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17/01/2016

Un léger sentiment d'irréalité (le retour du CPF Leaks)

Vous regardez la photo illustrant ce blog et vous pensez que j'ai un peu forcé sur le photoshop. Qu'un ciel bleu indigo, une mer turquoise et un nuage rose, il faut soit avoir méchamment arrosé le succès du CPF, soit avoir passé son week-end sur le retoucheur d'images. Mais qu'en réalité, cela n'existe pas. Détrompez vous, les couleurs étaient bien celles affichées, un soir de soleil irisant sur la belle mer normande aux tons imprévisibles. On y croit pas, mais cela existe. 

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Après avoir lu (mais si, il le faut !), les 146 pages du document expliquant les procédures de fonctionnement du CPF, vous risquez également d'avoir un léger (voire plus) sentiment d'irréalité. Et pourtant, le document est tout à fait officiel. Certes, il est réservé aux professionnels, mais jetez un coup d'oeil tout de même sur les parcours des bénéficiaires, aux pages soixante et suivantes. Bien évidemment, le document, comme les huitres, n'est pas exempt de quelques perles sur lesquelles je reviendrai parmi lesquelles la publicité fait à un organisme de langue (bravo Nathanaël !) qui n'est pas la plus gênante comme peuvent l'être les règles inventées ou les habilitations illégitimes. Pour ceux qui doivent expliquer tout cela aux utilisateurs : Bon courage !

CPF - guide de procedures - janvier 2016 .pdf

16/01/2016

D comme...DETOUR PEDAGOGIQUE

Je suis anarchiste au point de traverser dans les clous

pour ne point avoir à discuter avec la maréchaussée (Brassens)

 

Le détour pédagogique est une méthode selon laquelle le plus court chemin pour aller de A à B est de passer par C. Elle permet de déconstruire les représentations, de fréquenter de nouveaux territoires et d'aborder sous un angle nouveau de vieilles questions. La méthode n'est pas sans risque. A faire des détours on peut se perdre en route ou faire un voyage pour rien, si à l'arrivée le regard n'a pas évolué. Existe aussi le danger que le détour ne soit qu'un tour, un artifice sans profondeur et sans valeur.

Tentons l’expérience. Vous goûtez un Sauternes : l'été indien fait de tournesols fanés, de vignes empourprées, de douces lumières et de platanes ambrés vous enveloppe. Vous souhaitez décrire le nectar, les mots qui vous viennent sont miel, abricot, ananas, citron pour quelques crus jeunes, mirabelles, mangue pour les plus mûrs, fruits de la passion ou poire pourront également se présenter. Des fruits jaunes, qui ont capturé le Dieu soleil pour vous en livrer les sucs.

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Anarchiste japonaise

Comme il existe plus de cents mots pour décrire la robe du taureau à son entrée dans l’arène, les fruits s'offrent par dizaines pour dire l'ineffable goût du vin. Le détour par le fruit vous livre l'âme du breuvage, comme le détour par la moisissure permet de sublimer les vins sapriens.

Poursuivons. Vous goûtez un Margaux : les sous bois vous accueillent et livrent leurs framboises, fraises des bois, myrtilles, cassis et vous mènent par les vergers à  la cerise, la griotte ou au  pruneau qui se marient à l'envi. Le feu du soleil a marqué au rouge le tanin qui s'épanouit en votre palais. L'or noir n'est pas cette eau de roche grasse et pollueuse, c'est le grain du raisin qui offre sa chair tendue avant de s’abandonner à la maturation pour mieux exhausser les sucs du nectar des Dieux.

Vous cherchez la nature des choses, vous souhaitez atteindre l'essence de ce qui vous préoccupe ? Oubliez que la ligne droite est le plus court chemin pour aller d'un point à l'autre. Le détour vous mène au coeur de la question. Et si vous étiez un vin, lequel aimeriez-vous être ? Et un fruit ? Et une saison ? Vous en apprendrez plus sur vous même en répondant au questionnaire de Proust qu'en vous coltinant directement avec l’effrayant Qui suis-je ? Si d'ailleurs il vient à vous assaillir, un détour par la vigne s'impose.

15/01/2016

D comme....DESIR

Le Marquis de Sade démasqua le désir

Lorsque des responsables formation annoncent que par la formation ils vont faire adhérer les salariés au projet de l’entreprise, il m’arrive de leur rappeler que les salariés ne sont pas des velcro. Et parfois je leur montre des photos de Spencer Tunick.

 Le 17 août 2007, 600 personnes marchent pendant plus de quatre heures pour monter jusqu'au glacier d'Aletsch. Là elles se dévêtent et posent en toute nudité pour Spencer Tunick, photographe spécialisé dans les installations mettant en scène des personnes nues en milieu urbain ou naturel.

