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03/06/2014

Passage

Un projet de décret précise les modalités de passage du DIF au CPF à la fin de l'année. Souhaitons que le projet reste en l'état car il a le mérite de faire simple : 

- les employeurs ont l'obligation d'informer avant le 31 janvier 2015 tous leurs salariés de leur solde de DIF au 31 décembre 2014 ;

- ces heures sont utilisables par priorité au titre du Compte personnel de formation (CPF) jusqu'en 2020 ;

- elles peuvent être complétées par les heures du Compte personnel de formation, dans la limite de 150 heures. 

Sur ce dernier point, quelques explications sont nécessaires pour que les conditions du passage soient précisément identifiées. 

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Les heures de CPF peuvent venir compléter les heures de DIF, sans qu'une demande de formation au titre du CPF ne puisse excéder 150 heures. Ainsi, le salarié qui dispose de 120 heures au titre de son solde d'heures de DIF, pourra utiliser son compteur CPF à hauteur de 30 heures maximum. Par contre, les heures acquises au titre du CPF qui ne peuvent s'ajouter au solde d'heures de DIF, sont utilisables de manière autonomes. 

Le décret précise également les modalités de prise en charge financière : l'OPCA compétent (ou POLE EMPLOI pour les demandeurs d'emploi ou les OPACIF lorsque le CPF est utilisé dans le cadre du CIF) doit financer le coût réel, avec possibilité pour son Conseil d'administration de décider d'un plafonnement. Exit les coûts forfaitaires du DIF portable, c'est d'un véritable pouvoir d'achat dont sont dotés les salariés dans le cadre du CPF. 

Par contre, le projet de décret ne tranche toujours pas la question de savoir si le salarié présente directement sa demande de financement à l'OPCA ou s'il le fait par l'intermédiaire de l'entreprise. C'est un des derniers points importants à déterminer pour basculer véritablement dans l'opérationnel de la réforme. 

02/06/2014

Mieux que la suspension, la suppression

François Rebsamen ne connaît pas particulièrement les questions d'emploi, de travail, de formation professionnelle, de dialogue social, mais il piaffait à la porte du Gouvernement et il fallait muscler celui-ci d'hommes de confiance et de vieux chevaux de la politique. Remplissant ces deux conditions, l'ami du Président accepta de découvrir les questions sociales en même temps que sa nouvelle fonction. A lui, tous les mois, d'annoncer les mauvaises nouvelles sur le front de l'emploi, à lui de trouver les solutions pour endiguer le chômage contre lequel il paraît que l'on a tout essayé. On ne peut pas dire que l'impétrant manque de lucidité : ayant remarqué une surreprésentation des entreprises de 40 à 49 salariés dans notre économie, il fît la relation avec les obligations sociales correspondantes : mise en place d'un CE et obligations qui vont avec (base de données, crédit d'heures, réunions, expertises, budget,...) ou participation obligatoire qui oblige le dirigeant à partager les bénéfices de l'entreprise. Et derechef, décida de suspendre les effets de seuil, jusqu'à la prochaine élection évidemment. Proposons lui mieux : fi des distinctions, vive l'égalité, à bas les mesures catégorielles, sus aux seuils, votons la suppression. 

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Militants de l'égalité

Pourquoi réserver le partage des fruits du travail de la collectivité à certaines entreprises, pourquoi en exclure les plus petites dans lesquelles l'oeuvre collective a sans doute encore plus de sens que dans les entités de grande taille ? pourquoi considérer que le dialogue social ne peut s'épanouir que dans le nombre et l'anonymat ? pourquoi la relation interpersonnelle devrait-elle à tout prix supplanter la représentation élective ? pourquoi priver de droits les salariés des petites structures et renforcer ainsi l'idée que le social n'est qu'un coût et jamais un élément de la performance ? alors ne nous contentons pas de suspendre les seuils, supprimons les et adaptons les obligations pour qu'elles gardent du sens en tout type d'entreprises. Autrement dit, employons notre créativité à faire du droit commun et non du droit d'exception suspendu. Encore un effort donc, monsieur le Ministre : après être resté au seuil du Gouvernement jusqu'au moment où vous étiez prêt à tout accepter, vous comprendrez sans peine l'intérêt de les supprimer. Les seuils. 

30/05/2014

Ambivalences

Dans une ville portuaire, on s'attend à un monde horizontal, imbriqué dans la mer comme une main dans un gant. On anticipe également des horizons industrieux, laissant place aux machines et refoulant les hommes dans les cabines, les soutes, les docks, les camions, enfermés dans la tôle, le fer et l'acier. Et l'on découvre à Anvers une horizontalité lascive dans une ville qui s'arrête de travailler tôt le soir, heureuse coutume des pays nordiques, et qui ne se demande pas s'il faudrait travailler les jours fériés. Pas besoin d'aller très loin pour vérifier que le mythe du français qui serait toujours en RTT tandis que ses voisins se tuent au travail est une mystification totale. 

