ou plus. Autrement dit, il est persuadé que ce qu'il connaît lui permet de juger de ce qu'il ne connaît pas. Ce qui on en conviendra, n'est pas très réaliste. 

09/09/2014

Il suffit de regarder

Pourquoi lorsque l'on regarde une peinture, et particulièrement une peinture abstraite, on peut distinguer immédiatement un chef d'oeuvre d'une croûte ? pourquoi lorsque l'on voit un plan d'un film d'Hitchcock est on certain que c'est un film d'Hitchcock ? pourquoi lorsque l'on regarde une photo, sait-on immédiatement qu'il s'agit d'une oeuvre majeure qui se distingue sans peine au milieu des milliards de clichés qui viennent s'installer tous les jours dans les mémoires électroniques des appareils photos en tout genre ? si ces questions vous paraissent avoir du sens, foncez vite à Arles, prenez votre pass des rencontres photographiques et courez à l'Espace Van Gogh admirer les photos d'August Sander, de Richard Avedon, de Nobuyoshi Araki et de quelques autres. 

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Avedon - The family

Vous y découvrirez notamment ces dizaines de portraits de dirigeants américains par Richard Avedon. Ces portraits en plan américain, sur fond blanc ne laissant aucun chance aux personnalités de se fondre dans le décor et d'échapper à l'oeil qui les regarde, offrent de saisissants raccourcis sur la vie des photographiés. Et permettent de ne plus s'étonner que des gens si semblables et si sérieux aient une même représentation du monde, puisqu'ils se représentent eux-même de manière totalement identique sous quelques fausses diversité d'apparence. Et il ne reste plus qu'à constater tous les jours les dégâts causés par cette classe dirigeante totalement fermée sur elle-même. 

08/09/2014

Du volontarisme

Emmanuel Macron, qui demande à être jugé sur les actes à venir plutôt que sur les actes passés, en appelle au volontarisme de l'Etat. Posture indépassable que nos politiques surjouent en mauvais acteurs qu'ils sont, le volontarisme n'en fait pas moins toujours recette auprès des électeurs, à la manière dont le livre de Valérie T. est sur la table de nuit de ceux qui affirment ne plus supporter la people-isation de la people-itique. Dernière variante du mythe du chef de la part d'un peuple qui cherche son guide comme le troupeau cherche son chien, le volontarisme a donc de beaux jours devant lui. 

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La volonté en action, concentration totale...

C'est que depuis Jéricho ou la traversée de la Mer rouge, nombreux sont ceux qui ne peuvent se défaire du "quand on veut on peut" ou de "la volonté peut tout", qui relèvent tous deux de la pensée magique ou religieuse. Il y a bien sur des raisonnables (en général ils se dénomment eux-même "réalistes") qui considèrent que la volonté ne peut pas tout mais que sans volonté on ne peut rien. 

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...triomphe de la volonté !

Voici donc les gouvernants tenus de se faire élire sur leur volontarisme avant d'essayer de nous persuader que le réel est bien peu modelé par la volonté d'un seul. Et que ceux qui fustigent la perte de crédibilité du politique se demandent s'ils seraient prêts à voter pour celle ou celui qui dirait : "Je ne pourrai sans doute pas grand chose seul, mais je veillerai à bien m'entourer et sur le peu que je peux, je ferai de mon mieux". Moi oui, mais je risquerai de me retrouver un peu seul, ce  qui serait indépendant de ma volonté. 

31/08/2014

Le retour de Tina

L'homme politique se doit d'être volontariste, François Hollande l'aura compris à ses dépens. Les coups de menton, le chef qui fait le chef, la certitude en toute circonstance, voilà ce qu'attend le peuple. Ou du moins, voilà ce que les politiques pensent que le peuple attend, car malgré les postures, on ne peut pas dire que cela ait été très probant avec Nicolas Sarkozy. Le volontarisme s'opposerait à l'inéluctable cours des choses. Le paradoxe, c'est qu'en même temps ressurgit la petite musique de Tina. Celle que l'on a déjà entendu au début des années 80. Je ne veux pas parler de la flamboyante rockeuse qui fit un spectaculaire comme-back à cette période, ce qui est dommage car cela  pourrait distribuer électricité et dynamisme, mais de Maggie Thatcher qui nous répétait, comme le fait Valls aujourd'hui "There is no alternative". 

