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29/01/2013

PERSONNEL ET CONFIDENTIEL

Ceci est un message personnel et confidentiel. Toute personne autre que sa destinataire qui en prendrait connaissance ne pourrait en faire aucun usage, d'aucune sorte et en aucune manière. Toute transgression fera l'objet d'une information immédiate de la CNIL qui, dans son approximative et arbitraire conception du droit, ne manquera pas de déclencher toutes sortes de menaces imprécises et éventuelles, espérant ainsi créer chez le fautif un sentiment de terreur que l'on désignait autrefois sous le nom de culpabilité. Si la crainte de ces sanctions n'était pas suffisante, et si vous persistez malgré tout à vouloir prendre connaissance de ce message PERSONNEL ET CONFIDENTIEL, alors vous vous exposeriez au pire : découvrir qu'il ne vous est pas destiné.

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20/09/2012

Le salarié, cet incapable

Le directeur de l'établissement n'avait jamais envisagé que la pratique d'afficher chaque année la liste des salariés ayant fait l'objet d'une promotion aurait pu poser problème. De bienveillants collègues lui ont quand même conseillé de consulter la CNIL. La réponse ne s'est pas faite attendre : la pratique est illégitime et elle ne peut être validée par le consentement des salariés. Le courrier reçu par l'entreprise est un véritable collector :

- la CNIL affirme que toute information individuelle est une information personnelle et donc confidentielle ;

- la CNIL s'érige en juge de la légitimité d'une pratique alors qu'on attendait qu'elle se prononce sur sa légalité ;

 - et cerise sur le n'importe quoi, le courrier dénie au salarié toute capacité de négocier avec son employeur. Ici, la citation s'impose : "A toutes fins utiles, je vous indique que notre Commission n’admet pas, en principe, le recours au consentement dans le domaine des ressources humaines. En effet, compte tenu du lien de subordination existant entre un salarié et son employeur, le consentement ne peut être libre et éclairé.". On ne saurait mieux dire que le salarié est un incapable majeur dont la volonté ne compte guère, un individu dépourvu de la moindre autonomie voire de la plus petite parcelle de conscience, bref un pantin que les doigts de l'employeur agitent.

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Man Ray - Coast Stand - 1920

Chacune de ces affirmations est excessive sinon grotesque. Si toute information individuelle est personnelle et donc confidentielle, alors il faudra renoncer à des organigrammes personnalisés, à des notes de bienvenue pour les nouveaux recrutés (avec, horreur absolue, une notice biographique), à des informations de nomination, à la diffusion du plan de formation et l'on ne parle même pas de la photo de l'employé du mois ou des résultats du challenge des commerciaux. Une seule solution : anonymiser toute l'information et l'on proposera que cela soit fait en attribuant aux salariés un numéro, aléatoire pour éviter toute identification. Toute ressemblance avec la série LE PRISONNIER sera fortuite et ne pourra être imputée à la CNIL.

Si la CNIL s'érige en gardienne de la légitimité des pratiques, alors il ne faut plus s'étonner de l'arbitraire que revêtent certaines décisions. Car la légitimité est une notion qui renvoie certes au droit mais également à l'éthique, la morale, la justice ou encore la raison. Soit des terrains moins stables que celui de la légalité que l'on a déjà parfois du mal à clairement délimiter.

Mais le meilleur, si l'on peut dire, est pour la fin. Tout salarié, de part sa qualité de salarié, serait incapable de conserver le degré de conscience minimal qui lui permettrait de donner un consentement éclairé. Les fins juristes de la CNIL ne parviennent donc pas à faire la différence entre la subordination juridique et la soumission. Si l'on s'en tenait à leur raisonnement, il faudrait annuler pour vice du consentement tout avenant au contrat de travail puisque le salarié ne peut librement consentir.

Le plus inquiétant, c'est que tout cela est décidé avec la conviction profonde, et sans doute sincère, de contribuer à la protection des salariés, ou plutôt des pantins qui en tiennent lieu. Il vaudrait mieux se demander qui, dans cette affaire, est véritablement incapable.

