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15/01/2014

Audition (le CPF 3)

Dans la grande fabrique des lois que constitue l'Assemblée nationale, être accueilli par le rapporteur de la loi formation qui vous dit en souriant : "Ici nous ne faisons pas du droit, nous faisons la loi", donne le ton. Et il a raison, faire du droit c'est faire de la technique, faire la loi c'est utiliser la technique pour mettre en oeuvre des ambitions. Audition donc sur le texte à venir et confirmation que son contenu devrait assez nettement évoluer entre le projet initial et le texte qui sortira fin février de l'Assemblée. Retenons ici, un seul point, celui de la mise en oeuvre du CPF. Pour constater qu'une fois encore on a du mal à échapper à la défiance a priori. Lorsque je plaidai pour un CPF largement ouvert, notamment sur toutes les certifications personnelles, même lorsqu'elles correspondent à une formation obligatoire pour l'employeur, vint inévitablement la remarque : "Mais est-ce qu'on ne risque pas un détournement du CPF si les entreprises l'utilisent dans le cadre du plan de formation ? ".

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Audition - Takashi Miike

Et revoilà l'erreur magistrale commise sur le DIF qui reparaît. En négociant à tour de bras que les formations d'adaptation ne devaient pas entrer dans le DIF, les organisations syndicales l'ont condamné à se marginaliser, au grand profit des entreprises qui se sont dépêchées d'acter que le DIF ne pourrait se faire que sur du transverse, avant d'expliquer aux salariés que cela ne relevait donc pas de l'intérêt de l'entreprise. Il est évident que pour qu'un dispositif fonctionne quantitativement, il faut qu'il corresponde à un intérêt commun. Or, qui peut nier que toutes les certifications personnelles (permis, habilitations, certifications règlementaires, etc.) qui constituent des conditions pour exercer une activité sont de formidables outils d'employabilité. Et au final, si le permis poids lourds d'un chauffeur et les formations obligatoires qui vont avec ont été cofinancées par le plan et le CPF, qui a gagné en liberté ? l'entreprise ou le salarié ? répondre à la question c'est donner, il me semble, le véritable enjeu sur le champ des formations accessibles en CPF. Nous verrons fin février si être auditionné c'est être entendu.

14/01/2014

Les listes entrent en lice (le CPF 2)

Pour ceux qui n'auraient pas compris que le Compte personnel de formation n'a qu'un lointain rapport avec le DIF, le projet de loi sur la formation est particulièrement éclairant. Alors qu'en matière de DIF chaque entreprise était libre de définir sa politique de formation et de décider dans quels domaines le DIF pouvait s'exercer, pour le CPF les formations accessibles seront fixées à l'extérieur de l'entreprise et devront remplir une double condition : d'une part aboutir à un titre RNCP, un Certificat de qualification professionnelle, une certification figurant sur l'inventaire supplémentaire aux titres établi par la CNCP (inexistant à ce jour), entrer dans les formations relatives au socle de compétences (à définir par décret) ou faire partie des formations qualifiantes régionales, et d'autre part figurer sur une liste établie nationalement par le CPNEFP (comité paritaire national de l'emploi et de la formation professionnelle) ou par une CPNE ou par un CPREFP (le même au niveau régional). Bref, point de CPF hors des listes. Moi je n'y peux rien, les listes ça m'évoque irrémédiablement la complainte du progrès.


Alors de deux choses l'une. Soit le malthusianisme l'emporte (ou la crainte d'une explosion des demandes) et l'on fait des listes resserrées, fermées, limitatives, pleines de restrictions pour des tas de bonnes raisons qui se transformeront inévitablement en mauvaises : ne pas livrer le CPF au marché, ne pas accroître la pression financière sur le système, ne pas encourager les pratiques de consommation pure de formation,...bref tout ce qui revêtira les oripeaux de la bonne conscience pour en fait tuer le dispositif dans l'oeuf, ou bien on fait confiance, on ouvre largement, on permet le choix, on encourage l'initiative, on est volontariste, et on se dit qu'il sera toujours temps de resserrer les priorités ultérieurement si le succès est au rendez-vous. Pour ce qui me concerne, à la complainte du progrès (ceux qui voudraient bien mais qui ne peuvent point) j'ai toujours tendance à préférer la liberté, c'est à dire la responsabilité.

19/12/2013

Pas en avant, grand bond ou pas perdus ?

