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20/07/2016

Toujours plus haut, toujours plus fort

Après l'IGF et l'IGAS qui tentent de faire les poches des OPCA pour trouver 400 millions manquants (ah ben oui, on ne peut pas à la fois faire des cadeaux électoraux et avoir des réserves pour la formation des demandeurs d'emploi), voici la Cour des Comptes qui joue à l'éléphant dans la fabrique de bibelots. Selon les magistrats de la Cour, il serait pertinent, même si un peu complexe, de transférer la collecte des fonds de la formation professionnelle à l'URSSAF. Question d'économie d'échelle et d'efficacité, on connaît les arguments. Le problème c'est que, comme souvent dans ces rapports écrits par ceux qui se font fort de tout comprendre et tout connaître en un rien de temps (bon ok, les consultants font pareil, mais ce n'est pas une raison...), la superficialité guette au coin du rapport. Notamment lorsqu'il est affirmé qu'il n'y a plus de concurrence entre les OPCA pour les collectes légales et conventionnelles (et hop ! oubliée la concurrence entre les interpros pour la collecte légale) ou que l'on peut facilement régler la question des champs conventionnels avec la DSN. Là, ce n'est plus une vision d'en haut, c'est carrément stratosphérique. 

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Dressons une liste non exhaustive : entreprises sans CCN, entreprises n'appliquant pas la bonne CCN, entreprises ayant fait le choix par accord d'une CCN de rattachement, subtile distinction entre la CCN appliquée et la CCN applicable, pour ne pas parler des adhésions historiques d'entreprises à certains OPCA qui ne sont pas les leurs, aux problèmes de frontières dans les rattachements de secteurs à telle ou telle CCN, etc. La Cour des comptes n'identifie même pas le fait que sous couvert de rationaliser une simple opération technique, la collecte, il faudrait revisiter l'ensemble des champs d'application des CCN et tracer des étanchéités entre les secteurs professionnels (avec parfois 3 CCN pour un même code NAF je vous laisse envisager le boulot...). Bref, l'opération ne serait pas simplement "compliquée", elle causerait à l'évidence bien plus de désordre que d'économies. Mais sur le papier, comme toujours, ça marche. 

Et la Cour dans sa grande partialité n'aborde jamais non plus la question de la taxe d'apprentissage, les effets bénéfiques du cumul de qualité OPCA-OCTA, de la simplicité du guichet unique pour les questions de formation et de la nécessité pour les entreprises d'identifier précisément l'interlocuteurs qui reçoit les fonds et rend les services en contrepartie, ce que l'abstraction de la collecte URSSAF ne manquerait pas de masquer. Au final, comme pour beaucoup des projets présentés ces dernières années et qui resteront la marque de ce Gouvernement, une bonne intention et une idée simple...mais erronée qui se traduira au final par plus de complexité. 

Par contre, on ne saurait trop recommander aux OPCA de profiter de l'été, et peut être aussi de l'automne, pour dresser un diagnostic en matière de collecte un peu plus pertinent que celui de la Cour des comptes, de faire des propositions pour améliorer l'existant et pour démontrer que la voie cette amélioration est hautement préférable à un grand chambouletout. 

12/07/2013

Effet de façade

La Cour des comptes vient de rendre un rapport sur l'organisation des services de l'Etat au plan territorial. Il y est notamment question des DIRECCTE (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, ouf ! elles s'occupent aussi de formation mais on a pas osé DIRECCTEFP). Fruits de la RGPP, elles devaient illustrer que le regroupement des services permettait synergies et économies d'échelle. Vu de Paris et sur le papier. En réalité, les anciennes directions ont conservé leur fonctionnement et la DIRECCTE n'est qu'une façade derrière laquelle les pratiques n'ont guère changé. Par contre, la fusion a indéniablement fait perdre en qualité. Le parfait effet de façade.

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Façades

Le problème c'est que l'on a appliqué la même logique aux chambres de commerce, regroupées, aux OPCA, fusionnés, à POLE EMPLOI ou encore aux Universités. Au total on a multiplié les changements de structure, d'organisation, on a créé des ensembles énormes à pilotage central, on a généré beaucoup de frustration, de démotivation, de bureaucratie et au final une perte en ligne d'efficacité, de  souplesse, de  créativité et de  productivité. Soit l'exact inverse de l'effet recherché. Par contre, comme ils disent, on a "rationnalisé" (traduisez : réduit les moyens). Pour un  beau résultat : désormais il y a moins de façades.