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Et sur le port, la verticalité qui s'impose n'est pas celle des grues, mantes religieuses qui fouillent les entrailles des bateaux sans relâche, mais celle du MAS, qui rappelle les trois omniprésences de la Flandres : la terre rouge des briques, le ciel blanchi de nuages et la mer qui le reflète. 

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En ces terres ouvertes sur la mer et le voyage, la diversité semble chose naturelle. 

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Elle ne l'est pourtant pas, tant il est vrai que la flamboyance des jeunes filles n'en finit plus d'effrayer les hommes. 

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Les frontières de l'enfermement et de la liberté ont parfois des contours imprécis. 

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C'est ainsi qu'en tout lieu, se côtoient la grisaille et la couleur. 

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Le piéton des villes est un éternel amoureux des ambivalences. 

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28/05/2014

L'Europe sans socle

Au départ, l'affaire paraissait simple : les partenaires sociaux avaient fait du socle de compétences la priorité du Compte personnel de formation (CPF). Dans ce socle, il y avait les savoirs de base, la maîtrise des outils informatiques et bureautiques, la maîtrise d'une langue étrangère, la capacité à apprendre et la capacité à travailler collectivement. Et puis les députés ont décidé qu'il y aurait un droit à l'absence, salaire maintenu par l'entreprise sans qu'elle soit remboursée, sur les formation relevant du socle de compétences. Ce qui a conduit à se demander si le socle de compétences n'allait pas se réduire aux actions de lutte contre l'illettrisme. Finalement, peut être pas, le socle devrait retrouver de l'ampleur, sauf toutefois les langues, au moment où l'Europe ne sait plus très bien quelle langue elle parle. 

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Gustave Moreau - Jupiter et Europe

Il n'est pas anodin que les langues ne soient jamais considérées comme une priorité mais comme des formations de confort, de pure consommation et d'intérêt personnel. Pourtant, que ce soit au plan économique ou social, c'est bien par là que l'on devrait commencer. Parler la langue de l'autre, avoir accès à sa culture et à ses pratiques, accéder à l'information diverse, sortir de soi pour s'ouvrir à des mondes nouveaux, tout ce qui a manqué à l'Europe ce week-end, sauf peut être, comme d'habitude, au Sud. Voilà ce que pourrait être un socle sans les langues d'ailleurs, une Europe sans le Sud, c'est à dire pas vraiment l'Europe. 

21/05/2014

Le droit est arrivéééééé.....

On réclamait Mickey, et voici Zorro. Toujours disponible lorsque l'on a besoin de lui, le juge choisit dans une décision du 7 mai 2014 de venir au secours des responsables formation qui, hier, appelaient le droit à la rescousse. Après avoir sanctionné l'absence de toute formation pendant 16 ans, puis 15 ans, puis 12 ans puis 10 ans, la barre est désormais fixée à 7 ans. On se rapproche de la toise positionnée par la loi du 5 mars 2014 à 6 ans, puisque toute entreprise doit désormais justifier d'un taux d'accès à la formation de 100 % sur 6 ans. Selon les juges, l'absence de formation établit le manquement à l'obligation de maintien de l'employabilité. Et à l'entreprise qui demandait à la salariée d'indiquer en quoi son employabilité s'était dégradée en 7 ans, la Cour de cassation répond que l'absence de formation constitue en elle-même le manquement. Voilà qui a le mérite d'être clair. Zorro est arrivé. 

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Maurizio Cattelan - Sans titre - 1996

Certes, la décision souffre de deux limites. La première est que la salariée a obtenu une indemnité de 6 000 euros pour le préjudice, soit une prime de 1000 euros par an, ou presque, pour l'absence de formation (ne posons surtout pas la question aux salariés de savoir s'ils préfèrent être formés régulièrement ou percevoir une indemnité compensatrice). Ce qui reste dans la fourchette des indemnisation accordées jusque-là à ce titre (entre 3 000 et 7 000 euros). Mais surtout, et c'est peut être ce qui risque d'être le plus contreproductif, à l'heure où l'on essaie de mettre l'accent sur le résultat plus que sur le moyen, sur l'employabilité plus que sur la formation, le juge persiste à considérer la formation comme l'unique moyen de l'employabilité. Mais il faut bien qu'il assume jusqu'au bout son rôle de Zorro. On dit merci qui les responsables formation ?

20/05/2014

Au secours le droit !

