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05/12/2013

Petits et grands

D'où vient la motivation des jugements ? il faut être bien naïf pour penser que le juge, en amoureux du droit et de la règle, cherche dans le raisonnement juridique la solution possible pour les situations qui lui sont fournies. Les motivations procèdent plus souvent de la profession de foi, des convictions, de l'opinion posée sur le socle du droit, que de la stricte soumission à la règle de celui qui est chargé de son application. Pour ne rien dire des motivations inconscientes. Ou plutôt si, pour en parler. Car on peut penser que si les juges, dans une décision rendue par la Cour de cassation le 26 novembre 2013, affirment qu'il n'est pas discriminant de mettre un salarié à la retraite dès lors qu'il atteint 70 ans, sans avoir à justifier d'un quelconque motif ou de toute autre condition, c'est peut être parce qu'en tant que fonctionnaire, la même règle leur est applicable dès 66 ans (67 ans dans trois ans). Pourtant, difficile de nier qu'il s'agit bien d'un licenciement selon l'âge.

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S'il n'y a pas d'âge limite pour le travail, il y a donc un âge à partir duquel le salarié se trouve en état de précarité absolu puisque soumis à un pouvoir discrétionnaire de l'employeur. Pourtant, si les juges avaient bien voulu s'oublier un peu et porter leur regard un peu plus loin, ils auraient trouvé nombre d'exemples d'activités exemplaires bien au-delà de 70 ans, qui méritent plus de considération qu'une justification formulée comme une affirmation. Mandela avait 77 ans quand, en qualité de Président de l'Afrique du Sud, il remit la Coupe du monde de rugby à François Pienaar, avec un geste fraternel qui est le seul moyen d'effacer ces passés qui ne passent pas. Ainsi, la poignée de main entre Mitterrand et Kohl à Douaumont, qui scelle l'amitié franco-allemande après des siècles de conflit, n'a pas trouvé son équivalent s'agissant, par exemple, de la guerre d'Algérie. Certains diront qu'il faut du temps. Mandela, en grand homme, n'en a pas réclamé, il a agit.

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06/07/2013

Merci Patron !

Pierre Déjean est professeur à l'Université de Toulouse, directeur du Centre de Recherche et d'Information sur le Droit à la Formation. Enfin, était. Il ne lui est rien arrivé de grave, rassurez-vous. Il a juste pris sa retraite vendredi. Il a été, et restera certainement, mon seul patron, c'est à dire le seul à avoir réussi à faire signer, pour 3 mois, un contrat de travail à quelqu'un qui ayant lu Proud'hon assez tôt n'envisageait le salariat qu'avec terreur. A Pierre je dois donc mes trois uniques bulletins de salaire. Je lui dois aussi mille autres remerciements pour l'opportunité donnée de créer mon entreprise en me mettant non pas un fil à la patte mais un cheval et deux étriers à mes pieds, pour les occasions de participer à ces colloques et manifestations qui donnent une visibilité que l'on a bien peu à 25 ans, pour l'ambiance d'atelier d'artiste qui régnait au sein du CRIDF, pour les mission à Barcelone au temps où il existait encore un véritable barrio chino, pour la dimension poétique, c'est un euphémisme, que pouvait prendre la moindre activité et au final pour la démonstration quotidienne que liberté, plaisir et travail peuvent faire la route ensemble.


Pierre Déjean, il a trois points communs avec Pierre Richard : le prénom, le comportement et la physionomie. Cela fait beaucoup trop pour échapper au surnom facile. Mais la comparaison est artificielle. Car Pierre Richard a fait du spectacle au sein du spectacle. Pierre Déjean lui, il a réussi à faire du spectacle à l'intérieur des institutions et mettre des espaces de liberté là où ils sont loin, très loin, d'être naturels. Cette poésie du quotidien me touchait beaucoup plus que le numéro d'acteur. Plus improbable, moins attendue, plus agaçante aussi, plus dérangeante, elle me semblait un meilleur exemple d'insoumission. Pierre Déjean était un clandestin au grand jour, les meilleurs. Comme il a toujours vécu à l'envers, je suppose qu'après avoir travaillé jeune (pour ses études), pris sa retraite en pleine activité (par sa capacité à faire glisser sur lui le travail), il lui reste désormais à se consacrer à des jeux d'enfant. Puissent-ils durer longtemps. Merci Pierre !