C'est ce que l'on appelle ne pas faire l'unanimité. Aux critiques de la CGPME qui ne signera pas l'ANI du 14 décembre 2013, s'ajoutent les réserves de fédérations patronales (plus ou moins prononcées) soit sur le contenu du texte soit sur son efficience, ainsi qu'un débat à la CGT pour savoir si l'on signera ou non. A l'évidence, l'affaire n'est pas pliée et une belle bagarre se prépare à l'Assemblée et sans doute également ensuite lors de l'élaboration des textes d'application et surtout lors de la mise en oeuvre. Pas les meilleures conditions pour engager une évolution aussi forte. Ce n'est donc pas demain que nous saurons si le texte signé traduit véritablement un grand bond en avant.

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En l'occurrence, grand bond il pourrait y avoir si l'on allait au bout de la défiscalisation (qui n'est pas l'absence de mutualisation), si le pari du transfert d'obligations fiscales vers des obligations sociales est tenu (le précédent pari sur le DIF a été perdu), et si l'on parvient à gommer les insuffisances, rapidités ou incohérences du texte. Soit, il faut le répéter, le constat que le plus dur est vraiment devant nous comme l'explique la chronique réalisée pour l'AEF.

AEF ANI 14 Décembre 2013.pdf

18/12/2013

Action collective

Il n'y a pas que la formation professionnelle qui connaisse son big-bang. La prévoyance est également en train de connaître le sien avec la décision du Conseil Constitutionnel en date du 13 juin dernier, qui interdit les clauses de désignation dans les accords collectifs. Par clause de désignation, on entend possibilité pour une convention collective de rendre obligatoire l'adhésion et la cotisation de toutes les entreprises d'un même secteur à un organisme de régime complémentaire de santé. Pour le Conseil Constitutionnel, la possibilité de choix et la possibilité de concurrence doivent prévaloir sur l'obligation. C'est oublier un peu vite qu'il est des secteurs ou l'action n'est efficace que lorsqu'elle est collective.

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Dans une remarquable tribune publiée par l'AEF, Jacques Barthélémy explicite pourquoi sous couvert de libre concurrence, on fait prévaloir les intérêts particuliers, dont on sait que la somme n'a jamais constitué l'intérêt général, sur les intérêts bien compris des entreprises et des salariés. L'exemple donné du secteur de la boulangerie est parfaitement éclairant. Et le parallèle avec la formation pourrait être frappant : moins de mécanisme collectifs et plus de renvoi vers le libre choix de chacun, il n'est pas certain au final que ces "chacun"ne soient pas perdants.

Tribune_J_Barthelemy.pdf

17/12/2013

Big-bang ?

Comme disent les agences de promotion immobilière, c'est un accord en voie de futur achèvement qui a été finalisé le 14 décembre dernier. Le déroulement de la négociation ne plaidait pas pour un texte de grande qualité sur la forme : du surplace pendant quasiment trois mois pour un sprint final de deux jours n'est pas la meilleure manière de travailler techniquement. Pour autant, le texte a potentiellement une dimension révolutionnaire, au sens littéral de modification fondamentale des principes structurant un système. Car c'est la première fois en 40 ans que l'on fait le pari que c'est par les obligations sociales, et non fiscales, que l'on dynamisera la formation. Reste deux conditions pour que cette promesse de révolution aboutisse à un véritable big-bang.

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La première tient aux futurs signataires de l'accord. Le précédent pari, celui d'une négociation sur la formation dans toutes les entreprises avec le DIF, a été perdu notamment faute d'implication des signataires dans la mise en oeuvre du dispositif. La base sommée de se débrouiller seule n'en a rien fait. Gare à ne pas reproduire le même schéma.

La seconde tient au contenu de la loi à venir. Si l'Etat tire toutes les conséquences de la défiscalisation de la formation, au profit d'une obligation de contribution sociale versée aux OPCA et pouvant être assortie de régimes conventionnels ou optionnels, alors on pourra parler de révolution. Mais il faudra pour cela sortir de l'approche fiscale, pour ne pas dire fiscaliste, de la formation, supprimer l'imputabilité qui n'a plus d'intérêt, la déclaration fiscale, la bureaucratisation de la formation et laisser la responsabilité sociale s'exercer pleinement, au besoin en l'accompagnant. De ce point de vue, la partie du projet de loi consacré au contrôle de la formation qui étend à des contrats de droit privé des sanctions administratives de taxation du chiffre d'affaires laisse très sceptique quant à la capacité du Ministère du travail à véritablement changer de paradigme.

