21/08/2016
69 fois à l'Est du Sud
Alors, c'est comment l'Australie ?
Arrrggghhh ! C'est 5 000 km on the Road,
C'est 5 000 fois "Putain, c'est exceptionnel...."
C'est 5 000 photos
Non mais attends, tu l'as déjà faite celle-là, c'est ICI.
Ah ouais, mais non, ça n'a rien à voir, parce que l'Australie c'est
Beaucoup plus que 5 000 fois "Hey guys, how're you going ?"
Un arc-en-ciel parfait sur la route de Cap Jervis, qui enjambe la mer et les collines dans une lumière franche et tonique, pendant que Lou Reed s'envole dans "Such a Perfect Day"
Le petit-déjeuner au milieu des kangourous sur Kangaroo Island, île chamanique où les pierres parlent aux arbres qui répètent tout aux animaux qui dansent avec la lune
Malcolm, vissé depuis 80 balais sur la côte Est qui m'explique en bougonnant que si j'ai pas vu la côte Ouest, j'ai rien vu de la vraie Australie
Les nuages qui s'ouvrent comme la Mer Rouge à notre passage pour révéler les îles Withsundays et tout à coup, comme mille déesses émergeant des profondeurs de la terre, la Grande barrière de corail
L'urgence des surfeurs qui courent sur la plage, dans l'eau et sur leur planche pour se glisser dans les plis de la vie éternelle, car la mer ne meurt jamais
Bruce l'américain, au physique d'acteur américain dont on a oublié le nom, qui importe de la moutarde de Dijon depuis la plage de Mainly
La houle de la mer qui te brasse corps et âme, et l’estomac aussi
Les villes de nulle part, au milieu de nulle part, où la vie n'est pas moins la vie que n'importe où ailleurs
Les murals de Melbourne, comme des livres d'images avec lesquels on peut faire le tour du monde en faisant le tour de son quartier
Abir, l'allemand d'origine indienne qui vit à Londres, en parfaite cohérence avec son prénom qui signifie « mélange de parfums », et me confiai sa passion pour les films de Godard alors que je lui faisais part du choc que furent les films de Fassbinder. Et tandis que le bateau nous ramenait de Fraser Island, nous nous enthousiasmions pour le panthéisme australien tout en constatant que nous ne pouvions vivre qu'au cœur de la culture de la vieille Europe
La lagune aux pélicans, en forme de bec de pélican, que l'on traverse interminablement, en espérant secrètement que cela ne finisse jamais et effectivement cela ne finit jamais
Le sparkling wine chardonnay pinot noir, première cuvée, qui se boit comme de l'eau de source, avec l'esprit des Dieux en plus
S'asseoir sur le Tropique du Capricorne en pensant au Père Miller et au copain Garrigue, lui envoyer la photo et recevoir en retour celle de cézigue hilare en train de courir un 100 m dans le stade d'Olympie, se dire que depuis l'enfance, on n’a pas trop perdu le fil et qu'il en reste encore des tonnes de conneries sublimes qui nous attendent
Tous les jeunes français et françaises aux itinéraires singuliers, croisés au détour, qui ont en commun l'énergie, le désir, le pragmatisme et l'idéal
Les années 70 retrouvées sur la plage et dans les rues de Byron Bay, et un peu partout ailleurs aussi, pas seulement comme une mode vintage mais comme un temps qui s'enfuit moins vite
Les roches de fer de Dunk Island dont l'électricité tellurique demeure, à fleur d'eau, 360 millions d'années après leur expulsion des forges du volcan, ce qui permet de toucher et ressentir les vibrations du temps
25 jours sans odeur de tabac, où que l’on soit
Philip assis dans son rocking-chair lisant le journal au petit matin et me disant du haut de ses 90 balais : "J'ai une femme active, un chien, un chat et mes pilules pour la journée, je suis un homme heureux"
L'évidence que perdre le lien avec la nature est une mutilation définitive
Les pubs irlandais affichant fièrement que la bière est la preuve que Dieu a voulu que les hommes soient heureux
Les Polaroïds de Manon, la jeune picarde expatriée à Sydney qui a saisi avec finesse l'Australie et porte d'ailleurs joliment la finesse en bandoulière
Les retraités qui sortent la caravane à la première occasion, et à la dernière aussi, et qui sillonnent les routes et emplissent les caravane-parks.