27/05/2013

Jeunes et démissionnaires

La DARES vient de publier une analyse des cas de rupture de CDI (les fins de CDD et de missions d’intérim sont exclues) en fonction de l’âge. Une occasion de vérifier que la démission demeure, de très loin, le premier motif de départ de l’entreprise…sauf pour les salariés de 55 ans et plus, pour lesquels les licenciements sont plus nombreux que les démissions et les ruptures conventionnelles bien plus importantes que dans les autres catégories d’âge. Ce qui nous permet deux confirmations : la première c’est que l’assurance-chômage finance bien des préretraites puisque les licenciements de salariés post 55 ans reflètent moins un acharnement soudain des employeurs que la persistance de pratiques de préretraites qui ont la vie dure depuis 40 ans, soit deux générations. La deuxième confirmation c’est que plus on avance en âge et moins on démissionne, d’où des taux de licenciement plus élevés. Ce qui démontre que lorsqu’il y a une rotation rapide du personnel, il y a moins de licenciements. Par contre, dès lors que les départs volontaires sont plus rares, le taux de licenciement augmente.

 

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Les chiffres de la DARES permettent également de constater que les licenciements économiques demeurent, à tous âges, beaucoup moins nombreux que les licenciements pour motif personnel et que chez les moins de 40 ans, la démission et la rupture conventionnelle, soit les départs volontaires, représentent plus de 75 % des cas de rupture.

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Bien sur, les tableaux présentent des moyennes et masquent toujours les cas particuliers. Car il y a au moins un actif de 76 ans qui n’est pas prêt de démissionner ni de prendre sa retraite, c’est Jean-Baptiste Thiérrée. Créateur avec son épouse Victoria Chaplin, du Cirque Invisible, qui se donne à voir au Théâtre du Rond-Point jusqu’au 15 juin prochain, il produit, dans la lignée d’Alexandre Calder qui animait encore son Cirque de bout de fils de fer à plus de soixante ans, un spectacle tout en créativité, inventivité, poésie et sans recours à l’informatique, tout en mécanique et en finesse. Si vous voulez goûter à ce que le monde d’avant produisait de meilleur, courez y vite : voir son visage, c'est rire.

25/11/2010

Mythes et pratiques

Il n'aura pas fallu très longtemps pour que le mythe soit confronté aux pratiques qui le renvoient à sa condition de chimère. Et ce n'est pas une surprise. Qui peut, sans mauvaise foi, être surpris par la décision de Renault de proposer à des salariés un départ anticipé à 58 ans ? cela fait près de 40 ans que les départs anticipés tiennent lieu de politique de l'emploi et font l'objet d'un consensus total des employeurs, des organisations syndicales et de l'Etat. Initiée dans les charbonnages, cette politique s'épanouira dans la sidérurgie avant de gagner progressivement tous les secteurs d'activité, avec les encouragements de l'Etat qui financera longtemps avec le FNE les préretraites totales ou partielles. On se souvient d'IBM organisant des retraites à 52 ans à la fin des années 90, du Giat industrie plaçant la barre à 55 ans et plus récemment, alors qu'officiellement l'Etat ne soutenait plus les préretraites, de Nicolas Sarkozy Ministre de l'Economie et des Finances intervenir en 2004 en tant que médiateur auprès du Groupe Nestlé pour valider le plan de préretraites à 55 ans de l'établissement de Vergèze (source Perrier). Derrière le mythe du travailler plus, se profile l'ombre séductrice du départ anticipé : qui résisterait à une cessation d'activité avec maintien de 80 % du salaire en moyenne ?

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Toyen - Le mythe de la lumière

Ces pratiques généralisées ont ancrées deux idées durablement : la première est que 60 ans est un horizon maximum, à rebours de tous les discours, et la seconde qu'il est normal de se séparer des quinqas. Même lorsque les financements de l'Etat seront supprimées, les pratiques ne changeront guère. Les grandes entreprises s'autofinancent et les petites bricolent à coup de rupture négociée, faux licenciement, inaptitude négociée avec le médecin du travail...tout ceci aboutissant à une préretraite financée en partie par l'UNEDIC, qui n'est pas dupe mais prend en charge dans un large consensus des partenaires sociaux.