C'est donc à la manière dont ceux qui se sont réjouis de la conclusion de la négociation mouilleront la chemise que l'on pourra juger s'il s'agit d'une véritable révolution ou pas. Le plus dur reste à venir.

10/12/2013

Face au miroir

Au point où se trouve la négociation interprofessionnelle sur la formation, qu'il y ait au final un accord ou pas n'a plus guère d'importance. Car il ne pourrait s'agir que d'un accord a minima, de bric et de broc, sans véritable dynamique. Alors après tout, mieux vaudrait qu'il n'y en ait pas. A ceux d'ailleurs qui craignent cette issue et se rassurent en disant que jamais une négociation sur la formation n'a échoué, commençons par raconter ceci : la veille de la faillite de Lehman Brothers, discussion téléphonique entre des banquiers américains et français. Les américains expriment leur crainte de la banqueroute qui leur paraît inévitable. Réponse d'un français : "Mais c'est impossible, la banque existe depuis un siècle et demi !". Il n'avait certainement pas du jouer, petit, avec des dinosaures ni des indiens. Et continuons en rappelant que ce n'est pas la signature d'un accord qui fait le succès d'une négociation, mais son contenu. Et quel que soit le contenu de l'accord s'il y en avait un, il est douteux qu'il soit satisfaisant.

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Foujita - Femme au miroir - 1922

C'est donc vers un échec que l'on se dirige, avec ou sans accord. Et comme toujours, les commentaires hâtifs vont fuser : incapacité du système à se réformer, corporatismes et conservatismes bloquant une nécessaire refonte, système incompréhensible et incapable d'évoluer, etc. Et comme toujours, ce seront ceux qui commenceront par nous expliquer qu'ils ne comprennent rien au système qui seront les plus virulents. Alors faisons simple : tout consultant sait que lorsqu'il se plante sur le diagnostic, la probabilité de construire une réponse efficiente est la même que celle de regarder jusqu'au bout un film de Lelouch : pas impossible, mais très difficile quand même. Lorsque la formation a fait l'objet de la réforme de 2003-2004, elle s'inscrivait, 2 ans après la mise en place de la VAE, dans une logique  d'accompagnement du développement des compétences. Résultat : un bon accord et une bonne loi. En 2009, les partenaires sociaux ont négocié sous pression et à partir d'un diagnostic exclusivement négatif : résultat un accord de faible portée et une mauvaise loi. Et on est reparti en 2012 sur les mêmes bases : rapports, articles, reportages en tous genres pour expliquer combien le système fonctionne mal. Personne pour pointer ce qui fonctionne bien et mérité d'être conforté et pourrait constituer le fondement d'une dynamique nouvelle. Et le pire, c'est que les contempteurs du système verront dans le résultat de la négociation la confirmation de leurs critiques. Alors que le seul reproche véritable que l'on peut faire aux partenaires sociaux, c'est  de n'avoir su ou pu produire eux-même un véritable diagnostic sur le système qu'ils gèrent, se contraignant ainsi à travailler à partir des piètres diagnostics qui sont venus occuper un espace qui n'aurait pas du leur être concédé. A ne pas savoir affronter son image dans le miroir, on se trouve toujours dépendant du regard d'autrui. Souhaitons que le prix à payer ne s'avère pas trop lourd.

05/12/2013

Petits et grands

D'où vient la motivation des jugements ? il faut être bien naïf pour penser que le juge, en amoureux du droit et de la règle, cherche dans le raisonnement juridique la solution possible pour les situations qui lui sont fournies. Les motivations procèdent plus souvent de la profession de foi, des convictions, de l'opinion posée sur le socle du droit, que de la stricte soumission à la règle de celui qui est chargé de son application. Pour ne rien dire des motivations inconscientes. Ou plutôt si, pour en parler. Car on peut penser que si les juges, dans une décision rendue par la Cour de cassation le 26 novembre 2013, affirment qu'il n'est pas discriminant de mettre un salarié à la retraite dès lors qu'il atteint 70 ans, sans avoir à justifier d'un quelconque motif ou de toute autre condition, c'est peut être parce qu'en tant que fonctionnaire, la même règle leur est applicable dès 66 ans (67 ans dans trois ans). Pourtant, difficile de nier qu'il s'agit bien d'un licenciement selon l'âge.

