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25/08/2016

LOI TRAVAIL : LES REGLES SANS LA CULTURE

La loi Travail fait le choix d’élargir les champs ouverts à la négociation collective et tente de donner la priorité aux négociations locales plutôt qu’aux négociations nationales et centralisées. Beaucoup y ont vu, à travers l’inversion de la hiérarchie des normes, une atteinte à l’unicité de la République, la rupture de l’égalité entre les salariés relevant d’une même convention collective, l’incitation à pratiquer le dumping social pour sauvegarder sa compétitivité voire améliorer ses bénéfices. Ces arguments ne peuvent être écartés d’une simple chiquenaude, mais ils demeurent malgré tout mal fondés. Concernant l’atomisation du droit, il faut soit être très naïf soit méconnaître les réalités sociales pour penser que tous les salariés sont aujourd’hui soumis au même droit du travail. Selon la taille des entreprises et leur secteur d’activité, les différences sont sans doute plus importantes que les éléments communs. Le statut conventionnel des salariés des entreprises du CAC40 a peu à voir avec celui des TPE/PME et le salarié d’un commerce de détail alimentaire n’est pas vraiment soumis au même droit que celui de l’animation socio-culturelle, de la Banque ou de la chimie. Avec plus de 400 conventions collectives différentes actives, l’atomisation du droit du travail a déjà eu lieu. Quand au dumping social, il résulte sans doute bien plus de l’organisation des structures juridiques, de la sous-traitance et des délocalisations que des possibilités nouvelles ouvertes à la négociation collective qui, à la différence des solutions précédentes, nécessitent d’obtenir un accord majoritaire avec les organisations syndicales.

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Et si l’on veut bien en revenir aux sources de l’Europe, à savoir la démocratie athénienne, c’était une démocratie de proximité. Il ne manque pas de penseurs d’ailleurs pour estimer que plus son cadre d’exercice est large et moins la démocratie est parfaite. S’il fallait illustrer, on pourrait comparer le fonctionnement démocratique de l’Union Européenne et celui d’une municipalité par exemple.

Le véritable point qui, à mon sens, fait problème n’est donc pas tant la nouveauté des règles qui font davantage confiance au local, c’est le rapport entre l’intention posée par ces règles et la réalité des relations sociales dans notre pays. Lorsque l’on rencontre régulièrement des employeurs dont l’objectif est de n’avoir aucun syndicat, voire d’éliminer ceux qui existent, des DRH qui voient en tout syndiqué un dangereux agitateur politique, des syndicalistes qui font procès d’intention systématique à toute proposition de l’employeur et l’on pourrait rallonger la liste, on se dit que le pari de la négociation décentralisée et généralisée n’est pas gagné et qu’il ne suffit pas de changer les textes pour faire évoluer les mentalités, même si l’objectif de la loi est d’y contribuer. Et lorsque l’on constate que le MEDEF, principale confédération patronale, est fortement tenté de jouer le jeu du lobbying politique plutôt que celui de la négociation sociale, on se dit que cette loi vient soit trop tard soit trop tôt mais qu’en tout état de cause elle est à l’heure de sa publication peu en phase avec la réalité sociale. Mais le plus probable reste encore que nous n’ayons pas l’occasion d’apprécier si le pari est gagné ou perdu, car l’élection présidentielle qui se profile risque d’être l’occasion d’un nouveau chambouletout et quelque chose nous dit que le dialogue social n’en sortira pas forcément gagnant.

Commentaires

Très bon début d'analyse et il faut bien souligner que ceux qui se réclament de l'universalité des droits des travailleurs ne manquent pas de faire leurs courses dans le supermarché du coin où l'on vend à vil prix ce que de petites mains sans droits fabriquent à l'autre bout du monde (en général)
Par ailleurs le relatif confort des travailleurs des grandes entreprises (celles justement où les syndicats donnent le plus de la voix) est largement obtenu par l'exploitation des sous traitants (de plus en plus nombreux dans les services mais aussi dans l'industrie) qui font l'essentiel du travail (surtout s'il est pénible ou dangereux) et ceci sans aucun avantage social (obtenu et maintenu pour les seuls travailleurs installés dans l'ent. donneuse d'ordres).

Concernant le Medef en particulier et le patronat en général je pense que les données du travail ont radicalement changé depuis l'avènement de la société post-industrielle. Les syndicats ne seront plus légitimes que s'ils se refondent totalement en intégrant que désormais :
- le travail est fragile
- l'activité est l'affaire de tous
- le gateau (en France) à partager se réduira d'année en année (sauf miracle)
- il est plus facile de fermer une grande entreprise (ou une grosse PME) que d'en faire vivre une
- que l'emploi salarié fuit de partout (quand 50 000 entreprises ferment tous les ans en France ce sont souvent de grosses PME ou des ETI) en face 50 000 entreprises se créent peut être mais il s'agit dans leur immense majorité d'auto-entrepreneurs, d'entreprises individuelles ou au mieux de TPE avec 2 ou 3 salariés.

Nous ne sommes plus dans un monde en reconstruction ou en expansion et les revendications traditionnelles des syndicats ne fonctionnent plus. Le rapport de forces tant pratiqué au XX ème siècle aboutit désormais à la fuite du travail. Nous l'avons vécu avec les 1 200 ouvriers d'une usine de pneumatiques en Picardie quand l'acharnement d'un syndicat (prétendument ouvrier) a fait disparaître toute possibilité de reprise de l'usine (600 emplois pouvaient être sauvés ce syndicat a préféré tout casser plutôt qu'accepter un compromis)

S'il est un point que devront intégrer les travailleurs en France c'est que désormais les anciennes règles du travail deviennent soit inopérantes, soit contre productives. Nous avons changé d'ère et tout l'art des politiques est de faire croire que ça peut repartir comme avant (ou que ça va mieux).

Le travail sera à l'avenir une lutte de chaque moment pour le trouver, le conforter, le développer et ceux qui seront passifs ou nostalgiques ne prendront plus beaucoup le train de l'activité.

Un chef d'entreprise sain d'esprit (et il n'y a pas, contrairement à ce que certains politiques prétendent, plus de pervers ou de méchants chez eux que dans le reste de la population) a comme premier objectif de faire vivre son entreprise, de développer son activité; si les syndicats sont en opposition face à cet objectif ils deviennent logiquement des adversaires car ils s'opposent non pas au patron mais bien à l'activité de leur entreprise (ou même à sa survie).

Je peux me tromper certes mais la fréquentation de 150 entreprises de main d'oeuvre et leur rapport à l'activité me font penser que nous ne rejouerons pas de sitôt la partition des 30 glorieuses.

Écrit par : cozin | 25/08/2016

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