La photo était, à l’époque, réalisée pour Greenpeace, commanditaire qui souhaitait attirer l'attention sur le réchauffement climatique et la diminution rapide du glacier. Etait-ce cette motivation écologique qui habitait les 600 participants, tous volontaires et non rémunérés. Comment d'ailleurs connaître les motivations de chacun, rendu invisible par le nombre sur la photo ? Credo naturiste, démarche artistique, plaisir exhibitionniste, simple curiosité, amour de la montagne, militantisme écologique, besoin d'évasion, pari d’ivrogne, recherche de contacts, ballade entre amis, blague potache, envie d’expériences, occasion faisant le larron....????

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Esthétique, corporel, fantasmatique

Et comment identifier les motivations des 18 000 mexicains qui ont posé nus sur la place centrale de Mexico ? Et celles des milliers d’allemands qui sont restés sous la pluie et dans le froid des grandes avenues balayées par le vent de Dresde ? Et des lyonnais regroupés dans les Traboules ? Et des catalans dénudés sur le port de Barcelone ? Et de tous ceux qui traversent le monde pour venir se joindre pendant quelques heures à une foule nue, placide, qui répond docilement aux ordres des assistants du photographe, perché sur une échelle ?

 Pour réunir tous ces participants, Spencer Tunick n’a pas identifié les ressorts de la motivation personnelle, il n’a pas réfléchi à partir de l’artificielle pyramide de Maslow (quelqu’un aurait pu expliquer à Maslow que les carences alimentaires causent moins de dégâts chez les enfants que les carences affectives), il n’a pas exigé que chacun partage ses propres motivations. Il a su inventer un événement permettant à chacun d’investir son désir personnel, sans avoir à rendre de comptes. Parler au désir d’autrui, voilà qui suscite toutes les vocations, les engagements, les volontés. Mais comment s’y prend-on pour parler au désir des autres ? Demandez à Spencer Tunick.

14/01/2016

C comme....CONSULTANT

Un travail de cochon

L’homme était porcher dans un abattoir. Son activité consistait pour l’essentiel à guider les camions transportant les futurs jambons et saucisses, à les faire descendre des camions et à les conduire jusqu’au lieu d’abattage.

Comme beaucoup d'abattoirs, celui dans lequel travaillait le porcher connaissait un équilibre économique précaire. Au point de solliciter un consultant, en l’occurrence un chasseur non pas de sangliers mais de coûts. Après un audit en règle le verdict tombe : parmi les mesures d'économie figure la suppression de l'emploi du porcher. Le temps du social et de la gestion familiale est terminé. La rentabilité a ses exigences que les sentiments ignorent. Exit le porcher, les livreurs de cochons pourront bien faire descendre eux-mêmes la troupe porcine des camions.

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Bellota ! Bellota !

Las, non seulement le redressement ne fut point au rendez-vous, mais la rentabilité de l'abattoir déclina. Le consultant déclara qu'il était trop tard et qu'il eut fallu le contacter bien plus tôt. Et puis un salarié fit remarquer que la dégradation de la rentabilité était accentuée par les pertes importantes en cochons : c'est que l'animal est aussi cardiaque qu’il est intelligent, mais impropre à la consommation s’il meurt avant l’abattage. Or le taux de décès accidentel avait fortement progressé depuis quelques mois. Précisément depuis le départ du porcher.

Et l'on se rendit compte que le porcher avait appris à reconnaître les cochons stressés, ceux qui devaient être mis de côté, ou ne devaient pas être descendus du camion tout de suite, où devaient être guidés lentement, etc. Ces attentions diverses permettaient d'épargner de la mort prématurée environ 5 % du cheptel, soit bien plus que la totalité du résultat de l’abattoir (question à l’ami Philippe Denimal, l’expert national ès systèmes de classification : sur la base de critères de responsabilités et d’impact sur le résultat, on le positionne à quel niveau de rémunération le porcher ?).

Mais ces compétences là avaient échappé au consultant. Faute de temps dira-t-on, faute d’argent répondra-t-il puisque son temps se mesure en euros. Faute de regard plus sûrement, qui conduit à ne plus voir que ce que l’on connaît déjà et à ignorer la découverte. Et c’est à ce moment là que commence le travail de cochon.

13/01/2016

C comme...CONNAISSANCE

La connaissance est une vieille erreur qui pense à sa jeunesse

(Francis Picabia)

 Michel Serres, à 80 ans passés, est-il retombé en enfance ? Gageons plutôt qu'il n'en soit jamais totalement sorti et que cette survivance de l'enfant en lui le fait aimer les contes et garder le goût de l’enseignement.

En une période où fleurissent les déclinistes de tout poil, ceux qui confondent leur lente disparition annoncée avec celle du monde dans lequel ils vivent, ceux qui n'ont de cesse de peindre à leur image décrépite leur environnement, Michel Serres offre un petit opuscule rédigé sous forme de lettre à Petite Poucette. Pourquoi ce nom ? Pour la dextérité avec laquelle la jeune fille se sert de ses pouces sur son smartphone, mais également parce qu'il appartient à cette jeune génération d'inventer elle-même les moyens de trouver son chemin dans ce monde nouveau que la technologie bouleverse à chaque instant. Pas question de crier "Pouce" pour Petite Poucette qui tracera sa route.