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S'il n'y a pas d'âge limite pour le travail, il y a donc un âge à partir duquel le salarié se trouve en état de précarité absolu puisque soumis à un pouvoir discrétionnaire de l'employeur. Pourtant, si les juges avaient bien voulu s'oublier un peu et porter leur regard un peu plus loin, ils auraient trouvé nombre d'exemples d'activités exemplaires bien au-delà de 70 ans, qui méritent plus de considération qu'une justification formulée comme une affirmation. Mandela avait 77 ans quand, en qualité de Président de l'Afrique du Sud, il remit la Coupe du monde de rugby à François Pienaar, avec un geste fraternel qui est le seul moyen d'effacer ces passés qui ne passent pas. Ainsi, la poignée de main entre Mitterrand et Kohl à Douaumont, qui scelle l'amitié franco-allemande après des siècles de conflit, n'a pas trouvé son équivalent s'agissant, par exemple, de la guerre d'Algérie. Certains diront qu'il faut du temps. Mandela, en grand homme, n'en a pas réclamé, il a agit.

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02/12/2013

A tomber à la renverse !

Après les inspecteurs de la formation professionnelle que l'on souhaite habiliter à redresser les organismes de formation sur leur chiffre d'affaires, voici que le même projet de loi va doter les inspecteurs du travail d'une capacité à proposer des sanctions financières qui seront prononcées par le DIRECCTE. Pourront donner lieu à des amendes administratives : les dépassements des durées maximales du travail, le non-respect des repos, l'absence de contrôle des durées individuelles du travail pour les entreprises ou services n'ayant pas d'horaires collectifs, le non-respect des dispositions relatives au SMIC, les manquements aux obligations en matière d'installations sanitaires. Comme en matière de formation, la logique est identique : considérer que tout employeur est un fraudeur en puissance et concentrer le rôle de l'administration sur la capacité de sanction. A tomber à la renverse !

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Le pire c'est que cette réforme n'est pas demandée par les inspecteurs eux-mêmes qui voient comme un cadeau empoisonné de pouvoir proposer des sanctions qui seront décidées par le DIRECCTE. Que celui-ci  rejette la proposition et l'inspecteur se décrédibilise. Qu'il l'accepte et  on imagine ensuite le dialogue lorsque le service emploi ira promouvoir des politiques publiques (GPEC, insertion professionnelle, etc.) dans les entreprises. Que l'on soit dans l'incapacité de positionner l'administration autrement que dans un rôle de sanction, que l'on conçoive des textes en réfléchissant uniquement à partir de ceux qui ne respectent pas la règle, que l'on bâtisse la législation sur une présomption de défiance et de fraude, que jamais l'administration ne soit considérée comme conseil ou partenaire mais toujours comme contrôleur, toutes ces logiques sclérosantes, vraiment les bras nous en tombent, et le reste aussi d'ailleurs.

17/10/2013

Un salarié, ça peut l'ouvrir sans démissionner

Ce qui caractérise le mieux la vraie liberté est son juste usage, et l'abus qu'on en fait. Cette phrase de Lichtenberg a manifestement inspiré les juges de la Cour de cassation. Appelée à se prononcer sur le courrier envoyé par trois cadres supérieurs aux administrateurs de la société pour mettre en cause la gestion de leur PDG qui avait motivé le licenciement de l'un d'entre eux, la Cour de cassation a estimé que le salarié n'avait fait qu'user de sa liberté d'expression. Même si le courrier constituait une mise en cause des choix et méthodes du PDG, en l'absence d'injure, de dénigrement ou de diffamation, il ne saurait constituer un motif de licenciement et n'est qu'une modalité de mise en oeuvre de la liberté d'expression.

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Dans une formule que les journalistes ne se lassent jamais de reprendre, Chevènement avait déclaré qu'un Ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne. Pour beaucoup de dirigeants, il en irait de même pour les salariés : content ou parti, soumis à l'autorité ou démis. A ceux-là, la décision des juges paraîtra incompréhensible. Par contre, elle semblera logique à ceux qui font une différence entre la subordination et la soumission.

