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22/07/2013

Exclusion-Inclusion

Je pense avoir découvert l'inclusion avec les porte-clés et leurs publicités insérées au coeur de ronds, carrés, coeurs, ovales de plastique transparents.

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On m'a ensuite offert une boîte de jeu dénommée PLASTIC 2000 qui permettait de réaliser soi-même ses inclusions. Je ne pense pas en avoir réalisé une seule, mais la boîte me fascinait. Pourtant, inclure c'était enfermer, emprisonner, immobiliser, et je préférais de loin l'exclusion, mère de toute les libertés. Je retrouvai bien plus tard cette opposition dans les inclusions de Damien Hirst.

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Damien Hirst - Saint-Sébastien - 2007

Entre temps, j'avais constaté dans un autre domaine, que l'on utilisait l'exclusion lorsque l'on se proposait d'inclure. Ainsi, tous les contrats de travail dont l'objectif est l'inclusion de jeunes  (apprentissage, professionnalisation) ou de personnes en difficulté (contrat initiative-emploi, contrat d'accès à l'emploi, contrat unique d'insertion) commencent par exclure leurs bénéficiaires du droit commun pour mieux les inclure. Curieuse logique que celle qui consiste à tenter de ramener vers le droit commun en commençant par y déroger. Technique des petits pas me dit-on. Contradiction fondamentale est ma réponse. Apparemment, l'avocat général près la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) partage mon avis. Il vient de considérer que la loi française qui exclut du calcul des effectifs de l'entreprise les salariés en contrat d'insertion était contraire à la directive européenne  qui garantit le droit à la représentation des salariés. En effet, lorsque l'employeur a une activité qui le conduit à recourir massivement aux contrats en insertion, il peut ne pas avoir à mettre en place de représentation du personnel. Les salariés de l'association marseillaise à l'origine de l'affaire sont plus de 120 et pour autant n'ont pas de comité d'entreprise. Si la CJUE suit les conclusions de son avocat général, il va falloir sérieusement recompter...et inclure.

21/07/2013

Pourquoi travaillez-vous ?

L'été a pris ses aises, il s'est engouffré dans nos désirs de chaleurs si longtemps contenus, il a envahi nos corps et nos cerveaux. Après une telle attente, impossible de résister, nous le laissons faire. La preuve : pas de jurisprudence aujourd'hui, de texte alambiqué ou d'essai de pédagogie du droit, un simple test d'été, sur le mode des magazines de plage, que vous pourrez donc faire l'économie d'acheter. Si vous voulez savoir pourquoi vous travaillez, ou plus exactement pour quoi vous travaillez, pensez au travail que vous souhaiteriez faire et choisissez parmi les cartes ci-dessous celle qui l'illustre le mieux.

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Vous avez choisi la dame de pique ? votre travail est un moyen qui vous permet d'accéder à une identité professionnelle et sociale, à des avantages matériels liés à vos conditions de travail, à un statut. Bref, vos principales motivations pour le travail sont extérieures au travail lui-même.

Vous avez choisi la dame de coeur ? vous privilégiez le sens du travail à ses conditions ou à la rétribution que vous en tirez. La nature de l'activité exercée est votre principale source de satisfaction et vous attachez de l'importance à être un bon professionnel, investi dans son travail.

Vous avez choisi la dame de trèfle ? le travail n'a de sens pour vous qu'en tant qu'il permet d'accéder à une rétribution. La rémunération guide vos pas et prend le pas sur toute autre motivation. La reconnaissance passe par l'argent et les possibilités qu'il vous offre.

Vous ne vous reconnaissez pas dans votre choix ? rassurez-vous, ce n'est qu'un test de l'été, d'autant plus dépourvu de valeur qu'il vous assigne une case alors que vos motivations sont multiples, articulées entre elles et fluctuantes dans le temps. C'est pourtant avec un schéma de ce type qu'un éminent professeur d'Université a longtemps couru les conférences pour parler de la motivation par la rémunération, sur le ton de la révélation. Souhaitons lui à lui aussi un bel été.

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18/07/2013

Irréfragable

Vous découvrez la jeune femme allongée, et la voix de Bardot instantanément murmure à votre oreille :"Et mes fesses, tu les aimes mes fesses ?" et comme Piccoli on s'entend répondre oui, et les pieds,  les cuisses, les seins, la bouche, le visage, les chevilles, oui tout. Oui, oui, oui. Bien sûr. Et l'on se rapproche de la jeune femme allongée. Mais la jambe ne bouge guère, pas plus que la bouche, ni les mains, ni les yeux. La sculpture vous trouble et trouble la réalité.