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In Memoriam

A disposition de Petite Poucette, une accessibilité au savoir inégalée dans l’histoire, des bibliothèques, des œuvres d’art, des expériences, des images, mais aussi des villes, des rues des campagnes que l’on peut parcourir à distance, bref le monde à une portée de clic. Petite Poucette tient désormais sa mémoire entre ses mains.

 Mais petite Poucette a également à sa disposition des enseignants, des experts, des praticiens, qui lui apporteront méthodes de travail, usages possibles du savoir, expériences et retours d’expériences. Et aussi tous ceux qui voudront bien échanger, discuter, contredire, questionner ce que petite Poucette acceptera de partager.

Reste la question clé : « pour quoi faire ? ». Car tout le savoir du monde n’a jamais fourni de réponse au mystère de la condition humaine, devant laquelle petite Poucette n’est pas plus avancée que ses devanciers. Et ça donne quoi « mystère de la condition humaine » sur Google ?

11/01/2016

C comme....COMPETENCE

La compétence, ou la fée électricité

 La définition la plus synthétique (quoi que fée électricité n’est pas très long) et la plus juste de la compétence a été donnée par un toulousain, Pierre Villepreux (pour ceux qui feraient remarquer que Pierre Villepreux n’est pas né à Toulouse, répétons qu’être toulousain est un état d’esprit). Il définit la compétence en deux mots : l’intelligence situationnelle.

Deux mots, deux dimensions. La première, l'intelligence de la situation. Etre compétent c'est d'abord poser le bon diagnostic sur la situation pour en déduire l'action à conduire. Rapidité et fiabilité du jugement sont les piliers de la compétence qui permettront l'acte juste, dont il sera nécessaire de maîtriser la technicité, sans laquelle il n'y a guère de liberté d'agir. Et quant à l'action, Pierre Villepreux a toujours été persuadé que le beau jeu était également le plus efficace (ceux qui ne goûtent pas le rugby pourront vérifier dans à peu près n’importe quel sport que le geste le plus efficace est souvent le plus beau : l’esthétique du geste est aussi une esthétique de l’efficacité).

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De cette première dimension concluons, comme aurait pu le faire Sartre, que l’on n’est jamais compétent, et libre d’exercer sa compétence, qu’en situation et que la compétence n’existe pas en dehors des situations dans lesquelles elle trouve à s’exprimer.

La deuxième dimension de l'intelligence situationnelle, c'est de se savoir en situation. De ne pas être dominé par le rôle que l'on joue, de ne pas en être dupe, mais de le jouer professionnellement. Et donc d'avoir le recul nécessaire à la réalisation impliquée et distanciée de l'action, car l'engagement ce n'est pas nécessairement de mettre ses tripes sur la table (ah les coups de tête contre les murs dans les vestiaires pour se motiver…), mais au contraire de savoir en toute lucidité ce que l'on fait et pourquoi on le fait.

L'engagement est une volonté qui se sait volonté. C'est en cela que Villepreux est profondément Sartrien : les joueurs sont libres et exercent cette liberté par leurs choix qui sont nécessaires, ils agissent et font les choix en situation, ils sont ce que sont leurs actes car le faire est révélateur de l'être. Et comme Sartre, Villepreux pense que l'homme est à inventer chaque jour.

09/01/2016

C comme...coaching

La vérité n’est pas dans un seul rêve, mais dans beaucoup de rêves

(Pier Paolo Pasolini)

Laissons les coachs à leurs débats pour savoir s’il est nécessaire ou non de psychanalyser le coaché pour faire un bon coaching. Faut-il entrer dans les rêves de la jeune fille, dans beaucoup de ses rêves, pour l’accompagner ? Laissons la question en suspens et remontons un peu le temps.

Nous sommes en 1818, Joseph Jacotot, révolutionnaire exilé devient lecteur à l'Université de Louvain, chargé d'enseigner la littérature française à des étudiants flamands. Il ne parle pas plus le flamand que ses étudiants n’entendent le français.

Pour dénouer la situation, Jacotot déniche une édition bilingue de Télémaque qu'il fait remettre aux étudiants, leur demandant d'apprendre le texte français en s'aidant de la traduction, puis de lire l'ensemble du livre pour être capable d’en faire le récit en français. Cette rédaction servit d’évaluation. Notons au passage qu’évaluer n’est pas refaire ce que l’on a appris mais peut prendre la forme d’une production jamais réalisée (ici, soupir désespéré et scandalisé des étudiants français : mais on ne peut pas avoir en évaluation quelque chose que l’on a jamais fait…).

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Le rêve de la jeune fille qui rêve qu'elle rêve

Le travail de rédaction se révéla d'un niveau comparable à celui d'étudiants français. Joseph Jacotot découvrit ainsi qu'il était possible d'enseigner sans donner d'explications, par un travail de questionnement, de mise en situation, de production. Là où le maître savant explique et déverse son savoir, le maître ignorant questionne et oblige l'élève à s'enseigner lui-même, postulant ainsi l’égalité des intelligences.