Mon gamin, quand il doit se tirer d'un mauvais pétrin, il lui arrive d'appeler Mickey à la rescousse. Lequel, avec son tourniquet et son maxi-outil mystère, arrive sans tarder et lui permet inévitablement de retourner la situation. On ne compte plus les Responsables Formation qui souhaiteraient avoir un Mickey, et il m'arrive de faire office de..., à disposition pour expliquer aux dirigeants de l'entreprise qu'il faut maintenir le budget formation. Et pour ce faire, le droit est souvent sommé de fournir les arguments qui feront éclore l'ancestrale peur du gendarme afin que les dirigeants tétanisés ne referment pas trop brutalement le carnet de chèque. Et l'affaire Renault, hein, le défaut d'adaptation qui conduit à la faute inexcusable, on peut pas identifier un risque pénal sur la non adaptation des salariés à leurs activités ? et je suscite invariablement la déception, j'en suis bien conscient, lorsque j'explique que la formation n'est jamais qu'un contentieux très accessoire aux enjeux financiers très faibles et au risque pénal quasi-nul. Dans ce domaine, le gendarme n'est pas très terrifiant. 

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Jansson Stegner - The Rosebush

Mais plus fondamentalement, si l'on en arrive à l'argument juridique, c'est un constat d'échec qu'il faut dresser. Echec à démontrer que la formation peut accompagner les projets, les individus, les équipes, les changements, qu'elle peut insuffler de l'innovation, générer de la créativité, garantir les processus, créer du confort de travail, développer la performance, passer des messages, créer une culture d'entreprise, distribuer de la reconnaissance, alimenter le dialogue social, être source de profits, et bien d'autres usages encore. Et tout ceci, il ne suffit pas de le dire ou de l'écrire, il faut le faire toucher du doigt par des projets, des actions réussies, des promoteurs internes, de la réussite d'autrui mise en valeur. Bref, il s'agit de faire véritablement son métier de responsable formation, et ce retour (pour ceux qui l'avaient perdu) aux fondamentaux de la profession est sans doute un des plus appréciables impacts de la réforme de la formation. 

19/05/2014

Quelle cachette ?

Discussion avec un enseignant-chercheur : 

"Pour nous la disparition de la déclaration 2483 ce n'est pas une bonne nouvelle car nous allons manquer de chiffres pour analyser l'effort de formation des entreprises...

- mais cette déclaration est déconnectée des coûts réels et absolument pas fiable tant chaque entreprise déclare de manière différente...

- peut être mais au moins nous avons des séries sur plusieurs années..."

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Discussion avec un autre enseignant-chercheur : 

"Je suis en train de mener une étude sur l'impact du dialogue social sur la formation et la GRH...

- Très intéressant ! et est-ce que vous allez aborder l'impact du paritarisme de gestion, et des OPCA, sur la négociation ? 

- Ah non, nous travaillons avec les données existantes..."

On connaît l'histoire du type qui cherche ses clés sous le lampadaire parce que c'est le seul endroit éclairé. Et bien avec des recherches de ce type, qui seront bien évidemment présentées comme scientifiques et donc établissant des vérités garanties vraies, on est pas sorti du halo du lampadaire. L'hôtel La cachette ne craint donc rien et il a bien raison de s'afficher. 

16/05/2014

A semer le vent...

il est vrai que pour un employeur, cela peut faire beaucoup : entretien avec les salariés en forfait jour, entretien professionnel, analyse individuelle des postes pour la pénibilité, compte personnel de formation, , extension du champ de la modification du contrat de travail, rupture conventionnelle, renonciation individuelle aux 24 h du travail à temps partiel,...la liste est longue des dispositifs juridiques nouveaux qui renvoient à une négociation ou une discussion individuelle avec chaque salarié. Ce qui génère un temps de travail démesuré, et ce qui conduit souvent à ne pas faire, ou à faire formellement, faute de ressources pour cela. De quoi alimenter le ras-le-bol des lois et obligations nouvelles. On pourrait faire cette analyse si l'on ne se posait pas la question de savoir d'où vient le vent...

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Car si rarement le droit a autant multiplié les dispositifs individuels ce n'est jamais que par continuité avec l'individualisation des pratiques de gestion des ressources humaines initiée par les entreprises elles-mêmes. C'est parce que les entreprises ont préféré traiter les questions manageriales essentiellement dans un rapport individuel plutôt que dans un rapport collectif que, fatalement, le droit a été amené à se saisir des questions sociales à ce niveau. Si la technique de l'entretien d'appréciation, d'évaluation, d'objectifs ne s'était pas généralisée dans les entreprises, jamais nous n'aurions eu d'entretien professionnel. La frénésie juridique d'individualisation n'est jamais que l'écho du vent qu'ont fait souffler les entreprises sur les méthodes de GRH. A souffler tous ensemble dans le même sens, il ne faut pas s'étonner de se faire un jour emporter par la rafale. 