13/02/2013

Cause toujours !

Nous avons la chance, en France, de disposer de hauts dirigeants, de hauts fonctionnaires, de grandes écoles qui les ont formés et au total d'élites remarquables agissant au sein d'institutions prestigieuses. La Cour des comptes en fait partie, qui n'accueille que la crème des énarques. Et la Cour des comptes s'est mis en tête, à la fois bien pleine et bien faite, cela va de soi, de s'intéresser à la formation professionnelle. En 2008, elle commit un premier rapport qui pointait l'ensemble des dysfonctionnements du système de formation, sans mettre en valeur les succès car les magistrats de la Cour ont appris et retenu que ce qui va bien ne présente aucun intérêt, comme dirait un médecin, contrairement à ce qui va mal qui doit retenir toute notre attention. Ainsi focalisée sur le bancal, la Cour avait préconisé de réduire le nombre d'OPCA car cela réduirait ainsi les coûts de fonctionnement du système. Ce qui fût fait par l'administration, d'une manière qui effraie aujourd'hui les magistrats : pure logique comptable, objectif unique de réduire les frais, invraisembable batterie de 153 indicateurs pour apprécier l'activité d'un OPCA,...la Cour constate aujourd'hui les désastres de ce qu'elle a préconisé et s'en émeut. Pour autant, elle préconise...de réduire encore le nombre d'OPCA et leurs frais de gestion.

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Martial Raysse - Cause toujours !

Le fait que les frais de gestion aient augmenté avec la réforme et la réduction du nombre d'OPCA n'a ni perturbé la Cour ni suscité la moindre remise en question de son mécanique a priori selon lequel plus une organisation grandit plus elle fait des économies d'échelles. Et les magistrats ont oublié de relever qu'ils comparent des chiffres qui ne se rapportent pas à la même réalité puisque les missions des OPCA se sont considérablement élargies.

Pourtant, en matière de frais de gestion, le Conseil d'Etat, autre instance remarquable qui ne recrute également que la crème de l'ENA, avait posé un juste diagnostic : une partie seulement des frais se rattachent au fonctionnement proprement dit, la plus grande part des coûts exposés par un OPCA constitue des services en nature qui sont rendus aux entreprises et salariés. Additionner du fonctionnement et du service est un profond non-sens. Ce que l'on a déjà à maintes reprises soulevé ici. Mais comme la Cour des Comptes n'écoute déjà pas le Conseil d'Etat la probabilité qu'elle entende ce que j'écris est à peu près la même que celle de voir la belle indifférente tourner la tête vers le gnome hystérique qui n'en peut mais. Comme dirait l'autre, cause toujours !

Rapport Cour des Comptes - Les suites.pdf

22/01/2013

De la répétition

Il y a bien sur le comique de répétition, celui qui au début vous laisse froid, puis finit par vous arracher un sourire avant de vous entraîner dans un rire échevelé...ou nerveux. Il y a aussi les bonheurs renouvelés, aux délicieux plaisirs attendus. Et les motifs répétés, comme ceux de Claude Viallat, qui ouvrent parfois des portes nouvelles ou créent des lumières insensées lorsqu'il s'agit des vitraux de l'Eglise Notre-Dame-des-Sablons ou de la Cathédrale de Nevers.

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Mais il y a des répétitions moins plaisantes, plus lourdes, et pour tout dire assez indigestes. Les constats dressés par la Cour des comptes dans son dernier rapport sur le marché du travail relèvent de ces catégories. Pour la 10 000ème fois, il faut un rapport pour nous expliquer que les salariés sont plus formés que les demandeurs d'emploi, comme les cadres sont plus formés que les ouvriers, les salariés des grandes entreprises davantage que ceux des petites et, ô surprise, que les salariés se forment moins lorsqu'ils approchent de la retraite. Conclusion du rapport : il faut mieux orienter les financements (sans nous dire lesquels), déshabiller Paul pour habiller Jacques et tout ira pour le mieux. Et à aucun moment les auteurs, du haut de leur suffisant savoir ou statut, on ne sait plus, ne s'interrogent sur leurs propres constats ni sur les causes de ce qu'ils observent. Et jamais non plus on ne questionne le grand absent : le travail. Jamais on ne fait le constat que c'est le travail occupé qui détruit le besoin de compétence et créé l'absence de formation, jamais on ne constate que le travail, lorsqu'il est formateur, est un meilleur outil d'insertion et de qualification que la formation, jamais on ne fait le moindre lien entre l'offre de travail et le contenu du travail et les politiques de l'emploi. Aucune référence aux pratiques  de l'insertion par l'activité économique pour insérer, aucun rappel que ce n'est pas la formation qui créé le travail, aucune idée que dans une TPE c'est par le travail et non par la formation que l'on développe ses capacités. Non, sempiternellement les mêmes graphiques creux qui sont censés justifier des analyses qui ne le sont pas moins.

