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22/07/2013

Exclusion-Inclusion

Je pense avoir découvert l'inclusion avec les porte-clés et leurs publicités insérées au coeur de ronds, carrés, coeurs, ovales de plastique transparents.

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On m'a ensuite offert une boîte de jeu dénommée PLASTIC 2000 qui permettait de réaliser soi-même ses inclusions. Je ne pense pas en avoir réalisé une seule, mais la boîte me fascinait. Pourtant, inclure c'était enfermer, emprisonner, immobiliser, et je préférais de loin l'exclusion, mère de toute les libertés. Je retrouvai bien plus tard cette opposition dans les inclusions de Damien Hirst.

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Damien Hirst - Saint-Sébastien - 2007

Entre temps, j'avais constaté dans un autre domaine, que l'on utilisait l'exclusion lorsque l'on se proposait d'inclure. Ainsi, tous les contrats de travail dont l'objectif est l'inclusion de jeunes  (apprentissage, professionnalisation) ou de personnes en difficulté (contrat initiative-emploi, contrat d'accès à l'emploi, contrat unique d'insertion) commencent par exclure leurs bénéficiaires du droit commun pour mieux les inclure. Curieuse logique que celle qui consiste à tenter de ramener vers le droit commun en commençant par y déroger. Technique des petits pas me dit-on. Contradiction fondamentale est ma réponse. Apparemment, l'avocat général près la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) partage mon avis. Il vient de considérer que la loi française qui exclut du calcul des effectifs de l'entreprise les salariés en contrat d'insertion était contraire à la directive européenne  qui garantit le droit à la représentation des salariés. En effet, lorsque l'employeur a une activité qui le conduit à recourir massivement aux contrats en insertion, il peut ne pas avoir à mettre en place de représentation du personnel. Les salariés de l'association marseillaise à l'origine de l'affaire sont plus de 120 et pour autant n'ont pas de comité d'entreprise. Si la CJUE suit les conclusions de son avocat général, il va falloir sérieusement recompter...et inclure.

18/06/2013

C'est arrivé près de chez vous

Un travailleur payé 132 euros pour 60 heures de travail mensuel, soit 2,20 euros de l'heure, est chargé de faire de la prospection commerciale par téléphone. Il passe un coup de fil personnel. L'entreprise qui le fait travailler met fin à la prestation, sans licenciement. Le travailleur obtient gain de cause, le 8 février dernier devant le Conseil des Prud'hommes de Paris. Depuis le 14 juin dernier, il sait qu'il va perdre en appel et qu'il ne percevra jamais l'indemnité de 6 500 euros que le juge lui avait allouée. Pourquoi ? parce qu'il s'agit d'une personne incarcérée et que le Conseil Constitutionnel vient de juger qu'il n'est pas contraire à la Constitution d'exclure les prisonniers du droit du travail.

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Cette décision permet donc de continuer à rémunérer à hauteur de 20 % du SMIC des personnes qui effectuent un véritable travail. Il y a bien des années, lorsqu'a débuté la valse des contrats aidés (TUC, SIVP, CES...), j'avais à de multiples reprises produits quelques travaux et publications reposant sur le constat que le meilleur garant de l'insertion c'est certes la rémunération mais surtout la reconnaissance et la qualification. Rien n'insère mieux que l'accès au droit commun qui par définition est le seul qui permet d'appartenir vraiment à la communauté. Bien sur le Conseil tente d'y mettre les formes. Il invite le législateur à mieux garantir le statut des travailleurs en prison, mais il affirme parallèlement qu'aucun principe Constitutionnel, aucun droit fondamental n'est mis en cause par le fait que la relation de travail du prisonnier soit exclusive de tout contrat de travail. Cette affirmation, que rien ne vient étayer dans le raisonnement, vient d'envoyer la confirmation aux prisonniers qu'ils ne sont plus tout à fait des citoyens, que leur travail ne vaut pas bien cher et par là même eux non plus. Pour réinsérer, il doit y avoir mieux.

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19/04/2012

Aprender trabajando

Il existe tout un courant d'éducateurs et d'enseignants qui voient dans le concept de compétences une énième manipulation pour assujettir les travailleurs aux exigences des entreprises. La compétence est ainsi accusée, dans le désordre, de faire intégrer les contraintes de l'organisation au salarié, de réduire la connaissance à du savoir-faire, de transformer le salarié en acteur mécanique de sa profession, de tayloriser les comportements, de tuer toute velléité de pensée critique ou encore, sans prétendre à l'exhaustivité, de constituer un obstacle permanent à la culture.