La troupe de saoudiens hilares qui auraient pu constituer une solide mêlée et qui ont d'ailleurs plaqué un irlandais saoul et excité et l'ont ligoté en trois secondes, ce qui nous a permis de poursuivre le long vol à travers les fuseaux horaires
La roche, le sable, les pierres, la poussière, et les couleurs du temps accumulées qui composent la croûte de la terre au centre du plus vieux des continents
Les tremblements de terre, quasi-inexistants mais qui empêchent les avions de décoller lorsqu'ils surviennent près des côtes
Toute la littérature élisabéthaine qui semble ressurgir des mers déchaînées du Sud et des falaises rouges fracassées par le ressac. Et les corps naufragés dont la mer n'a que faire
Les jeunes filles sportives de Port Fairy qui tenaient un salon de thé de grand-mères
La clairière magique de Qdos et son jardin de sculptures, parmi lesquelles une Alice sautillante qui ouvre en riant les portes des merveilles
Le choc des 14 films en projection simultanées de Manifesto dans lesquels la belle Cate Blanchett joue 14 femmes dont les mots du quotidien sont les manifestes artistiques du XXème siècle. La preuve que la vérité est sous nos yeux, et qu'elle est insupportable
Avoir fantasmé la Pacific One dans l'Ouest américain, où elle n'existe pas, et la savourer pendant des heures de l'autre côté du Pacifique
Les couleurs et les silences de l'Australie dans les peintures de Nicola Perkin
Les eucalyptus partout, mais tout particulièrement le long de la Great Ocean Road
Lentilles Anyway, le restaurant coopératif de Newton à Sydney, où l'on est servi par des volontaires souriants et où l'on paie ce que l'on veut
Les jeunes lesbiennes déterminées, engagées et décontractées du Nord au Sud et leurs regards clairs
Un dimanche ensoleillé, à Melbourne, qui ressemble à l’ile de la Grande Jatte de Seurat
Les aubes et crépuscules qui se tirent la bourre pour t’en mettre plein la vue
Ange, le rugbyman dont la carrière naissante a été brisée par une vilaine blessure, et qui brûle la vie sans limite pour retrouver ses rêves de gosse
Le jour où je suis devenu un nuage, aussi simplement que l'on se lève le matin pour boire son café. Un nuage bien ancré sur terre.
Le constat permanent qu'ici la nature et les animaux sont les véritables résidents des lieux, et te rappellent que tu fais aussi partie de la chaîne alimentaire
Le médecin à qui l'on rapportait les quatre motivations des médecins en France : "Money, Money, Money and Money", qui n'a pas souri et a simplement répondu : "It's human"
Traverser les grandes régions minières en écoutant Le chercheur d’or, d’Arthur H
La démonstration quotidienne, si besoin était, que cool et professionnel vont très bien ensemble, et que l'un sans l'autre, cela redevient du travail ou du n'importe quoi
Loïc, venu ici sans diplôme et sans parler anglais, et qui a obtenu son visa en se rendant indispensable, exemple parmi d'autres que la mondialisation n'est pas le pré carré des upper-class
Les voiles de l'Opéra de Sydney qui s'illuminent soudainement et se parent de vert et jaune pour fêter l'ouverture des jeux Olympiques
Goûter aux vins des vallées du Sud et boire de la géologie, de la géographie, de l'histoire, de l'aventure humaine, de la météo et du plaisir
Attaquer la Bruce Highway avec les premières notes de Dancing in the Dark, rajuster ses lunettes noires et souhaiter que la route soit encore longue
Les hautes, très hautes, fougères arbustives qui allègent la forêt tropicale de leurs ajours dentellés
Le crocodile blanc, scotché sur la berge d'une rivière poisseuse et qui se foutait bien de nos têtes ahuries
Les refrains lancinants de Blackstar, et la voix troublante de David Bowie, à la hauteur des paysages