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Et au passage les juges délivrent une deuxième leçon : lorsque l'on positionne un salarié comme cadre dirigeant, on évite de le soumettre à un horaire, de le faire badger et de préciser dans son contrat qu'il ne peut refuser les heures supplémentaires, ça fait beaucoup trop d'incohérences pour un seul homme.

01/10/2013

Géométrie variable et paroles verbales

Ces derniers mois, il n'était question que de l'Allemagne : modèle économique, modèle de pays réformateur, modèle pour les petits boulots sous-payés, euh non, ça on l'a pas évoqué. Mais pour le reste donc, la voie était toute tracée, et il n'a pas manqué de responsables politiques ou économiques pour nous dire tout le bien qu'ils pensaient de la politique de Merkel et plus encore des réformes engagées par le socialiste, le mot était prononcé avec gourmandise, Schröder. Mais là, tout d'un coup, plus rien. Sur le débat relatif au temps de travail, le modèle n'est plus allemand. D'autant que la Cour constitutionnelle allemande, à l'inverse de notre Conseil, est très vigilante sur les dérogations au travail dominical au nom de la protection des activités religieuses, sociales et familiales. Mais si la girouette de l'exemplarité à tourné, c'est sans doute la faute au vent.

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Philippe Ramette - L'hésitation métaphysique (incitation à la dérive) - 2012

Cet oubli soudain de l'Allemagne aura, peut être,  un mérite. Rappeler que ces comparaisons hâtives et moralisatrices qui sont au raisonnement ce que la saucisse à hot-dog est à la saucisse, à savoir un très lointain dérivé, dissimulent très mal que leur seul objectif est de venir au soutien d'une idéologie que l'on ose affirmer trop clairement. Bref, comme l'on dit dans le Sud, ces prétendus raisonnements, ce sont avant tout des paroles verbales. Il faudra peut être le rappeler au prochain qui nous fait le couplet sur l'Allemagne, dans laquelle le travail du dimanche est interdit, sauf de manière limitée pendant huit dimanches par an. Soit exactement ce que demandent les syndicats taxés de conservatisme en France.

04/09/2013

DISTRIBUTEUR

Certes, ils sont nombreux à me dire la même chose. Que cette année c'est particulièrement difficile de s'y remettre. Pourquoi ? mystère. L'insuffisance d'été après l'absence de printemps, le trop peu de congés, les mistoufles de la rentrée (factures, impôts, ...), les déprimants et lénifiants éléments de langage, comme ils disent, de politiques en manque total d'imagination et de créativité, l'inexorable montée du chômage qui conduit à se réjouir, comme sous le Gouvernement précédent, qu'il augmente moins vite que le mois d'avant, l'interminable sortie d'une crise financière, puis économique, puis budgétaire et qui finit par n'être plus qu'interminable ou bien quoi encore ? je n'en sais rien. Mais ce que je sais c'est que si par hasard je croise un distributeur de voyages, j'aurai du mal à résister. Il fait encore soif.

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12/07/2013

Effet de façade

La Cour des comptes vient de rendre un rapport sur l'organisation des services de l'Etat au plan territorial. Il y est notamment question des DIRECCTE (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, ouf ! elles s'occupent aussi de formation mais on a pas osé DIRECCTEFP). Fruits de la RGPP, elles devaient illustrer que le regroupement des services permettait synergies et économies d'échelle. Vu de Paris et sur le papier. En réalité, les anciennes directions ont conservé leur fonctionnement et la DIRECCTE n'est qu'une façade derrière laquelle les pratiques n'ont guère changé. Par contre, la fusion a indéniablement fait perdre en qualité. Le parfait effet de façade.

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Façades

Le problème c'est que l'on a appliqué la même logique aux chambres de commerce, regroupées, aux OPCA, fusionnés, à POLE EMPLOI ou encore aux Universités. Au total on a multiplié les changements de structure, d'organisation, on a créé des ensembles énormes à pilotage central, on a généré beaucoup de frustration, de démotivation, de bureaucratie et au final une perte en ligne d'efficacité, de  souplesse, de  créativité et de  productivité. Soit l'exact inverse de l'effet recherché. Par contre, comme ils disent, on a "rationnalisé" (traduisez : réduit les moyens). Pour un  beau résultat : désormais il y a moins de façades.