10/11/2011

Rangez les laisses !

Votre portable, votre carte bleue, votre pass navigo, les caméras dans la rue, les cookies sur internet...la technologie permet de suivre à la trace vos déambulations physiques et électroniques. A croire qu'il ne reste que la rêverie qui échappe à la traçabilité, mais il paraîtrait que des neurobiologistes ne désespèrent pas de voir vos rêves livrés par l'imagerie magnétique. La technologie ? plutôt l'usage que l'on en fait car si la technique peut beaucoup, elle ne fait jamais que ce qu'on lui demande. Et on lui demande parfois de géolocaliser de manière permanente les salariés en incrustant un de ces mouchards qui contribuent à la relation de confiance entre l'entreprise et ses collaborateurs. La CNIL a posé les premiers garde-fous en 2006 avec quelques règles de principe : pas de géolocalisation permanente, obligation d'information des salariés, usage réservé aux cas qui le nécessitent absolument, etc. La Cour de cassation, dont on apprécie toujours la concision et la précision des décisions, fait plus qu'ajouter sa pierre dans une décision du 3 novembre 2011 : la géolocalisation ne permet de contrôler la durée du travail que lorsque tout autre moyen est impossible, voici pour la pierre, et surtout elle ne peut être mise en oeuvre pour un salarié qui dispose de la liberté d'organisation de son travail, voilà pour le mur que le juge dresse entre l'autonomie et la géolocalisation. Un sacré coup de ciseau dans la laisse électronique que les entreprises tentent de passer au cou des salariés.

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Félicien Rops - Le Pornocrates

Dans l'affaire jugée le 3 novembre, il s'agissait d'un vendeur salarié dont le véhicule était équipé d'un système de géolocalisation pour analyser et optimiser son activité. Le salarié en était informé ainsi que la CNIL. Constatant que la durée du travail n'étais pas respectée, l'employeur a réduit la rémunération du salarié qui a pris acte de la rupture de son contrat et a saisi les prud'hommes. Les juges donnent raison au salarié, la Cour de cassation confirme. Le salarié étant libre d'organiser son travail, il ne pouvait faire l'objet d'un contrôle des temps par géolocalisation. Ce principe très clairement affirmé pour un salarié dont la durée du travail était fixée en heures, a pour conséquence de rendre impossible toute géolocalisation pour les salariés en forfait en jours. En effet, l'autonomie et la liberté d'organisation du travail étant une condition de validité du forfait en jours, elle rend impossible un contrôle de la durée du travail par géolocalisation. Cette impossibilité est une question de cohérence : on ne peut affirmer à la fois qu'un salarié est autonome pour gérer son temps de travail et mettre en place un système permanent de contrôle de ce temps. Et plus largement, dès lors que le salarié fixe librement les frontières entre vie personnelle et professionnelle, un système de contrôle permanent conduirait l'employeur à contrôler des temps de vie personnelle.

Par cet important arrêt qui sera publié au bulletin, la Cour de cassation limite donc la possibiltié de géolocalisation aux salariés dont la durée du travail est fixé en heures et dont les horaires sont prescrits, la géolocalisation ne pouvant s'exercer que pendant ces horaires.

Voilà une belle leçon donnée par le juge, et dont pourrait s'inspirer le législateur :  comment en peu de lignes et peu de mots, on peut préserver des libertés fondamentales.

Geolocalisation - Cassation 3 novembre 2011.pdf

05/12/2008

En route pour la mongolie...

La Commission nationale informatique et liberté est censée protéger les atteintes aux libertés individuelles, notamment dans le cadre professionnel. Censée car on peut avoir quelques doutes sur les positions prises par la CNIL notamment en matière de recrutement (voir chronique du 3 novembre 2008).