Pourquoi faire croire aux parents qu'ils ne peuvent accompagner leur enfant dans la préparation d’un examen s’ils ne connaissent pas eux-mêmes la discipline ? Il suffit de bien vouloir y consacrer du temps et de poser des questions. Il ne s’agira jamais que d’un renversement du « pourquoi ? » enfantin qui place les parents devant leur ignorance mais les pousse souvent à s’instruire pour apporter réponse. Le maître ignorant est celui qui rend l’autre savant en lui demandant de l’enseigner.

 Voilà pourquoi il est possible d’être un grand entraîneur sportif sans avoir été un grand sportif soi-même, ou un excellent coach pour permettre de développer des compétences que l’on ne possède guère.

Sur le sujet, on lira avec profit : Jacques Rancière, Le maître ignorant, 10/18, sept. 2004. 

08/01/2016

C comme...CERTIFICATION

Des salariés label rouge

 Exit l’apprentissage, la formation, l’acquisition, l’appropriation…bienvenue la certification. Nous aurons dorénavant des formations certifiantes, des organismes certifiés et des salariés aux compétences garanties. L’horizon de la formation est devenu celui de la certification.

 La voie nouvelle est pavée de bonnes intentions : exigence d’évaluation des acquis, de maîtrise des processus et de valorisation des résultats pour l’impétrant qui aura franchi tous les obstacles.

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La vie en rose

Mais il arrive que le revers de la médaille soit moins rose que l’avers et ouvre droit le chemin vers l’enfer. Celui de l’individu mesuré, ajusté, formaté, garanti premier choix, qui néglige l’apprentissage pour se caler sur les critères d’évaluation, qui perde la liberté, le droit à l’erreur et à l’expérimentation que comprend toute formation, pour se caler sur l’obtention de la certification. La voie sera étroite entre la standardisation normalisée et le bachotage généralisé.

Et si l’on parvient à éviter ces écueils, il faudra encore affronter quelques dangers : celui de la bureaucratie et du contrôle prenant le visage de la qualité ou de la rigidification des modes de production de la formation pour satisfaire aux exigences de la certification.

 Propos un peu négatif ? Vous pouvez le penser mais deux siècles d’expérience en matière de diplôme n’ont pas permis d’établir que les formations certifiantes soient par nature plus pertinentes ou plus performantes que les autres. Puisse l’avenir me donner tort.

06/01/2016

B comme...Big Bang

Repartir sans cesse de zéro est la meilleure manière d’y rester

 Le quinquennat est sans doute la pire des réformes institutionnelles de la Vème République, raccourcissant encore un temps politique déjà frénétique. Depuis son instauration, nous sommes donc soumis à la réforme quinquennale expérimentée en 2004, approfondie en 2009 et renouvelée en 2014. Saurez-vous trouver la date de la prochaine ?

Positivons, une remise de l’ouvrage sur le métier tous les 5 ans, ce n’est jamais que le rythme des bilans de santé de la sécurité sociale. C’est même une échéance plus longue que la révision automobile.

La différence, c’est qu’une révision n’est pas une reconstruction et que la qualité de la révision tient essentiellement à la qualité du diagnostic. Si l’on poursuit la métaphore, on relèvera que pour les automobiles, le diagnostic n’est confié ni au constructeur ni au réparateur. On attend toujours un diagnostic sérieux sur les effets, et pas seulement le fonctionnement, du système de formation depuis 40 ans.

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Le zéro et l'infini

Que l’on nous explique comment les salariés se sont adaptés aux changements d’organisation, de technologies, de méthodes, de rythmes, de produits, de services, de comportements clients, de relations professionnelles, etc. Et quelles sont les activités qui ont connu du développement, de l’innovation, de la créativité, de l’inventivité, de la performance, du succès, etc. Et combien de salariés ont changé de métier, d’emploi, d’activité, ont développé leur compétence, ont obtenu des certifications, etc. Et quelle est la part de la formation dans tout cela. Et quelles leçons on peut en tirer pour la rendre plus performante encore. Parce qu’à faire des diagnostics qui tournent à l’infini à l’intérieur du système on finit par ne voir ni la lune ni même le doigt qui la montre.

 Et avec un diagnostic bâclé et une table rase systématique, il faut vraiment aimer la roulette et les jeux de hasard pour croire encore à la réforme.

05/01/2016

A comme...AUTOFORMATION

On est ce que l’on fait

 

Comme on le sait, on n’est pas formé, on se forme. Le verbe former est intransitif.

Mon père était cuisinier. Ou plutôt il était serveur, a racheté le restaurant à son patron et a embauché des cuisiniers. Des bons, et des moins bons. Jusqu’au jour où il a décidé de passer derrière les fourneaux. Il avait observé, bénéficié de quelques conseils, parcouru des livres de cuisine et il a pratiqué. C’était un excellent cuisinier.

Six mois avant de débuter mon activité de consultant, je ne savais pas de quoi ce métier était fait, et avait à peine conscience qu’il existait. J’ai été formé par mes clients, ils continuent et moi aussi.