10/07/2013

Un nouveau garde-barrière

Depuis le 1er juillet dernier, une entreprise ne peut plus mettre en oeuvre un PSE (plan de sauvegarde de l'emploi : mesures destinées à limiter le nombre de licenciements ou favoriser la reprise d'emploi pour les salariés licenciés) sans conclure un accord majoritaire avec les organisations syndicales, ou obtenir l'accord du Directeur régional du travail. Ce n'est pas le retour de l'autorisation administrative de licenciement (créée par Chirac en 1976 et supprimée...par Chirac en 1986 dans un de ces saltos arrières dont il avait le secret), mais cela y ressemble quand même un petit peu. Le piquant de l'affaire, c'est que ce sont les organisations patronales qui ont souhaité confier ce rôle de garde barrière au Directeur du Travail quoi doit donc décider si le train des licenciements peu passer ou non.

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Garde-barrière qui à défaut de train tente de faire passer les phares

Apparemment, les employeurs préfèrent la négociation avec les syndicats ou l'administration que le recours à cet imprévisible juge qui bloqua, par le passé, quelques PSE. L'avenir nous dira si ce pari s'est avéré fructueux ou non, et pour qui. Pour l'heure, constatons qu'en pleine période de crise, le nombre de licenciements économiques stagne autour de 250 000 par an (contre le double de licenciements personnels) et que plus de la moitié sont prononcés en dehors de tout PSE. Ce qui ne fait guère que 100 000 salariés concernés par le nouveau dispositif, sur 800 000 licenciements. Pas tout à fait une goutte d'eau, certes, mais pas non plus de quoi considérer que le garde-barrière ait dorénavant les clés de l'emploi. Comme les phares, il risque plutôt de voir passer au loin les bateaux.

09/07/2013

Chamboule tout ?

Cette fois-ci, c'est parti. La feuille de route envoyée par le Ministre du Travail, Michel Sapin, aux partenaires sociaux en les invitant à négocier constitue le véritable point de départ de la nouvelle réforme de la formation professionnelle. Les demandes ne sont pas mineures : revisiter la définition de l'action de formation, mettre en place les modalités de fonctionnement du compte personnel de formation, supprimer le DIF, réviser les périodes de professionnalisation, mutualiser davantage les fonds dus par les entreprises dans le cadre du 1,6 %, orienter les ressources vers les salariés les plus fragiles et vers les demandeurs d'emploi, revoir le financement du plan de formation et ses modalités d'élaboration...tout est en place pour le jeu du chambouletout.

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Mais dans le chambouletout, les boîtes reprennent toujours leur place à la fin...jusqu'à la prochaine fois. Alors un nouveau coup pour (presque) rien ou une vraie évolution de notre système de formation avec une évolution significative de l'obligation fiscale qui n'en finit plus de structurer les pratiques de formation ? Peut-être que cette fois-ci sera la bonne ! alors souhaitons une réforme excitante et en route !

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Détail de la feuille de route ministérielle :

Feuille de route ministérielle - 8 juillet 2013.pdf

04/07/2013

Des réalités

Serge Dassault, chasseur émérite que les juges ont en ligne de mire, est à l'origine de l'introduction dans le code du travail des actions de formation relatives à l'économie de l'entreprise qui "ont pour objet la compréhension par les salariés du fonctionnement et des enjeux de l'entreprise" (C trav., art. L. 6313-9). Si les députés, toujours soucieux de l'éducation des masses, ont voté le texte, ils ont toutefois refusé, comme le leur demandait l'industriel et patron de presse, de rendre ces formations obligatoires. Autant dire que le texte n'a strictement aucun effet cette catégorie n'ayant aucune utilité autre que proclamatoire. Il souligne tout de même un état d'esprit, celui qui consiste à penser que si les salariés comprenaient mieux les lois et réalités économiques, ils seraient plus en accord avec leurs dirigeants. Face à une telle affirmation, fêtons tout à la fois la réalité, et même l'hyperréalité, et l'arrivée de l'été avec Hilo Chen et ses peintures estivales.

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Hilo Chen - Beach - 2004

Puisque réforme de la formation il doit y avoir, suggérons aux députés, par seul souci de réciprocité, d'introduire dans le code du travail un article relatif aux réalités sociales qui ont pour objet "la compréhension par les dirigeants des réalités sociales vécues par les salariés et des enjeux liés à leurs conditions réelles d'exercice de leurs activités professionnelles". Je dis ça mais je n'ai pas l'influence de Serge Dassault et peut être que c'est l'hypperréalité d'Hilo Chen qui m'est montée à la tête. En même temps, le soleil, on avait perdu l'habitude.