C'est oublier que la notion de compétence n'est pas née sous la plume de théoriciens du management cherchant la recette miracle de la motivation du salarié, mais des acteurs associatifs de l'insertion.

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L'approche par les compétences a permis à des organismes travaillant avec des personnes en reprise d'activité ou ayant été éloignées très longtemps du marché du travail, d'utiliser des leviers pour leur reconstruction personnelle, leur confiance et leur professionnalisme. Face à des gens qui exprimaient ne savoir rien faire ou plus simplement ne rien savoir, il s'agissait par un passage en revue méthodique de leurs activités, d'identifier les compétences développées et de conduire ce travail d'explicitation comme un travail de conscientisation et de revalorisation personnelle. L'association Retravailler a été une des premières organisations à développer ces méthodes avec des femmes en situation de retour sur le marché du travail après avoir élevé leurs enfants. Le dessin ci-dessus illustre le travail conduit auprès d'enfants mexicains travaillant dans la rue pour redémarrer un travail éducatif.

Quant au reproche de réduire la connaissance au savoir-faire, il traduit un contresens. Ce n'est pas parce que la compétence s'exprime dans l'activité qu'elle ne mobilise ni culture, ni connaissance, ni réflexion critique, ni capacité de pensée autonome. C'est confondre la finalité de la compétence et la manière dont elle se construit et s'exprime. C'est traiter tout travail comme une aliénation alors que certains emplois seulement sont de cette nature.

La véritable question n'est pas celle de la compétence, ni de sa traduction opérationnelle, elle est plutôt dans le contenu du travail : plus celui-ci est mécanique,  répétitif, dépourvu de toute variabilité et d'évolution, et moins il y aura compétence, mais également culture et connaissance. Par contre, si le travail, ou plus largement l'activité, se déploie sur un champ large, alors est offert un support pertinent pour développer ses compétences, c'est à dire son professionnalisme et soi. Si vous n'y  croyez pas, demandez aux enfants mexicains.

09/10/2009

Aux frontières du diplôme

Il y a quelques années, Alain Lebaube, journaliste au Monde, écrivait un livre intitulé "Social, par ici la sortie" dans lequel il démontrait que l'Education nationale et l'entreprise entretenaient soigneusement une ignorance réciproque permettant à chacun de rester sur son quant à soi et de ne jamais évoluer. D'un côté le reproche récurrent de ne préparer les étudiants à rien et de n'apporter aucune compétence, de l'autre celui de confiner dans des emplois sans intérêt des étudiants ayant un bagage supérieur. En caricaturant : "Vous formez des incapables" contre "Vous gachez notre enseignement" (et non vous gachez nos génies, étant entendu que les génies sont les enseignants).

Dans "La peur du déclassement", Eric Maurin montre pourtant que le taux de chômage est directement corrélé au niveau de diplôme et que ce phénomène ne fait que s'accroître avec les années. En clair, jamais le diplôme n'a eu autant de valeur (ceux qui crient à la dévalorisation du diplôme par la démocratisation de l'enseignement supérieur sont donc soit mal informés, soit pétris de mauvaises intentions) et jamais l'échec scolaire n'a été autant sanctionné.

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Source : Les Echos/Enquête emploi de l'INSEE 1975-2008

Paradoxe du recrutement massif de diplômés assorti d'une critique assidue du diplôme. Politique du moins pire ? (à tout prendre, mieux vaut un diplômé), syndrome d'identification du recruteur ? (je recrute qui me ressemble, et je suis diplômé), reconnaissance de la valeur des formations suivies que l'on décrie par ailleurs ? (tout n'est pas à jeter dans l'EN)....lecteur ajoute ton hypothèse, mixe les précédentes ou choisis ton camp !

Osons une dernière explication : après la certification des organisations, nous en sommes aujourd'hui à la certification des personnes, le tout formant un vaste système d'assurance censé garantir la qualité. Si cette hypothèse est la bonne, nous n'en avons pas fini avec les diplômes, certifications, habilitations, permis, agréments et autres passeports indispensables pour l'emploi. Avec le risque, déjà bien réel apparemment, que le diplôme devienne un passeport : à la fois outil de liberté pour passer les frontières et instrument d'exclusion pour ceux qui n'en ont guère.

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