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Paris 2014

Cela rappelle également Louis Schweitzer déclarant au moment de la fermeture de Vilvorde "il n'y a pas 36 manières de diriger une entreprise". Non bien sûr, pas 36 mais plus certainement 36 000 tant on peut faire des choix différents en matière de stratégie, d'organisation, de management, de communication, de gestion, etc. Laisser penser qu'en matière de gouvernance l'alternative n'existe pas c'est finalement démontrer l'inverse de ce que l'on souhaite affirmer et dresser le constat de l'impuissance du politique.

26/08/2014

C'est pas du management

Tous ceux qui parlent de l'entreprise France et confondent une nation avec une société commerciale qui n'aurait comme horizon que sa situation d'endettement, son PIB, sa compétitivité, son niveau d'investissement et l'état de ses comptes doivent être déçus. Tout ceux qui pensent que les ministres sont des  forces de vente et le Président de la République le Dircom, doivent revoir leur langage. La Gouvernance de la France, ce n'est pas du management. 

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François Hollande en vélo (le scooter ayant été repéré),

à la recherche d'un miracle

Car en management, on a jamais vu un dirigeant virer l'ensemble du personnel pour gérer un licenciement et deux démissions, et encore moins en réembaucher les trois quarts, après leur avoir fait sentir qui est le maître. De telles pratiques de management seraient jugées ringardes, ridicules et inefficaces. Ce qui est bien la preuve que ce dont il est question ici, c'est de politique et pas de management. 

15/08/2014

L'Amérique raciste

Comme la France moisie pétainiste qui n"a jamais totalement disparue, pas besoin de gratter beaucoup pour retrouver l"Amérique raciste, pour laquelle l"élection d"Obama n'est qu'un cache sexe qui masque bien mal la forêt de préjugés qui structurent les consciences. Si Philippe Roth dans son formidable livre "La tâche" montre l"absurdité du politiquement correct déconnecté de toute réalité, il n'en reste pas moins que l"on peut voir, au quotidien, comment les préjugés structurent les représentaions. Rendant compte des manifestations qui ont eu lieu à Ferguson suite au meurtre d"un jeune noir par la police, USA Today présente en Une le bilan des arrestations en distinguant les blancs et les noirs. Qu'une presse réactionnaire existe n'est pas un problème, c"est la presse, mais que l'Attorney General décompte les arrestations en fonction de la couleur de la peau, quand bien même serait-on au pays des quotas et de la discriminations positive, n'est rien d'autre qu'une conception raciste de la société.

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Pourquoi ne pas présenter les arrestations des jeunes et des vieux, des chauves et des chevelus, des chômeurs et des travailleurs, des républicains et des démocrates, des végétariens et des carnivores, des imberbes et des barbus, des diplômés et non diplômés, des nomades et des sédentaires, des mariés et des célibataires ou toute autre distinction arbitraire qui constitue un fait dépourvu de sens. Mais non, c'est la couleur de la peau qui importe te continue d'importer. En France on a bien les xénophobes maladifs qui, dès qu'un fait divers survient, traquent le patronyme de l"auteur et salivent de convictions confortées s'il a, à leurs yeux, une consonance étrangère. Mais ici, en Amérique, l'élection d'Obama n'a manifestement pas fait le printemps. Bienvenue dans l"American dream !

01/08/2014

Yes, they can

On le sait, la misère est moins pénible au soleil. C'est peut être pour cela que dans les villes du Sud, la misère est plus évidemment présente. Plus centrale, plus visible pourrait-on penser, mais en réalité tout autant invisible. Le destin des marginaux est d'être à la marge, en tous lieux. 

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Comme dans toutes les métropoles, il n'est pas très difficile de constater que des mondes se croisent sans vraiment se côtoyer.

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Il paraît qu'Obama a pris un coup de vieux, et peut être même deux, depuis qu'il est élu. En tous cas, le "Yes we can" paraît bien loin. Surtout pour ce qui concerne le "we", car ce nous inclusif relève du voeu pieu tant les autres sont parfois dans un monde d'ailleurs. 

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Les travailleurs, en tant que classe, n'existent que dans les catégories statistiques où les écrits de ceux qui voudraient y croire. Chez les intéressés, la lutte n'est pas sans frontière et les frontières ne sont pas que géographiques. 

