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06/09/2013

Des comptes, comme s'il en pleuvait

On savait que la période était aux comptables, on ne s'étonnera donc pas de la prolifération des comptes. A peine le compte personnel de formation est-il né de la loi de sécurisation de l'emploi, sans que pour autant personne sache à quoi il ressemblera, que voici le petit frère, le compte personnel de prévention de la pénibilité. Et comme dans les bonnes fratries on va faire en sorte qu'ils s'entendent bien à prévoyant qu'ils fonctionneront de concert. Les principes du compte personnel de prévention de la pénibilité (le C3P donc) sont relativement simples : tout salarié occupant un emploi répertorié comme pénible acquiert 1 point par trimestre. Le cumul des points lui ouvre droit  soit à formation pour exercer un métier moins pénible, soit à passage à temps partiel avec salaire maintenu soit à une retraite anticipée. Trois manières d'alléger la pénibilité.

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Futur bénéficiaire du compte ?

Selon le Gouvernement, 10 points (soit 2,5 ans) ouvriront droit à 50 jours de formation pour exercer un métier moins pénible. Ce qui va réouvrir le dossier du classement des emplois dans les métiers pénibles ou pas, selon les dix facteurs définis par la règlementation (Les manutentions manuelles de charges lourdes ; les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations ; les vibrations mécaniques ; les agents chimiques dangereux, y compris les poussières et les fumées ; les activités exercées en milieu hyperbare ; les températures extrêmes ; le bruit ; le travail de nuit ; le travail en équipes successives alternantes ; le travail répétitif.) et mettre une pression supplémentaire, en complément du compte personnel de formation, pour que l'entreprise forme les salariés qui se forment habituellement le moins, et pas sur des formations de deux jours.  Au final, c'est pour les services ressources humaines que la mise en oeuvre du compte risque de s'avérer pénible.

05/09/2013

DISTRIBUTEUR (2)

Le 10 Octobre prochain DEMOS  organise les premiers Trophées du Responsable Formation (Ici). Les candidats seront invités à un séminaire consacré aux compétences durables, puisque seront récompensées principalement les responsables formation qui ont contribué à développer des compétences durables. Mais qu'est-ce qu'une compétence durable ? encore un effet de mode qui surfe sur les bonnes intentions ou tente d'habiller de formules nouvelles de vieilles idées ? peut être pas. Juste la conviction qu'il ne suffit pas d'être passé par le distributeur de compétences, la formation par exemple, pour disposer de compétences durables.

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La compétence non durable, c'est celle qui se limite à des capacités d'exécution, de mise en oeuvre, de reproduction et qui finalement est la négation même de l'autonomie professionnelle. C'est celle qui est faite de normalisation, de prescription, de conformité, de contrôle et de standardisation des comportements. La compétence durable c'est celle qui structure l'activité, augmente l'autonomie, libère les capacités créatives, permet de faire face à l'inattendu, inclut la capacité à apprendre de ses expériences, donne des outils tout terrain qui permettent de structurer une démarche, une réflexion, une action. Ce sont des compétences de la confiance, par opposition aux compétences de la défiance que sont ces recettes que l'on souhaite inculquer et que l'on vérifier à coup de quizzs déshumanisants. Et avec tout ça, je ne sais même pas si le créateur ou la créatrice de Kumamon avait des compétences durables.

04/09/2013

DISTRIBUTEUR

Certes, ils sont nombreux à me dire la même chose. Que cette année c'est particulièrement difficile de s'y remettre. Pourquoi ? mystère. L'insuffisance d'été après l'absence de printemps, le trop peu de congés, les mistoufles de la rentrée (factures, impôts, ...), les déprimants et lénifiants éléments de langage, comme ils disent, de politiques en manque total d'imagination et de créativité, l'inexorable montée du chômage qui conduit à se réjouir, comme sous le Gouvernement précédent, qu'il augmente moins vite que le mois d'avant, l'interminable sortie d'une crise financière, puis économique, puis budgétaire et qui finit par n'être plus qu'interminable ou bien quoi encore ? je n'en sais rien. Mais ce que je sais c'est que si par hasard je croise un distributeur de voyages, j'aurai du mal à résister. Il fait encore soif.

