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12/11/2013

Tout loisir d'être malade

Je me souviens d'un Président de chambre de commerce qui avait découvert que son directeur général avait gagné un tournoi de golf...pendant un arrêt maladie. Il m'avait dit : "Je vais le virer". Peut être, mais pas pour ce motif. Je me souviens de la tête de mon prof de gym, au lycée, me convoquant pour me demander pourquoi j'étais dispensé de sport par certificat médical, alors que je gagnais des courses cyclistes le dimanche. Précisément pour cette raison, lui avais-je répondu, comme quoi on peut être à la fois pertinent et impertinent. Il aurait fallu que l'employeur qui a licencié un salarié pour avoir participé à un rallye automobile pendant un arrêt maladie ait pu lui aussi se souvenir de tout ceci. Il aurait alors compris que le contentieux était perdu d'avance.

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Pilote séchant l'école mais pas le camion

Lorsqu'un salarié est en arrêt maladie, il est en arrêt autorisé et rien ne peut remettre en cause le fait que son absence soit justifiée. Et si le salarié vient à manquer à ses obligations vis à vis de la sécurité sociale, en exerçant des activités normalement incompatibles avec son état de santé, ce n'est pas un problème de droit du travail. Dès lors, l'employeur ne peut reprocher à un salarié de partir en vacances pendant un arrêt maladie, de participer à des compétitions automobiles ni de faire du vélo. Dès lors que ces activités ne causent aucun préjudice particulier à l'entreprise. Par contre, l'exercice d'une activité professionnelle constituerait une déloyauté que l'employeur pourrait sanctionner. Et rappelons que l'entraide familiale n'est pas une activité professionnelle. Le coup de main à son conjoint non salarié n'est donc pas plus un motif de licenciement. La décision rendue par la Cour de cassation le 16 octobre dernier nous donne l'occasion de nous souvenir aussi que droit et morale ne relèvent pas de la même sphère.

Cass. soc. 16 Octobre 2013 - Maladie et activité.pdf

07/11/2013

Semblable, dissemblable

C'est une évidence qu'il est parfois nécessaire de rappeler : tous semblables, tous dissemblables. Ce n'est pas parce que tous les individus se ressemblent qu'il faut oublier leur singularité. Des ressemblances de façade peuvent masquer des différences profondes. 

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Ce n'est pas parce que les organisations patronales et syndicales poursuivent, globalement, les mêmes objectifs, qu'elles ont les mêmes positions. Ce qui donne parfois des configurations particulières dans les négociations ou des organisations qui ne siègent pas du même côté de la table vont se retrouver, pour des raisons certes différentes, à défendre les mêmes positions. C'est aujourd'hui la configuration de la négociation sur la formation professionnelle puisque aucune des deux parties n'a de position commune.

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Et si au final on aboutit à un accord, que certains nommeront consensus et d'autre compromis, il ne faudra pas en conclure qu'il y a uniformité, comme au Palais Grassi, recouvert de tapis en toutes ses parties.

Pour mieux comprendre ce qui rassemble et divise les participants à la négociation notamment sur la question du financement de la formation, une chronique réalisée pour l'AEF portant sur les enjeux de la mutualisation.

MUTUALISATION.pdf

29/10/2013

Le retour du pilote d'avion

Le 20 avril 1988, la Cour de cassation a pour la première fois estimé qu'un employeur devait adapter les salariés à l'évolution de leur emploi. Il s'agissait d'un pilote d'avion. La compagnie qui l'employait, ayant changé ses avions, l'avait licencié pour recruter un pilote qualifié sur les nouveaux avions. Licenciement injustifié selon les juges : l'employeur a l'obligation de faire acquérir la nouvelle qualification au pilote en place et ne peut le licencier que s'il échoue.

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Le 23 Octobre dernier, la Cour de cassation jugeait à nouveau l'affaire d'un pilote. Formé cette fois-ci par son employeur, il avait signé une clause de dédit prévoyant le remboursement des frais de formation en cas de démission. Ayant quitté volontairement l'entreprise, il s'était vu assigné, et condamné en appel, à payer la clause de dédit-formation. Erreur selon la Cour de cassation. La clause prévoyait le remboursement des salaires et charges pendant la formation, ce qui est légalement impossible puisque le versement du salaire est la conséquence du fait que l'adaptation au poste se déroule pendant le temps de travail. Des cours d'appel avaient déjà soulevé cet argument, mais c'est la première fois qu'il est utilisé par la Cour de cassation et posé en principe.

