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17/06/2015

Boomerang

Lorsque j'explique que les stratégies syndicales me demeurent incompréhensibles sur le CPF, on me répond souvent que c'est parce qu'il y en a pas. Mais non, stratégie il y a, la même que sur le DIF : interdire que l'on utilise le droit d'un salarié pour faire des formations en relation avec l'activité parce que cela relève du plan. Ce qui pouvait conduire à la situation du salarié qui souhaite se développer dans sa fonction, demande une formation en DIF et s'entend répondre par son DRH que l'accord de branche ne lui permet pas d'accepter sa demande. Et sur le CPF, on en rajoute une couche : puisque la formation doit être certifiante, ce sera du diplômant et puis c'est tout. Et pas question de prendre sur les listes (au moins au niveau interprofessionnel car dans quelques branches ce n'est pas un problème) des certifications non diplomantes de l'inventaire. Résultat on a ce paradoxe que ce sont les organisations syndicales qui bloquent le plus l'utilisation du CPF au motif de protéger les salariés de la concupiscence de leur employeur, toujours prêt à leur faire les poches et à les spolier. Pour l'instant, on voit pourtant davantage de salariés se plaignant de ne pouvoir utiliser leur droit que de salariés qui sont soumis à des pressions insoutenables de leur entreprise pour utiliser le CPF sur des formations obligatoires. 

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Et de restrictions en restrictions, on se retrouve mi-juin avec très peu de fonds engagés pour sur les 800 millions d'euros disponibles au titre de 2015. Résultat ? et bien Rebsamen va écrire aux OPCA pour leur indiquer que, conformément à la décision du COPANEF, ils pourront utiliser les fonds du CPF pour la professionnalisation (autrement dit des certifications non diplomantes majoritairement, dans le cadre du plan de formation) et pour les plans de formation des entreprises de moins de 50 salariés. En conclusion, pour ne pas risque de financer des formations du plan de formation, on bloque tout et on se retrouve au final à financer...des formations du plan de formation. Sauf que dans le CPF c'est le salarié qui décide et pour la professionnalisation et le plan c'est l'employeur. Très joli coup de boomerang qui conduit à confier à l'entreprise des fonds qui devaient servir à financer un droit des salariés par peur de financer l'entreprise ! comprenne qui pourra. Peut être faudrait-il enfin réfléchir à une autre option : ouvrir massivement le dispositif, créer l'habitude de son utilisation, diffuser la culture de la formation et faire pression devant le succès pour dégager des ressources supplémentaires. Bref construire sur des dynamiques plutôt que sur des restrictions. Après dix ans d'options perdantes, il serait peut être temps d'en faire le constat et d'essayer autre chose. 

06/05/2015

La nature a horreur du vide, elle n'est pas la seule

En complément de la petite séance de "remotivation" du lundi matin, Rebsamen a fait parvenir aux OPCA un courrier leur indiquant la conduite à tenir en matière de CPF : traiter les demandes dans les meilleurs délais, accepter les dossiers d'où qu'ils viennent (organismes de formation, individus), assumer un financement sans attendre la collecte 2016 conformément aux règles comptables applicable aux OPCA, définir des taux de prise en charge et les rendre publics, favoriser la modularisation, commencer à financer des actions de lutte contre l'illettrisme, etc. En somme, tout ce qui peut permettre de faire fonctionner un dispositif en utilisant les souplesses du cadre règlementaire plutôt que d'en faire une interprétation restrictive qui sert de prétexte à l'inertie. Il paraît que quelques représentants paritaires ont été agacés par ce courrier un tantinet directif. C'est possible mais ils devraient se souvenir que la nature à horreur du vide.

