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16/08/2013

Impermanences

Impressions fugaces à effet durable :

 

Marcher la nuit dans Harajuku ;

Le port de Nagasaki et ses parfums de comptoir colonial ;

Les Gozaimaaaaaassss lancés à toute occasion et chantés par les voix haut perchés des japonaises ;

Les toris vermillons des temples shintoistes et de la colline des toris à Kyoto ;

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L’envie de prendre tous les trains et d’attendre dans toutes les gares ;

La facilité avec laquelle, comme partout, on peut se retrouver seuls ;

Les regards vifs, rapides, qui vous détaillent façon puzzle en prenant soin de ne pas vous regarder ;

Le moine qui nous fit sonner cinq fois  la cloche du temple pour tout le quartier, un soir à Nagasaki ;

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L’attention permanente et souriante portée à l’autre ;

L’art de la synthèse ;

La beauté des enfants dans un pays où la natalité décline dramatiquement ;

La présence de la montagne et la culture terrienne dans cet archipel qui donna si peu de marins ;

La cloche d’Hiroshima le 6 août à 8h15 ;

L’action-pensée et la pensée-action ;

Les wagons du métro réservés aux femmes à Osaka, pour éviter les tripotages compulsifs ;

Le vieux monsieur qui tient restaurant dans sa cuisine à côté du  temple Daitoku-ji à Kyoto ;

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L’eau qui coule ;

La présence animale, en tout lieu, à toute heure ;

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Les rues de Shinsekai, un dimanche de canicule ;

Les mille et un kilomètres de galeries marchandes couvertes (bazar, luxe, restaurants, étalages, viande, poisson, dégustations, magasins à 100 yens, boutiques à touristes, karaokés, fripes, solderies et tout le reste, et tout le reste) ;

Le romanesque des love-hôtels, qui ont souvent des noms français, dont le très bel hôtel La cachette à Tokyo ;

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La commodité de régler sa montre sur le passage des trains ;

La curiosité et l’attention des visiteurs de l’exposition Francis Bacon au Musée municipal de Toyota et particulièrement le regard du paraplégique devant les corps tordus ;

La capacité de la végétation à imaginer de nouvelles nuances de vert ;

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La lecture magnétique de Pickpocket de Funimori Nakamura ;

Les corps courbés sur les téléphones portables ;

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Les trois générations de japonais engrangeant de petites billes argentées dans le vacarme des pachinkos ;

Les invraisemblables enchevêtrements de fils électriques qui, paraît-il, ne peuvent être enterrés à cause des séismes. En réalité, orgueil de montrer que tout ce bordel fonctionne parfaitement ;

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Les démarches chaotiques, en forme de vol de papillon, les pieds en dedans des jeunes filles kawais, le peu de sourires sur les visages des salary men ;

La vieille dame qui riait en nous donnant des poignées de bonbons sur la Yamanote Line ;

Les hôtels Rose Lips et Rose Garden ;

La similitude des corps, la diversité des visages ;

Le shinkansen qui raccourcit les distances, mais aussi le temps. Puisse-t-il raccourcir celui du retour au Japon.

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21/06/2013

Souvenirs, souvenirs

Rien de plus propice à l'écoute attentive que les longs trajets la nuit, sur des routes où, contrairement à David Vincent, on ne croise âme qui vive, même les plus hasardeuses. L'heure nocturne est propice aux rediffusions mais, comme c'est étrange, ce qui est dit à 17h lorsque l'atmosphère est aux agitations multiples, n'a plus la même tonalité lorsqu'au coeur de la nuit la voix semble ralentie, plus posée, plus pleine, plus invitante à la suivre sur des chemins buissonniers qui ne peuvent s'ouvrir à chaque instant devant nous, mais seulement dans ces instants de latence où la liberté se fait plus présente. Cette nuit là donc, Cyrulnik parle de ses souvenirs.

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Clovis Trouille - Souvenir sans suite

Il parle de cette belle femme blonde et mourante sous laquelle il sa cacha pour échapper à la Gestapo et qu'il retrouva bien des années plus tard pour constater qu'elle n'était pas morte, très brune et sans doute un peu moins belle que dans le souvenir. Ce récit rappelle l'expérience réalisée par des psychologues sur des militaires américains de retour d'Afghanistan. Lors d'entretiens de debreifing, ils ont demandé systématiquement aux soldats s'ils étaient présents lors de l'attaque d'une caserne, qu'ils ont décrite, mais qui n'a jamais eu lieu. Six mois plus tard, un quart des militaires interrogés parlait spontanément de cet évènement imaginaire en affirmant avoir été présent. Du souvenir réinventé au souvenir implanté, voilà décidément de quoi perturber la crédibilité de la mémoire. Lorsque l'on sait qu'en matière pénale le témoignage et l'aveu ont toujours été privilégiés pour décider des condamnations, on ne peut que recommander au juge de se souvenir qu'au souvenir on ne peut  se fier.