Reste à apprécier la portée exacte de la décision : elle n'exclut le dédit-formation que sur les salaires, pas sur les coûts pédagogiques et ne pose pas en principe que toute action d'adaptation constituant une obligation de l'employeur elle ne peut faire l'objet d'un dédit. En cela, elle s'écarte de la comptabilisation fiscale des coûts de formation et se rapproche davantage d'une appréciation de l'investissement social de l'entreprise, soit exactement le sens que la négociation est en train de donner à la formation. Toujours en avance, les juges.

COUR DE CASSATION - 23 Octobre 2013 - Dedit Formation.pdf

28/10/2013

Malade pas incapable

Cette fois-ci, l'affaire est entendue : le salarié est un individu autonome, capable de prendre des décisions, et dont la subordination ne doit pas être confondue avec la soumission. Résultat, même si le salarié est en arrêt maladie, et donc par définition pas dans son état normal, il n'est pas exclu qu'il soit en capacité de conclure une rupture conventionnelle. C'est en tout cas ce que vient de décider la Cour de cassation dans une décision du 30 septembre dernier.

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Il était déjà acquis qu'une rupture conventionnelle pouvait intervenir dans un contexte conflictuel dès lors que la volonté du salarié n'avait pas été forcée. Il en est donc de même en cas de maladie, serait-elle due selon le salarié à ses conditions de travail. Il n'y a donc plus que les cas de fraude à une protection du salarié (accident du travail ou maladie professionnelle, inaptitude, maternité,...) qui constituent des situations limitant pour l'entreprise et le salarié la possibilité d'engager une négociation sur la fin du contrat de travail.

Et sinon, l'illustration n'a rien à voir avec le sujet, je sais, mais avec Lou Reed, ce sont les années 70 qui continuent de s'effacer, et avec lui, avec elles, le monde d'avant. Hey Honey, take a walk on the wild side !

Cour de cassation 30 septembre 2013.pdf

18/10/2013

Le loup sort du bois

La décision n'est pas encore rendue, mais elle attire déjà tous les commentaires. La Cour d'appel de Paris s'apprêterait à rendre une décision de rébellion, diable, dans l'affaire Baby-Loup. On ne revient pas sur toute l'affaire, plusieurs fois évoquée ici, de la directrice de crèche licenciée parce qu'elle portait le voile, licenciement validé par les juges du fond mais annulé par la Cour de cassation, pour des motifs de pur droit : impossible de licencier sans dire en quoi le voile est incompatible avec la fonction exercée. Manifestement la Cour d'appel a retenu la leçon et s'apprête par sa décision à faire sortir le loup du bois.

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Lou Dubois - Man Raie

Pour ce que l'on peut en savoir, la Cour d'appel devrait indiquer que le port du voile est incompatible avec la nature de la fonction en considération du public concerné, des enfants de trois mois à trois ans. Selon le juge, le caractère influençable  des enfants exclu que l'on puisse faire place à un modèle religieux dans leur éducation. Or le voile renvoie à une religion. La liberté de conscience pourrait donc trouver sa limite dans celle des enfants, jugée prioritaire par rapport à celle de l'adulte. Une telle décision conduirait à formuler trois remarques : la première est que, loin d'être un arrêt de rébellion, il s'agit au contraire d'un arrêt qui dit exactement ce que la Cour de cassation exigeait d'entendre à savoir une motivation par rapport au travail, la seconde est qu'il appartiendra de nouveau à la Cour de cassation d'apprécier si la motivation est suffisante, et enfin on remarquera que si le juge d'appel fait ce qu'aurait du faire la crèche lors du licenciement, expliquer l'incompatibilité avec le travail, il n'en reste pas moins que tels ne sont pas les termes de la lettre de licenciement, et que normalement celle-ci fixe les limites du litige. Le juge d'appel pourrait donc avoir raison sur le fond, et tort en droit. Ce qui pourrait permettre au loup, de regagner le bois.                                                            