14/05/2014

Quoi de neuf à l'horizon ?

Séminaire sur l'emploi organisé par Bercy et le Ministère du Travail consacré à la formation professionnelle. L'occasion de dire l'état du droit sur la formation après la réforme du 5 mars 2014. En cinq points :

1. Le droit fait injonction aux entreprises de former tous leurs salariés et de s'occuper de l'employabilité de tous dans le cadre d'une responsabilité sociale d'employeur ;

2. Alors que la loi oriente les financements vers les formations certifiantes, il ne faut pas oublier la valeur sociale des actions d'adaptation en ce qu'elles permettent effectivement aux salariés de faire face à leurs activités et de maîtriser leur situation de travail ;

3. Contrairement à une idée qui se répand à tort, le CPF n'est pas fait pour suivre des formations longues diplomantes mais pour prendre l'habitude d'aller régulièrement en formation, ce qui est le principe même des droits rechargeables et le pourquoi de l'éligibilité de chaque module de formation certifiante au CPF et de l'éligibilité des certifications non diplomantes ;

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4. La notion d'investissement formation, à définir par chaque entreprise, nous permettra peut être d'éviter l'empilement de dépenses fiscales de nature différente pour arriver au fameux chiffre de 32 milliards qui n'a aucun sens, pas plus que l'exploitation des déclarations 2483 qui sont très loin d'appréhender la réalité de l'effort de formation des entreprises ;

5. Si l'on veut à tout prix faire évoluer la qualité des prestations de formation, supprimons la règlementation propre aux organismes de formation et appliquons à ce secteur le droit des prestations de services et mettons en place des systèmes de certification, distincts de la règlementation, qui constituent des repères et non des obligations. 

Pour plus de détail, voir ci-dessous. 

Seminaire Emploi - Intervention JPW.pdf

15/04/2014

Le thermomètre au bon endroit

L'orientation du système de formation professionnelle vers les formations certifiantes repose sur plusieurs présupposés : les formations certifiantes présenteraient de meilleures garanties de qualité, elles auraient un impact plus fort sur l'insertion professionnelle et l'évolution de l'emploi et elles constitueraient un levier plus efficace pour la reconnaissance des compétences et les évolutions de salaires. Bref, la certification serait un meilleur outil pour la gestion des parcours professionnels. Tout ceci, sauf la meilleure qualité, est étayé par les études d'insertion et les enquêtes salaires. Pour autant, et l'on sait que le choix des critères de performance n'est jamais neutre, il est d'autres endroits où pourrait être positionné le thermomètre de l'efficacité d'un système de formation. 

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L'affaire, déjà évoquée ici, de la faute inexcusable de l'entreprise dans laquelle un salarié se suicide après que l'employeur ne lui ait pas apporté les compétences nécessaires pour exercer ses fonctions, selon la motivation avancée par la Cour de cassation, nous fournit un exemple d'un autre critère d'évaluation : la capacité du salarié à exercer son activité au niveau d'exigence demandé, la capacité du salarié à faire face aux changements de technologies, d'organisation, de méthodes de travail ou encore de comportement des collègues et/ou des clients. Simple adaptation au poste nous dit-on parfois avec un zeste de mépris pour ces formations courtes censées ne servir que la productivité de l'entreprise. Sauf que lorsque cette formation n'est pas apportée, le salarié se trouve en difficultés et sa santé peut avoir à en supporter les conséquences. Combien de souffrance au travail, d'arrêts de travail, de sentiment d'échec, de parcours torpillés par un insuffisant accompagnement dans l'exercice de ses activités. Simple adaptation vraiment ? Si l'on allait au bout du raisonnement, et le droit finira bien par y aller, l'intégralité du plan de formation devrait être présentée au CHSCT et pas seulement les formations à la sécurité; Rappelons que le stress est défini comme le sentiment qu'a le salarié de ne pas avoir les moyens d'exercer ses activités. Mesure-t-on le coût social de l'insuffisance d'adaptation et les coûts sociaux qui ont été évités parce que les entreprises ont correctement accompagné leurs collaborateurs ? pas vraiment, mais il faut dire que le coût social, ce n'est pas souvent l'endroit  où l'on place les thermomètres. 

14/04/2014

La tentation du bas de laine

Les débats autour du compte personnel de formation (CPF) se sont souvent focalisés à l'Assemblée puis en dehors, sur la durée de la formation et le fait que 150 heures, pour des formations certifiantes, c'était bien peu. Encore aujourd'hui, dans tous les débats, il se trouve toujours des voix pour pointer que le CPF souffre d'un vice de conception, d'une contradiction fichée en son sein comme la pointe du couteau dans celui de Lucrèce, avec sa durée limitée et son objectif certifiant. Ce diagnostic tient  davantage à une vision rapide ou fantasmée du compte, qu'à une véritable analyse de la manière dont il est construit. 