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Le jeu des apparences est un plaisir sans fin. Les juristes n'ont pas résisté à la tentation. Ils ont appelé ça la présomption irréfragable. Soit le fait que l'apparence devient la réalité qui n'est plus autorisée à paraître. Quelle qu'elle soit. Il en est ainsi pour la lettre de licenciement : le motif allégué dans la lettre constitue une présomption irréfragable. Impossible de revenir à la réalité. L'entreprise qui a licencié un salarié gréviste pour faute grave, alors que seule la faute lourde permet le licenciement, ne peut plus prétendre prouver devant le juge que les faits constituaient bien une faute lourde. En ayant eu le tort d'invoquer la faute grave, elle se condamne à être condamnée (Cass. soc. 26 juin 2013). De quoi vous faire douter de la réalité. Et mes épaules, tu les aimes mes épaules ? oui.

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17/07/2013

C'est pas du cinéma !

Que le milieu du cinéma soit en plein psychodrame, c'est presque normal. Ce qui l'est moins, c'est que tous les repères volent en éclat. Voici les grandes compagnies de production qui militent pour une convention collective qui augmente fortement les salaires minimums, voilà des producteurs et réalisateurs très engagés à gauche et qui ne manquent pas une cause sociale qui revendiquent de pouvoir faire travailler des salariés sans les payer totalement pour leurs heures de travail et qui annoncent qu'ils ne pourront plus faire de films dénonçant la casse sociale s'ils ne peuvent pas casser les prix. Voilà un producteur revendiqué artiste qui s'émeut dans Le Monde que les "techniciens" (sic : les guillemets sont de lui, les dits techniciens apprécieront) veuillent des salaires d'artistes (ils en sont pourtant bien loin) : faire partie de la grande famille du cinéma devrait leur suffire sans doute.

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Film à petit budget avec trucage artisanal

On peut noter qu'une fois de plus le droit du travail est sur le banc des accusés : je ne sais si les producteurs et réalisateurs ont tout à fait conscience qu'ils utilisent les mêmes arguments que ceux qui trouvent que le SMIC est un frein à l'emploi. On peut également relever que tous ceux qui se prétendent artistes ont toujours autant de mal avec la règle commune. Faire du cinéma ce n'est pas comme vendre des petits pois clament-ils. N'empêche que Piou-Piou m'a fait davantage rêver que bien des films. Et puis suggérons une solution : si le droit du travail est un empêcheur de tourner en rond, supprimons-le : créons des sociétés coopératives de production de films dans lesquelles tous les membres de la grande famille (producteurs, réalisateurs, techniciens, artistes, etc.) seront associés. Plus de salariat, l'égalité des voix et le travail en commun, en équipe, comme une grande famille quoi. C'est bizarre que les opposants à la convention collective ils n'y aient pas pensé.

 

15/07/2013

C'est pas parce que c'est l'été...

...qu'il faut s'arrêter de se remuer les méninges. Et qu'il ne faut pas faire preuve de créativité, plutôt que de sempiternellement reproduire les solutions du passé. Pourtant, les ministres de la Culture et du Travail, autrement dit Aurélie Filipetti et Michel Sapin, ont lancé un appel au conservatisme : il ne faut pas toucher aux annexes 8 et 10 de la convention d'assurance chômage ont-ils indiqué aux partenaires sociaux qui se préparent à renégocier cette convention en pleine période de déficit et d'explosion du nombre de chômeurs. Les annexes 8 et 10 elles concernent les règles particulières des techniciens du spectacle et des artistes. Et les ministres l'assurent, il faut tenir compte de la nature des activités et de l'extrême précarité de ces activités.