17/10/2013

Un salarié, ça peut l'ouvrir sans démissionner

Ce qui caractérise le mieux la vraie liberté est son juste usage, et l'abus qu'on en fait. Cette phrase de Lichtenberg a manifestement inspiré les juges de la Cour de cassation. Appelée à se prononcer sur le courrier envoyé par trois cadres supérieurs aux administrateurs de la société pour mettre en cause la gestion de leur PDG qui avait motivé le licenciement de l'un d'entre eux, la Cour de cassation a estimé que le salarié n'avait fait qu'user de sa liberté d'expression. Même si le courrier constituait une mise en cause des choix et méthodes du PDG, en l'absence d'injure, de dénigrement ou de diffamation, il ne saurait constituer un motif de licenciement et n'est qu'une modalité de mise en oeuvre de la liberté d'expression.

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Dans une formule que les journalistes ne se lassent jamais de reprendre, Chevènement avait déclaré qu'un Ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne. Pour beaucoup de dirigeants, il en irait de même pour les salariés : content ou parti, soumis à l'autorité ou démis. A ceux-là, la décision des juges paraîtra incompréhensible. Par contre, elle semblera logique à ceux qui font une différence entre la subordination et la soumission.

COUR DE CASSATION - Liberté d'expression - cadre dirigeant.pdf

Et au passage les juges délivrent une deuxième leçon : lorsque l'on positionne un salarié comme cadre dirigeant, on évite de le soumettre à un horaire, de le faire badger et de préciser dans son contrat qu'il ne peut refuser les heures supplémentaires, ça fait beaucoup trop d'incohérences pour un seul homme.

15/10/2013

Indicateurs

C'est tout de même une bonne surprise lorsque l'on échappe à la bureaucratie au profit d'un peu de sens. Le Ministère du Travail vient de diffuser le projet de décret sur la Base de Donnée Unique d'Information des représentants du personnel (BDU, ou BDUI ou BDUIRP). Et bonne surprise, il ne s'agit pas de tableaux à remplir ou d'indicateurs préétablis en face desquels il suffirait de mettre un chiffre, mais de thématiques qui doivent être traitées et sur lesquelles les partenaires peuvent engager le dialogue, ce qui est quand même un des objectifs de la BDU (tenons nous en à la version courte).

Pour la formation, par exemple, qui est placée dans l'investissement social au même titre que l'emploi et les conditions de travail, il n'est question que l'investissement et des publics concernés. A l'employeur et au  CE de se mettre d'accord sur les indicateurs.

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Indic...ateur

Pour l'investissement, on pourra enfin abandonner le % de la masse salariale pour se situer par rapport au chiffre d'affaire, au résultat, au montant total de l'investissement, à la comparaison avec la rétribution des salariés, dirigeants et actionnaires et autres utilisations de la valeur ajoutée. Pour les publics concernés, on pourra identifier les métiers/salariés bénéficiant le plus de l'investissement, le taux d'accès en formation ou encore les salariés n'ayant pas été en formation depuis 2 ou 3 ou 5 ans (ou plus). Dans tous les cas, l'information est de nature à ouvrir un dialogue plus pertinent que les sempiternels bilans de formation camembérisés ad nauseam. Comme quoi, on peut y compris en matière règlementaire faire simple et efficace.

Projet Decret CE.pdf

09/10/2013

La formation mène à tout, son absence aussi

La définition du stress est pourtant actée depuis 2008 par un ANI du 8 juillet, identique à celle qui prévaut au niveau européen. En substance, le stress est défini comme le sentiment qu'a le salarié de ne pas avoir les moyens de faire son travail. Il s'agit d'un sentiment, soit une vérité pour celui qui l'éprouve mais pas toujours pour autrui. La responsabilité de l'employeur est d'objectiver la situation et de vérifier  si la perception du salarié est conforme ou non à la réalité. Cette appréciation de l'employeur n'est souveraine qu'en l'absence d'intervention du juge qui, au final, dira si le stress provient, ou non, d'un manquement de l'employeur. Dans sa décision du 19 septembre dernier, la Cour de cassation reconnaît la faute inexcusable de l'entreprise suite au suicide d'un salarié, notamment au motif qu'il avait été affecté sans véritable formation à des tâches qu'il n'était pas en mesure d'assumer correctement.