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Collectivement, la résignation semble l'avoir emporté et planté son drapeau noir sur les visages défaits de ceux qui ne croient plus à grand chose, pas même à eux-même. 

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Et l'on continue à se raccrocher au "jusque-là tout va bien" en refusant de croire à la chute finale. 

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Bien sur il y a des lieux de réaction. De conscience individuelle et collective, de volonté de ne pas subir, de créer des espaces de liberté. 

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Reste tout de même une question, LA question : "Mais qu'aurait fait Zapata ?".

19/06/2014

Politique de gribouille

Vous avez jusqu'au début Novembre pour vous rendre au Havre visiter une des plus belles expositions organisées en France ces dernières années et consacrée à Nicolas de Staël. Les toiles viennent de tous horizons, parlent d'horizons et vont au-delà des horizons. Certaines n'ont jamais été exposées. Si vous n'avez jamais vu de près un peintre se battre avec la peinture, maltraiter la matière, la dompter comme un fauve qui vous fascine mais peut aussi vouloir votre mort, si vous n'avez jamais vu un oeil, une main et un corps saisir l'essence même des choses, si vous n'avez jamais approché la lutte avec l'ange, le combat contre soi-même qui, un instant, se suspend parce que soudain tout est exposé à la lumière, alors il vous faut aller au Havre. 

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Nicolas de Staël - Face au Havre

Combien de temps dure le combat avant que le grand échalas ne décide que c'en est fini et que le tableau peut sortir de l'atelier ? Combien de temps avant que le dernier coup de brosse, l'ultime coup de couteau n'ait définitivement fixé l'état de la toile ? Combien de temps avant de trouver ce sublime équilibre qui vous saisit comme un uppercut et vous émeut sans limite tant il est évident que c'était cela qu'il fallait faire et rien d'autre ? 

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Nicolas de Staël - Marine à Dieppe

La décence du peintre, c'est que tant que l'oeuvre n'est pas achevée, elle n'est pas montrée. L'honneur de l'artiste, c'est de garder par devers lui ce cheminement lent, parfois douloureux, toujours mobilisateur d'une énergie extrême, d'une tension furieuse, qui conduit à la toile. A celui qui veut bien le retrouver sur la toile d'y voir quelque chose. Mais avant, on ne montre pas. 

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Nos gouvernants feraient bien d'aller faire un tour au Havre (même si les deux derniers présidents de la République en date s'ennuient dans les musées, contrairement à leurs prédécesseurs, signe des temps). Ils apprendraient que lorsqu'une oeuvre n'est pas prête, elle reste à l'atelier. Comme par exemple la loi sur le temps partiel du 14 juin 2013, qui impose aux entreprises de ne recruter les salariés que pour des durées d'au moins 24 heures, sauf accord de leur part. Après avoir reporté la date d'entrée en vigueur de la loi, voilà que le Gouvernement réfléchirait à une "sécurisation juridique" de l'accord du salarié. Autrement dit, après avoir fait voter un texte qui accroît les obligations des entreprises on rétropédale au nom de la politique de l'emploi. En peinture, lorsque l'on tartine sans jamais arriver au but, ce n'est plus de la peinture mais de la gribouille. Et la politique de gribouille, nos dirigeants n'ont pas vraiment besoin d'aller au Havre pour savoir de quoi il s'agit. 

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16/06/2014

Ministre de la plainte

Il aurait pu se rendre sur les quais de Gare plutôt que de rester devant son Ministère, Benoît Hamon. Il aurait pu chuchoter à l'oreille des lycéennes que la grève était l'occasion de voler du temps au temps, lesquels lycéens plutôt qu'un délai supplémentaire auraient du demander l'abrogation du bac et organiser des pique-niques géants dans toutes les gares en protestant contre la stupidité du bachotage et du contrôle de conformité qu'est (et qu'à toujours été) le baccalauréat. Ils auraient même pu discuter avec les syndicalistes les lycéens, cela aurait utilement complété leurs périodes de stages en entreprise. Et ils auraient même pu prendre le temps de se dire qu'en train on peut aller partout ou presque, comme avec la philosophie et plus généralement comme avec l'éducation. 

