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14/11/2011

Impossible gouvernance

Le système de formation professionnelle est un canard sans tête. Ou un avion aux multiples pilotes dont l'énergie est tout entière accaparée par la tenue du manche. Bref, un système qui avance par à coups mais n'est guère gouverné, point sur lequel tous les diagnostics s'accordent. Avançons une explication. La formation continue est  le produit de Mai 68 et de la nouvelle société de Chaban-Delmas. Soit le fruit de l'union entre une pensée socio-culturelle marxisante tendant à l'autogestion, dans la mouvance des structuralistes et de la French Théory, et un courant catho-social fortement marqué par le personnalisme d'Emmanuel Mounier diffusé notamment par la revue Esprit et Témoignage Chrétien. C'est ce couple improbable qui a su se retrouver dans la création d'un système responsabilisant les acteurs, nécessairement multiples mais différenciés dans leur positionnement et leur fonction, dont les objectifs relèvent à la fois de l'autonomisation de la personne et de son éducation morale et politique. Le problème est que ce couple est le fruit d'une conjonction historique qui ne s'est plus représentée depuis et qu'il s'est rarement retrouvé en situation de pouvoir faire vivre et dynamiser ce qu'il avait créé.

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Charles Le Brun - Le Roi gouverne par lui-même - 1661

La majorité de la classe politique française est fortement jacobine et étatique. De la droite bonapartiste à la droite monarcho-républicaine en passant par les communistes et le centralisme démocratique, ou encore la gauche républicaine qui ne jure que par Valmy et l'Etat, il reste bien peu de place pour les tenants d'une pensée plus girondine. Elle exista quelque peu avec l'entrée de la deuxième gauche dans le premier gouvernement Mauroy en 1981 (suivirent les accords de 82 sur le CIF, de 83 sur l'alternance et la loi de 84 sur la formation comme pendant des lois Auroux de 82) et lorsque Michel Rocard, figure historique du PSU autogestionnaire, fut premier ministre en 1989 et mit en oeuvre le crédit formation. Ce fut l'époque de la décision collective et coordonnée au sein des Comités régionaux de l'emploi et de la formation, seule période sans doute où ces instances furent de véritables lieux de pouvoir concerté. Depuis, ce sont des jacobins centralisateurs pur jus de droite et de gauche qui sont chargés de faire vivre un système conçu pour fonctionner de manière décentralisée. Ce sont des tenants de la décision unilatérale éclairant de sa pertinence les insuffisances des acteurs qui pilotent un système qu'ils rêveraient de mettre cul par dessus tête. Faut-il dans ces conditions s'étonner que le pilotage soit impossible ?

Si l'on veut bien suivre ce diagnostic, on en concluera que ce n'est pas en réformant la tuyauterie et en créant de multiples obligations nouvelles que l'on établira une gouvernance efficace. Soit l'Etat va jusqu'au bout de sa logique centralisatrice et il s'oblige à détruire en partie l'existant, c'est ce qui est à l'oeuvre aujourd'hui, soit il effectue une révolution culturelle et il reprend, 40 ans plus tard, un pari sur la responsabilité d'acteurs ayant des champs d'autonomie et de responsabilité distincts et articulés. Ce retour en arrière serait sans aucun doute un grand bond en avant.

04/07/2011

Promesse

On sait que les promesses n'engagent que celles et ceux qui y croient. On sait aussi que les périodes préélectorales sont propices à toute sorte de promesses. Ceux qui les formulent le savent. Ceux qui les écoutent aussi. Mais l'on continue pourtant le curieux manège, chacun faisant semblant d'y croire. Comme si tout cela était fatal, comme s'il n'y avait aucune autre règle du jeu possible. Comme si le défaut d'imagination était équitablement partagé par tous. Comme si la résignation était le seul synonyme possible de réalité. Une sorte de manège permanent, de valse éternelle. Comme cette femme "au corps plein de promesse dont l'oeil provoque mais ne donne rien" selon la formule de Muriel Rossetti.

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Après François Hollande, appelant au renouveau de la démocratie sociale, voici Jean-François Coppé qui s'y colle. La loi et l'Etat ne peuvent tout régler. La confiance doit être accordée aux partenaires sociaux. L'Etat doit fixer le cadre et laisser toute sa place à la négociation. Les bonnes intentions ne manquent pas. Et nous n'avons sans doute pas tout entendu. Sauf que...