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Dans ses arguments en défense, l'entreprise fait valoir qu'à défaut de formation, un accompagnement par un salarié était organisé. Dans une réponse qui pourrait inspirer les négociateurs de la réforme de la formation professionnelle à la recherche d'une nouvelle définition de l'action de formation, la Cour de cassation estime qu'il ne peut y avoir formation par compagnonnage que si le salarié qui reçoit la mission d'accompagnement est par ailleurs déchargé d'une partie de ses fonctions. Faute de quoi, à défaut de temps explicitement consacré à l'activité tutorale, on ne peut véritablement parler de formation. Aux entreprises qui souhaiteraient remplir leurs obligations d'adaptation ou de maintien des compétences des salariés par d'autres moyens que la formation, on conseillera de s'inspirer de cette décision. Et aux organisations d'une manière plus générale on ne saurait trop recommander de mettre en cohérence le niveau d'exigence qui est le leur avec les moyens mis à la disposition du salarié. Car si la confrontation à des situations nouvelles est la condition même du progrès, lorsque la marche est très haute elle devient un mur contre lequel on risque de se fracasser.

Cass. civ. II, 19 septembre 2013.pdf

08/10/2013

Comme en rêve

Lorsque j'ai entendu dans le métro une voix féminine haut perché lancer "Arigato Godzaimas", j'ai tout d'abord pensé que j'étais mal réveillé, que c'était l'heure matinale. Ou que j'avais décidément du mal à revenir du Japon. Puis je me suis aperçu qu'il s'agissait de prévenir les voyageurs nippons des risques de vol. Ce qui me rappela que dans le métro à Tokyo on peut laisser sans problème son portable sur la banquette pendant qu'on lit le journal.

Puis j'arrivai à Chartres. Dans le petit matin, le soleil perçait des nuages lourds et diffusait un halo de lumière sur la cathédrale. Je pensai à ce conseiller aux affaires culturelles de la Ville de Toulouse qui, il y a quelques années, était entré dans cette cathédrale, avait été pris par la lumière et était entré pendant dix ans dans les ordres, laissant à l'extérieur femme, enfants, amis, travail et tout le reste.

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Et le soir, au retour de Chartres, en train, dans la lumière rasante du début d'automne, apparut soudain le château de Versailles, tel un grand vaisseau flamboyant, qui semblait échappé de l'histoire, des rois et reines, qui n'avait comme cour que la forêt environnante et qui saluait les passants.

Certains jours, on travaille comme en rêve.

06/10/2013

Mobile

Lors d'une manifestation publique, la semaine dernière, un des intervenants en tribune soupira que les choses iraient tout de même mieux, en France, si les salariés étaient mobiles, comme dans les autres pays d'Europe. Un murmure d'approbation sembla parcourir la salle. A moins que ce ne fut de la réprobation, car il s'agit évidemment d'une énorme sottise. Si l'on s'en tient aux chiffres de l'INSEE, la France est un des pays d'Europe où la mobilité est la plus forte. Chaque année, 2 % des salariés changent de région pour raisons professionnelles. C'est peu direz-vous. Oui mais en Allemagne c'est 1,3 % et en Espagne 0,8 %. La faible mobilité est donc loin d'être l'apanage des Français. 

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Mobile - Immobile

A l'heure où il est question de former davantage les demandeurs d'emploi, il ne faudrait pas perdre de vue cette réalité : si plus de 20 % des salariés changent d'entreprise chaque année, seuls 2 % donc changent de région. Ce qui signifie que la mobilité s'exerce très principalement dans un même périmètre géographique. Au moment de définir des priorités de formation, il sera peut être bon de se rappeler que l'on change plus facilement de secteur professionnel que de bassin d'emploi et que c'est évidemment d'autant plus vrai que le niveau de revenu est peu élevé. Ce qui laisse à penser que, la formation étant un moyen, c'est moins l'amélioration du fonctionnement du système qui doit être le premier objectif, que la prise en compte des bons paramètres pour les questions que la formation est censée résoudre.