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Paul Delvaux - Gare forestière

Il aurait pu nous parler Benoît Hamon, quitte à parler, des sujets du jour. On aurait aimé savoir si le Ministre de l'Education vit pour être heureux, s'il est heureux d'être ministre et si le bonheur des élèves et étudiants lui importe plus ou moins que celui des enseignants. On aurait aimé qu'il nous dise, sur le thème de l'artiste et l'oeuvre, s'il est homme occupant une fonction ou fonction faite homme. Mais non, le Ministre ne s'est rendu sur aucun quai de Gare, il n'a parlé ni de bonheur ni de philosophie. Il a juste déclaré que personne n'était en retard et qu'il allait porter plainte contre la jeune fille qui avait tweeté les sujets. On a pensé un instant qu'il était ministre de l'intérieur, et puis on s'est rappelé que l'on a les combats que l'on se donne. 

02/06/2014

Mieux que la suspension, la suppression

François Rebsamen ne connaît pas particulièrement les questions d'emploi, de travail, de formation professionnelle, de dialogue social, mais il piaffait à la porte du Gouvernement et il fallait muscler celui-ci d'hommes de confiance et de vieux chevaux de la politique. Remplissant ces deux conditions, l'ami du Président accepta de découvrir les questions sociales en même temps que sa nouvelle fonction. A lui, tous les mois, d'annoncer les mauvaises nouvelles sur le front de l'emploi, à lui de trouver les solutions pour endiguer le chômage contre lequel il paraît que l'on a tout essayé. On ne peut pas dire que l'impétrant manque de lucidité : ayant remarqué une surreprésentation des entreprises de 40 à 49 salariés dans notre économie, il fît la relation avec les obligations sociales correspondantes : mise en place d'un CE et obligations qui vont avec (base de données, crédit d'heures, réunions, expertises, budget,...) ou participation obligatoire qui oblige le dirigeant à partager les bénéfices de l'entreprise. Et derechef, décida de suspendre les effets de seuil, jusqu'à la prochaine élection évidemment. Proposons lui mieux : fi des distinctions, vive l'égalité, à bas les mesures catégorielles, sus aux seuils, votons la suppression. 

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Militants de l'égalité

Pourquoi réserver le partage des fruits du travail de la collectivité à certaines entreprises, pourquoi en exclure les plus petites dans lesquelles l'oeuvre collective a sans doute encore plus de sens que dans les entités de grande taille ? pourquoi considérer que le dialogue social ne peut s'épanouir que dans le nombre et l'anonymat ? pourquoi la relation interpersonnelle devrait-elle à tout prix supplanter la représentation élective ? pourquoi priver de droits les salariés des petites structures et renforcer ainsi l'idée que le social n'est qu'un coût et jamais un élément de la performance ? alors ne nous contentons pas de suspendre les seuils, supprimons les et adaptons les obligations pour qu'elles gardent du sens en tout type d'entreprises. Autrement dit, employons notre créativité à faire du droit commun et non du droit d'exception suspendu. Encore un effort donc, monsieur le Ministre : après être resté au seuil du Gouvernement jusqu'au moment où vous étiez prêt à tout accepter, vous comprendrez sans peine l'intérêt de les supprimer. Les seuils. 

21/01/2014

Parcours nomade

Dans le document envoyé aux partenaires sociaux en Juillet 2013 pour leur demander de négocier sur la réforme de la formation professionnelle, Michel Sapin demandait à ce que soit revue la définition de la formation professionnelle pour mieux prendre en compte la formation informelle. L'ANI a traduit cette demande en prévoyant qu'une formation associait des objectifs, une ingénierie pédagogique et une évaluation des résultats. La novation résidait dans la disparition du programme, corset rigide qui impose un parcours commun et préétabli, au profit de la possibilité pour chacun d'avoir un parcours dont les contenus sont aussi variés que les besoins individuels pour parvenir à un objectif commun. Une invitation aux parcours nomades donc. 