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Deux intermittents

Ici, sur ce blog donc, nous aimons le droit commun. La règle non dérogatoire. Celle qui est suffisamment bien construite pour permettre de régler toutes les situations. Celle qui ne nécessite pas que l'on crée, à l'infini, des cas particuliers. Certes, il peut arriver qu'une règle unique soit inéquitable au regard de situations différentes. Mais cela reste  un risque, alors que l'on est certain que les règles particulières vont créer de l'inéquité car il s'agira d'abord de fixer des frontières entre ceux qui en bénéficieront et les autres. Le problème est que l'on voit mal ce qui peut justifier qu'un électricien du spectacle soit mieux traité qu'un électricien du bâtiment, qu'un preneur de son bénéficie d'avantages lorsqu'il travaille pour un spectacle mais pas s'il sonorise un lieu public ou encore qu'un artiste soit traité différemment que n'importe quel autre salarié. Avec un sus tous les effets pervers liés au fait que les sociétés de spectacle intègrent le montant de l'assurance chômage dans le calcul de la rétribution des salariés. Dès lors, on souhaiterait que l'excellente chaleur qui est enfin venu tanner nos peaux ne ramollise pas de manière excessive les négociateurs de manière à ce qu'ils puissent tordre le cou aux exceptions et trouver enfin une règle qui permette à chacun de bénéficier d'une véritable assurance contre la perte d'emploi et non au profit de l'organisation économique d'un secteur. Un je ne sais quoi me dit que ce n'est pas gagné.

12/07/2013

Effet de façade

La Cour des comptes vient de rendre un rapport sur l'organisation des services de l'Etat au plan territorial. Il y est notamment question des DIRECCTE (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, ouf ! elles s'occupent aussi de formation mais on a pas osé DIRECCTEFP). Fruits de la RGPP, elles devaient illustrer que le regroupement des services permettait synergies et économies d'échelle. Vu de Paris et sur le papier. En réalité, les anciennes directions ont conservé leur fonctionnement et la DIRECCTE n'est qu'une façade derrière laquelle les pratiques n'ont guère changé. Par contre, la fusion a indéniablement fait perdre en qualité. Le parfait effet de façade.

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Façades

Le problème c'est que l'on a appliqué la même logique aux chambres de commerce, regroupées, aux OPCA, fusionnés, à POLE EMPLOI ou encore aux Universités. Au total on a multiplié les changements de structure, d'organisation, on a créé des ensembles énormes à pilotage central, on a généré beaucoup de frustration, de démotivation, de bureaucratie et au final une perte en ligne d'efficacité, de  souplesse, de  créativité et de  productivité. Soit l'exact inverse de l'effet recherché. Par contre, comme ils disent, on a "rationnalisé" (traduisez : réduit les moyens). Pour un  beau résultat : désormais il y a moins de façades.

10/07/2013

Un nouveau garde-barrière

Depuis le 1er juillet dernier, une entreprise ne peut plus mettre en oeuvre un PSE (plan de sauvegarde de l'emploi : mesures destinées à limiter le nombre de licenciements ou favoriser la reprise d'emploi pour les salariés licenciés) sans conclure un accord majoritaire avec les organisations syndicales, ou obtenir l'accord du Directeur régional du travail. Ce n'est pas le retour de l'autorisation administrative de licenciement (créée par Chirac en 1976 et supprimée...par Chirac en 1986 dans un de ces saltos arrières dont il avait le secret), mais cela y ressemble quand même un petit peu. Le piquant de l'affaire, c'est que ce sont les organisations patronales qui ont souhaité confier ce rôle de garde barrière au Directeur du Travail quoi doit donc décider si le train des licenciements peu passer ou non.

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Garde-barrière qui à défaut de train tente de faire passer les phares

Apparemment, les employeurs préfèrent la négociation avec les syndicats ou l'administration que le recours à cet imprévisible juge qui bloqua, par le passé, quelques PSE. L'avenir nous dira si ce pari s'est avéré fructueux ou non, et pour qui. Pour l'heure, constatons qu'en pleine période de crise, le nombre de licenciements économiques stagne autour de 250 000 par an (contre le double de licenciements personnels) et que plus de la moitié sont prononcés en dehors de tout PSE. Ce qui ne fait guère que 100 000 salariés concernés par le nouveau dispositif, sur 800 000 licenciements. Pas tout à fait une goutte d'eau, certes, mais pas non plus de quoi considérer que le garde-barrière ait dorénavant les clés de l'emploi. Comme les phares, il risque plutôt de voir passer au loin les bateaux.

09/07/2013

Chamboule tout ?