13/06/2013

173 nuances de gris

Tout praticien des ressources humaines, et sans doute de quelques autres métiers, sait que la condition de l'efficacité est souvent, pour ne pas dire toujours, la simplicité. Et que si l'on veut "que cela marche", la technique doit s'effacer, se faire discrète, ne pas s'étaler et si possible se faire oublier. Dès qu'elle reprend le dessus, en général c'est foutu. Les artistes le savent bien, après les périodes de virtuosité, d'exploration de toutes les techniques, d'acrobaties expérimentales et autres prouesses talentueuses, vient le temps de l'art maîtrisé, de la sobriété élégante et du condensé sublime. L'art de la synthèse en quelque sorte.

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Paris la nuit - Nicolas de Staël - 1954

En matière sociale, on citait souvent la deuxième loi Aubry (la première, limitée à 18 articles, cela allait), ses 50 décrets d'application et sa circulaire de 120 pages, comme le parfait exemple de ce qu'il ne fallait pas faire. On ne parle pas de la réduction du temps de travail, mais de la technocratisation des textes qui contribuent à éloigner chaque jour un peu plus du droit ceux qui sont censés s'en servir. On pourra dorénavant préférer un exemple plus récent, puisque la circulaire consacrée au contrat de génération compte 173 pages, rédigées dans ce style inimitable du techno qui fait de la pédagogie pour ceux qui seraient incapables de saisir immédiatement la quintessence de l'admirable dispositif conçu pour eux. Personnellement, lorsqu'il faut 173 pages pour m'expliquer pourquoi je dois être heureux, j'ai comme un doute et je préfère la lumineuse grisaille du Paris de Nicolas de Staêl à la sombre clarté du texte trop appliqué. Sinon, c'est censé relancer l'emploi.

Circulaire 15.05.13 Contrat de Génération.pdf

08/06/2013

Dans l'histoire

 A l’heure du temps réel, autrement dit du présent et de l’instant comme horizon indépassable, ceux qui savent inscrire leurs actes dans l’histoire et dans le temps se font rares, et depuis hier se comptent un de moins avec la disparition de Pierre Mauroy. Fondateur du mouvement d’Education Populaire Léo-Lagrange, du nom du Ministre des Loisirs sous le Front Populaire, Pierre Mauroy se souvenait que l’ambition des congés payés ce n’était pas simplement le vélo, la 4 CV et tous les ouvriers parisiens sur les plages de Deauville (au Sud on se débrouillait déjà, merci), c’était aussi, comme le rappelle l’exposé des motifs de l’ordonnance promulgant les congés payés, un moyen d’accéder à la culture et à l’éducation et de se libérer du travail lorsque celui-ci prend une forme non émancipatrice mais aliénante. Pour Pierre Mauroy, le travail ne devait pas être sacralisé en lui-même, mais uniquement lorsqu’il permet d’avoir la fierté de la belle ouvrage, l’accès à l’autonomie professionnelle et la reconnaissance des compétences.

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 C’est en souvenir de Léo Lagrange et de l’éducation populaire que Pierre Mauroy décida de créer au sein du 1er Gouvernement socialiste de la Vème République, un Ministère du temps libre qui s’attira, par son intitulé, les railleries des imbéciles qui de l’histoire n’avaient rien retenu. Et sa suppression en 1983, sans que jamais une telle ambition ne réapparaisse ensuite, marque sans doute davantage la perte de la gauche que le tournant de la rigueur. Car c’est moins lorsqu’elle doit tenir compte des réalités économiques, comme on dit abusivement, que lorsqu’elle perd sa volonté d’éducation émancipatrice que la gauche cesse d’être elle-même. C’est peut être pour cela que, ces dernières années, Pierre Mauroy passait beaucoup de son temps à la Fondation Jean-Jaurès, lieu d’histoire, de temps et d’éducation.

02/06/2013

Liberté mais aussi égalité et fraternité ?