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03/10/2013

Surtout, ne pas se mouiller

Cela m'avait valu de m'énerver avec quelques clients, je sais ce n'est pas bien, mais surtout avec leurs avocats.  Des comme j'aime. Empêtrés dans leur statut et leurs certitudes qui ne consentent pas vraiment à échanger des arguments tellement il leur paraît évident que la maîtrise du droit leur appartient. Sauf qu'ils se mettent parfois l'effet de manche dans l'oeil jusqu'à la fourrure. Je me souviens d'un particulièrement, grande réputation, cabinet prestigieux, qui avait soutenu qu'en cas de maladie il fallait proratiser les jours de RTT des salariés en forfaits en jours. Aucun argument n'avait pu ébranler sa conviction. Au premier arrêt de la Cour de cassation qui expliqua le contraire, il parla de cas d'espèce et de juges qui n'avaient rien compris. Au second, il se fit discret. Le même avait soutenu, concernant le DIF, que la loi prévoyant un droit qui s'exerce pendant le préavis, la privation du préavis en cas de faute grave, libérait l'entreprise de proposer le DIF. Ce qui revenait dans les deux cas, à dire au client ce qu'il souhaitait entendre. Surtout, ne pas se mouiller.

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La Cour de cassation vient de juger, à propos d'un licenciement pour inaptitude dans lequel le salarié n'est pas en mesure d'effectuer le préavis, que l'inexécution du préavis n'avait aucun effet sur le droit au DIF. Cela paraissait évident au regard des textes et de la finalité du DIF. La solution est identique en cas de faute grave : celle-ci ne privant plus le salarié du DIF depuis la loi du 24 novembre 2009, il était absurde de déduire de l'inexécution du préavis la perte du droit. Maintenant que le juge l'a clairement indiqué, l'avocat ne devrait plus avoir peur de se mouiller, il peut ranger son parapluie.

Cass-DIF-12-20310.pdf

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02/10/2013

Une cigarette bien pleine

Je résiste rarement, à vrai dire jamais, au plaisir de voir l'interrogation ou l'incrédulité s'inviter sur le visage de ceux à qui j'annonce que le vide juridique n'existe pas. On leur aurait donc menti ? hé oui ! les journalistes raconteraient donc parfois n'importe quoi, comme ce soir dans le reportage consacré à la formation professionnelle sur France 2 ? hé oui ! mais bien sur, on ne peut pas aussi facilement emporter le morceau. Il faut des preuves, du concret, du béton. Alors je lance le concours : trouver un vide juridique en droit du travail. Mieux que le concours Lépine. Et lorsque l'on fait confiance à la créativité, on est rarement déçu. Hier, je vis se dessiner un sourire triomphant et un peu moqueur qui laissa tomber : "Et la cigarette électronique ? ". Pas plus vide qu'un jardin zen qui, à bien y regarder, vous conduit au vide par le trop plein, ce qui permet de lui reconnaître, entre autres qualités, un gourmand sens de l'humour.

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Car si aucun texte ne vise effectivement expressément la cigarette électronique, il ne manque pas de règles qui peuvent lui être appliquées. En premier lieu, l'interdiction législative de fumer est générale et ne concerne pas un type de cigarette en particulier. Or, même si le terme "vapoter" fera bientôt son entrée dans le Larousse, la cigarette électronique se fume. Ensuite les textes sur la santé au travail exigent que l'employeur protège la santé des salariés. L'OMS et l'INRS préconisant l'interdiction en l'absence d'études qui établissent l'innocuité pour autrui de la cigarette électronique, l'employeur est légitime à prévenir un risque. Enfin, le règlement intérieur est une source de droit qui peut apporter des restrictions aux libertés sous réserve d'objectif légitime et de proportionnalité, ce qui peut être le cas ici compte tenu des risques pour la santé déjà soulignés. Soit quasiment un trop plein de norme qui conduirait le juge saisi de cette question à n'avoir que l'embarras du choix, preuve que la cigarette électronique n'est pas pleine de vide.