Cette fois-ci, c'est parti. La feuille de route envoyée par le Ministre du Travail, Michel Sapin, aux partenaires sociaux en les invitant à négocier constitue le véritable point de départ de la nouvelle réforme de la formation professionnelle. Les demandes ne sont pas mineures : revisiter la définition de l'action de formation, mettre en place les modalités de fonctionnement du compte personnel de formation, supprimer le DIF, réviser les périodes de professionnalisation, mutualiser davantage les fonds dus par les entreprises dans le cadre du 1,6 %, orienter les ressources vers les salariés les plus fragiles et vers les demandeurs d'emploi, revoir le financement du plan de formation et ses modalités d'élaboration...tout est en place pour le jeu du chambouletout.

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Mais dans le chambouletout, les boîtes reprennent toujours leur place à la fin...jusqu'à la prochaine fois. Alors un nouveau coup pour (presque) rien ou une vraie évolution de notre système de formation avec une évolution significative de l'obligation fiscale qui n'en finit plus de structurer les pratiques de formation ? Peut-être que cette fois-ci sera la bonne ! alors souhaitons une réforme excitante et en route !

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Détail de la feuille de route ministérielle :

Feuille de route ministérielle - 8 juillet 2013.pdf

07/07/2013

A moi compte, deux mots...

Certes, la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin a acté l'appellation de Compte personnel de formation. En cela elle a fixé une terminologie, sans pouvoir déterminer exactement à quoi elle correspond.  Il est tout de même curieux de commencer par nommer avant d'avoir défini. Lorsque l'on veut faire du droit à peu près correctement, on fait exactement l'inverse.


Extraits de la matinée du 20 juin 2013 de l'AFREF

Plus grave, alors que l'on considère que les difficultés d'appropriation du DIF ont en partie tenue au décalage entre la dénomination (droit individuel) et le contenu (droit négocié, gestion collective), on recréé sans délai les conditions du même échec. Il faudra en effet expliquer aux salariés que ce compte ne contient pas d'euros, qu'il n'est pas lié au statut mais ne permet d'acquérir des heures que si l'on est salarié, qu'il est personnel mais que les priorités de formation sont fixées par des tiers et qu'il n'est mobilisable qu'en tant que l'on trouve un financeur. Plus généralement, la notion de compte renvoie à une capitalisation qui n'existe guère, tout le dispositif étant conçu, à ce jour, comme une gestion de flux. Plutôt que de s'entêter dogmatiquement à préserver une appellation problématique, on ferait peut être bien de changer à ce compte personnel, deux mots.

06/07/2013

Merci Patron !

Pierre Déjean est professeur à l'Université de Toulouse, directeur du Centre de Recherche et d'Information sur le Droit à la Formation. Enfin, était. Il ne lui est rien arrivé de grave, rassurez-vous. Il a juste pris sa retraite vendredi. Il a été, et restera certainement, mon seul patron, c'est à dire le seul à avoir réussi à faire signer, pour 3 mois, un contrat de travail à quelqu'un qui ayant lu Proud'hon assez tôt n'envisageait le salariat qu'avec terreur. A Pierre je dois donc mes trois uniques bulletins de salaire. Je lui dois aussi mille autres remerciements pour l'opportunité donnée de créer mon entreprise en me mettant non pas un fil à la patte mais un cheval et deux étriers à mes pieds, pour les occasions de participer à ces colloques et manifestations qui donnent une visibilité que l'on a bien peu à 25 ans, pour l'ambiance d'atelier d'artiste qui régnait au sein du CRIDF, pour les mission à Barcelone au temps où il existait encore un véritable barrio chino, pour la dimension poétique, c'est un euphémisme, que pouvait prendre la moindre activité et au final pour la démonstration quotidienne que liberté, plaisir et travail peuvent faire la route ensemble.


Pierre Déjean, il a trois points communs avec Pierre Richard : le prénom, le comportement et la physionomie. Cela fait beaucoup trop pour échapper au surnom facile. Mais la comparaison est artificielle. Car Pierre Richard a fait du spectacle au sein du spectacle. Pierre Déjean lui, il a réussi à faire du spectacle à l'intérieur des institutions et mettre des espaces de liberté là où ils sont loin, très loin, d'être naturels. Cette poésie du quotidien me touchait beaucoup plus que le numéro d'acteur. Plus improbable, moins attendue, plus agaçante aussi, plus dérangeante, elle me semblait un meilleur exemple d'insoumission. Pierre Déjean était un clandestin au grand jour, les meilleurs. Comme il a toujours vécu à l'envers, je suppose qu'après avoir travaillé jeune (pour ses études), pris sa retraite en pleine activité (par sa capacité à faire glisser sur lui le travail), il lui reste désormais à se consacrer à des jeux d'enfant. Puissent-ils durer longtemps. Merci Pierre !