Le Gouvernement annonce son intention de réformer le régime des auto-entrepreneurs, et aussitôt, la machine médiatique s'emballe. La droite, c'est le jeu, hurle au découragement total de toute initiative d'entreprendre. Les auto-entrepreneurs auto-proclamés "poussins" s'égosillent devant leur liberté entamée et leur statut dégradé. Et la Ministre benjamine et tarn et garonnaise, Sylvia Pinel, se voit obligée de reprendre le Premier Ministre lui-même. Il faudrait tout de même rappeler, dans cette affaire, que les premiers demandeurs d'une réforme du statut d'auto-entrepreneur ce sont...les entrepreneurs. Dès la création du statut, les artisans se sont élevés contre cette possibilité de les concurrencer déloyalement, du fait d'un taux de charge forfaitaire avantageux par rapport au droit commun et d'un non assujettissement aux mêmes obligations règlementaires.

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Gil - www.gilblog.org

J'ai salué, sur ce blog, la liberté d'activité que représente le statut d'auto-entrepreneur. Il serait désolant de réduire à peau de chagrin cette liberté. Mais pour autant, cela ne doit pas éluder la question de l'égalité (pourquoi des statuts différents pour exercer une même activité) ni celle de la fraternité (pourquoi des contributions différentes aux régimes sociaux). Le mieux à faire, en ce domaine, est peut être de se demander de quel droit commun nous avons besoin pour l'exercice d'activités indépendantes principales et pour les activités indépendantes accessoires et d'arrêter de créer des statuts dérogatoires qui apportent moins de réponses immédiates qu'ils ne créent de problèmes à venir.

26/05/2013

Jour de marché

Les hommes politiques nous expliquent régulièrement que le pays réel, les vrais gens, LES français, comme ils disent, c'est sur les marchés qu'on les rencontre. C'est d'ailleurs là que Jérôme Cahuzac est allé vérifier qu'il devait s'abstenir, au moins pour cette fois. C'est au marché, comme autrefois au comptoir des bistrots, que les véritables préoccupations, les sujets d'intérêts, inévitablement s'expriment. La voilà la vraie vie, ce pourquoi on ne fait pas le marché comme on fait ses courses au supermarché. On prend le temps, on se laisse aller, on est disponible, on écoute, on discute. Pour ma part, le plus grand plaisir est d'entendre parler espagnol. C'était fréquemment le cas à Toulouse ou Montauban, et cela arrive encore parfois, plaisir décuplé, au marché d'Aligre.

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Ce matin donc, à l'heure de la fin du déballage, des dernières installations, des premiers clients, lorsque la foule n'est pas encore compacte, lorsque l'on va lentement par choix et non par piétinement, un sujet revenait inlassablement de l'étal de fruits et légumes au fromager en passant par le bazar, le bouquiniste ou le marchand de fleurs. Une même information circulait plus vite que les marchandises ne s'échangeaient. La manif du jour sur le mariage pour tous ? non, pas un mot, rien, nada. La psychose du terrorrisme après les attaques de militaires ? que nib, silence radio, personne pour renchérir. Le chômage qui étreint le pays et se répand inexorablement ? à peine présent dans les commentaires. Le temps pourri qui ruine le moral, décuple les ventes de prozac et de gateaux sucrés ? même pas. Le sujet, le vrai sujet, celui qui passionnait ce matin tout un chacun, c'était la montée des marches à Cannes par DSK, tout sourire au bras de sa nouvelle compagne. Et si vous pensez que j'essaie de vous faire marcher, allez y voir vous même, il est encore temps.

18/05/2013

Le droit, c'est pas naturel

J'ai toujours eu du mal avec la notion de droit naturel qui me paraît relever de l'oxymore : dès lors qu'il y a droit, nous ne sommes plus dans l'état de nature mais dans la construction sociale. Pas d'autre droit que le droit positif. Même si la notion a pu servir de fondement conceptuel aux droits de l'homme, inaliénables et imprescriptibles, elle relève d'un essentialisme porteur de tous les dangers. En assignant l'individu à une nature préétablie, on l'enferme dans un déterminisme comme la mouche dans une toile d'araignée. C'est pourquoi la loi sur le mariage entre personnes de même sexe, promulguée ce jour, est une loi de liberté bien davantage qu'une loi d'égalité. Liberté de choix, et liberté de devenir. Car on a beau naître complet, on est ce que l'on devient. Et l'on peut espérer que la multiplication des modèles familiaux et leur banalisation, constituera par l'exemple la meilleure éducation à la tolérance. Car comme dirait Simone, on ne naît pas homosexuel(le), on le devient.

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Clovis Trouille - Rêve claustral - 1952