01/10/2013

Géométrie variable et paroles verbales

Ces derniers mois, il n'était question que de l'Allemagne : modèle économique, modèle de pays réformateur, modèle pour les petits boulots sous-payés, euh non, ça on l'a pas évoqué. Mais pour le reste donc, la voie était toute tracée, et il n'a pas manqué de responsables politiques ou économiques pour nous dire tout le bien qu'ils pensaient de la politique de Merkel et plus encore des réformes engagées par le socialiste, le mot était prononcé avec gourmandise, Schröder. Mais là, tout d'un coup, plus rien. Sur le débat relatif au temps de travail, le modèle n'est plus allemand. D'autant que la Cour constitutionnelle allemande, à l'inverse de notre Conseil, est très vigilante sur les dérogations au travail dominical au nom de la protection des activités religieuses, sociales et familiales. Mais si la girouette de l'exemplarité à tourné, c'est sans doute la faute au vent.

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Philippe Ramette - L'hésitation métaphysique (incitation à la dérive) - 2012

Cet oubli soudain de l'Allemagne aura, peut être,  un mérite. Rappeler que ces comparaisons hâtives et moralisatrices qui sont au raisonnement ce que la saucisse à hot-dog est à la saucisse, à savoir un très lointain dérivé, dissimulent très mal que leur seul objectif est de venir au soutien d'une idéologie que l'on ose affirmer trop clairement. Bref, comme l'on dit dans le Sud, ces prétendus raisonnements, ce sont avant tout des paroles verbales. Il faudra peut être le rappeler au prochain qui nous fait le couplet sur l'Allemagne, dans laquelle le travail du dimanche est interdit, sauf de manière limitée pendant huit dimanches par an. Soit exactement ce que demandent les syndicats taxés de conservatisme en France.

23/09/2013

Le changement, c'est maintenant

Je pensai que le schéma avait disparu de la circulation après sa publication dans le Canard Enchaîné qui rapportait les méthodes de formation des managers d'un grand groupe. Le changement était présenté comme un deuil qu'une communication adaptée fera passer d'un déni à l'adhésion. L'ineptie d'un tel schéma comme mode explicatif des comportements aurait pu sauter aux yeux de chacun sans effort. Que nenni ! voilà qu'il ressurgit dans les supports de formation des managers d'un autre grand groupe.

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C'est le schéma avec lequel vous avez toujours raison, clé sans doute de son succès. Jugez-vous même : vous annoncez un changement à un salarié, or le nouveau projet, la nouvelle organisation est une ineptie. Il vous exprime son opposition. C'est le déni de la première étape du deuil. Ensuite, devant votre sourire narquois de celui qui sait  à quoi s'en tenir, il se mettra en colère. Et vous penserez : "Etape 2". Devant l'absence totale de prise en compte de son opinion, il déprimera "étape 3". Puis, lassé de se battre contre des moulins, il capitulera "Etape 4". Et vous aurez managé le changement de main de maître. Cela s'appelle la prophétie autoréalisatrice, mais il n'est pas besoin d'être prophète pour se dire que se dire que si l'on se met à manager le deuil, il ne faut pas s'étonner que les gens se tuent au travail.

19/09/2013

Ah, la perfection !

Un peu longue la réunion sur le projet. Chaque étape est reprise, détaillée, disséquée, analysée. Tous les imprévus prévisibles sont envisagés méthodiquement, le diable et 1000 de ses avocats semblent planer au-dessus de la table pour souffler à la responsable du projet toutes les objections, les impossibilités, les obstacles, les empêchements, les accidents qui ne manqueront pas de faire irrémédiablement capoter ce que nous sommes en train de laborieusement tenter de construire. Les tunnels de négativité de cette espèce me plongent toujours dans une sourde torpeur dont je préfère ne pas imaginer la mine imbécile qu'elle dessine sur mon visage. Tout juste si je tends l'oreille parce que soudain l'une des participantes interpelle la chef de projet :

"- De toute façon, toi tu vises toujours la perfection...

- Non, ce n'est pas vrai, je ne cherche pas toujours à atteindre la perversion..."