Le mythe en l'occurence est de penser que l'on peut changer quarante ans de pratiques par la loi. C'est évidemment impossible et c'est cela qui exigeait pour la loi sur les retraites une concertation longue et impliquant tous les acteurs. A recourir à la marche forcée et à la contrainte, on n'obtient des résultats formels et du contournement, comme on peut le voir en matière d'emploi des seniors. Après Vilvorde et le fameux "l'Etat ne peut pas tout" de Jospin, voici les préretraites et la surprise de l'Etat et du MEDEF. Surprise, vraiment ?

01/11/2010

La main dans le sac

La réforme des retraites est donc votée et entrera progressivement en oeuvre. Conseiller social du Président Sarkozy, Raymond Soubie fut un des artisans de cette réforme qu'il tenta, sans grand succès, de vendre aux partenaires sociaux. Le vote intervenu, Raymond Soubie annonce qu'il cesse ses fonctions de conseiller et déclare sur Europe 1 qu'il va redevenir ce qu'il a toujours été : un entrepreneur. Il oublie de souligner qu'il a donné un dernier conseil au Président avant de se retirer : celui de le nommer au Conseil Economique et Social en tant que personnalité qualifiée. Il serait démagogique de souligner que les 3 700 euros d'indemnités viendront utilement compléter le niveau de la retraite de celui qui trouve juste et équitable que ceux qui sont entrés les premiers sur le marché du travail cotisent plus longtemps sans pour autant avoir de droits supplémentaires. Et surtout ce serait faire injure à un entrepreneur aux affaires prospères de considérer qu'il a besoin de cette source de revenu complémentaire.

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Alain Garrigue - La main dans le sac - 1998

En l'occurence, ce qui peut choquer et exaspérer en cette affaire, ce n'est évidemment pas le niveau de revenus de Mr Soubie. C'est la désinvolture persistante de nos dirigeants à ne voir jamais en aucun lieu et en aucune manière de conflits d'intérêts dans les cumuls organisés d'avantages considérés comme des dus. Cette candeur dans l'absence de morale est tellement inscrite dans la culture même de la classe dirigeante qu'elle est étonnée que la question lui soit posée. On ne saurait mieux justifier que chacun n'agisse qu'en fonction de ses intérêts propres, sans souci d'exemplarité ni de cohérence. Le souci de l'intérêt général résiste peu à l'épreuve des faits. La main est dans le sac, et elle compte bien y rester.

29/10/2010

Réappropriation du temps

Le pouvoir rétractile du froid s'est encore vérifié, la chute des températures correspondant à la fonte des cortèges de manifestants. La mobilisation collective touche à sa fin. Tout rentre donc dans l'ordre. Nous travaillerons plus longtemps et nous serons bientôt livrés en essence pour pouvoir le faire.

Que faire pour se prérarer à prendre sa retraite plus vieux ?  passer à l'action individuelle. Faire de la réappropriation du temps, du rythme, de son travail, de sa vie, de sa manière de corporer, un objectif en soi. Ne pas subir. Pour ne pas être contraint par les temps sociaux imposés, il faut créer, ou recréer, un temps personnel habitable. Cela commence tout de suite.

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C'est à la portée de tous, nous sommes en  ce domaine nos pires ennemis. Votre corps et votre esprit vous appartiennent. Il ne tient qu'à vous. Et pour vous entraîner, quelle meilleure période qu'un week-end de trois jours avec une heure de plus volée à la grande horloge du temps. Profitez, vivez l'instant. Par définition, nous avons toute la vie devant nous. Et le meilleur est toujours à venir.