05/07/2013

A votre écoute

Il n'est pas besoin d'être fan de Mickey pour savoir que les Etats-Unis ont de grandes oreilles. Il n'est pas non plus besoin d'être fan d'Astérix pour savoir que la France aussi. Vous savez désormais, après les révélations du Monde et pour autant que vous en doutiez, que vos mails, vos sms, vos conversations téléphoniques et les coordonnées de vos correspondants sont aspirés par la grande machine à tout surveiller et mis à la disposition de différents services du renseignement. Pour les salariés, ce n'est pas un scoop. Ils savaient déjà, en habitants avisés du monde du travail à l'ère numérique, que leur employeur peut à tout moment accéder à leurs fichiers, mails ou sms dès lors qu'ils transitent par des outils professionnels. Oui mais dans ce cas là, direz-vous, c'est licite. Effectivement. Mais licite ne signifie pas moral, éthique ou pertinent. En réalité, ce contrôle généralisé relève tout à la fois de la volonté de puissance et du voyeurisme.

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Clovis Trouille - La voyeuse

Il n’y a parfois rien de plus vulgaire que l’alibi d’être dans son bon droit  pour justifier des comportements qui ne  sont guère justifiables. Certes, le droit reconnaît à l’employeur le droit de fouiller dans les poubelles numériques de ses salariés, mais que penser d’une relation de travail établie sur de telles bases ? j’ai le droit de vous surveiller, donc je ne me pose pas la question de savoir s’il est bon de le faire. Comment mieux dire que l’on souhaite placer la relation sous le signe de la défiance ? si les chartes informatiques d’entreprise regorgent de recommandations sur la manière dont les salariés doivent utiliser l’outil informatique, on attend la charte dans laquelle l’employeur s’engage à ne pas abuser de son droit de contrôle. Dans l’attente, on reste à votre écoute.

04/07/2013

Des réalités

Serge Dassault, chasseur émérite que les juges ont en ligne de mire, est à l'origine de l'introduction dans le code du travail des actions de formation relatives à l'économie de l'entreprise qui "ont pour objet la compréhension par les salariés du fonctionnement et des enjeux de l'entreprise" (C trav., art. L. 6313-9). Si les députés, toujours soucieux de l'éducation des masses, ont voté le texte, ils ont toutefois refusé, comme le leur demandait l'industriel et patron de presse, de rendre ces formations obligatoires. Autant dire que le texte n'a strictement aucun effet cette catégorie n'ayant aucune utilité autre que proclamatoire. Il souligne tout de même un état d'esprit, celui qui consiste à penser que si les salariés comprenaient mieux les lois et réalités économiques, ils seraient plus en accord avec leurs dirigeants. Face à une telle affirmation, fêtons tout à la fois la réalité, et même l'hyperréalité, et l'arrivée de l'été avec Hilo Chen et ses peintures estivales.

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Hilo Chen - Beach - 2004

Puisque réforme de la formation il doit y avoir, suggérons aux députés, par seul souci de réciprocité, d'introduire dans le code du travail un article relatif aux réalités sociales qui ont pour objet "la compréhension par les dirigeants des réalités sociales vécues par les salariés et des enjeux liés à leurs conditions réelles d'exercice de leurs activités professionnelles". Je dis ça mais je n'ai pas l'influence de Serge Dassault et peut être que c'est l'hypperréalité d'Hilo Chen qui m'est montée à la tête. En même temps, le soleil, on avait perdu l'habitude.

03/07/2013

Dédoublement

La loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin généralise, pour les entreprises de plus de 5000 salariés, l'élection de représentants des salariés au sein du Conseil d'Administration, ou de surveillance. Il y en aura 1 si le conseil compte moins de 12 membres, 2 s'il y en a plus de 12. Même minoritaires, ces administrateurs nouveaux auront le droit de vote. Ils participeront à tous les conseils, auront accès aux informations et contribueront aux débats. Jouer ce rôle sera tout sauf évident. Pas facile en effet de concilier les relations interpersonnelles, qui peuvent devenir cordiales, la fonction de représentation des salariés et le rôle d'administrateur. Le risque de schizophrénie est bien réel.