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Pierre Molinier - Hanel - 1956

Le lapsus éclaire ma journée. Après cela, on peut bien rester trois heures encore sur l'étape 2, cela n'a plus d'importance. La perfection est-elle une perversion ? comme tous les excès sans doute. Comme le sportif de haut niveau qui, au pic de sa forme, présente un bilan de santé qui ferait bondir plus d'un médecin. Mais il ne faut surtout pas oublier, surtout pas, que la perversion est aussi un plaisir. Belle réunion, et belle journée, un esprit impartial la trouverait parfaite.

12/09/2013

Esquisse d'une réforme annoncée

On commence à y voir plus clair. Au moins en ce qui concerne les bases sur lesquelles va s'engager la nouvelle (jusqu'à la prochaine ?) réforme de la formation professionnelle. Et contrairement à ce qu'en disent certains sceptiques, il ne s'agira pas d'une réformette. Le deal passé entre le Gouvernement et le MEDEF sur le sujet paraît assez limpide : vous faites un effort supplémentaire pour les salariés les moins qualifiés et on vous libère de toute obligation fiscale pour ce qui concerne les formations qui accompagnent la performance de l'entreprise. Plus concrètement, on met en place le compte personnel, on augmente la part obligatoirement versée à l'OPCA et on supprime le 0,9 %. Ou encore, au lieu de verser 50 % de votre obligation de 1,6 % à l'OPCA et de gérer le reste selon votre choix, on passe à 1% de versement obligatoire pour des dispositifs d'intérêt général et pour le reste cela relève de la responsabilité de l'entreprise vis à vis de ses salariés et d'avantage d'obligations sociales que fiscales.

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Ingres - Le jugement de Salomon

On remarquera que la logique est la même que celle de la jurisprudence commentée dans la chronique précédente : des obligations renforcées pour les salariés les moins qualifiés ou placées dans des situations précaires, mais une grande liberté de négociation avec ceux qui bénéficient d'un niveau de qualification plus important. Ce n'est toutefois pas la première fois qu'un tel deal est posé sur la table : c'était déjà le cas en 2003/2004 et, de manière encore plus explicite, en 2008 lorsque Christine Lagarde alors en charge du dossier, avait écrit aux partenaires sociaux avant qu'ils n'ouvrent la négociation qui devait aboutir à l'ANI du 7 janvier 2009, qu'elle était prête à envisager la suppression de l'obligation fiscale sur le plan de formation. La troisième tentative sera-t-elle la bonne ? il semble que le fruit soit plus mûr que jamais et si ce n'était pas le cas, les contrôles lancés par la Cour des comptes sur quelques OPCA voire quelques articles de presse opportunément publiés en début de négociation (parions que Le Point parlera de formation et de financement paritaire dans les semaines qui viennent) viendront rappeler que cette fois-ci, il va peut être falloir aller plus loin que l'esquisse.

10/09/2013

C'est permis

La salariée et son avocat pensaient sans doute que la protectrice Chambre sociale remettrait au pas ces juges de la Cour d'appel manifestement intoxiqués par la petite musique libérale. Enfin, quoi ! c'est à l'employeur de former les salariés et il n'est pas question de remettre sur ceux-ci la charge de l'obligation. C'est ce que nous dit le Code du travail qui oblige l'employeur à adapter le salarié à l'évolution de son poste de travail. En l'espèce, l'entreprise qui a recruté une salariée en qualité d'ingénieur commercial en prévoyant qu'elle aurait une voiture de fonction dès qu'elle obtiendrait le permis de conduire dont elle était dépourvue, peut la licencier pour motif disciplinaire quelques mois plus tard en l'absence de toute démarche de sa part pour obtenir le permis. La Cour de cassation le dit explicitement : il est possible de mettre à la charge du salarié lors de la conclusion du contrat une obligation de se former sur son temps personnel et à ses frais. Négocier le permis, c'était donc permis.