19/10/2010

Pensée catégorielle

La chanson date de 1935. Ecrite par Jean Nohain, sur une musique de Mireille, elle était chantée par Maurice Chevalier. Une autre époque, je ne vous le fais pas dire. Mais faisons le test : est-ce que l'air vous revient à l'esprit lorsque vous lisez "Quant une marquise, rencontre une autre marquise, qu'est-ce qu'elles se disent ? des histoires de marquises". Si la ritournelle a marqué les esprits et traversé le siècle, c'est sans doute qu'elle faisait écho en nous. Rappelons que le refrain de la chanson est : "Chacun sur terre se fout, se fout, des petites affaires de son voisin du dessous ; Nos petites affaires, à nous, à nous, nos petites affaires c'est ce qui passe avant tout". L'idée que l'on agit jamais que dans son propre intérêt semble donc une vérité admise qui conduit parfois à s'étonner, voire à s'indigner, que certains puissent défendre d'autres intérêts que les leurs. Ainsi, ceux là même qui  souvent vilipendent les revendications catégorielles s'étonnent aujourd'hui que les lycéens et étudiants participent aux manifestations contre la loi sur la retraite, eux qui ne seront concernés  que dans 50 ans, au bas mot. Ceci revient, de fait, à n'admettre que les revendications corporatistes et à ne reconnaître comme légitime que les manifestations décidées par les syndics de la corporation. Difficile donc de critiquer à la fois les étudiants et les revendications catégorielles.

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Rembrandt - Le syndic des drapiers - 1662

On peut également constater qu'après chaque élection, il se trouve toujours une équipe de journalistes pour aller voir pourquoi dans un village rural on a voté pour le Front national alors qu'il n'y a pas d'immigrés dans la commune. Validant ainsi la double stupidité que l'on ne peut voter qu'en fonction de ce qui se passe sur le petit périmètre de son territoire et qu'il est normal de voter Front national en présence d'immigrés.

S'étonnera-t-on demain de trouver des hommes pour manifester en faveur du droit à l'avortement, des citoyens n'ayant jamais connu la prison pour l'amélioration des conditions de détention, des nationaux en faveur des migrants ? Est-il si choquant qu'un citoyen se sente concerné par tout ce qui fait la vie sociale, culturelle, économique en un mot la vie de la collectivité à laquelle il appartient ? il serait au contraire hautement souhaitable pour le pays que l'on voit des individus se mobiliser pour des causes qui vont au-delà de leurs intérêts personnels. La démocratie politique, et la démocratie sociale, sont censés être fondées sur le désintéressement, c'est-à-dire l'intérêt pour les affaires des autres plutôt que les siennes propres. Peut être serait-il bon d'en revenir à ce principe. Ainsi, l'on pourrait sans être marquis s'intéresser aux histoires de marquises, surtout lorsqu'il s'agit de Luisa Casati, la marquise de l'étrange.

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Giovanni Boldini - La marquise Casati - 1809

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La marquise Casati - Man Ray - 1922

12/10/2010

Manifestation intensive

Il est souvent bon de rappeler des évidences, peut être même faudrait-il commencer par cela. Il fut ces jours-ci répondu à cette injonction de diverses manières.

Lors d'un Congrès HR, DRH et consultants s'entendirent pour considérer qu'après avoir créé des outils, la GPEC devait s'attacher à donner du sens. Voilà qui aurait pu être utilement rappelé il y a quelques années tant pour la GPEC que pour le knowledge management.

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Jean-Marie Haesslé - Intensive Knowledge - 1995

Persuadée également des bienfaits de l'évidence, la Cour de cassation vient de rappeler qu'une entreprise ne peut attendre 5 semaines pour procéder à un licenciement pour faute grave. L'entreprise invoquait en vain que le Code du travail lui laisse deux mois pour prononcer une sanction disciplinaire. Imperturbable, force de l'évidence, le juge rappelle que la faute grave étant définie par l'impossibilité de poursuivre la relation de travail, elle impose une rupture quasi-immédiate (Cass. soc., 6 octobre 2010).

Enfin, on peut relever que Luc Chatel a rappelé que "la réforme des retraites, c'est la réforme des jeunes". Une nouvelle manifestation de l'évidence. Intensive.