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03/09/2013

Ricochet

Rentrée des classes sous le signe de l'été indien, qui annonce les lents changements de saison. En matière de rythmes scolaires, par contre, le changement est plutôt rapide. Sur le fond, travailler moins chaque jour et avoir d'autres activités que la classe, il n'y a pédagogiquement rien à redire et il n'était que temps de rompre avec les longues journées dont la linéarité s'accorde mal avec la sinusoïdale concentration humaine. Il est plus difficile de comprendre pourquoi, en maternelle, il faut aussi adopter le rythme nouveau qui impose un lever supplémentaire dans la semaine, alors qu'il ne s'agit pas d'alléger des enseignements mais d'ajouter des activités à d'autres activités. Pas d'autre explication que l'effet ricochet.

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Pierre Haeder -  Ricochet

L'effet ricochet c'est que dans une école primaire, difficile de gérer les différentes classes sur des rythmes non homogènes, et le temps de travail des enseignants avec. Donc, les petits comme les plus grands, et en avant ! le problème avec les ricochets c'est que ça se termine toujours par un plouf. Mais faisons confiance aux intéressés pour franchir allègrement tous ces petits obstacles et foncer droit devant.

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02/09/2013

La dernière loi

Le conseil des prud’hommes de Compiègne a donc donné raison aux salariés de CONTINENTAL, pour trois raisons. La première est que le droit des sociétés ne peut faire obstacle au droit social et que lorsqu’une filiale obéit aux injonctions de sa société mère, celle-ci acquiert la qualité de coemployeur et les responsabilités qui vont avec. La seconde est que réduire les coûts après un endettement du à des choix stratégiques hasardeux n’est pas un motif économique. La troisième est que l’obligation de reclassement ne peut se réduire à l’envoi de mails entre services RH. Soit trois questions fondamentales en une seule décision.

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Henri Rousseau - Le lion, ayant faim, se jette sur l'antilope

Les réactions des mécontents n’ont pas tardé. Tout d’abord ceux qui pensent que juridiquement tout cela ne tient pas la route, que les Conseils des prud’hommes ne font pas du vrai droit et que la Cour d’appel y remettra bon ordre. Ceux-là devraient se souvenir que le juge administratif s’est déjà prononcé exactement dans le même sens en février dernier s’agissant des autorisations de licenciement des salariés protégés qui ont été annulées faute de motif économique suffisant. Et puis ceux qui pensent que la décision est juridiquement fondée mais qu’elle aura des effets désastreux sur les investisseurs, dissuadés par ces lois scélérates de venir s’installer en France. A ceux-là on rappellera que la dernière loi à s’appliquer après l’abolition de toutes les autres, c’est celle de la jungle.

CP Compiègne - Continental.pdf

01/09/2013

Looping

Personne ne l'a vu arriver. Personne ne s'est rendu compte qu'il a commencé à chanter, parce qu'il a chanté ces airs qui traînent toujours dans un coin de nos têtes. Alors peut être qu'il chantait ce que chacun fredonnait intérieurement, ce qui le rendait absolument invisible.

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Il a chanté longtemps en regardant un par un  ceux qui ne le regardaient pas. Il a chanté pour chacun. Il a aussi chanté pour le carrefour, la rue, les boutiques, la dame qui passait l'aspirateur à l'étage au dessus, mais il ne semblait pas chanter pour lui-même. Il n'a rien demandé, n'a pas fait la manche, n'a sollicité ni sourire, ni applaudissements, ni quelque autre forme de remerciement. Personne ne s'est aperçu que, tout d'un coup, il était parti.

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Ils ont déballé tout leur matériel, comme si le caddy était un chapeau sans fond duquel on peut extraire sans fin toutes sortes d'objets qu'il fallût bien inventer un jour, mais on ne sait plus trop pourquoi. Lorsque tout fût déballé, la vieille prit une chaise, se posa très exactement face à l'axe du soleil qui déclinait, et elle s'endormit. Tous ceux qui traversaient la place n'étaient qu'un instant du rêve de la vieille dame au soleil.

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D'un côté de la ficelle, il y a 22 camions dont l'ordre dans la file procède d'un indéchiffrable calcul qui associe les caractéristiques de chaque camion, la longueur de l'attelage, la place relative de chacun, le trajet à parcourir, la configuration astrale et l'humeur de Looping.