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Car si l'on s'en tient aux textes, on peut constater, en premier lieu, que certifiant ne signifie ni diplômant ni de longue durée. La loi a prévu que tout module d'un titre ou diplôme était éligible en tant que tel au CPF et elle a prévu également que le certifiant non diplômant était aussi un objectif possible pour les formations suivies dans le cadre du CPF. Et en second lieu, le compte personnel est construit sur le modèle des droits rechargeables, ce qui signifie que plus on consomme, plus on bénéficie de droits. Potentiellement, un jeune entrant sur le marché du travail en 2015 peut espérer bénéficier de plus de 900 heures de formation gratuites pendant sa vie professionnelle. Mais pour cela il faut qu'il utilise régulièrement ses heures. S'il capitalise, ses droits stagneront à 150 heures. Ainsi calibré, le CPF est donc davantage conçu sur le modèle d'une utilisation régulière que d'une capitalisation en vue d'un projet, objectif effectivement peu atteignable. Comme quoi, quels que soient les charmes des bas de laine, il faudra savoir  résister à leur tentation. 

04/04/2014

Ce n'est pas un oubli

Certains s'inquiètent de l'absence du bilan de compétences dans les catégories d'action éligibles au Compte personnel de formation. Les formations certifiantes, diplômantes ou non, y figurent, l'accompagnement VAE également mais pas le bilan. Oubli essaient-ils de se rassurer, quand d'autres plus approximatifs osent la formule du silence de la loi qui ne permettrait pas de savoir si c'est possible ou pas. La solution à ces interrogations est pourtant simple : la loi a volontairement écarté le bilan de compétences des actions éligibles au CPF pour deux raisons, l'une positive et l'autre négative. La raison positive est que la création du Conseil en évolution professionnelle, accessible gratuitement à tout un chacun, doit permettre d'élaborer un projet d'emploi ou de formation sans avoir à consommer une partie des heures qui pourront servir à le réaliser. De l'économie en quelque sorte. 

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Le Caravage - Narcisse

La seconde raison tient à un regard critique sur les pratiques de bilan de compétences telles que développées depuis plus de vingt ans. En vrac : trop de place à la dimension personnelle par rapport à la dimension professionnelle, trop souvent généraliste et incapable de répondre précisément à une appréciation des compétences contextualisée, trop méthodologique et pas assez en expertise sur les métiers et les parcours, déconnecté d'une connaissance fine des bassins d'emploi sur lesquels vont s'exercer les projets ce qui rend difficile l'appréciation de leur pertinence, etc. Si l'on voulait résumer, pour le législateur mais également pour nombre des négociateurs de l'ANI du 14 décembre 2013, le bilan de compétences serait trop souvent une prestation "miroir" dans laquelle le consultant appui un travail introspectif et trop rarement une véritable appréciation des compétences corrélées à la réalité des activités pouvant être développées au sein d'un territoire donné. Autrement dit, trop de bilan de personnalité et pas assez de diagnostic ouvert sur l'environnement. Ce qui explique à la fois le contenu qui a été fixé pour le Conseil en évolution professionnelle et pourquoi l'absence du bilan de compétences n'est pas un oubli. 

24/03/2014

Une voie médiane

J'avais eu l'occasion de signaler sur ce blog l'inconciliable position de deux chambres de la Cour de cassation. La chambre sociale, qui considérait que la suspension du contrat de travail ne suspendait pas le mandat d'un représentant du personnel, et la chambre civile, en charge des affaires de sécurité sociale, qui considérait que pendant un arrêt maladie l'exercice d'un mandat était impossible au regard du droit de la sécurité sociale. Les contentieux dans ce domaine étaient récurrents et méritaient qu'une solution soit trouvée; Elle vient de l'être, par un arrêt rendu par la Chambre mixte qui devrait apporter une solution définitive en adoptant une position médiane. 

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A la recherche de la voie du milieu

La Cour de cassation commence par confirmer que la suspension du contrat ne suspend pas le mandat. Puis elle confirme également que le droit de la sécurité sociale s'oppose à l'exercice de toute activité pendant un arrêt maladie. Elle trouve toutefois la voie médiane en posant en principe qu'il appartient au médecin traitant, seul compétent pour apprécier l'état de santé du salarié, d'autoriser ou non l'exercice d'un mandat de représentation pendant l'arrêt maladie. Voici donc ouverte pour les médecins la possibilité de rendre légal l'exercice d'un mandat de représentation pendant l'arrêt maladie. De fait, la Cour valide la possibilité d'un cumul entre l'indemnisation des heures de délégation et l'indemnisation de l'arrêt maladie, qui n'ont pas le même objet, comme elle a déjà validé le cumul entre IJSS et indemnité de congés payés. Pour les représentants du personnel il s'avère donc que cette voie médiane est tout sauf une voie de garage. 