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Je me souviens d'un secrétaire de CE et de CCE, délégué syndical central, représentant au conseil d'administration et divers autres mandats au nom d'un syndicat qui était le syndicat unique, avec une forte tradition d'opposition, au sein d'un groupe industriel. Les patrons de l'entreprise étaient des américains. Ils emmenèrent le syndicaliste au siège aux Etats-Unis, à Saint-Louis, passèrent beaucoup de temps avec lui, l'associant à tout, lui montrant tout. Le syndrôme du journaliste "embedded" et l'inverse de la confrontation frontale, dans laquelle il aurait été plus à l'aise. Un monde nouveau, des logiques qui ont leur cohérence et au final un positionnement personnel de plus en plus difficile à construire. Pour sortir du dilemne, le syndicaliste trouva comme solution de renoncer à ses mandats permanents, et de consacrer au moins une journée par semaine à son activité : remplir des sacs, les charger dans les camions, faire fonctionner les machines, assurer le nettoyage et la maintenance. En équipe au milieu des autres salariés. Pour prévenir le risque de dédoublement, rien de mieux que de se donner comme objectif de faire des liens entre les mondes.

02/07/2013

Tours et détours

Le détour pédagogique est une méthode selon laquelle le plus court chemin pour aller de A à B est de passer par C. Elle permet de déconstruire les représentations, de fréquenter de nouveaux territoires et d'aborder sous un angle nouveau de vieilles questions. La méthode n'est pas sans risque. A faire des détours on peut se perdre en route, je jamais retrouver le but ou bien faire un voyage pour rien, si à l'arrivée le regard n'a pas évolué. Existe aussi le risque que le détour ne soit qu'un tour, un artifice sans profondeur et sans valeur.

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Akram Khan, à qui on a demandé de revisiter le Sacre du Printemps, de Stravinsky, a choisi le détour. Il a fait composer une nouvelle musique à trois compositeurs et s'est éloigné du Sacre pour s'installer dans la tête de Stravinsky, d'où le titre de son spectacle  : iTMOi (in the mind of Igor). Qui aura pris le détour d'Akram Khan ne peut plus voir, ou revoir, le Sacre du printemps, sans penser au sacrifice, au gong lancinant, au diable qui rôde, à la mariée, à l'homme pris dans les rets de la vie ou à la jeune femme qui virevolte vers la libération finale et printanière, sans que ne s'efface totalement le long cheminement hivernal. Un vrai détour qui vaut le détour.

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01/07/2013

Gaston délinquant !

Tout était réuni pour que la Cour de cassation rende une décision banale : un salarié utilisait une partie de son temps de travail et le matériel de l'entreprise pour effectuer des travaux  qui lui étaient rémunérés par ailleurs. Le cas n'est pas rare de l'utilisation du matériel, et du temps, pour faire autre chose que son travail. Que cela soit sanctionnable, c'est évident. Qu'il s'agisse d'une infraction pénale, en l'occurence d'un abus de confiance, cela l'était moins. C'est pourtant ce qui a été jugé le 19 juin dernier par la chambre criminelle de la Cour de cassation.

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Ce qui n'est pas banal, c'est qu'au lieu de s'en tenir à l'affaire, les juges emploient  à dessein une formulation générale destinée à la publication : l'utilisation par le salarié de son temps de travail à d'autres fins que celles pour lesquelles il est rémunéré constitue un abus de confiance. Devient ainsi pénalement sanctionnable non seulement le travail pour autrui, mais également l'absence de travail. Tous les Gaston Lagaffe qui s'assoupissent au bureau constituent donc une bande inorganisée de délinquants coupables d'abus de confiance. Pour ne rien dire des frénétiques de la discussion extra-professionnelle, des contemplateurs maladifs, des fumeurs à répétition, des accros de la machine à café, des pianoteurs de smartphones ou des navigateurs de l'internet.  Que tout ceci puisse relever d'une responsabilité contractuelle, bien sûr, de là à pénaliser à tout va...m'enfin !

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Flagrant délit d'abus de confiance

C. Cass Chambre criminelle 19 juin 2013 - Abus de confiance.pdf

30/06/2013

Can you feel the spirit ?