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Sans permis

Si à première vue la décision de la Cour de cassation peut surprendre, elle trouve à la réflexion deux explications. La première est que la salariée a qualité d'ingénieur commercial. Compte tenu du niveau de qualification, et sans doute de rémunération, les tribunaux ne considèrent pas comme illégitime que le contrat de travail comporte une obligation particulière. La seconde explication est qu'en réalité l'article L. 6321-2 vise l'adaptation au poste de travail, c'est à dire la situation d'un salarié déjà recruté dont le poste évolue. Ici, il s'agit d'une personne qui candidate à un emploi pour lequel elle ne remplit pas les conditions, que l'employeur embauche malgré tout en lui laissant un délai pour remplir ces conditions. On regrettera donc la formule des juges : ce n'est pas l'obligation d'adaptation qui peut être négociée lors de la conclusion du contrat, mais le fait que le salarié assume à ses frais  le coût de formation nécessaire à l'obtention des compétences requises. les conditions exigées à l'embauche ne relevant pas d'une adaptation mais constituant des exigences préalables à l'embauche. Sous ces réserves là, on sait dorénavant que négocier c'est permis.

Cass. Soc 10 juillet 2013.pdf

04/09/2013

DISTRIBUTEUR

Certes, ils sont nombreux à me dire la même chose. Que cette année c'est particulièrement difficile de s'y remettre. Pourquoi ? mystère. L'insuffisance d'été après l'absence de printemps, le trop peu de congés, les mistoufles de la rentrée (factures, impôts, ...), les déprimants et lénifiants éléments de langage, comme ils disent, de politiques en manque total d'imagination et de créativité, l'inexorable montée du chômage qui conduit à se réjouir, comme sous le Gouvernement précédent, qu'il augmente moins vite que le mois d'avant, l'interminable sortie d'une crise financière, puis économique, puis budgétaire et qui finit par n'être plus qu'interminable ou bien quoi encore ? je n'en sais rien. Mais ce que je sais c'est que si par hasard je croise un distributeur de voyages, j'aurai du mal à résister. Il fait encore soif.

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02/09/2013

La dernière loi

Le conseil des prud’hommes de Compiègne a donc donné raison aux salariés de CONTINENTAL, pour trois raisons. La première est que le droit des sociétés ne peut faire obstacle au droit social et que lorsqu’une filiale obéit aux injonctions de sa société mère, celle-ci acquiert la qualité de coemployeur et les responsabilités qui vont avec. La seconde est que réduire les coûts après un endettement du à des choix stratégiques hasardeux n’est pas un motif économique. La troisième est que l’obligation de reclassement ne peut se réduire à l’envoi de mails entre services RH. Soit trois questions fondamentales en une seule décision.

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Henri Rousseau - Le lion, ayant faim, se jette sur l'antilope

Les réactions des mécontents n’ont pas tardé. Tout d’abord ceux qui pensent que juridiquement tout cela ne tient pas la route, que les Conseils des prud’hommes ne font pas du vrai droit et que la Cour d’appel y remettra bon ordre. Ceux-là devraient se souvenir que le juge administratif s’est déjà prononcé exactement dans le même sens en février dernier s’agissant des autorisations de licenciement des salariés protégés qui ont été annulées faute de motif économique suffisant. Et puis ceux qui pensent que la décision est juridiquement fondée mais qu’elle aura des effets désastreux sur les investisseurs, dissuadés par ces lois scélérates de venir s’installer en France. A ceux-là on rappellera que la dernière loi à s’appliquer après l’abolition de toutes les autres, c’est celle de la jungle.

CP Compiègne - Continental.pdf

22/08/2013

Soleil

Pas si simple finalement la reprise. Le soleil, les rues de Paris au mois d'août, la douceur des soirées en terrasse, les expositions qui vont disparaître avec l'été et auxquelles il faudrait se rendre, comme le HEY ! Part II à la Halle Saint-Pierre, les rires d'enfants dans les parcs, la nonchalance qui occupe encore les esprits et les corps, tout cela n'incite pas à s'asseoir devant son ordinateur pour produire ce qui doit l'être. Sauf si le soleil, de temps en temps, vous y rejoint.

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On connaissait la formule : " Aujourd'hui, je marche sur mes cils" pour exprimer une fatigue passagère. Il faudra désormais compter avec : "Depuis que j'ai recommencé à travailler, je tombe de soleil". En compagnie de qui est tombé du soleil, le travail est soudain plus léger.