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Les paritaires s'étaient déjà émus que l'Etat leur indique ce qu'ils avaient à faire en 2009, ou qu'on les soumette à 140 indicateurs de performance dans le cadre des COM depuis 2012. La logique est pourtant toujours la même : dès lors que le système paritaire n'agit pas, ou le fait à un rythme qui est en décalage complet avec les besoins des utilisateurs (entreprises, salariés), il ne faut pas s'étonner que d'autres agissent à sa place. Puisqu'aucun OPCA ne s'est soumis, pendant 40 ans, à une auto-évaluation et n'a défini les critères de sa performance, il ne faut pas s'étonner que l'Etat ait pris le relais en imposant ses propres critères, peu pertinents. Mais il ne sert à rien de critiquer ce manque de pertinence si l'on est pas en capacité de mettre en place soi-même les bons indicateurs d'évaluation de son action. Comme il ne sert à rien de critiquer un courrier qui n'aurait jamais existé si chacun avait tenu son rôle. A ne pas tirer les leçons de ces expériences, l'assurance formation prend tout droit le chemin de l'assurance maladie ou de l'assurance chômage, à savoir celui d'un paritarisme administré, autrement dit d'une étatisation progressive d'un régime social. Après cela, le paritarisme aura vécu. 

05/05/2015

De l'art de verrouiller

Le verrou a mauvaise réputation. Il n'est pourtant pas toujours synonyme d'enfermement ou de contrainte. Chez Fragonard, il est la condition de l'intimité choisie des amants saisis par les impatiences du désir. C'est qu'il n'est pas ici outil de pouvoir et de contrainte mais au contraire gage de liberté. 

Un Ministre c'est très occupé, d'où l'expression "avoir un agenda de ministre", et cet encombrement de l'agenda ne facilite pas, on s'en doute, le temps de la réflexion et encore moins celui de la pensée sur le sens et contresens du verrou. Pourtant, il eût été souhaitable qu'avant d'aller tirer les oreilles des OPCA lundi 4 mai en les priant de mouiller la chemise pour faire avancer le CPF, le Ministre s'interroge sur les causes d'un démarrage raté. Comme les médecins de Molière font une fixation sur les sangsues et les ventouses, le consultant est un maniaque du diagnostic, avec la conviction qu'un mauvais diagnostic ne peut déboucher que sur de piètres solutions. S'il avait pris ce temps, qui manifestement lui a manqué, il aurait pu identifier que si un verrou peut avoir du bon, l'abondance en ce domaine peut s'avérer néfaste. 

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Car ce sont quatre verrous qui ont été posés sur le chemin de la formation pour qui veut faire usage de son compte personnel de formation : 

- la nécessité d'une certification (avec un inventaire qui n'a pas trouvé son rythme de croisière et un RNCP inadapté) ;

- la nécessité de choisir sur liste (avec la complexité des superpositions de listes) ;

- l'impossibilité pour l'individu de s'adresser directement à l'OPCA (et le détour par un conseil en évolution professionnelle qui n'a pas les moyens de ses ambitions) ;

- et au final la surprise du chef : les taux de prise en charge par l'OPCA qui constituent parfois l'insurmontable obstacle final lorsque les paritaires ont décidé, par exemple, qu'ils financeraient allègrement les formations de leur secteur mais seraient restrictifs sur tout le reste. 

Dans ces conditions, le petit tirage d'oreilles paraît assez vain. Et comme s'il en avait conscience, le Ministre, et il n'est pas le seul, déploie le parapluie : mais tout cela va prendre du temps, on ne peut faire de bilan en quatre mois, et le CPF n'est pas tout, loin de là, cela ne représente que 10 % des financements nous dit-on au Ministère. Certes, mais quatre mois c'est bien long pour ne toujours pas identifier les racines du mal et surtout ne pas les traiter, et si le CPF n'est pas tout, s'il n'est pas destiné à tout le monde, pourquoi avoir créé un droit pour 19 millions de salariés pour ensuite venir nous expliquer qu'il n'en concernera qu'une petite partie qui entrent dans les priorités et seront les seuls à qui on donnera la clé des 4 verrous ? à ce niveau d'incohérence, on pourrait appeler cela de la supercherie. Car chacun comprendra aisément qu'à droit universel correspondent des priorités larges et que si l'on veut un droit ciblé il fallait accepter de le réserver à ceux que l'on estimait prioritaires. Mais créer un droit pour tous et vouloir en réserver l'usage à quelques uns, c'est la garantie absolue que des verrous on a perdu la clé. 