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Mais fi de tout ceci dans l'avant projet de loi : non seulement la définition actuelle de la formation n'est pas réformée, mais elle est complétée par des dispositions relatives à la formation à distance, censées en faciliter l'organisation, mais qui alourdissent les mentions qui doivent figurer dans le programme de la formation, point cardinal de la définition de l'action. Manifestement, les rédacteurs ont oublié qu'ils travaillent au sein du Ministère du Travail, et non de l'Education nationale, et que le programme n'a guère de sens pour définir une action de formation professionnelle continue qui s'adresse à des adultes qui ont tous des compétences et des situations de travail différentes, et qui peuvent donc tous passer par des chemins différents pour parvenir à un même objectif, si l'on veut bien considérer que la formation ne s'arrête pas aux frontières de la petite classe, mais que l'acquisition de compétences débute même quand on en sort. Souhaitons que sur ce point, et quelques autres, le débat parlementaire n'entérine pas des conceptions figées de ce qu'est la formation et fasse preuve si possible d'audace et à tout le moins d'esprit d'ouverture, ce qui serait bien le moins pour une loi portant sur la formation. 

20/01/2014

Les irresponsables ne sont pas ceux que l'on croit

C'était il y a bien longtemps. On m'avait rasé la tête, mis un béret rouge, enfermé pour un an et plongé dans un univers crapuleux, au sens premier du terme. Pour en sortir au plus vite, j'avais opté pour le refus frontal, le seul possible en certaines circonstances. Et je m'étais retrouvé un soir dans une froide nuit de décembre à hurler non, alors que deux cent poitrines gueulaient oui, à la question de savoir si j'étais fier d'être là et d'aller sauter depuis les avions. A partir de là, l'affrontement fût effectivement un peu plus frontal. Et je me retrouvai notamment convoqué par un capitaine, qui après les traditionnelles insultes (de chien rouge à intellectuel en passant par lavette et autres joyeusetés), m'expliqua qu'ici il n'était pas question de liberté individuelle, que sous l'uniforme j'appartenais à la Nation et devait abdiquer toute volonté propre de la même manière, je l'entends encore, que le ventre des femmes enceintes ne leur appartenait pas. C'était il y a quasiment 30 ans mais c'est manifestement reparti. 

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Alors que l'Assemblée nationale examine des dispositions qui garantissent et reconnaissent l'avortement comme le droit de celles qui portent le processus de création de la vie, de l'interrompre si les conditions d'une survenance dans de bonnes conditions ne sont pas remplies, voilà que l'on vient nous expliquer que la liberté individuelle n'a nulle place ici et que Dieu, la nature ou l'enfant à naître doivent s'imposer à la liberté de conscience, et donc à la responsabilité, de la femme. Mais la vraie liberté, est une responsabilité, et celle de donner la vie, une des plus grandes, ne peut que résulter d'un choix. Qu'une société veuille enlever ce droit de choisir, comme en Espagne, revient en fait  et en droit à vouloir une société d'irresponsables. 

Et le rapport avec la formation ? dans une société d'irresponsables, la formation n'est plus éducation mais uniquement prescription. Alors que dans une société d'individus libres, elle est un apprentissage de la responsabilité. 

16/01/2014

Au seuil de l'orage

La décision était attendue depuis presque deux ans, la Cour de cassation ayant demandé en avril 2012 à la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) s'il était conforme à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne d'exclure les contrats aidés du calcul de l'effectif pour l'application des seuils sociaux. La décision vient d'être rendue le 15 janvier 2014.  Le litige était né dans une association d'insertion, comptant une dizaine de permanents mais plus de 100 contrats aidés, et qui pour autant n'avait pas à mettre en place un comité d'entreprise. Le droit fondamental mis en cause en l'espèce était celui du droit à l'information et à la consultation des travailleurs. Certes le juge a donné tort à la CGT, à l'origine de la question, sur le fond de l'affaire mais au motif qu'un particulier ne pouvait directement invoquer la Charte et qu'il devait se retourner contre l'Etat pour engager sa responsabilité du fait de n'avoir pas mis la loi nationale en conformité avec le droit européen. Le détour tiendra l'orage à distance pendant quelques temps encore, mais il ne saurait être infranchissable.

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Potentiellement, l'impact est énorme car aujourd'hui tous les contrats d'insertion bénéficient d'une mesure d'exclusion des seuils, mais également tous les contrats en alternance. L'application stricte du droit européen devrait donc conduire à réintégrer dans les effectifs des entreprises tout ce beau monde et à compter tout le monde, contrats de professionnalisation et d'apprentissage inclus. Mais pour cela, il faudra attendre que le Gouvernement, qui risque fort de traîner les pieds au mépris du droit mais avec le souci de ne pas alourdir les charges des entreprises, propose une modification de la loi. Pour l'instant, donc, il continue à ne pleuvoir que dans la mer.