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30/05/2014

Ambivalences

Dans une ville portuaire, on s'attend à un monde horizontal, imbriqué dans la mer comme une main dans un gant. On anticipe également des horizons industrieux, laissant place aux machines et refoulant les hommes dans les cabines, les soutes, les docks, les camions, enfermés dans la tôle, le fer et l'acier. Et l'on découvre à Anvers une horizontalité lascive dans une ville qui s'arrête de travailler tôt le soir, heureuse coutume des pays nordiques, et qui ne se demande pas s'il faudrait travailler les jours fériés. Pas besoin d'aller très loin pour vérifier que le mythe du français qui serait toujours en RTT tandis que ses voisins se tuent au travail est une mystification totale. 

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Et sur le port, la verticalité qui s'impose n'est pas celle des grues, mantes religieuses qui fouillent les entrailles des bateaux sans relâche, mais celle du MAS, qui rappelle les trois omniprésences de la Flandres : la terre rouge des briques, le ciel blanchi de nuages et la mer qui le reflète. 

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En ces terres ouvertes sur la mer et le voyage, la diversité semble chose naturelle. 

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Elle ne l'est pourtant pas, tant il est vrai que la flamboyance des jeunes filles n'en finit plus d'effrayer les hommes. 

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Les frontières de l'enfermement et de la liberté ont parfois des contours imprécis. 

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C'est ainsi qu'en tout lieu, se côtoient la grisaille et la couleur. 

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Le piéton des villes est un éternel amoureux des ambivalences. 

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04/06/2010

RH Fragmentée

Le manager est plutôt de bonne volonté. Il joue son rôle d'écran entre les salariés et la direction, il les protèges du haut, les manage au plus près, est exigeant mais en soutien constant. Il n'a pas le cynisme de ceux qui ont un peu roulé leur bosse, et surtout pas celui de ceux qui ne l'ont même pas roulée. Une légère fatigue peut être devant le monde tel qu'il va. Mais la curiosité est intacte, l'appétit aussi et le fond de valeurs bien en place. Je l'écoute : "Lundi j'ai vu Mme Diversité, elle voulait que je recrute sur profil mais pas du poste, du candidat, mardi j'ai vu Mr Handicap, il voulait me placer deux supers candidats qui ont un handicap pas handicapant, mercredi le chargé de mission emploi groupe est venu me demander la moyenne d'âge de mon équipe qu'il a trouvée un peu faible et m'a recommandé de proposer une mobilité interne à un des jeunes qui vient de finir son parcours d'intégration métier et de prendre un senior qui est dans la cellule de mobilité groupe, jeudi la responsable formation m' expliqué qu'avec le DIF je pouvais booster ma relation manageriale avec mes collaborateurs, vendredi Mr RSE m'a envoyé un outil pour tracer le profil carbone de mon équipe et m'a demandé de le remplir pour lundi en vue d'un concours organisé par un journal professionnel, il m'a glissé en guise de signature de son mail que la DG était à fond derrière le projet pour décrocher le Trophée de l'entreprise socialement responsable dans sa catégorie, samedi matin j'ai fini de lire mes mails dont celui de mon RRH qui me demandait si j'avais bien réalisé mes entretiens professionnels, fait remonter les plans d'action individuels, rempli l'outil de suivi des performances et saisi les indicateurs RH dans l'outil PerfUse (youze), j'ai aussi trouvé le mail de la responsable GPEC qui m'a inclus dans un groupe de travail sur les compétences métiers et qui me rappelle qu'il faut produire les fiches sur les métiers cibles avant la fin du mois (c'est dans ses objectifs). Je pense que pour être en ligne avec une fonction RH aussi fragmentée je n'ai pas le choix : je vais exploser". Je ne sais pas pourquoi, à cet instant j'ai eu envie de montrer au manager les baigneuses de Cézanne.

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Cézanne - Les baigneuses -

Peut être parce que Cézanne, plus que les cubistes, est celui qui a le mieux traqué la lumière par la fragmentation de sa peinture. Qui par touches juxtaposées défait le spectre lumineux pour nous le livrer dans une nudité jamais offerte en cet état. La lumière sur la toile de Cézanne est plus nue que les baigneuses. Et c'est par la fragmentation successive, tel un parfum dont la formule composite ne fait pas obstacle à la cohérence finale, que Cézanne parvient à la beauté globale. Cézanne. Mais pas les ressources humaines qui mériteraient parfois qu'on les envoie peindre plus loin.