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Looping c'est l'homme au gilet de signalisation qui tire ses camions dans le 15ème arrondissement. Looping, ce n'est jamais que la vie de chacun qui tourne en boucle à l'intérieur du monde qu'il s'est créé.

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31/08/2013

Le respect, non merci, la dignité...

En France, le respect est sur toutes les lèvres. Au Japon, pour ce que j'ai pu en comprendre, jamais. C'est que le respect est une demande : l'autre doit me respecter. Pour ce que je fais, mais aussi pour ce que je suis. Le respect est une demande qui s'adresse à autrui. Au Japon, exiger quelque chose d'autrui est grossier. C'est pourquoi le respect n'existe pas. Par contre, la dignité est omniprésente.

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La dignité, c'est faire le choix de mettre ses comportements en cohérence avec ses idées, ses valeurs, ses principes. C'est ne pas transiger avec soi-même. Cela ne dépend jamais d'autrui, cela n'oblige que soi, ce qui impose une difficile lucidité, sans narcissisme ni cynisme. Car contrairement à ce que l'on entend ici, fondamentalement, il n'y a que moi qui puisse attenter à ma dignité.

29/08/2013

La parole est à...

Inaugurons une nouvelle rubrique : La parole est à... qui évite de tenter de répéter ce que d'autres ont déjà beaucoup mieux formulé. Pour la première, ne lésinons pas et voyons avec Tchouang-Tseu, dans une traduction de Jean-François Billeter, pourquoi l'enseignant ne transmet pas mais peut éventuellement faire acquérir.

Le duc Houan lisait dans la salle, le charron Pien taillait une roue en bas des marches. Le charron posa son ciseau et son maillet, monta les marches et demanda au duc :

-Puis-je vous demander ce que vous lisez ?

-Les paroles des grands hommes, répondit le duc.

-Sont-ils encore en vie ?

-Non, ils sont morts.

-Alors ce que vous lisez là, ce sont les déjections des Anciens !

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-Comment un charron ose-t-il discuter ce que je lis ? répliqua le duc ; si tu as une explication, je te ferai grâce ; sinon, tu mourras !

- J’en juge d’après mon expérience, répondit le charron. Quand je taille une roue et que j’attaque trop doucement, mon coup ne mord pas. Quand j’attaque trop fort, il s’arrête (dans le bois). Entre force et douceur, la main trouve et l’esprit répond. Il y a là un tour que je ne puis transmettre par des mots, de sorte que je n’ai pu le transmettre à mes fils, que mes fils n’ont pu le recevoir de moi et que, passé la septantaine, je suis encore là à tailler des roues malgré mon grand âge. Ce qu’ils ne pouvaient transmettre, les Anciens l’ont emporté dans la mort. Ce ne sont que leurs déjections que vous lisez là.

En conséquence de quoi, il est recommandé de se méfier des enseignants de tout poil qui vous disent, les yeux mouillés, que leur mission est de transmettre. Il n'est pas impossible, par contre, d'apporter son utile contribution aux acquisitions.

28/08/2013

A bout de souffle

Comme la cigarette qui n'a pas disparu simplement des restos et cafés mais aussi des écrans de cinéma, si tout le monde fume dans un film c'est qu'il a été tourné dans les années 70, l'enseignement magistral est à bout de souffle. Le problème c'est que sous assistance respiratoire, on peut durer encore longtemps à l'état végétatif. Peut être que les Moocs (Massive open online courses) porteront le coup fatal en débranchant la pédagogie grabataire. Il s'agit de filmer un cours et de le mettre en ligne. Tout simplement. A un coût de production quasi-nul.

Les Moocs, c'est le bonheur des étudiants : le cours disponible quand on veut, où on veut. Mieux que le polycop non actualisé ou que les notes prises entre deux rêveries sur les marches de l’amphi bondé et surchauffé parce que le  chauffage c’est du 1er octobre au 1er avril et que c’est trop compliqué de l’éteindre puis de l’allumer et que s’il fait froid en mai, on sortira les pulls. Et puis les Moocs ça laisse le temps de déambuler sur les Champs-Elysées à la recherche de Jean Seberg, et de revoir encore le film si on ne l'y a pas trouvée.