18/06/2010

Egalité équitable

L'égalité c'est quand la norme est la même pour tous. Par exemple, la retraite a 60 ans. Ou à 62 ans. Ce qui paraît relever du bon sens ne va pourtant pas de soi. L'égalité apparente de droit dissimule souvent une inégalité réelle de fait. Ainsi, en fixant un âge légal identique pour tous sans tenir compte du fait que l'entrée sur le marché du  travail se fait entre 16 et 26 ans, on pénalise ceux qui ont commencé à travailler le plus tôt. Doublement. Celui qui travaille à 16 ans finance par son travail et ses impôts un système éducatif public dont il a été exclu, qui bénéficie à ceux qui y sont restés et il devra désormais cotiser pendant 46 ans avant de pouvoir bénéficier d'une retraite. La France aime bien l'égalité formelle, celle qui proclame une égalité de droit de façade. Certains ont trouvé la solution : remplacer l'égalité par l'équité. L'équité conduit à prendre en compte la situation de chacun pour aboutir à une égalité effective, ce qui conduit à des règles particulières. Le concept a parfois été utilisé pour remettre en cause l'idée même d'égalité et aboutir à une divisibilité des groupes sociaux excluant quasiment toute idée de solidarité sans laquelle la notion d'équité n'a pourtant aucun sens.

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Yves Tanguy - Divisibilité indéfinie - 1942
Il est en effet absurde d'opposer égalité et équité, car cela conduit inévitablement à buter sur les limites de chaque notion. L'exigence est d'articuler les deux afin les conforter et de les garantir. C'est en effet en étant équitable que l'égalité est réelle, et c'est par sa fin égalitaire que la différenciation au nom de l'équité se justifie. L'application de ces principes conduirait, en matière de retraite, à fixer une règle égalitaire qui impose à tous le même temps de travail (donc à raisonner en terme de temps cotisé et non de volume de cotisation -ce qui exclut le rachat par exemple-) et qui permet de faire valoir ses droits dès que le temps de cotisation est atteint. Ce qui fixe l'âge de la retraite à la durée exigée de cotisation + 16 ans. Soit, pour une durée de cotisation de 42 annuités par exemple, un âge de la retraite à 58 ans pour ceux qui ont travaillé le plus tôt, et de 67 ans pour ceux qui ont commencé à travailler à 25 ans. Et l'on comprend dès lors pourquoi c'est rarement sous cet angle que la question est abordée.

08/03/2010

Symboles

"Il est dans l'essence des symboles d'être symboliques". La formule est de Jacques Vaché. Elle peut être réutilisée ces temps-ci car de quelques symboles il ne semble demeurer que le symbolique. Il est fait allusion ici à deux emblèmes de notre vie sociale : les 35 heures et la retraite à 60 ans. Il faut, paraît-il, ne toucher ni aux unes ni à l'autre. La durée légale du travail et l'âge légal de la retraite sont des acquis que l'on ne saurait remettre en cause. C'est que les symboles ont la vie dure. Pourtant, la durée réelle du travail des salariés à temps plein s'établit en France à 39,3 heures et l'âge de départ effectif à la retraite à 61,5 ans. Mais les symboles demeurent auxquels, semble-t-il, quelques uns croient encore, ou peut être feignent-ils d'y croire à moins qu'ils ne souhaitent nous y faire croire. Félicien Rops, qui s'y connaisssait en symboles, aurait pu utiliser son fameux Pornokrates pour illustrer les dérives de la gouvernance démocratique en ce début de XXIème siècle.

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Félicien Rops - PornoKrates - 1878

Qui est le maître de l'autre et qui est aveugle ? Ne soyons pas trop grave toutefois en ce lundi matin et puisqu'il a été fait référence à Jacques Vaché, voici l'intégralité de la lettre envoyé à André Breton le 29 avril 1917 depuis le front. On pourra avoir idée de ce qu'est le véritable humour en ces circonstances.