05/03/2015

Un grand succès...

C'est ainsi que François Rebsamen, mais si vous savez, le ministre de la formation professionnelle (et du chôôôômaaaageeee, pour parodier nos députés potaches), a qualifié les deux premiers mois d'existence du compte personnel de formation. Il se basait sur les 500 000 inscriptions recensées sur le portail du CPF. Dédions lui, avec la collaboration de Corneille, ce quatrain : 

Nous partimes cinq cent mille, mais malgré nos efforts,

Nous ne furent que soixante cinq à parvenir au port,

Tant, à nous voir chercher avec un tel visage,

Finissaient par en perdre la foi et le courage. 

Car les 500 000 ont fait pschiiit comme une bulle qui prend l'air et ce sont bien 65 dossiers financés qui sont recensés à la date anniversaire de la loi réformant la formation. 

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Alors bien sur, un an c'est court, le travail est immense, le chantier ouvert pour plusieurs années, la rupture colossale, preuve que l'on ne fait pas que rafistoler mais que l'on construit un véritable nouveau dispositif. Bien sur, tout cela est vrai. Mais il est permis de penser que si l'administration avait mis son énergie et ses moyens dans l'objectif de construire un système opérationnel dès le départ qui évoluerait par la suite, plutôt que de vouloir d'emblée penser et construire le système dans sa globalité en envisageant tous les cas de figure avant même qu'ils ne se présentent, ce qui conduit à consacrer un temps considérable à des questions secondaires, on en serait pas là. Mais voilà, comme le scorpion qui pique la tortue au milieu du gué, produire des systèmes abscons sans empathie pour le bénéficiaire c'est finalement dans la nature des administrateurs qui administrent des administrés. Enfin, 65 administrés. 

02/06/2014

Mieux que la suspension, la suppression

François Rebsamen ne connaît pas particulièrement les questions d'emploi, de travail, de formation professionnelle, de dialogue social, mais il piaffait à la porte du Gouvernement et il fallait muscler celui-ci d'hommes de confiance et de vieux chevaux de la politique. Remplissant ces deux conditions, l'ami du Président accepta de découvrir les questions sociales en même temps que sa nouvelle fonction. A lui, tous les mois, d'annoncer les mauvaises nouvelles sur le front de l'emploi, à lui de trouver les solutions pour endiguer le chômage contre lequel il paraît que l'on a tout essayé. On ne peut pas dire que l'impétrant manque de lucidité : ayant remarqué une surreprésentation des entreprises de 40 à 49 salariés dans notre économie, il fît la relation avec les obligations sociales correspondantes : mise en place d'un CE et obligations qui vont avec (base de données, crédit d'heures, réunions, expertises, budget,...) ou participation obligatoire qui oblige le dirigeant à partager les bénéfices de l'entreprise. Et derechef, décida de suspendre les effets de seuil, jusqu'à la prochaine élection évidemment. Proposons lui mieux : fi des distinctions, vive l'égalité, à bas les mesures catégorielles, sus aux seuils, votons la suppression. 

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Militants de l'égalité

Pourquoi réserver le partage des fruits du travail de la collectivité à certaines entreprises, pourquoi en exclure les plus petites dans lesquelles l'oeuvre collective a sans doute encore plus de sens que dans les entités de grande taille ? pourquoi considérer que le dialogue social ne peut s'épanouir que dans le nombre et l'anonymat ? pourquoi la relation interpersonnelle devrait-elle à tout prix supplanter la représentation élective ? pourquoi priver de droits les salariés des petites structures et renforcer ainsi l'idée que le social n'est qu'un coût et jamais un élément de la performance ? alors ne nous contentons pas de suspendre les seuils, supprimons les et adaptons les obligations pour qu'elles gardent du sens en tout type d'entreprises. Autrement dit, employons notre créativité à faire du droit commun et non du droit d'exception suspendu. Encore un effort donc, monsieur le Ministre : après être resté au seuil du Gouvernement jusqu'au moment où vous étiez prêt à tout accepter, vous comprendrez sans peine l'intérêt de les supprimer. Les seuils.