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Avec les Moocs, la parole professorale se diffuse à grande échelle mais surtout elle est enregistrée : l'enseignant ne peut plus dire qu’il ne l’a pas dit et on peut vérifier s’il ne débite pas un truc d’il y a trois ans et si ce qu’il raconte n’a pas pris un coup de vieux, et lui avec.

C’est tellement le bonheur les Moocs que cela permet aux profs de continuer à faire leur cinéma et aux étudiants d’aller à la séance de leur choix. Reste plus qu’à inventer ce que l’on fait en cours à 200 (voire 500) avec tous ceux qui ont déjà vu le film. Ce serait tellement plus simple si le prof c'était Jean Seberg. 

27/08/2013

Deux fois bien

Pas la peine d'aller chercher plus loin quand cela vous est livré sur un plateau. En l'occurrence, j'emprunte au copain Garrigue, le dicton du jour :

Pour aller juste, il faut aller vite.

Mais la sureté de la vitesse demande du temps.

Si vous en voulez d'autres, c'est ici : http://caracallastation.tumblr.com/

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Comme ces préparations, sushis, sashimis, salades, poissons grillés, gambas, viandes caramélisées, riz épicé, et même somptueuses crèmes dessert qui sont réalisées à l'instant devant vous et placées sur le tapis roulant sur lequel il faudra les saisir promptement.

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Certes, le temps, la lenteur, tout ça, mais quand même, vite et bien, deux fois bien.

17:02 Publié dans FRAGMENTS | Lien permanent | Commentaires (0)

26/08/2013

Etre de savoir

Marronnier de l’été, le thème de la connexion maintenue pendant les vacances fait le tour des journaux et télés. Chronique d’une psychanalyste, il faut au moins ça, sur une radio expliquant que l’incapacité à rompre totalement avec son job tenait à la fois à des facteurs psychologiques, la peur du vide, du face à face avec soi-même et avec ses désirs, et à des facteurs sociaux, la pression au travail et la crise. Soit la peur et l’angoisse, les deux mamelles du psychologue. Rien sur le rapport à la technologie, la rupture des  frontières traditionnelles dans la vie postmoderne et encore moins sur le plaisir, puisque pour certains c’est au travail que cela se passe. Mais passons. Ce qui retenait l’attention, c’est que la chronique s’appelait « savoir-être ». Il faut déjà subir le jargon pseudo-pédagogique dans le milieu, si en plus il se banalise…

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Savoir être deux

Savoir être n’est finalement que la reprise d’une vieille formule, lorsqu’il s’agissait « d’apprendre à vivre », avec les mêmes présupposés du savoir qui précède l’être et du comportement qu’il importe de normer. Pas besoin d’y réfléchir très longtemps pour juger de la prétention de celui qui voudrait  apprendre à être à autrui. Il est vrai qu’il est plus facile de tenter de manager les savoir être que les êtres de savoir que nous sommes.  Quant à admettre que la plupart des savoirs sont inconscients et incorporés, autant vouloir nier deux siècles de scientisme. Et voilà pourquoi, hélas, on en a certainement pas fini avec la tarte à la crème frelatée du savoir être.

25/08/2013

Bourlinguer

Bourlinguer pour un marin, c'est avancer contre le vent. Pour un Occitan, cela renvoie à bouléguer. Alain Garrigue il boulègue ses peintures avant de les mettre sur la toile avec tout un tas de boulégadors improbables : morceaux de bois, pinceaux dépoilés, bouts de ferrailles, cartons pliés, doigts tendus quand c'est tout ce qui lui tombe sous la main. Bref, il s'agit de se bouger, de ne pas attendre les vents portant, de faire avec que que l'on a et trouver son miel partout.

Bourlinguer c'est aussi le titre d'un livre de Blaise Cendrars organisé en chapitres qui portent des noms de villes, et dans lesquels il est parfois fait état de la ville en question.

Bourlinguer, c'est aussi un photoblog qui fera le tour des villes, et quelques autres tours, au rythme d'une photo par jour. En route !

 

http://bourlinguer.hautetfort.com/

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24/08/2013

Le temps d'un regard

Ils rythment la rue et murmurent à l'oreille des passants. Les adultes s'arrêtent au premier qui leur fait signe, sous l'effet de surprise. Au second on accorde déjà moins de temps et au troisième on est retourné à ses préoccupations d'adultes. On ne verra donc pas les autres. 