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Jacques Vaché - Photo et autoportrait
Cher Ami,
...Je vous écris d'un ex-village, d'une très étroite étable-à-cochon tendue de couvertures — Je suis avec les soldats anglais — Ils ont avancé sur le parti ennemi beaucoup par ici — C'est très bruyant — Voilà....Et puis vous me demandez une définition de l'umour — comme cela ! —« IL EST DANS L'ESSENCE DES SYMBOLES D'ÊTRE SYMBOLIQUES » m'a longtemps semblé digne d'être cela comme étant capable de contenir une foule de choses vivantes: EXEMPLE: vous savez l'horrible vie du réveillematin — c'est un monstre qui m'a toujours épouvanté à cause que le nombre de choses que ses yeux projettent, et la manière dont cet honnête me fixe lorsque je pénètre dans une chambre — pourquoi donc a-t-il tant d'umour, pourquoi donc? — Mais voilà: c'est ainsi et non autrement — Il y a beaucoup de formidable UBIQUE aussi dans l'umour — comme vous verrez — Mais ceci n'est naturellement — définitif et l'umour dérive trop d'une sensation pour ne pas être très difficilement exprimable — Je crois que c'est une sensation — J'allais presque dire un SENS — aussi — de l'inutilité théâtrale (et sans joie) de tout.Quand on sait.Et c'est pourquoi alors les enthousiasmes (d'abord c'est bruyant), des autres sont haïssables — car — n'est-ce pas — nous avons le génie — puisque nous savons l'UMOUR — Et tout — vous n'en aviez d'ailleurs jamais douté? nous est permis. Tout ça est bien ennuyeux, d'ailleurs.Je joins un bonhomme — et ceci pourrait s'appeler OBSESSION — ou bien — BATAILLE DE LA SOMME ET DU RESTE — oui.Il m'a suivi longtemps, et m'a contemplé d'innommables fois dans des trous innombrables — Je crois qu'il essaie de me mystifier un peu — J'ai beaucoup d'affection pour lui, entre autres choses.

04/11/2008

Il n'y a pas d'âge limite pour la retraite

Les journaux en ont fait de gros titres : "Les salariés vont pouvoir travailler jusqu'à 70 ans" et mieux vaut passer sous silence les commentaires politiques. L'amendement en passe d'être voté par le Parlement sur la mise à la retraite d'office se prête à toutes les désinformations. En réalité de quoi s'agit-il ? il n'existe pas d'âge maximum pour travailler et le statut de salarié s'accomode fort bien de l'âge. Par contre, il existe depuis 1987 une loi qui prévoit deux modes de rupture du contrat de travail spécifiques à la retraite : la mise à la retraite d'office et le départ à la retraite. Cette loi de 1987 a privé d'effet, en les rendant nulles, les clauses dites "couperet" qui imposaient une rupture automatique du contrat de travail en fonction de l'âge du salarié. Depuis 1987 donc, le salarié peut prendre l'initiative de partir à la retraite dès lors qu'il est en âge de faire liquider une pension, soit à partir de 60 ans, et l'employeur peut mettre à la retraite d'office, c'est-à-dire sans motif, un salarié dès lors qu'il à 65 ans ou qu'il a entre 60 et 65 ans, tous ses trimestres et qu'un accord collectif le permet. Cette dernière possibilité devant expirer fin 2009.

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Bernard Edouard Swebach - Retraite de Russie

Par rapport au régime actuel, l'amendement supprime donc la retraite d'office, ou plutôt la subordonne à l'accord du salarié qui pourra pendant 5 ans s'opposer à sa mise à la retraite par l'employeur. Objectivement il s'agit donc d'un droit supplémentaire pour le salarié qui n'est plus soumis à la décision unilatérale de l'employeur. La CGPME ne s'y est pas trompé qui n'est pas favorable à la mesure. Pourquoi le MEDEF appuie-t-il cette disposition ? parce qu'il préfère une mesure qui prive le chef d'entreprise d'un pouvoir propre mais qui renforce l'idée que le travail est central. Pourquoi alors les oppositions syndicales ? moins pour la mesure elle même que pour les suites : la crainte d'un report du taux plein automatique de 65 à 70 ans et de la possibilité élargie de cumul emploi-retraite comme justificatif à la non revalorisation des retraites. Au final, comme souvent, des débats qui portent moins sur le contenu du texte que sur ses alentours.