Cass. Soc Arrêt maladie Heures de délégation.docx

11/03/2014

Quand on s'en mêle, gare à ne pas s'emmêler...

La formation professionnelle n'est pas matière à un abondant contentieux. Pour autant, il est assez facile de constater que, ces dernières années, les juges ont rappelé, chaque fois qu'ils en ont eu l'occasion, les responsabilités de l'employeur en ce domaine. Voyant sans doute dans ce durcissement une occasion de gain à bon compte, il arrive que des avocats s'engouffrent dans ce qu'ils pensent être un boulevard mais qui s'avère au final, pour eux et surtout leur client, tenir davantage de l'impasse. C'est ce qui vient de se produire en deux occasions, dans lesquelles les avocats se sont un peu emmêlé les pinceaux. 

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Dans la première affaire, une danseuse du moulin rouge (j'ai préféré une illustration sur l'emmêlé...) se voit imposer un test de condition physique après un congé maternité. Elle est licenciée et reproche à son employeur de ne pas lui avoir donné la formation nécessaire pour retrouver son niveau physique. Discrimination dit l'avocat. Le seul fait de ne pas donner une formation n'est pas une discrimination en soi répond la Cour. Dans la seconde affaire, une salarié cumule congés maternité et congés parentaux pendant 11 ans. A son retour, son comportement n'est pas satisfaisant et elle est licenciée. Licenciement nul pour insuffisance de formation dit l'avocat. La formation n'est pas une liberté fondamentale et ne peut justifier une nullité répond la Cour qui du coup déboute la salariée. A trop vouloir rechercher la nullité (dans les deux cas) et non simplement la rupture injustifiée (la première vaut 1 an de salaire, la seconde 6 mois), les avocats ont sans doute bien plus privilégié leurs honoraires (en % des gains) que l'intérêt de leur client. Dans les deux cas en effet, le licenciement injustifié était plus facile à obtenir que la nullité. Mais c'est sur ce terrain là que les parties ont choisi de se placer. Dont acte, mais cela servira surtout à prouver que si les obligations des entreprises sont larges, elles ne sont pas illimitées. 

Cass Soc Formation congé maternité.docx

CassSoc Formation Post congé parental.docx

10/03/2014

Tout ça me fait bien rigoler

Faute de talent et d'humour, le cynisme prend vite la forme d'une ringarde rengaine traduisant le défaut d'imagination et le peu de capacité à se projeter dans des environnements évolutifs (pléonasme). Ainsi, il a fallu subir les quelques instants de triomphe de ceux qui s'étaient précipités à annoncer l'échec du DIF avant même qu'il ne se diffuse. Sa disparition ne pouvait que conforter le diagnostic qui se reporte aussitôt sur le Compte Personnel de Formation, dont on nous annonce déjà qu'il ne constituera qu'une éphémère comète (pléonasme) comme le droit de la formation en a déjà connu. Et ceux qui fondent quelques espoirs dans le nouveau dispositif étant les mêmes que ceux qui ont crû au DIF, cela prête à un rire quelque peu mordeur. 

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Great Joy - Yue Minjun - 1993

A tous ceux qui font profession de ne croire qu'à l'échec annoncé de toute tentative de création, on fera simplement remarquer deux choses. Qu'en matière sociale, le retour arrière est rarement d'actualité, quels que soient les discours et les effets d'annonce. Cela fait tout de même 14 ans que l'on nous déclame sur tous les tons qu'il faut revenir sur les 35 heures sans qu'un véritable projet en ce sens n'ait vu le jour, même si de multiples contournements ont été tentés. Et concernant le DIF, il ne faut pas s'y tromper : il n'a disparu que pour être remplacé par un Compte Personnel de Formation qui en prend le contrepied sur bien des points (droit opposable, financement dédié, droit à l'absence sur le temps de travail pour certaines formations, etc.) pour au final constituer un droit bien plus consistant. Alors prenons les paris, si l'on devait dans quelques années supprimer le CPF, ce serait pour créer les congés payés formation. Comme quoi, ce ne sont pas les cyniques qui ont le plus de raison de rire. Ni aujourd'hui, ni demain. 