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Les enfants les regardent tous. Un par un. Reviennent en arrière parfois, pour vérifier le nombre de doigts, la forme de la bouche, la texture de la robe légère. Ils savent que ce sont des fantômes avant qu'on le leur ait expliqué.

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A l'adulte qui les tire par le bras en disant : "Allez viens, dépêche toi !", les petits  répondent qu'ils veulent aller voir encore, suivre les fantômes, tourner le coin de rue dans le sens des flèches rouges, parce qu'il y a sans doute encore à découvrir et que de toute façon les fantômes ils disent que c'est par là qu'il faut aller.

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C'est assez simple finalement de savoir ce que l'on a fait de l'enfant qui est en nous. Il suffit juste de se demander si on a le temps. Parce que l'enfant il a toujours le temps et l'adulte jamais.

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Suivre les fantômes, c'est accepter d'être conduit n'importe où sans poser de question. Juste en regardant ce qu'il se passe, comme par exemple quand le regard d'une petite fille de l'autre bout du monde croise celui de la plus énigmatique jeune femme de l'art occidental. Pour connaître la suite, prière de s'adresser aux fantômes.

22/08/2013

Soleil

Pas si simple finalement la reprise. Le soleil, les rues de Paris au mois d'août, la douceur des soirées en terrasse, les expositions qui vont disparaître avec l'été et auxquelles il faudrait se rendre, comme le HEY ! Part II à la Halle Saint-Pierre, les rires d'enfants dans les parcs, la nonchalance qui occupe encore les esprits et les corps, tout cela n'incite pas à s'asseoir devant son ordinateur pour produire ce qui doit l'être. Sauf si le soleil, de temps en temps, vous y rejoint.

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On connaissait la formule : " Aujourd'hui, je marche sur mes cils" pour exprimer une fatigue passagère. Il faudra désormais compter avec : "Depuis que j'ai recommencé à travailler, je tombe de soleil". En compagnie de qui est tombé du soleil, le travail est soudain plus léger.

21/08/2013

J'y pense et puis j'oublie

Les deux évènements majeurs du XXème siècle se sont produits à l'occasion de la seconde guerre mondiale : la Shoah et l'utilisation de bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. Deux évènements totalement nouveaux dans l'histoire de l'humanité. La volonté délibérée de faire disparaître, industriellement, une partie de la population de la planète, et l'utilisation d'une puissance technique dont l'homme ne maîtrise que le déchaînement mais pas les effets. Les générations qui ont été confrontées à ces évènements étaient unanimes pour considérer qu'il y avait un avant et un après, que le monde ne pouvait plus être pensé de la même manière et qu'il avait irrémédiablement basculé.

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Electricité nucléaire pour les enseignes d'Hiroshima

Près de 70 ans plus tard, la Shoah demeure présente dans les débats, comme en témoignent, notamment, les lois dites mémorielles ou le fameux point Godwin, atteint lorsqu'il est fait référence à l'holocauste dans un sujet n'ayant aucun rapport à l'occasion d'un débat sur internet.

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Manifestation antinucléaire à Hiroshima

Mais d'Hiroshima que reste-t-il aujourd'hui ? quelles conséquences concrètes tirons nous de l'utilisation de l'arme atomique et de ses ravages ? quand évoquons nous encore Hiroshima ? pas de point Godwin en la matière, puisque le débat sur le nucléaire, en France mais aussi au Japon, semble se résumer en : "Le nucléaire ou la bougie".

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Il est vrai que pour l'instant, tout va bien. Certes il y a  Fukushima où rien n'est réglé depuis deux ans et où l'information s'écoule moins rapidement que les eaux radioactives, mais enfin, le Japon c'est loin, les tremblements de terre encore plus et les tsunamis n'en parlons pas. C'était pas de bol, voilà tout. Mais foi de polytechnicien, la probabilité d'un accident en France est nulle.

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Et puis de toute façon, tout ça est sous surveillance, dormez tranquille. Hiroshima, j'y pense et puis j'oublie, il paraît que c'est la vie.

20/08/2013

Nouveau départ

La rivière d'Héraclite, celle qui coule tous les jours mais n'est jamais la même, est une belle impermanence. Avoir choisi le terme de rentrée pour cette ouverture qu'est un nouveau départ, est une belle tentative d'union des contraires. Joignons les deux : chaque rentrée est une ouverture différente ; sur quoi ? les rivières anciennes qui ne sont jamais les mêmes et les rivières à venir.

