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02/11/2011

Si proche ennemi

L'étranger fait peur, ce n'est pas nouveau. Le terme même d'étranger nous persuade que l'autre, que nous ne connaissons pas, est un peu bizarre. Des manières qui ne sont pas les notres, des réactions différentes, un mode de vie qui nous surprend ou nous déroute, l'étranger est une énigme souvent perçue comme une menace.

Pourtant, le danger vient rarement de l'étranger et plus souvent de la proximité. Le plus grand lieu de violence est la famille, 75 % des viols sont commis par des hommes qui connaissaient leur victime, le crime de hasard demeure minoritaire et les risques au final sont bien moindres d'être agressé par un étranger que par quelqu'un que l'on connaît. Eternelle histoire d'Abel et Caïn.

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Le Tintoret - Cain et Abel

Pourquoi, contre toute évidence, avoir si peur de l'étranger alors que la menace vient d'ailleurs ? pourquoi cette focalisation ? peut être justement pour oublier que la violence vient plus souvent de nos proches, sans doute par déni de reconnaître cette capacité de violence à ceux avec qui l'on a tissé des liens d'amitiés voire d'amour. Il est des évidences moins agréables que d'autres. Au final, tant pis pour l'étranger qui paiera sans avoir rien demandé le prix du déni.

30/03/2010

De l'individu dans son environnement

Le débat entre nature et culture n'est jamais clos, ni entre essentialisme et constructivisme, ni entre responsabilité individuelle et responsabilité collective, ou en d'autres termes, l'individu ou le système. La pensée, et les actes, classés politiquement à droite pointent plutôt l'individu seul responsable et tiennent l'environnement pour une excuse facile. La pensée, et les actes, classés politiquement à gauche mettent plus volontiers en avant un individu innocent dans une société coupable et s'interrogent sur la responsabilité individuelle au sein de déterminismes sociaux. Ces classiques débats ont été repris par les organisations syndicales et patronales sur le harcèlement et la violence au travail. Affaires d'individus ou de pratiques manageriales et de culture d'entreprise ? Quelques êtres pervers ou des organisations malsaines ? seule certitude : des salariés en souffrance un peu partout.

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Jean-Michel Basquiat

Le projet d'accord national interprofessionnel conclu le 26 mars 2010 sur ce thème laisse les deux options ouvertes et invite tout autant à prévenir, et sanctionner, les comportements individuels qu'à s'interroger sur les facteurs de risques liés à l'environnement y compris les modes de management. Complétant l'ANI du 2 juillet 2008 sur le stress au travail et l'ensemble des mesures relatives à la gestion de la santé des salariés, l'ANI du 26 mars 2010 officialise la nécessité de lutter contre la violence et le harcèlement au travail. Il faudra également que les partenaires sociaux, lassés de lutter contre, signent également des accords qui invitent à lutter pour : pour le bien être au travail par exemple ou mieux pour l'amélioration du confort au travail. Cela romprait un peu avec la vision doloriste du travail et militerait pour qu'il ne soit plus perçu comme une provocation d'associer, autant qu'il est possible, plaisir et travail.

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Le lapsus du jour de la responsable de projets :  "Il faut que j'en parle à mon écrispe...". Est-ce mon interlocutrice, son équipe ou les deux qui sont crispées ?

27/01/2010

Psycho ou Socio

La photo pourrrait représenter deux amis qui goûtent au premier soleil du printemps et devisent de peu de mots, appréciant le temps, l'instant, les arbres, la beauté du moment et du lieu. Nous sommes à Rodez en 1946 et Antonin Artaud va quitter le lendemain l'hôpital psychiatrique dans lequel il a subi 58 séances d'électrochocs, qui ont tant secoué son corps qu'une séance lui brisa une vertèbre. Ces électrochocs lui ont été administrés par le Docteur Ferdières, assis à côté de lui, presque amical, un peu  triste peut être de la séparation.

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Le docteur Ferdières et Antonin Artaud - 1946 - Rodez

Le docteur Ferdières était-il un sadique, une brute, un pervers ? ou bien appliquait-il les thérapies de l'époque, celles que l'institution psychiatrique qualifiait de soin et non de violence ? la réponse à cette question trouve une actualité dans la négociation en cours sur le Harcèlement et la violence au travail. Les partenaires sociaux doivent transposer un accord cadre européen  sur ce sujet datant de  2006. La première version du projet d'accord fournie par les organisations patronales porte sur la prévention, les dispositifs d'alerte, les comportements individuels. Les organisations syndicales sont unanimes pour demander, comme la Cour de cassation l'a déjà reconnu, que l'on puisse mettre en cause non uniquement des personnes mais également l'organisation qui peut être violente. Deux approches des relations dans l'entreprise : l'approche sociologique qui part de l'organisation, l'approche psychologique qui part des individus. Qui est responsable, et rendons justice à Georgina Dufoix la responsabilité n'est pas la culpabilité, l'organisation ou l'individu ? ou bien l'interraction entre les deux ? pour répondre à cette question, mesdames et messieurs les négociateurs, une petite pensée pour Artaud.
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Patrick Santus - Artaud

 

 

 

01/04/2009

Karel de Stoute, violent et raffiné

La ville de Bruges présente une exposition d'une richesse historique, esthétique et culturelle extraordinaire : Karel de Stoute (Charles le Téméraire) ou les Splendeurs de la Cour de Bourgogne. Ayant la volonté d'unir toutes les Flandres et tous les flamands, et bien au-delà, Karel de Stoute dessina le rêve qu'accomplit à sa suite Charles Quint : celui d'un empire sur lequel jamais le soleil ne se couche. Rêve de tous les dictateurs fous, dira-t-on et pléonasme par dessus le marché. Mais le plus étonnant n'est pas là. Il est dans l'ambivalence de Karel de Stoute. Elle s'exprime d'une part par l'immodérée promotion de toutes les formes d'arts, dont la tapisserie des mille fleurs constitue l'un des meilleurs exemples de ce que les Flandres ont pu produire de raffiné.

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Tapisserie aux mille fleurs - Bruges - 1466

Et d'autre part, par le fait que Karel de Stoute fut un guerrier redoutable et n'hésita pas à massacrer, pendre et noyer des garnisons entières quand ce n'est raser des villes, telle celle de Liège à l'hiver 1468 qui finit en horrible chasse à l'homme. L'époque n'était pas, à vrai dire, à la demi-mesure comme en témoigne le tableau de Gérard David représentant un juge corrompu écorché vif. La scène est certes tirée de l'histoire pour être transposée à l'époque de sa réalisation, mais elle correspond à une pratique encore en vigueur jusqu'au XVIIIème siècle.
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Gérard David - Le jugement de Cambyse - 1495

Cette juxtaposition de violence et de raffinement interroge sur l'ambivalence de Karel de Stoute, mais au-delà de chacun d'entre nous. Elle invite à réfléchir aux contradictions que chacun porte en lui et peut être même à penser que la vérité de l'individu réside profondément dans la manière personnelle qu'il a de faire vivre les contraires qui l'habitent.