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Où sont les femmes ?(Patrick Juvet)

Lorsque je vois mon gamin réaliser des activités nouvelles, je lui demande comment il a appris. Il me répond parfois « avec la maîtresse », ou « avec les copains » ou « en regardant la tablette », mais le plus souvent il lance un peu bravache : « tout seul ». Intransitif je vous dis.

04/01/2016

A comme.....artisanal

Vite et bien, deux fois bien

 Cet organisme de formation est un des poids lourds du marché. Une croissance à deux chiffres pendant des années et ce signe qui ne trompe pas : on ne connaît plus tous ceux qui travaillent pour le groupe et l'on ne sait jamais, dans les couloirs, si l'on croise un client ou un salarié.

Mais celui que je rencontre ce jour là je le connais bien. Il a fait sa carrière dans les plus prestigieuses entreprises, celles que tous les étudiants rêvent d'intégrer, et il poursuit son activité en animant, avec talent et brio, des formations manageriales. Il ne partage pas son expérience, il s'appuie sur son expérience pour permettre aux stagiaires de travailler la leur.

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Babalou-Ayé, guérisseur artisanal

Ce matin là, il a une grande poche à la main et voit mon regard surpris : "J'ai un groupe en intra. Comme on n’a pas prévu de café d'accueil, j'ai pris ma machine à café et je suis passé chercher des croissants. Le groupe est super". Je souris. J'ai dans ma sacoche les amandes enrobées de chocolat que j'ai achetées ce matin pour les participants à la formation que j'anime. Je désigne sa cafetière :

"-Tu as toujours préservé un côté artisanal dans toutes tes fonctions ?

- Toujours ;

- En marge des process et sans systématisme ?

- Surtout rien de systématique. En fonction des moments, des situations, des individus. L'artisanal ce n'est pas l'industrie à petite échelle. C'est une autre manière de travailler."

Que les grandes organisations adoptent des procédures, quoi de plus normal : l'industriel ce n'est pas l'artisanal à grande échelle. Mais pour que la vie circule dans les méandres des méthodes et des processus, il faut laisser de l'espace à l'artisanal, veiller à ne pas restreindre son éclosion et encore plus résister à la tentation de l’organiser….même si l’on ne peut éviter une touche de systématisme : lorsque le groupe le mérite, et l’animateur également, on peut s’autoriser une dégustation de foie gras du Gers (ou landais voire aveyronnais) accompagnée d’un Mauzac de chez Plageolles, soit un splendide Gaillac artisanalement élaboré.

13/11/2015

Individuel vs indivision

Il faut se souvenir que c'est une organisation syndicale, la CFDT en l'occurrence, qui est à l'origine de la création de l'entretien professionnel newlook. C'est à dire de l'obligation pour toute entreprise de faire un point avec chaque salarié sur ses possibilités d'évolution futures. Un entretien pour parler de l'avenir qui, dans sa version gestionnaire a pour fonction l'anticipation et dans sa version juridique l'obligation de bonne foi dans le partage de l'information sur l'évolution que pourrait prendre la relation de travail. Il faut s'en souvenir car l'on rencontre des entreprises dans lesquelles les organisations syndicales sont en opposition avec le principe même de ce type d'entretien, refusant notamment que la gestion des ressources humaines s'exerce principalement au travers des procédures individualisées (entretien d'appréciation, entretien d'évolution, rémunération à la performance, etc.), considérées comme mettant à mal le collectif et l'intérêt général. 

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On peut donc rencontrer cette situation, pas si saugrenue, d'organisations syndicales demandant à l'employeur de ne pas mettre en place l'entretien professionnel, et partant de ne pas respecter la loi. Bien évidemment, une telle demande n'est pas susceptible d'exonérer l'entreprise de ses responsabilités. Mais la question ici est moins dans le respect de la règle que dans son contenu. Dès lors que l'on décline les obligations des employeurs en fixant le détail de leurs modalités, dès lors que l'on codifie des modalités de gestion des ressources humaines, on s'expose bien évidemment au risque d'avoir un processus décalé de certains contextes. Par exemple, quel intérêt d'avoir des entretiens individuels lorsque 80 % des salariés exercent le même métier au sein de l'entreprise (entreprises de transport urbain par exemple). La voie de l'information collective ne serait-elle pas plus appropriée ? Si l'on raisonne par analogie, on s'aperçoit que même en matière de licenciement, l'entretien individuel s'efface parfois au profit de procédures collectives. 

A vouloir plaquer un mode de gestion unique sur toute réalité, et à vouloir introduire dans la législation les modalités de mise en oeuvre d'obligations, plutôt que de s'en tenir à l'obligation de résultats et de laisser la liberté des moyens, on s'expose à ce trop fréquent décalage entre la règle et les contextes de mise en oeuvre qui au final nuisent à sa crédibilité et à son effectivité. 

10/11/2015

Savoir y faire

Comme la langue de l'ami Denimal a fourché pendant son intervention, une petite précision s'impose. Redisons-le donc une nouvelle fois, peut être pas la dernière : le savoir-être est un concept inepte et la trilogie savoir, savoir-faire, savoir-être une impasse opérationnelle. Autrement dit, il n'y a pas plus de savoir-être que d'intelligence situationnelle dans la dernière réforme de la formation. 