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Départ

Assez vu. La vision s’est rencontrée à tous les airs.
Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours.
Assez connu. Les arrêts de la vie. - Ô Rumeurs et Visions !
Départ dans l’affection et le bruit neufs !

Arthur Rimbaud, Illuminations

19/08/2013

La rosée

En 1931, Sartre a 26 ans. Jeune professeur, il demande à être nommé au Japon. Il obtiendra un poste au Havre et n'aura l'occasion que bien plus tard de faire un court séjour au Japon. Pourtant, il exercera une influence considérable dans l'archipel, peut être parce que si le Japon l'intéressait, d'où sa demande, ce n'était pas par hasard. Sartre a théorisé la contingence, loin de l'idée du philosophe qui professe des idées abstraites, la contingence c'est la vie dans l'ici et maintenant. C'est d'ailleurs un plaisir de lire les "Situations" chroniques d'actualité qui pensent le réel et font la synthèse entre l'histoire, la vie sociale, la pensée et la politique. Et  proclamer, dans un pays qui adore la rationalité et abhorre  la contradiction, qu'il faut "penser contre soi même", c'est déjà être un peu japonais.

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Si l'on avait le goût de l'uchronie, ces romans qui réécrivent le présent en modifiant un évènement du passé, on pourrait imaginer que, dans un moment d'égarement, l'administration ait accédé à la demande de Sartre et l'ait envoyé au Japon. Confronté à une société qui n'est pas celle d'aujourd'hui (nationalisme et militarisme sont les deux mamelles du Japon d'avant-guerre, bien loin du pays tourné vers l'Occident, la démocratie et le pacifisme de l'après-guerre), que serait devenue la pensée Sartrienne ? aurait-elle épousé la forme des rochers, des forêts, des jardins, aurait-elle plus rapidement éprouvé la dialectique pour rechercher dans la synthèse une forme d'harmonie, aurait-elle fait plus rapidement place au collectif et au "je" social japonais qui tranche avec le "je" très individuel occidental ? le garçon de café qui joue au garçon de café n'aurait-il pas été mieux à sa place au Japon où l'on a l'impression que personne ne construit un mur mais que tout le monde bâtit une cathédrale ? Et qu'aurait été  Roquentin après un séjour japonais ? peut être pas le personnage de la Nausée, mais celui d'un roman qui aurait expliqué comment l'individu peut s'intégrer à la nature pour mieux exister individuellement ; autrement dit le héros d'un roman panthéiste qui se serait appelé non pas La nausée mais La rosée.

16/08/2013

Impermanences

Impressions fugaces à effet durable :

 

Marcher la nuit dans Harajuku ;

Le port de Nagasaki et ses parfums de comptoir colonial ;

Les Gozaimaaaaaassss lancés à toute occasion et chantés par les voix haut perchés des japonaises ;

Les toris vermillons des temples shintoistes et de la colline des toris à Kyoto ;

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L’envie de prendre tous les trains et d’attendre dans toutes les gares ;

La facilité avec laquelle, comme partout, on peut se retrouver seuls ;

Les regards vifs, rapides, qui vous détaillent façon puzzle en prenant soin de ne pas vous regarder ;

Le moine qui nous fit sonner cinq fois  la cloche du temple pour tout le quartier, un soir à Nagasaki ;

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L’attention permanente et souriante portée à l’autre ;

L’art de la synthèse ;

La beauté des enfants dans un pays où la natalité décline dramatiquement ;

La présence de la montagne et la culture terrienne dans cet archipel qui donna si peu de marins ;

La cloche d’Hiroshima le 6 août à 8h15 ;

L’action-pensée et la pensée-action ;

Les wagons du métro réservés aux femmes à Osaka, pour éviter les tripotages compulsifs ;

Le vieux monsieur qui tient restaurant dans sa cuisine à côté du  temple Daitoku-ji à Kyoto ;

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L’eau qui coule ;

La présence animale, en tout lieu, à toute heure ;

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Les rues de Shinsekai, un dimanche de canicule ;

Les mille et un kilomètres de galeries marchandes couvertes (bazar, luxe, restaurants, étalages, viande, poisson, dégustations, magasins à 100 yens, boutiques à touristes, karaokés, fripes, solderies et tout le reste, et tout le reste) ;