Un autre exemple de la modestie de l’institution en matière de protection des libertés nous est fourni par le guide établi en matière de géolocalisation des salariés. L’utilisation du GPS permet en effet de suivre de manière permanente les déplacements des salariés, leur position, leur vitesse moyenne, leurs arrêts, etc. La CNIL explique doctement qu’un tel système doit rester proportionnel à un objectif légitime, mais qu’il peut s’agir de prévenir les vols, de surveiller l’activité, ou de faciliter le contact client.

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Route en mongolie

Surveillé par les caméras placés dans les villes et sur les routes, repéré par ses appels téléphoniques, géolocalisé dans son véhicule, identifié par ses retraits de carte bleue, tracé dans ses errances sur internet, pourchassé par les mails via le blackberry ou la carte 3G, on pourrait comprendre q'un salarié éprouve soudainement le besoin de s’extraire de toute technologie et de partir sur les routes de mongolie, loin du GPS...et de la CNIL.

Guide-geolocalisation-CNIL.pdf

03/11/2008

Faute grave pour la CNIL

La CNIL publie sur son site un guide du travail, comportant une fiche sur le recrutement, ainsi qu'un dossier de recrutement coélaboré avec le SYNTEC. Dans ces documents on peut lire que l'enquête de moralité est illégale, ce qui est exact : interroger des amis, parents ou relations privées à des fins professionnelles n'est pas justifiable au regard du droit du travail. Mais, la CNIL écrit également : « Le recueil de références auprès de l’environnement professionnel du candidat (supérieurs hiérarchiques, collègues, maîtres de stages, clients, fournisseurs…) est permis dès lors que le candidat en a été préalablement informé. » Une telle affirmation surprend au regard des dispositions des articles L. 1234-19 et D. 1234-6 du Code du travail relatifs au certificat de travail. Selon ces articles, l'employeur doit remettre à tout salarié à la fin de son contrat un certificat de travail comportant EXCLUSIVEMENT la date d'entrée et de sortie du salarié ainsi que la nature de l'emploi ou des emplois successivement ocupés et les périodes pendant lesquelles ces emplois ont été tenus. Il est  ainsi interdit à l'employeur de porter  une appréciation sur les qualités professionnelles du salarié qui le quitte.  Si la réglementation relative au certificat de travail a pour objet d'interdire toute appréciation c'est pour  que le salarié ne  soit pas pénalisé par une relation de travail  non satisfaisante mais qui, par définition, n'a  aucun rapport avec une nouvelle situation de travail. Rappelons qu'il est  assez unanimement reconnue que la compétence s'apprécie dans l'action et que le contexte y joue son rôle.  En  adoptant une telle position, la CNIL soumet le salarié au jugement  du précédent employeur et recréé ainsi le livret ouvrier, pourtant supprimé en 1890,  qui faisait dépendre de l'employeur la possibilité pour le salarié de voyager.

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Livret ouvrier - 1850

La simple information du candidat à un emploi ne peut suffire pour autoriser la prise de références professionnelles. D'une part il faut considérer que la prise de références ne peut avoir lieu qu'à la demande du salarié. D'autre part, il revient au salarié de prendre l'attache des personnes qui seront contactées pour la prise de références et des les autoriser à répondre aux questions qui leurs seront posées, lesquelles devront lui avoir été communiquées. Si ces conditions ne sont pas respectées, comment savoir, en cas de prise de références par téléphone, si l'interlocuteur a bien qualité de recruteur, comment savoir si le salarié a donné son autorisation à cette démarche, comment savoir si les questions posées sont légitimes ou non ? et comment savoir si des informations potentiellement discriminatoires (engagement syndical par exemple) n'ont pas été divulguées ?
Si du point de vue des principes, tels que traduits par la réglementation relative au certificat de travail, l'interdiction de la prise de références professionnelles doit être la règle, le minimum est qu'un organisme tel que la CNIL fasse respecter les conditions indiquées ci-dessus dont on jugera qu'elles sont parfois bien loin des pratiques et constitueraient donc déjà un progrès.