Reprenons : 

1) La compétence est définie comme la capacité à réaliser certaines activités. Elle se traduit donc toujours par du faire. Pas d'activité, pas de compétence. L'existence même de la compétence suppose donc toujours  une action de faire. 

2) Pour exercer une activité, tout individu mobilise des ressources : elles peuvent être "incorporées", c'est-à-dire internes à l'individu, ou bien "externes"c'est à dire obtenues de l'environnement au moment où on doit les utiliser.

3) La formation n'apporte pas des compétences. Elle apporte des ressources, qui sont autant de promesses de compétence. Elle peut aussi permettre de s'entraîner à combiner des ressources par la mise en situation, la résolution de problèmes, etc. 

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4) L'être ne relève pas du champ de la formation professionnelle mais au moins depuis Parménide, d'une philosophie de l'existence qui peine encore à en tracer les contours.

5) Et si l'on utilise plus simplement connaissances, capacités et comportements, on a une trilogie plus efficiente. Les connaissances renvoient aux ressources (qu'elles proviennent de la formation, de l'expérience ou de l'environnement), les capacités à ce que l'on est capable de faire et les comportements à la manière dont on s'y prend pour mettre en oeuvre ses capacités. Et ici j'ose penser que l'expert en classifications Denimal appréciera la distinction entre ce que l'on sait faire et la manière dont on le fait. La première partie peut être collective (et donc relever de la définition de l'emploi) alors que la deuxième partie est nécessairement individuelle et relèvera d'un système d'appréciation.

Pour les sceptiques, petite épreuve : essayez le baiser de cinéma avec le savoir-être. Il risque de manquer de saveur sauf à être un adepte du tantrisme. Mieux vaut savoir y faire. 

09/11/2015

Quizz qui dit ?

Il était un peu ridicule, la semaine dernière, de constater combien la réponse de la Ministre du Travail, Myriam El Khomri sur les possibilités de renouvellement d'un CDD, a instruit un procès en incompétence. Voici donc les brevets de compétence délivrés par les journalistes sur la base de questions de Quizz. Le ministre des Transports aura droit à la question sur le prix du ticket de métro, celui de l'artisanat se verra exiger le prix de la baguette de pain, celui du Tourisme sera sommé de s'exprimer en 3 langues, le Ministre de la Culture, ah non pas elle on lui a déjà fait le coup à propos des ouvrages de Modiano, le Ministre des Sports devra donner le nom des 10 derniers vainqueurs du Tour de France et le nom de celui qui n'était pas dopé (attention question piège !), etc. Pas la peine de faire un quizz pour décerner le brevet de compétence en démagogie aux journalistes qui s'amusent à ces petits dézinguages ordinaires qui vaudront à la Ministre du Travail de potasser le Memo social de Liaisons Sociales (hé oui, le meilleur ouvrage dans sa catégorie) avant de redonner la moindre interview. 

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Stéphane Le Foll, Ministre de l'Agriculture, habilement déguisé pour bosser

le prix des bananes avant d'être interviewé par Jean-Jacques Bourdin

 

Plutôt que de tester le bachotage de Myriam El Khomri et ses connaissances, les journalistes devraient lui demander d'expliquer sa politique, son action, ses décisions, ses résultats. Pas sur que les réponses soient plus convaincantes que sur le CDD, mais au moins on en saurait un peu plus sur sa compétence que ce que l'on en sait aujourd'hui. Tout formateur sait, ou plutôt devrait savoir, que le Quizz est le degré zéro de l'évaluation. Que l'on en fasse un usage pédagogique, soit. Mais vouloir évaluer la compétence par des tests de connaissance c'est la marque de la société du Buzzer, autrement dit de la société spectaculaire. Pour le fond, on repassera. 

08/11/2015

Ah, les amis !

Et oui, les amis ! ceux qui ne donnent pas toujours de nouvelles, et à qui vous n'en donnez pas plus. Mais qui sont toujours présents, et qui ressurgissent parfois, à des moments qui sont toujours, forcément, des bons moments. Que ferait-on sans ces amis, qui vous accompagnent, et que vous accompagnez, au-delà des rencontres et des instants partagés ? comme dirait Alain Souchon, on resterait au ras des pâquerettes. Heureusement, donc, ils sont là. Et prêts à alimenter ce blog si son auteur ne met pas suffisamment de coeur à l'ouvrage. C'est ainsi que l'ami Denimal, philippe pour le prénom, sociologue et consultant pour la fonction et Tintin-Tournesol pour le surnom, vous livre ses pertinentes réflexions sur les classifications et la rémunération et au passage sur la prise en compte des compétences dans les systèmes de classification. 


Et oui, cela dure 52 minutes, mais en moins d'une heure, vous avez la quintessence de la réflexion sur le sujet et la mise à disposition d'une expertise rare. Et en plus, le bougre, il parle clairement et non seulement on comprend tous les mots, mais en plus on comprend le sens des mots mis ensemble. Voilà les vrais amis, ceux qui, lorsque vous les écoutez, vous donnent l'impression d'être plus intelligent qu'avant, et quand ils s'arrêtent, et bien vous constatez que c'est pas du flan et ils vous manquent déjà  ! C'est pas beau les amis ?  