16/10/2008

Le cumul vient avec l'âge

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de supprimer la mise à la retraite par l'employeur (voir chronique du 26 septembre). Il prévoit également d'autoriser le cumul total entre pension de retraite et revenus tirés de l'activité professionnelle dès lors qu'une des deux conditions suivante est remplie : le salarié est âgé d'au moins 65 ans ou bien il est âgé d'au moins 60 ans et dispose de l'intégralité de ses trimestres pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Il faudra également avoir fait liquider l'intégralité de ses pensions de retraite (régime obligatoire et complémentaire). Pour les salariés qui ne remplissent pas ces conditions, le cumul restera possible dans les conditions actuelles, c'est-à-dire dans la limite du dernier salaire.

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Cumulus humilis
Il sera donc possible à partir de 2009 d'avoir à la retraite un revenu supérieur à celui de l'activité, par cumul entre l'activité salariée et la retraite. Toutes les études actuelles montrent que les jeunes générations paient pour les précédentes, soit en terme de cotisations pour les retraités en vertu du système de répartition, soit en perte de niveau de salaire par rapport aux salaires des salariés plus âgés, soit encore en terme de chômage. Il est probable que cette mesure nouvelle n'inversera pas la tendance.

26/09/2008

La fin de la mise à la retraite

Le plan gouvernemental pour l'emploi des seniors a été intégré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui sera adopté à l'automne. Dans ce projet figure la suppression totale de la possibilité pour une entreprise de mettre à la retraite un salarié à compter du 1er janvier 2010. Cette échéance est également celle de la fin de validité des accords dérogatoires qui permettent aujourd'hui de mettre un salarié à la retraite d'office entre 60 et 65 ans s'il réunit le nombre de trimestres suffisants pour bénéficier d'une retraite à taux plein. D'ici à peine plus d'un an, le départ à la retraite ne pourra donc plus s'effectuer qu'à l'initiative du salarié.

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Bernadette Leclercq - Mouche à la retraite

Cette mesure, a priori favorable pour le salarié qui choisira librement (ou économiquement) la date de sa retraite, pourrait de fait se révéler peu avantageuse : l'indemnité de mise à la retraite est souvent, dans les conventions collectives, plus importante que l'indemnité de départ à la retraite laquelle est moins bien traitée fiscalement et socialement. Par ailleurs, la nouvelle rupture conventionnelle perd toute exonération fiscale et sociale pour les salariés de plus de 60 ans et ne constituera pas une solution alternative. Ce qui permet de penser que les petits arrangements sous forme de licenciement fictif assorti d'une transaction ont encore de beaux jours devant eux.

18/07/2008

Pénibilité : double échec

Les négociations sur la pénibilité ont pris fin après trois années de discussions (peut-on vraiment parler de négociations ?) et il s'agit d'un double échec.

Le premier échec porte sur le fond et se déduit tout simplement des chiffres suivants portant sur la probabilité de décès entre 35 et 65 ans (source CNAMTS - 2005) :

Cadres et professions libérales 13%
Agriculteurs exploitants 15,5%
Professions intermédiaires 17%
Artisans, commerçants 18,5%
Employés 23%
Ouvriers 26%

 En d'autres termes, les retraites par répartition consacrent une inégalité devant la durée de vie : plus le niveau de profession est élevé et plus on est à même de profiter de la retraite. Le moyen de rétablir l'égalité est soit de prendre en compte la pénibilité du métier (c'est donc raté) soit de passer par une retraite qui supprime l'âge de la retraite et prend en compte une durée de cotisation  identique pour tous (40 ans par exemple, soit une retraite à 56 ans pour celui qui a commencé à travailler à 16 ans contre une retraite à 65 ans pour celui qui a commencé à travailler à 25 ans).

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Le second échec est celui du dialogue social : si toute négociation n'est pas condamnée à se conclure par un accord, ne pas arriver à acter au bout de trois ans de travaux un relevé de conclusions qui reprennent les points qui recueillent l'assentiment de tous ou au moins les positions respectives des parties, ce qui est une des règles de base de la négociation loyalement conduite, pour remettre intégralement le sujet dans les mains de l'Etat, constitue en ces temps de jacobinisme échevelé une défaite tactique et morale des partenaires sociaux pris dans leur ensemble.