Plus jeune, il ressemblait à Al Pacino. Aujourd'hui il fait penser à De Niro. Il y a pire, vous en conviendrez. Sans doute l'ascendance italo-irlandaise n'a t'elle pas totalement déserté ce visage qui sourit pendant plus de trois heures de spectacles où les titres s'enchaînent en une seule et longue traversée de l'amérique, des sentiments, des rêves et de la vie qui va. Avec Bruce Springsteen, vous êtes sur une route sans fin, le réservoir est toujours plein, le plaisir de bientôt retrouver votre amour et vos amis vous accompagne, ainsi que la nostalgie de ne pas les avoir déjà auprès de vous, et une voix vous lit Whitman et Faulkner tandis que vous roulez toujours. Pas besoin d'effets spéciaux, de sons et lumières, de gadgets technologiques : la technique est au service de l'artisanal.

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Dans le froid et pâle Stade de France, on peut à la fois se croire à un concert Rock au milieu des champs, à une session de Jazz dans un Club de Chicago, à une marche musicale à la Nouvelle Orléans ou dans un club Irlandais de New-York. Parce que finalement peu importe le lieu, l'important c'est l'esprit.

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Et dans un vieux pays de la vieille Europe, la France, dont le discours est envahi par les souches et les racines, il est particulièrement réjouissant que ce fils de migrants dans ce pays de migrants, l'auteur de Born in the USA, rappelle que l'appartenance à une communauté c'est avant tout un état d'esprit, et que quand on a l'esprit large, la communauté l'est tout autant.

Someday  this childish dreams must end

To become a man and grow up to dream again

27/06/2013

On vous l'avait bien dit...

...qu'il était inutile d'essayer de faire jouer à la rupture conventionnelle le rôle d'une transaction en insérant dans l'accord une clause par laquelle le salarié s'interdit tout recours ultérieur à propos de la rupture de son contrat de travail mais aussi, tant qu'on y est, pour tout autre motif. La Cour de cassation vient de juger qu'une telle clause est dépourvue d'effet mais que pour autant elle ne remet pas en cause la rupture conventionnelle. Encore raté pour ceux qui croient toujours que l'on peut se protéger d'un contentieux par une petite phrase en bas du contrat. 

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On peut donc toujours conclure une rupture conventionnelle et assigner ensuite son employeur soit pour contester la validité de l'accord donné (ce qui reste très difficile à établir), soit pour formuler des demandes distinctes de la question de la rupture. En fait, il n'y a qu'un évènement qui protège véritablement de tout contentieux à venir : c'est le contentieux. Le principe d'unicité d'instance interdit en effet de s'y reprendre à deux fois en matière prud'homale. Le meilleur moyen de transiger, de manière définitive, est donc de le faire devant le juge. Mais cela n'empêchera pas certains avocats de continuer à conseiller de faire du droit psychologique, celui qui marche tant que l'autre y croit. En quelque sorte, l'inverse du pari sur l'intelligence. Du coup, quand c'est raté, on va pas pleurer.

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26/06/2013

Fruits mûrs ?

L'été se noie sous le chagrin du printemps perdu sans n'avoir jamais paru. La nature accompagne le mouvement en prenant chaque jour un peu plus de retard. Cette année, les fruits viendront plus tard, s'ils ne se chargent pas d'eau et ne finissent par pourrir avant que d'être mûrs. Ainsi va le rythme du temps et des saisons qui ne se ressemblent guère. Si l'on veut voir des fruits mûrs, il faut contempler les natures mortes, si mal nommées, notamment celles de Cézanne qui voulait changer le monde avec ses pommes.

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Cézanne - Nature morte

Il semble pourtant que deux fruits mûrissent depuis si longtemps qu'ils ne devraient pas tarder à tomber  : l'obligation fiscale sur le plan de formation et la notion corrélative d'imputabilité qui enferme l'action de formation dans une corset plus étroit que la peau des pommes et poires de Cézanne. Nous pourrions enfin moins nous concentrer sur les moyens d'apprentissage, plus diversifiés, et davantage sur les fins, l'accès à la compétence et à la qualification. La réponse nous sera apportée à l'automne dans le cadre de la négociation annoncée sur la formation, ces deux points étant certainement au menu du courrier que le Ministre du Travail adressera en juillet aux partenaires sociaux. Reste à savoir si, à la période automnale, ce sont encore des fruits mûrs que l'on récoltera, ou des feuilles mortes.