14/10/2015

Entrelacs

Elle n'est pas toute jeune. Il ne l'est pas non plus. "Elle", c'est la  règle  contenue dans l'article 1134 du Code civil (c'est "il"),  promulgué en 1804. Soit le  Code Napoléon. Elle s'exprime comme les règles de l'époque, ou plus exactement selon les formes du 18ème siècle qui vient de s'achever : peu de mots, beaucoup de sens. A peu près l'exact inverse de la manière contemporaine de légiférer. Et elle nous dit ceci : les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Admirable ellipse. Si l'on développe, en perdant au passage la beauté de la phrase : les conventions ne tiennent que parce qu'instituées par la loi, mais lorsqu'elles sont valides, le contrat a force de loi. Magnifique entrelacs des sources du droit. 

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Crédits photographiques : Marrie BOT

Dans le débat actuel sur le Code du travail, il n'est question que d'opposition des sources : la loi est elle meilleure que le contrat ou faut-il donner la priorité à ce dernier ? et si le contrat prévaut, au niveau de la branche ou de l'entreprise ? cette manie hystérique de l'opposition symétrique est une marque de la culture latine  : le bien/le mal - le vrai/le faux - l'intellectuel/l'émotionnel - le littéraire/le matheux - l'idéaliste/le pragmatique - le noir/le blanc - le corps/l'esprit - le col  blanc/le col bleu, etc. Certes, il y eût Héraclite et son harmonie des contraires, sorte de grand-père originel de la dialectique, mais s'il y a mérite à vouloir dépasser les contraires, ce dépassement ne se produisant que par un recyclage permanent des oppositions il vient conforter ce qu'il se propose de rendre caduque. 

Formulons donc un voeu : que tous ceux qui considèrent qu'il est nécessaire de réforme le code du travail, ce qui ne sera sans doute jamais inutile, cessent de mener des débats d'opposition et se concentrent sur la manière la plus intelligente d'articuler les différentes sources de droit, à l'instar de la loi de 1804. Et si l'on est capable de trouver plus belle et plus efficiente formule que celle du Code Napoléon, alors on pourra considérer que la réforme s'impose. A défaut, nous en resterons sur ce sujet, comme sur bien d'autres, au stade de la croyance. 

31/08/2015

Rappel

"Bon ben faut y aller là...

- hum....qu'est ce que tu dis ? ....aller où....?

- Comment ça aller où ? le travail, les clients, les travaux à rendre, je te connais tu dois déjà être en retard...

- t'as raison, j'ai toujours du retard de lecture, surtout que je viens de dégotter des Manchette du tonnerre et que je veux relire Ada ou l'ardeur...

- Quoi ? Ada ou l'ardeur ?

- Oui, parfait pour la liaison été-automne, solstice, exaltation, nostalgie juste ce qu'il faut, du solaire avec une brume légère...

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- Non mais la formation, les réformes, le CPF, les clients, le blog, la loi Rebsamen, la qualité, la certification...

- Mais ne pourrait-on envoyer un billet à l'égal de celui de Van dans Ada : "Papa, J'ai eu une petite prise de bec avec un inconnu que j'ai giflé et qui m'a tué, en duel, près de Kalougano, désolé, Van" ;

- Tu es sérieux ?

- Toujours...

- Mais c'est la rentrée...

- Non c'est demain...

- Demain ce sont les enfants...

- C'est bien ce que je dis".

10/07/2015

CPF Leaks

A la fin du mois de juin, 5785 demandes de CPF ont été validées. Le nombre de dossiers a donc doublé en un mois. Les communicants seront ravis : 100 % de progression. Le chiffre brut ramène à la réalité : en 6 mois, 10 fois moins de CPF qu'il y avait de DIF en un mois (soit au total 60 fois moins de personnes en formation). 

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Et surtout, si les organisations syndicales voulaient bien faire une analyse de terrain avant de prendre des positions, elles s'apercevraient que la majorité des demandes des salariés se portent sur les seules deux certifications de l'inventaire inscrites au RNCP : le TOEIC et le BULATS. Les formations conduisant à des titres et diplômes sont largement minoritaires (mettons à part la VAE qui ne relève pas des listes). 

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Et si l'on exclut les demandes associées à un CIF, qui ne constituent jamais que le coup de pouce pour un dispositif en manque de financements mais ne témoignent pas du fonctionnement du CPF en tant que tel, on se retrouve avec une très faible proportion de certifications figurant sur les listes d'éligibilité. 

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Une statistique permet de constater le volume de travail inutile généré par le CPF : l'ensemble des certifications figurant sur les listes représente plus de 27 000 certifications. Si l'on considère que le RNCP recense 8 000 titres et que les CQP sont au nombre de 1 000 (avec quelques centaines de certifications inscrites à l'inventaire), on se rend compte que les mêmes certifications sont reprises à de multiples reprises par les listes nationales, régionales, de branche. Et surtout, 27 000 inscriptions pour au final une consommation centrée sur deux certifications, sans laquelle le CPF serait encore enlisé dans des balbutiements de démarrage. 

