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28/06/2012

Personnel et collectif

Le raisonnement binaire par opposition est tellement fréquent (blanc ou noir ? thé ou café ? droite au gauche ? émotionnel ou rationnel ? Paris ou Province ? mer ou montagne ? slip ou caleçon ? viande ou poisson ? et l'on en passe...) qu'il est réjouissant de constater que les opposés peuvent également s'exprimer sans se nuire mais tout au contraire en jouant vis à vis de l'autre le rôle d'exhausseur de goût. Hier soir, Cécilia Bartoli, cette quintessence de l'Europe dans ce qu'elle a de plus joyeux dans le plaisir et le goût de vivre, donnait un récital dans le Théâtre Royal du Chateau de Versailles. Il y a 15 jours, au même endroit mais dans la Galerie des glaces, elle chantait Haendel. Beaucoup de cantatrices peuvent vous faire ressentir la grâce, Cécilia Bartoli va au-delà. Elle use de la liberté que lui confère son exceptionnelle technique pour jouer de sa voix, de son corps, de ses yeux, de ses tenues. Vous avez l'impression qu'elle regarde individuellement chacun des spectateurs présents. Le lieu ne l'impressionne pas qui devient sien dès qu'elle y pénètre. Impossible de ne pas être porté et emporté. Le plus admirable est cette manière d'exercer de manière toute personnelle son art : ce que vous voyez, vous êtes persuadé de ne jamais l'avoir vu auparavant.

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Crédit photo : Italians do it better

La manière dont Cécilia Bartoli associe la salle et les musiciens à sa toute personnelle manière de chanter est déjà une éclatante démonstration que l'individuel et le collectif ne s'opposent guère que chez ceux qui le veulent bien. Mais il y a autre chose. A la fin du concert, tandis que les spectateurs quittaient déjà la salle, les musiciens se sont regardés puis se sont embrassés en se remerciant. Comme l'on remercie à la fin d'un travail collectif tous ceux qui y ont participé. Comme un formateur ou un enseignant pourrait remercier à la fin de chacune de ses interventions ceux qui ont partagé ce temps de travail. Comme l'on remercierait tous ceux qui font l'effort de participer à un collectif et d'y exprimer leur personnalité sans que cela n'ait besoin de se faire au détriment d'autrui. Cécilia Bartoli, ou l'exhausseuse d'énergie.

03/11/2011

Du collectif et de l'individuel

Le plus souvent, les expositions d'arts plastiques ressemblent à des assemblages un peu patchworks : les oeuvres que l'on a pu rassembler sont présentées suivant leur chronologie, parfois leurs thématiques. Au final, plusieurs dizaines d'oeuvres font une exposition. Au Palazzo Fortuny, à Venise, se tient une exposition intitulée TRA, comme à travers, et sous-titrée Edge of becoming, soit quelque chose comme "Au bord du commencement" ou "A la lisière du devenir". Dans le décor baroque du palais qu'habita Mariano Fortuny et qui abrite encore certaines de ses oeuvres, sont installées les créations de près de 300 artistes, comme dans un cabinet de curiosités.

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L'exposition s'étend sur quatre niveaux, chaque entrée dans une pièce procurant un sentiment de dépaysement nouveau, dans une grande familiarité qui vous conduit à penser : "C'est ici, et ainsi, qu'il faut vivre". Les portes sont très présentes et  vous ouvrent plutôt qu'elles ne s'ouvrent.

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Mais le plus étonnant, le plus rare, est la manière dont toutes les oeuvres rassemblées se subliment les unes les autres sans que leur singularité ne s'en trouve diminuée. L'exposition est une oeuvre dans son ensemble, dont chaque partie est une oeuvre magnifiée. Ainsi cette robe aux plumes de paon éclaire l'atelier de Fortuny tout en étant mise en valeur par les peintures murales qui l'entourent.

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L'exposition TRA fournit à qui en douterait, la preuve définitive que le collectif et l'individuel ne s'opposent pas, bien au contraire. D'une manière stupéfiante, l'on peut constater que des oeuvres d'une très grande diversité, depuis un torse de bouddha en passant par de l'art minimaliste ou conceptuel, des peintures religieuses du grand siècle ou des expérimentations visuelles et sensorielles contemporaines, peuvent non seulement dialoguer mais produire une oeuvre plus grande encore tout en prenant chacune une nouvelle dimension. Comme quoi l'individuel et le collectif peuvent être chacun au service de l'autre pour le profit de tous et notre plus grand plaisir. Et l'on se dit que l'on enverrait bien quelques dirigeants et managers faire un tour chez Fortuny, qui sait, peut être que l'esprit des lieux...