21/06/2013

Souvenirs, souvenirs

Rien de plus propice à l'écoute attentive que les longs trajets la nuit, sur des routes où, contrairement à David Vincent, on ne croise âme qui vive, même les plus hasardeuses. L'heure nocturne est propice aux rediffusions mais, comme c'est étrange, ce qui est dit à 17h lorsque l'atmosphère est aux agitations multiples, n'a plus la même tonalité lorsqu'au coeur de la nuit la voix semble ralentie, plus posée, plus pleine, plus invitante à la suivre sur des chemins buissonniers qui ne peuvent s'ouvrir à chaque instant devant nous, mais seulement dans ces instants de latence où la liberté se fait plus présente. Cette nuit là donc, Cyrulnik parle de ses souvenirs.

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Clovis Trouille - Souvenir sans suite

Il parle de cette belle femme blonde et mourante sous laquelle il sa cacha pour échapper à la Gestapo et qu'il retrouva bien des années plus tard pour constater qu'elle n'était pas morte, très brune et sans doute un peu moins belle que dans le souvenir. Ce récit rappelle l'expérience réalisée par des psychologues sur des militaires américains de retour d'Afghanistan. Lors d'entretiens de debreifing, ils ont demandé systématiquement aux soldats s'ils étaient présents lors de l'attaque d'une caserne, qu'ils ont décrite, mais qui n'a jamais eu lieu. Six mois plus tard, un quart des militaires interrogés parlait spontanément de cet évènement imaginaire en affirmant avoir été présent. Du souvenir réinventé au souvenir implanté, voilà décidément de quoi perturber la crédibilité de la mémoire. Lorsque l'on sait qu'en matière pénale le témoignage et l'aveu ont toujours été privilégiés pour décider des condamnations, on ne peut que recommander au juge de se souvenir qu'au souvenir on ne peut  se fier.

20/06/2013

Tu l'as vue ma poutre ?

Le Monde de l'économie s'en émeut : la chasse aux faux masters est ouverte ! (édition du jeudi 20 juin) et la loi sur l'enseignement supérieur qui sera votée en juillet ne lésine pas en prévoyant des sanctions pénales pour les dirigeants d'établissements qui utilisent abusivement le terme de master. Il faut dire que l'univers de la certification est une nébuleuse qui découragerait l'astronome le plus acharné, obligé de constater que de cette galaxie mystérieuse il ne parvient pas à voir le bout. Commençons par conseiller à la journaliste du Monde de ne pas céder à la précipitation qui la conduit à faire de l'enregistrement au RNCP une "astuce" pour faire croire que son diplôme est un vrai. Mais si c'est un vrai et non une astuce :  et c'est d'ailleurs le seul critère qui vaille indépendamment de l'appellation, est-ce que le diplôme délivré par l'établissement est enrégistré au Répertoire national des certifications professionnelles, auxquels cas il est reconnu et garanti par l'Etat, ou non. Pour le reste, le bal des hypocrites est ouvert, autrement dit les amis de la poutre.

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Sacha Sosno - La paille dans l'oeil du voisin

Au bal des hypocrites, la danse est ouverte par la Conférence des grandes écoles. Se plaindre de la confusion entretenue par des intitulés ambigüe alors qu'on a soi même créé des Mastères (pour le non initié, il est évident que la différence entre Master et Mastère est limpide...) qui sont positionnés sur un niveau inexistant dans les nomenclatures françaises et européennes (bac + 6) et dont la majorité ne sont pas enregistrés au RNCP (la commission ayant notamment refusé lorsqu'elle a constaté que le titre permettait d'attirer sur le seul nom de l'école des candidats qui ne remplissaient les conditions pour avoir le diplôme reconnu mais qui pourront prétendre au Mastère), c'est un peu fort de café. Quand à l'Education nationale, elle pourrait nous expliquer pourquoi plus de dix ans après la création du RNCP elle n' a toujours pas été capable d'y faire enregistrer l'intégralité de ses 10 000 masters, ce qui lui permettra au passage de s'exprimer sur la confusion qui peut résulter de la profusion. Mais non, l'urgence c'est de protéger l'appellation de Master et de la refuser y compris aux diplômes qui sont officiellement reconnus par l'Etat à ce niveau. Elle est pas belle ma poutre ?