15/02/2010

Mélange des genres

La discrimination positive fait toujours débat : faut-il prendre des mesures catégorielles pour compenser des inégalités constatées ou bien l'adoption même de ces mesures contribue-t-elle à la discrimination puisqu'elle opère des sélections en fonction de critères par ailleurs illicites ? l'entreprise ne doit tenir compte ni de l'âge, ni du sexe, ni du handicap, ni de l'origine, mais on lui impose des plans seniors, des mesures en direction des femmes pour l'égalité professionnelle, des embauches de travailleurs handicapés et des mesures favorables à la diversité. Pas si simple. Pour alimenter la réflexion, trois spectacles différents. Le premier est une pièce du Théâtre Dromesko "Arrêtez le monde, je voudrais descendre" qui se joue au théâtre Silvia Monfort. Les hommes et les femmes portent des masques d'animaux et les animaux jouent sur scène (âne, cochon, coq, chèvre...). Le second est un film catalan "C'est ici que je vis", superbe et poétique vision de la vie dans les collines entourant Barcelone. Un enfant vit dans le monde des oiseaux. Les hommes et le renard lui rappeleront qu'il vit aussi ici et maintenant. Le troisième est l'opéra "Jules César" en version récital à la Salle Pleyel avec Cécilia Bartoli, Andreas Scholl, Nathalie Stutzmann et Anna Bonitatibus. Ici, les femmes ont les voix les plus graves, Andreas Scholl la voix d'un ange et Anna Bonitatibus joue un rôle d'homme avec fougue et passion. Il est de tradition, dans la musique baroque, de ne prêter que peu d'attention au genre et de s'attacher à la poésie des voix.
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Max Ernst - La toilette de la mariée

Quel lien entre ces trois spectacles ? la clé dans un quatrième évènement, le salon des éditeurs en sciences humaines qui se tenait dans le Marais ce week-end. En furetant dans les allées à la découverte de publications inconnues, on pouvait constater que nombre de chercheurs s'interrogent toujours sur les frontières entre homme et animal et entre homme et femme. Et au terme de cette promenade on se dit que la  discrimination se traiterait sans doute mieux par le questionnement, la remise en  cause et l'abolition des frontières, que par le renvoi de chacun à sa présupposée et forcément réductrice catégorie d'appartenance. Petit appel donc pour une remise à l'honneur de la pluralité des identités et le mélange des genres.

 

21/01/2009

Diversité ? non, pluralité !

En 1907, Picasso a 26 ans. Il peint les Demoiselles d’Avignon, dont André Breton dira : « C’est l’évènement capital du XXème siècle ». Ce tableau marque le surgissement de l’art nègre dans la peinture moderne, l’éclatement des représentations, la multiplicité des points de vue. Jusque-là plutôt orientaliste, l’art pictural découvre l’afrique sur un mode non colonial. Picasso balaie les frontières et les cloisonnements dans lequel s'est enfermé le 19ème siècle.
Le juriste a toujours été méfiant devant les pratiques de discriminations positives, qui commencent par de la discrimination. Comment, par exemple, ne pas penser que le recours massif aux préretraites dans les années 70 et 80 pour traiter les problèmes d’emploi du charbonnage, de la sidérurgie, du textile ou encore de l’automobile, s'il a apporté des réponses satisfaisantes à des situations individuelles a largement contribué à discréditer l’emploi des seniors ?

 

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Picasso - Les demoiselles d'Avignon - 1907


De même, les politiques et accords sur la diversité, et notamment les actions en faveur des minorités dites visibles font du critère qu’elles veulent effacer, l’origine en l’occurrence, le point focal des politiques et actions mises en place.
Comme Picasso éclate les corps en de multiples facettes d’origines diverses, Bernard Lahire dans son ouvrage de référence « La culture des individus » démontre que les trajectoires individuelles au début du XXIème siècle sont multiples, hétérogènes, contradictoires et que moins que jamais il est possible de caractériser les individus à partir d’un critère dominant. Le paradoxe de la diversité est qu’elle continue à nous renvoyer à l’origine comme un élément déterminant de la relation à l’autre. Plutôt que la diversité donc, comme Picasso, sachons voir l’homme, et en l’occurrence ici surtout la femme, pluriel et polyphonique et non socialement prédéterminé et monovalent.

16/05/2008

Egalité, diversité, féminité

Au fond le drapeau national. A l'arrière plan, les machoires serrées des militaires, le regard droit vers le ciel. Devant, la ministre espagnole de la Défense, Carme Chacon. La tenue est adaptée à la grossesse de sept mois. L'air nonchalant n'entame pas la portée du regard, l'allure ne dénote pas avec la fonction mais uniquement avec sa conception dépassée et nombre de stéréotypes.

 

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A l'heure où les entreprises s'interrogent sur les moyens de promouvoir la diversité et de parvenir à l'égalité professionnelle, une partie de la réponse au moins paraît simple : systématiser l'emploi de femmes là où on est pas habitués à les voir et arrêter les recrutements de femmes sur les six métiers qui occupent 60 % d'entre elles (employées d’entreprise et de la fonction publique, services aux particuliers et aux entreprises, ouvrières non qualifiées de l’industrie, institutrices, professions de santé, activités sociales). Et trouver normales les absences pour congé maternité. Carme Chacon s'apprête d'ailleurs à prendre le sien.