06/03/2014

Tout voir, tout prévoir,

Voici donc les entreprises sommées de prévoir l'évolution de leurs salariés à deux ans et d'informer les représentants du personnel sur les évolutions des emplois, des métiers, des compétences, de l'activité, de la masse salariale, de l'endettement, de l'effort de formation, et bien d'autres choses encore à l'horizon de trois ans. Et de négocier la GPEC tous les trois ans également. La prévision, vous dis-je, la prévision encore, la prévision toujours. Voir loin et prévoir. 

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Cette sommation d'anticipation, avec tout ce qu'elle peut avoir de naïveté horoscopique, tient à la fois de la tradition et du temps actuel. La tradition c'est cette inscription dans les fameux plans quinquennaux qui devaient tenir lieu de programmation pour l'économie du pays dans les années 60 sous l'égide du Commissariat au plan. Les temps actuels, c'est ce souci généralisé de transparence qui conduit, par exemple, les hommes politiques à rendre compte de leur vie publique comme privée au nom du droit à savoir, dont on ne sait pas très bien ce qui le fonde sinon ce mythe de la transparence. Sauf qu'un monde totalement transparent ne pourrait être qu'un enfer. Malraux disait que la vérité d'un homme est dans ses secrets, mais il a dit beaucoup de bêtises. Ce qui est certain c'est que le mystère est source de désir et qu'à vouloir chasser l'inconnu au nom de la rationalité on pourrait bien faire disparaître également le désirable. 

04/03/2014

Lignes frontières

Tout changement de système soulève des questions conjoncturelles liées à la transition et à la bascule d'un dispositif vers un autre. Sans qu'il soit toujours possible de garantir une fluidité entre l'avant et l'après et sans pouvoir éviter de générer des effets de perte ou d'aubaine selon les cas. Il en ira sans doute de même pour la transition du DIF vers le Compte personnel de formation dont les conditions varieront fortement suivant la situation des personnes au cours de l'année 2014. La loi prévoit en effet que les heures de DIF  acquises au 31 décembre 2014 seront utilisables dans le cadre du CPF. Ce qui élimine de ce transfert deux catégories de salariés : ceux qui ont changé d'entreprise au cours de l'année 2014 et ont perdu leur crédit antérieur, le DIF n'étant pas transférable, et ceux qui ont perdu leur emploi avant le 31 décembre, puisqu'ils perdent le compteur DIF transformé en budget de portabilité. 

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Par contre, celui qui change d'entreprise ou perd son emploi au début de l'année 2015 aura pu faire constater son crédit DIF au 31 décembre et en conservera le bénéfice. La situation sera d'autant plus différente du salarié sorti de l'entreprise avant le 31 décembre qu'à compter du 1er janvier 2015, le DIF disparaissant la portabilité du DIF fait de même et les droits ouverts à un crédit potentiel financé par l'OPCA disparaissent également. Sauf à continuer à faire vivre pendant quelques temps, un droit qui n'existe plus. Peut être le décret à venir sur les modalités d'utilisation du crédit DIF dans le cadre du CPF pourrait-il prévoir que pour les salariés bénéficiaires d'une portabilité constatée au 31 décembre, le budget disponible est reconverti en heures de CPF. La complexité générée par une telle mesure serait moindre que l'inéquité générée par l'application stricte des règles actuelles. 

14/02/2014

Reflux

Ce week-end encore, la mer sera haute, la houle soulèvera des vagues puissantes qui viendront chahuter les bords de mer. Le flux d'Ouest comme une corne d'abondance nous envoie inépuisablement des coups de vents, torrents de pluie, coups de tabac. 

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Il est un domaine dans lequel, contrairement aux idées le plus souvent reçues, le flux se retire. Il ne se tarit pas, mais il décroît régulièrement, progressivement, pour s'établir sur des étiages nouveaux. Il s'agit du contentieux prud'homal. Que l'on en juge : 229 000 contentieux nouveaux en 2009, 217 000 en 2010, 205 000 en 2011 et 175 000 en 2012. Aussi inexorablement que les flux d'Ouest charrient leur lot de tempête, le reflux du contentieux judiciaire en matière sociale s'installe dans le paysage. Une matière à réflexion pour ceux qui pensent qu'une crise économique et sociale ravive les tensions. 

13/02/2014

C'est du propre !

Achim d'Arnim a été le premier à formuler la question de manière aussi directe : "Ce que nous créons, est-ce à nous ?".  La question se pose aussi bien à propos des conditions de production de l'oeuvre, toute oeuvre est en partie le produit de l'environnement dans lequel elle a été conçue, que de sa vie postérieure, ainsi tout lecteur réécrit à travers le prisme de sa singularité le livre qu'il lit. Et si l'auteur peut toujours dire où se trouvaient ses motivations conscientes, que sait-il de son inconscient, des imprégnations qui l'habitent et finalement du ressort de chacun de ses actes. Que savait Giorgione de La Tempête, qui demeure une des peintures les plus énigmatiques qui soit et qui peut servir de support à mille interprétations ?

