09/08/2015
A never ending story
L'an dernier il y a eu Ferguson, la nuit dernière c'était à Dallas. Et entre temps, quasiment tous les mois, l'annonce qu'un policier blanc a tué un noir. A Philadelphie, au centre de la prison désaffectée construite en forme de panopticum à l'époque où la science devait avoir réponse à tout, un peu comme aujourd'hui en quelque sorte, il y a ce monument qui matérialise la croissance de la population carcérale aux Etats-Unis.
Plus de 600 % d'emprisonnements supplémentaires entre 1970 et 2010. On doute que pendant cette période la criminalité ait augmenté de 600 %...ou qu'elle ait diminué de la même proportion du fait des emprisonnements. Dans la ville où fut rédigée et adoptée la Déclaration des Droits ainsi que la Constitution américaine, on peut se référer à Montesquieu : le degré de civilisation d'une société se mesure à son code pénal, plus les peines augmentent et plus les libertés reculent.
La représentation graphique permet également de constater que les noirs constituent 60 % des prisonniers et seulement 30 % de la population des Etats-Unis. Un panneau invite à se poser la question du pourquoi ? les clivages politiques traditionnels ont leurs réponses toutes faites : à droite on ne voit que responsabilité individuelle (ne commettez pas de crimes et vous n'irez pas en prison, ne défiez pas la police et vous ne serez pas tués, etc.) et à gauche que faillite collective (éducation, milieu social, ségrégation,...tous ces obstacles accumulés qui rendent les minorités plus fragiles face aux comportements délinquants) ou choix de société : vous allez plus facilement en prison pour une barrette de shit que pour une infraction financière.
Mes lunettes personnelles sont celles du droit et de l'histoire. Dans le pays qui a connu plusieurs siècles d'esclavage et qui, malgré la déclaration des droits, a maintenu des lois raciales dans le Sud jusqu'au début des années 70, les parents du jeune homme tué à Dallas sont sans doute nés alors que la ségrégation existait toujours légalement, il y a une certaine fatalité à ce que la couleur désigne celui qui tire et celui qui est tiré. Les contradictions du droit ne sont jamais sans conséquences Un peu comme la déclaration de 1789 proclamait l’égalité en droits de tous les citoyens, pour ne reconnaître le droit de vote aux femmes qu’en 1945. L’histoire laisse des traces profondes et durables dont les individus sont, bien malgré eux, les acteurs dans des rôles qu’ils n’ont pas toujours choisis.
22:05 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : montesquieu, noirs, races, usa, amérique, politique, prison, actualité