Les dizaines de chauve-souris géantes qui finissaient d'obscurcir le ciel en fin d'après-midi par leur vol en rangs serrés
Les dingos, les koalas et les cassowaries qui étaient très beaux sur les photos annonçant leur présence
Les trains de cannes à sucre fraîchement coupées qui sillonnent les grandes plaines du Queensland, serpentant au milieu des champs touffus qui attendent leur tour
Philip que je saluai le matin en lui demandant des nouvelles du temps et qui me répondait : "Demande à la fenêtre"
Les villages qui ne sont pas construits autour d'Eglises mais de stations-service
L'impossibilité d'avoir un regard sur les jeux olympiques : où que l'on soit dans le monde, chaque pays ne montre que ses nationaux
Le chat Friday qui appréciait l'efficacité de Gigi, aussi redoutable businesswoman que lesbienne affirmée et revendiquée
Le rapide constat que la culture aborigène et la culture occidentale sont incompatibles ce qui suppose soit une partition soit une disparition, les deux étant à l'œuvre
La pleine lune qui nous avait donné rendez-vous à notre arrivée et provoqua notre départ avec un jour de retard
L'ivresse permanente des premières fois qui te fait devenir nouveau, comme la vigne donne chaque année un raisin nouveau
La longue liste des animaux qui n'ont pas d'autre prédateur que l'homme
Les peintures de Masson dans ce pays tellurique qui l'aurait enivré et qu'il a peint très exactement sans jamais l'avoir vu
Les baleines sauteuses, qui vont en nombre pair, et les requins de cinq siècles, toujours vifs
L'intégralité de la gamme des rouges uniquement en regardant autour de soi, et aussi les verts, et les bleus et les jaunes et le noir. Couleurs primaires pour une terre primordiale
Cette heure, entre chien et loup, où surgissent tous les animaux
Le soleil et la lune, face à face, un petit matin clair entre mer et montagne
L'impromptue et improbable nuit passée chez un chinois dans cette ville où tout le Pacifique et l'Océan Indien semblait s'être donné rendez-vous
Le sentiment profond que l'Australie, ce n'est plus si loin
Ta main qui trouve la mienne sans hésitation en plongeant dans la grande barrière de corail et les multitudes colorées de poissons et coraux qui nous regardent un instant, et nous qui les voyons toujours
15:42 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : australie, vacances, voyage, photographie, littérature, amitié, rencontres, lune, paysages, vie
24/05/2015
Vous prendrez bien un peu de Sud...
Se rendre dans le Sud pour travailler avec des clubs de rugby, c'est l'occasion d'aller au stade et de se réjouir que ce soit l'un des plus beaux matchs de l'année. Et de manière un peu mesquine, en mettre cinquante aux anglais ajoute au plaisir, même s'il y quasiment autant d'anglo-saxons dans chaque équipe.
Pour le résumé complet, c'est ici
C'est l'occasion également de partager avec les amis la cuisine locale : cargolade, tapas, morue à l'aïoli, marc de Banyuls, le tout dans une ambiance d'Espagne qui pousse un peu sa corne.
La Vigatane - Canet en Roussillon
Et après tout cela, on se laisse aller à contempler Bacchus en pleine libation au milieu de femmes aux regards sudistes, ces regards que l'on ne voit que sous certaines latitudes.
Et lors des élections locales, l'Espagne confirme qu'au Sud, après la Grèce, le vote protestataire se porte plutôt sur des partis internationalistes et solidaristes, que sur des partis nationalistes et xénophobes, comme on le voit assez souvent au Nord ces derniers temps. Décidément, ça ne fait pas de mal une bouffée de Sud.
22:11 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sud, rugby, élections, espagne, catalogne, vigatane, amitié
06/07/2013
Merci Patron !