Le romanesque des love-hôtels, qui ont souvent des noms français, dont le très bel hôtel La cachette à Tokyo ;

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La commodité de régler sa montre sur le passage des trains ;

La curiosité et l’attention des visiteurs de l’exposition Francis Bacon au Musée municipal de Toyota et particulièrement le regard du paraplégique devant les corps tordus ;

La capacité de la végétation à imaginer de nouvelles nuances de vert ;

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La lecture magnétique de Pickpocket de Funimori Nakamura ;

Les corps courbés sur les téléphones portables ;

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Les trois générations de japonais engrangeant de petites billes argentées dans le vacarme des pachinkos ;

Les invraisemblables enchevêtrements de fils électriques qui, paraît-il, ne peuvent être enterrés à cause des séismes. En réalité, orgueil de montrer que tout ce bordel fonctionne parfaitement ;

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Les démarches chaotiques, en forme de vol de papillon, les pieds en dedans des jeunes filles kawais, le peu de sourires sur les visages des salary men ;

La vieille dame qui riait en nous donnant des poignées de bonbons sur la Yamanote Line ;

Les hôtels Rose Lips et Rose Garden ;

La similitude des corps, la diversité des visages ;

Le shinkansen qui raccourcit les distances, mais aussi le temps. Puisse-t-il raccourcir celui du retour au Japon.

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15/08/2013

Noir, blanc...couleurs !

Dernier jour à Tokyo avant le retour en France. Envie de noir et blanc, de yin et de yang, de cette fabuleuse capacité à associer plutôt que d'exclure. Ce qui donne parfois d'invraisemblables bordels.

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Mais aussi cette poétique des trains et voies ferrées, à laquelle aurait été sensible André Hardellet, qui fit aussi partie des lectures de voyage.

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Ivresse de passer des rues désertes au carrefour de Shibuya, comme aurait dit André Breton, le Japon, le lieu où le haut et le bas, l'envers et l'endroit, le blanc et le noir cessent d'être perçus contradictoirement.

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Mais impossible d'échapper à la couleur que le soleil exacerbe.

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Ni à la couleur des comportements, comme celui de cet homme qui soudainement se poste jambes écartées et yeux fermées au milieu de la rue, reste immobile de très longues minutes, puis repart comme après une sieste réparatrice.

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Le Japon, pays des paysages et de la nature, même au coeur des villes, même sur les camions.

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Le Japon est aussi le pays des joyeux délires.

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Mais le plus troublant, ce sont ces scènes de roman ou de cinéma auxquelles on peut être confronté à chaque coin de rue. Voici une histoire de départ, de clandestinité, d'indépendance et de défi qui vous est livrée en un regard.

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Et ici, il est question d'attente, et peut être d'une ardente patience.

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En noir et blanc et en couleurs, plein les yeux du kaléidoscope japonais !

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14/08/2013

Beauté du contresens

La formule est empruntée au titre d’un livre de Philippe Forest, lui-même inspiré par Marcel Proust qui écrivait : «Les beaux livres sont écrits dans une sorte de langue étrangère. Sous chaque mot chacun de nous met son sens ou du moins son image qui est souvent un contresens. Mais dans les beaux livres, tous les contresens qu'on fait sont beaux.».

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Ce qui est vrai pour la littérature ne l’est pas moins pour les pays étrangers. Le plus souvent, nous ne voyons que l’écume, et lorsque nous avons le sentiment d’aller au-delà, notre regard est tellement d’ailleurs qu’il ne peut que voir différemment de celui qui vit dans ce pays et en maîtrise la culture, les codes, l’histoire, les références, la symbolique.

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A ce titre, rien de plus agaçant que les phrases qui commencent par : « Les japonais sont… ». Les japonais n’existent pas plus que les français, les grecs, les polynésiens ou les moldaves. Il y a des japonais, 127 millions exactement et une diversité infinie d’individus qui pourraient tous constituer un contre-exemple de certains de leurs concitoyens.

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La généralisation est, comme toujours, une réduction paresseuse, loin de la synthèse subtile que l’on peut souvent observer de ce côté ci de la terre.

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Voilà pourquoi, il n’y a pas de voyage, il n’y a que des voyageurs.