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Giorgione - La Tempête - 1507

Après chaque texte important, cela ne manque pas : les interprétations se multiplient et tout le monde tire à hue et à dia pour trouver justification à sa propre lecture. S'agissant de la réforme de la formation professionnelle, qui n'échappe pas à la course au déchiffrage, il importe de rappeler quelques évidences qui ne paraissent pas l'être pour tout le monde : 

- le texte de l'ANI du 14 décembre ne constituera jamais une norme juridique applicable, tant il est vrai qu'il n'a pas vocation à être étendu et que techniquement il ne pourrait d'ailleurs l'être au regard des importantes différences qu'il comporte avec la loi qui va être adoptée ;

- le fait d'avoir participé, de près ou de loin, à la négociation n'est donc aucunement la garantie que l'on est particulièrement bien placé pour interpréter la loi à venir. Au contraire, cela suppose de s'affranchir du cadre des négociations pour avoir un regard sur un texte différent ;

- quelle que soit les intentions du législateur au moment où il élabore la norme légale, ces intentions sont supposées trouver traduction dans les formulations retenues. L'esprit du texte se déduit donc de sa lettre et non de ses conditions de production. Et si ce qui est écrit devait signifier autre chose que ce que l'on peut en déduire, c'est qu'il fallait l'écrire autrement ;

- et au final, comme toujours, seul le juge est compétent pour nous dire où se trouve la vérité juridique, dans l'hypothèse pas toujours vérifiée où il y aurait contentieux. Rappelons nous par exemple, que les partenaires sociaux pensaient créer une coresponsabilité entre l'employeur et le salarié en matière d'employabilité lorsqu'ils ont créé le DIF, et que le juge n'a jamais voulu suivre un tel raisonnement, considérant que la nature même du contrat de travail s'y opposait. 

Même s'il est parfois difficile pour les partenaires sociaux ou le législateur de l'admettre, dès que les textes qu'ils produisent sont conclus, ils cessent de leur appartenir au profit de tous ceux qui doivent en faire usage. Tel est le propre du droit. 

12/02/2014

Ce n'est pourtant pas le casino...

A ceux qui pensent que les Conseils des prud'hommes c'est la version paritaire du casino avec jackpot à la clé, on conseillera de passer quelques après-midi sur les bancs publics de la juridiction sociale. Ils pourront constater que quelques mois de salaire, très rarement plus de six à huit mois, constituent le maximum de l'indemnisation pour les licenciements les plus évidemment injustifiés. Pourtant, les mêmes pourraient m'opposer la décision rendue en juillet 2012 et que la Cour de cassation vient de confirmer le 29 janvier dernier,  de la Cour d'appel de Paris qui, en attribuant plus de 700 000 euros à un salarié, pourrait susciter quelques vocations et faire naître de beaux, sinon de faux, espoirs. Pour le salarié concerné, par contre, nul doute que le jugement l'aura rendu beaucoup, mais alors beaucoup plus, léger. 

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Oui mais voilà, pour obtenir une telle somme, il faut avoir passé plusieurs années au travail, 24H sur 24 et six jours sur sept. Pas banal on en conviendra, voire difficile à croire. Pourtant le cas n'est pas rare. Il s'agit de responsables d'activités soumis, de fait, à une astreinte quasi-permanente compte tenu de la nature de leurs fonctions; en l'espèce, il s'agissait du responsable d'un service informatique qui devait assurer la continuité de service et répondre à toute sollicitation. On rencontre assez fréquemment ces situations où, de par leur niveau de responsabilité, des responsables d'agences, de sites, d'établissements, d'activités continues...doivent rester joignables à tout moment, lorsqu'il ne s'agit pas tout simplement d'avoir à intervenir parfois en dehors même de tout système d'astreinte. Tant que cela tient, pas d'inquiétude. Mais lorsque le salarié estime qu'il n'y a plus d'équilibre dans la relation et que son niveau de contrainte est sans rapport avec les avantages qu'il tire du contrat, surgissent alors bras-dessus bras-dessous le risque et la menace qui s'empressent de vous saisir à la gorge. Que faire alors , s'assurer que lorsqu'il y a astreinte elle demeure raisonnable, se souvenir que la délégation existe et qu'elle peut aussi s'appeler confiance, ne pas oublier que nul n'est irremplaçable et boire un verre de "brutal" pour ne plus être workalcoholic. Mais entre appliquer ces recette et voir miroiter 700 000 euros, il n'est peut être pas besoin de se perdre en conjectures pour savoir vers quoi se portera prioritairement le choix du salarié.