On ne peut que conseiller à tous ces conseillers d'aller faire un tour vers Aigues-Mortes, de jeter un  coup d'oeil sur les vitraux de Viallat. Peut être cela leur permettra-t-il de sortir des sentiers battus et rebattus. Mais c'est vraiment pas gagné.

Cour_des_comptes.pdf

12/01/2012

Au coeur des sentiers battus

La Cour des comptes a pris l'habitude de faire tomber des sentences en forme de remontrance à la John Wayne : dure mais juste. C'est du moins ainsi que les perçoivent ceux qui les écrivent. Il faut dire que la haute juridiction est peuplée de hauts fonctionnaires qui ont manifestement une assez haute, c'est logique, estime d'eux même et de leur capacité à saisir tout problème et toute question, c'est en tous les cas ce qu'on leur a répété pendant leurs années de formation et manifestement, ils y croient toujours. A lire les leçons professées par cet organisme on se dit qu'il faudrait d'urgence que ces auditeurs avisés prennent en charge la gestion de ceux qu'ils auditent. Mais peut être aurait-on le même résultat que si l'on confiait la direction d'une entreprise à, par exemple,  Alain Minc, archétype de la bête à concours de grandes écoles mais qui a malheureusement échoué dans toutes ses entreprises (Carlo de Benedetti pourrait en témoigner), sauf la dernière, celle qui est financée par les copains de promo et les solidaires de caste. Les dernières foudres de la Cour des comptes sont tombées sur l'ANACT, accusée de s'éloigner de son coeur de métier. Car pour les conseillers, il ne fait pas bon s'éloigner des sentiers battus.

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Cette critique rappelle celle, identique, formulée à l'encontre du GIAT Industries au début des années 90. La Cour avait considéré comme le comble d'une gestion erratique que le GIAT ait développé des activités diversifiée, telle la formation. Moyennant quoi l'entreprise fut priée d'y mettre un terme, supprimant par là même quelques opportunités de diversification, de reclassement et de création d'activités lorsque l'entreprise licencia massivement quelques années plus tard. Pour l'ANACT il s'agit moins de risques sur l'emploi que d'une évolution du faire vers le faire-faire, qui permet de démultiplier l'action et de capitaliser des expertises. Il s'agit aussi de privilégier une approche pluridisciplinaire qui s'impose sur le champ des ressources humaines. Il s'agit également de tenir compte de la taille et des moyens de la structure (on peut y voir une simple conséquence des réductions budgétaires qui conduisent à s'engager auprès d'autres commanditaires sur des projets distincts de la mission de base). Et d'une manière plus générale, cette critique récurrente de la concentration sur son coeur de métier est une de ces vérités révélées du management qui sclérosent la pensée. C'est en empruntant les chemins de traverse, en sortant des sentiers battus et en allant voir un peu au-delà du quotidien que l'on progresse également dans son activité de base. Mais ça, manifestement, ce n'est ni dans la culture ni dans les projets de la Cour des comptes dont l'action se situe intégralement au coeur des sentiers battus.

06/02/2009

Nouveau regard

"L'oeil existe à l'état sauvage", cette formule d'André Breton témoigne du constant souci des surréalistes de défaire le regard des présupposés, lourdeurs et répétitions qui l'encombrent. Perdre le regard d'habitude pour chausser le regard neuf qui seul transcende le quotidien. L'exercice est sans doute difficile, il n'en est pas moins salutaire. André Breton encore dans Nadja : "J'ai vu ses yeux de fougère s'ouvrir le matin sur un monde où les battements d'aile de l'espoir immense se distinguent à peine des autres bruits qui sont ceux de la terreur et, sur ce monde, je n'avais vu encore que des yeux se fermer ".