Pierre Déjean est professeur à l'Université de Toulouse, directeur du Centre de Recherche et d'Information sur le Droit à la Formation. Enfin, était. Il ne lui est rien arrivé de grave, rassurez-vous. Il a juste pris sa retraite vendredi. Il a été, et restera certainement, mon seul patron, c'est à dire le seul à avoir réussi à faire signer, pour 3 mois, un contrat de travail à quelqu'un qui ayant lu Proud'hon assez tôt n'envisageait le salariat qu'avec terreur. A Pierre je dois donc mes trois uniques bulletins de salaire. Je lui dois aussi mille autres remerciements pour l'opportunité donnée de créer mon entreprise en me mettant non pas un fil à la patte mais un cheval et deux étriers à mes pieds, pour les occasions de participer à ces colloques et manifestations qui donnent une visibilité que l'on a bien peu à 25 ans, pour l'ambiance d'atelier d'artiste qui régnait au sein du CRIDF, pour les mission à Barcelone au temps où il existait encore un véritable barrio chino, pour la dimension poétique, c'est un euphémisme, que pouvait prendre la moindre activité et au final pour la démonstration quotidienne que liberté, plaisir et travail peuvent faire la route ensemble.
Pierre Déjean, il a trois points communs avec Pierre Richard : le prénom, le comportement et la physionomie. Cela fait beaucoup trop pour échapper au surnom facile. Mais la comparaison est artificielle. Car Pierre Richard a fait du spectacle au sein du spectacle. Pierre Déjean lui, il a réussi à faire du spectacle à l'intérieur des institutions et mettre des espaces de liberté là où ils sont loin, très loin, d'être naturels. Cette poésie du quotidien me touchait beaucoup plus que le numéro d'acteur. Plus improbable, moins attendue, plus agaçante aussi, plus dérangeante, elle me semblait un meilleur exemple d'insoumission. Pierre Déjean était un clandestin au grand jour, les meilleurs. Comme il a toujours vécu à l'envers, je suppose qu'après avoir travaillé jeune (pour ses études), pris sa retraite en pleine activité (par sa capacité à faire glisser sur lui le travail), il lui reste désormais à se consacrer à des jeux d'enfant. Puissent-ils durer longtemps. Merci Pierre !
18:21 Publié dans CHRONIQUE DE WEEK-END | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cridf, université, toulouse, pierre déjean, formation, droit, retraite, amitié, clandestin, spectacle
07/09/2011
La fidélité ne paie pas
Qui veut une progression rapide de salaire ne doit pas donner du temps au temps. Pas question par exemple de prendre un an pour faire un diagnostic, apprécier les conditions de l'action et élaborer des projets, une deuxième année pour commencer à déployer et une troisième année pour structurer l'organisation en faisant de ce qui était des projets un quotidien. Trois ans pour agir c'est beaucoup trop. Et puis à passer votre temps à travailler, vous n'en aurez plus pour vous occuper de vous. Non, pour élargir son réseau, travailler les contacts, se préparer à bouger, guetter les opportunités et repartir en bond de kangourou, 12 à 18 mois maximum suffiront. Vous n'avez le temps d'obtenir aucun résultat dans ce délai ? peu importe, vous êtes un communicant et vous saurez présenter comme une grande réussite personnelle le travail d'équipes qui auront continué à tourner pendant que vous vous tourniez vers l'avenir, c'est à dire le votre. Car vous savez que la fidélité ne paie pas.
Crin-blanc
Vous aviez déjà constaté que l'on peut s'enrichir uniquement en vendant régulièrement sa résidence principale, que l'on bénéficie d'offres plus attractives lorsque l'on est un nouveau client, que le mouvement est une donnée de base de toute économie : c'est la circulation qui créé de la valeur. Il vous faut donc circuler si vous voulez en prendre. La fidélité ne paie décidément pas.
Ce qui la rend particulièrement adaptée aux actes gratuits, comme l'amour et l'amitié.
00:05 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fidélité, crin-blanc, ressources humaines, management, recrutement, formation carrière, amour, amitié