Sauf que le temps de la négociation est rarement celui du politique, sauf que le politique n'aime rien tant que la négociation qui poursuit les objectifs qu'il s'est fixé, sauf que le politique considère qu'il est LA France et que les partenaires sociaux sont une des composantes de cette France qu'il doit administrer, sauf que la négociation est peu présente dans la culture de nos gouvernants et de l'administration sur laquelle il s'appuie. Sauf que le jacobinisme étatique demeure la culture dominante dans quasiment tous les partis politiques de l'UMP au PS en passant par le Front de Gauche ou le Front national (pour les Verts, j'ai un peu de mal à identifier la culture dominante).

Alors ? la démocratie ne se nourrit pas aux promesses. Peut être qu'un bon sevrage, comme pour les sportifs dopés, serait nécessaire si l'on veut véritablement fortifier les mécanismes démocratiques et particulièrement ceux de la démocratie sociale. Le savoir est un promesse de compétence que réalise le passage à l'acte. La démocratie a besoin que chacun soit responsable et passe à l'acte à son niveau, pas de la facilité de promettre ni de la facilité de s'en remettre au promis.

17/06/2010

La tentation de Napoléon

Le mouvement est de grande ampleur, il touche tous les domaines et s'inscrit dans une même logique. Je ne l'illustrerai que sur les champs d'activité qui sont les miens. De quoi s'agit-il ? d'un mouvement de centralisation, de concentration, sans précédent. Que l'on en juge : dans le cadre de la RGPP (révision générale des politiques publiques), l'Etat créé de grandes administrations qui seront pilotées depuis le niveau régional, qui devient le niveau opérationnel en lieu et place des échelons territoriaux. Sont ainsi créés les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) qui se substituent aux DRTEFP et DDTEFP. Cette évolution s'inscrit dans la voie de la réforme de 2004 qui a fait des Préfets de région les supérieurs de fait des Préfets de département. Dans le champ de la formation, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) concentre 1 milliards d'euros sur les 6 milliards gérés par les OPCA, voués eux-même à une concentration qui va diminuer leur nombre par 2 ou 3. Dans le champ de l'emploi, l'ANPE et l'UNEDIC ont généré POLE EMPLOI qui n'en finit plus de se mettre en place. Le Parlement finit de voter une réforme des Chambres de commerce qui créé des grandes chambres régionales qui récupèrent une grande partie des compétences des chambres territoriales. Les Universités s'agrègent, et parfois fusionnent, au sein des Poles de Recherche et d'Enseignement Supérieur (PRES) qui regroupent Universités, Grandes Ecoles et Centres de recherche.  Pourquoi ainsi regrouper, concentrer, fusionner, parfois à marche forcée ? pour faire des économies d'échelle entend-on le plus souvent. Peut être. Mais peut être aussi pour se rassurer quand tout nous échappe et se donner l'illusion de garder la maîtrise des évènements.

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Paul Delaroche - Napoléon abdiquant à Fontainebleau - 1845

Appelons cela la tentation de Napoléon. Faire remonter tous les pouvoirs vers le niveau central afin que celui-ci dispose de tous les leviers possibles pour agir. La tentation autoritaire est forte en période de crise. Celle de l'homme, ou de la femme, providentiel(le) également (mais si il y eut des femmes providentielles dans l'histoire de France, cherchez bien). Le fonds Jacobin français, que l'on trouve autant à droite qu'à gauche, fait le lit de ce centralisme à tout crin. Centraliser c'est pourtant fragiliser. C'est faire dépendre de quelques uns le sort du plus grand nombre. C'est n'avoir ni garde fous (belle expression) ni contre pouvoir. C'est prenre le risque du coup de fatigue de Napoléon. On pourrait penser que c'est exactement le contraire qu'il convient de faire en période de crise : décentraliser, déléguer, faire confiance, favoriser les initiatives, encourager l'action, favoriser les petits collectifs de proximité, promouvoir les expérimentations, donner de la souplesse, ....oui on pourrait le penser. Mais il faudrait surtout le faire. Or c'est exactement l'inverse qui sous nos yeux se met en place.