Il faut, hélas, en convenir, les magistrats de la Cour des comptes n'ont pas dans l'oeil la vivacité qu'exigerait leur fonction. Pour la deuxième fois en quelques mois, cette fois-ci à l'occasion de la publication du rapport annuel de la Cour, ils n'ont pas de mots assez durs pour condamner le DIF et son coût exorbitant. Ce faisant, les magistrats commettent deux erreurs : celle de considérer que le DIF est un dispositif supplémentaire qui s'ajoute aux autres dispositifs, et celle de comptabilser les coûts du DIF à la mode fiscale, oubliant qu'il s'agit d'un dispositif social négocié.

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André Breton - Francis Picabia

La Cour des comptes fait une distinction entre le DIF et les autres dispositifs et notamment le plan : l'erreur est totale. Le DIF n'est pas un dispositif supplémentaire qui s'ajoute au plan et au CIF, il est une manière de décider, conjointement, de l'accès en formation. Il pourrait avoir vocation à se substituer entièrement au plan et au CIF si les projets du salarié et de l'entreprise coincidaient. Non seulement il n'y aurait pas là de détournement mais au contraire pleine réussite : à deux modes de décisions unilatéraux on substitue l'accord des parties. La deuxième erreur est financière : si le DIF n'est pas provisionnable c'est bien parce qu'il s'agit de négociation sociale. Envisage-t-on de demander aux entreprises de provisionner des salaires parce que chaque année il faut mener une négociation obligatoire sur ce sujet ? la Cour des comptes s'affole-t-elle parce que les entreprises n'auront pas les moyens de faire face aux augmentations résultant des NAO ? non évidemment. Pourquoi alors faire comme si tous les salariés devaient tous les ans consommer leur DIF, alors qu'il ne s'agit que de mettre à disposition un crédit en vue d'une négociation dont personne ne peut, à l'avance, présumer du résultat ? le DIF est décidément un dispositif inconnu...surtout pour la Cour des comptes. Encore un effort pour ouvrir les yeux et retrouver la fraîcheur du regard neuf...et une fleur pour encourager les valeureux magistrats à sortir du Palais Cambon.
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Nadja - La fleur des amants

20/10/2008

Deux poids, deux mesures

Les rapports sur la formation professionnelle se sont accumulés (IGAS, Sénat, Cour des comptes...), assortis de quelques campagnes de presse (Le Point notamment) pour pointer d'une part les insuffisances d'un système de formation professionnelle qui coûte plus de 25 Milliards d'euros et d'autre part pour pointer les frais de gestion excessifs des OPCA et le coût du paritarisme. Sur les 25 milliards, il a déjà été indiqué sur ce blog ce qu'il convient d'en penser : lorsque l'on additionne les coûts de formation des apprentis et des fonctionnaires, des salariés et des demandeurs d'emploi, lorsque l'on ajoute des coûts de rémunération, de fonctionnement et de gestion, rien de bien sérieux ne peut sortir d'une telle analyse ou plutôt d'un tel défaut d'analyse. Concernant les frais de gestion des OPCA, deux critiques sont récurrentes : d'une part leur montant est exessif et d'autre part ils servent à financer syndicat et patronat. Sans vouloir exonérer totalement les OPCA dont les pratiques gagneraient souvent à être plus transparentes, il convient tout de même d'apporter quelques précisions.

En premier lieu, le montant des frais de gestion est fixé par la loi : 9,9 % ou 11,9 % selon la taille des entreprises adhérentes. Le taux de retour vers les entreprises est donc de 90 % des fonds gérés. A ce sujet, il y a quelques années un hebdomadaire titrait : le scandale de la formation, 500 millions d'euros sont consacrés au fonctionnement des organismes paritaires (sur une collecte de 5 Milliards). Quelques pages plus loin, le même hebdomadaire indiquait : l'exemple d'une association bien gérée, les restos du coeur redistribuent 90 % des sommes reçues. Où comment manipuler l'information puisque dans les deux cas les frais de gestion sont de 10 %.

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Le temps des cerises : deux poids deux mesures - Anne Penciolelli

Le procès fait aux OPCA est d'autant plus injuste que sur les 10 % des frais de gestion la majeure partie correspond à des actions d'information, de conseil, d'accompagnement, etc. qui bénéficient directement aux entreprises et aux salariés. Il s'agit de prestations en nature à côté des prestations en espèces constituées par les remboursements.
En ce domaine comme dans beaucoup d'autres, les effets d'annonce résistent peu à l'examen technique et attentif des situations.