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Je n'ai jamais vraiment aimé opposer un soi-disant pays "réel" et les dirigeants qui seraient déconnectés. Mais il faut avouer que parfois, il faut vraiment se retenir. 

17/06/2015

Boomerang

Lorsque j'explique que les stratégies syndicales me demeurent incompréhensibles sur le CPF, on me répond souvent que c'est parce qu'il y en a pas. Mais non, stratégie il y a, la même que sur le DIF : interdire que l'on utilise le droit d'un salarié pour faire des formations en relation avec l'activité parce que cela relève du plan. Ce qui pouvait conduire à la situation du salarié qui souhaite se développer dans sa fonction, demande une formation en DIF et s'entend répondre par son DRH que l'accord de branche ne lui permet pas d'accepter sa demande. Et sur le CPF, on en rajoute une couche : puisque la formation doit être certifiante, ce sera du diplômant et puis c'est tout. Et pas question de prendre sur les listes (au moins au niveau interprofessionnel car dans quelques branches ce n'est pas un problème) des certifications non diplomantes de l'inventaire. Résultat on a ce paradoxe que ce sont les organisations syndicales qui bloquent le plus l'utilisation du CPF au motif de protéger les salariés de la concupiscence de leur employeur, toujours prêt à leur faire les poches et à les spolier. Pour l'instant, on voit pourtant davantage de salariés se plaignant de ne pouvoir utiliser leur droit que de salariés qui sont soumis à des pressions insoutenables de leur entreprise pour utiliser le CPF sur des formations obligatoires. 

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Et de restrictions en restrictions, on se retrouve mi-juin avec très peu de fonds engagés pour sur les 800 millions d'euros disponibles au titre de 2015. Résultat ? et bien Rebsamen va écrire aux OPCA pour leur indiquer que, conformément à la décision du COPANEF, ils pourront utiliser les fonds du CPF pour la professionnalisation (autrement dit des certifications non diplomantes majoritairement, dans le cadre du plan de formation) et pour les plans de formation des entreprises de moins de 50 salariés. En conclusion, pour ne pas risque de financer des formations du plan de formation, on bloque tout et on se retrouve au final à financer...des formations du plan de formation. Sauf que dans le CPF c'est le salarié qui décide et pour la professionnalisation et le plan c'est l'employeur. Très joli coup de boomerang qui conduit à confier à l'entreprise des fonds qui devaient servir à financer un droit des salariés par peur de financer l'entreprise ! comprenne qui pourra. Peut être faudrait-il enfin réfléchir à une autre option : ouvrir massivement le dispositif, créer l'habitude de son utilisation, diffuser la culture de la formation et faire pression devant le succès pour dégager des ressources supplémentaires. Bref construire sur des dynamiques plutôt que sur des restrictions. Après dix ans d'options perdantes, il serait peut être temps d'en faire le constat et d'essayer autre chose. 

11/06/2015

Acteurs...de cinéma ?

Le système de formation professionnelle français a fonctionné pendant 40 ans en s'appuyant sur la fiscalité et la gestion paritaire des moyens d'accès à la formation. La loi du 5 mars 2014 a rompu avec ces choix pour, dans la logique de l'ANI du 14 décembre 2013, parier sur la responsabilité des bénéficiaires : aux entreprises d'assumer leur rôle d'employeur et aux salariés d'être acteurs. En droit, la responsabilité suppose capacité et liberté. Capacité d'agir cela veut dire disposer des éléments nécessaires à la prise de décision. Liberté cela suppose que les choix ne soient pas effectués par des tiers, la seule liberté consistant à dire oui ou non. 

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Un exemple parmi d'autres : une salariée souhaite se professionnaliser. Elle identifie les activités qu'elle souhaiterait intégrer à ses pratiques. Elle trouve un prestataire de formation qui dispose d'une offre correspondant à son projet, le contacte et dispose d'un devis, d'un calendrier. Elle prend contact avec l'OPCA financeur qui lui répond (en mai) que pour ce qui la concerne, il y a un catalogue annuel qui est élaboré et qu'il faut choisir à l'intérieur. Après vérification son projet n'y figure pas. On l'invite à reprendre contact...lors de la parution du prochain catalogue en fin d'année. 

Depuis 2004, on trouve systématiquement dans les ANI la volonté de promouvoir le salarié "acteur". Depuis 2013, on y associe l'entreprise "responsable". Si l'on veut que ces mots aient une quelconque réalité, alors il faut cesser de déposséder les bénéficiaires de leur capacité de choix et avoir l'humilité de mettre en place des systèmes qui ne décident pas pour autrui mais leur permettent d'exercer leur libre choix en allant au-delà du simpliste "Qui paie commande" qui ne peut être que contreproductif tant l'implication du bénéficiaire est la condition même de l'efficacité de la formation. En d'autres termes, il faut que le réalisateur accepte de ne faire que tourner et laisse les acteurs jouer.