02/06/2014
Mieux que la suspension, la suppression
François Rebsamen ne connaît pas particulièrement les questions d'emploi, de travail, de formation professionnelle, de dialogue social, mais il piaffait à la porte du Gouvernement et il fallait muscler celui-ci d'hommes de confiance et de vieux chevaux de la politique. Remplissant ces deux conditions, l'ami du Président accepta de découvrir les questions sociales en même temps que sa nouvelle fonction. A lui, tous les mois, d'annoncer les mauvaises nouvelles sur le front de l'emploi, à lui de trouver les solutions pour endiguer le chômage contre lequel il paraît que l'on a tout essayé. On ne peut pas dire que l'impétrant manque de lucidité : ayant remarqué une surreprésentation des entreprises de 40 à 49 salariés dans notre économie, il fît la relation avec les obligations sociales correspondantes : mise en place d'un CE et obligations qui vont avec (base de données, crédit d'heures, réunions, expertises, budget,...) ou participation obligatoire qui oblige le dirigeant à partager les bénéfices de l'entreprise. Et derechef, décida de suspendre les effets de seuil, jusqu'à la prochaine élection évidemment. Proposons lui mieux : fi des distinctions, vive l'égalité, à bas les mesures catégorielles, sus aux seuils, votons la suppression.
Militants de l'égalité
Pourquoi réserver le partage des fruits du travail de la collectivité à certaines entreprises, pourquoi en exclure les plus petites dans lesquelles l'oeuvre collective a sans doute encore plus de sens que dans les entités de grande taille ? pourquoi considérer que le dialogue social ne peut s'épanouir que dans le nombre et l'anonymat ? pourquoi la relation interpersonnelle devrait-elle à tout prix supplanter la représentation élective ? pourquoi priver de droits les salariés des petites structures et renforcer ainsi l'idée que le social n'est qu'un coût et jamais un élément de la performance ? alors ne nous contentons pas de suspendre les seuils, supprimons les et adaptons les obligations pour qu'elles gardent du sens en tout type d'entreprises. Autrement dit, employons notre créativité à faire du droit commun et non du droit d'exception suspendu. Encore un effort donc, monsieur le Ministre : après être resté au seuil du Gouvernement jusqu'au moment où vous étiez prêt à tout accepter, vous comprendrez sans peine l'intérêt de les supprimer. Les seuils.
00:05 Publié dans DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : seuil, travail, emploi, chômage, politique, rebsamen, droit
Commentaires
Un ami a fondé une entreprise prospère de packaging en 2004. Depuis 5 ans il a atteint le chiffre de 49 salariés. Il ne souhaite pas aller au delà tout simplement parce qu'il a fait ses calculs (un entrepreneur responsable doit savoir compter ! ). S'il grandit au delà de ce seuil les nouvelles obligations sociales qui lui incomberont lui couteront environ 4 % supplémentaires de masse salariale (l'équivalent d'une semaine de congés payés). Il n'est pas envisageable pour de nombreux employeurs de prendre de tels risques alors que la conjoncture économique demeure très incertaine.
En matière de formation, avec la nouvelle réforme il aurait une obligation de résultat : tout salarié (y compris celui qui n'a aucun intérêt pour la formation) doit développer un projet professionnel et se former sur une formation certifiante. Si tel n'est pas le cas il faudra verser de 1000 à 2000 euros (100 h de CPF) à son OPCA (qui le reversera au FPSPP).
Notre pays est à l'image de nos PME : il est presqu'impossible de se développer sous peine :
1) de passer pour un salaud (les patrons restent des exploiteurs pour nombre de travailleurs)
2) d'être bridé par une législation sociale qui fait payer cher à tout employeur ses nouvelles embauches (dans les pays qui pratiquent la flex sécurité dans le Nord de l'Europe une entreprise peut se séparer très vite et sans justification de son salarié....qui sera alors pris en charge par des services publics de l'emploi compétents et efficaces)
3) d'être incapable de flexibilité dans un monde pourtant incertain.
Pour toutes ces raisons issues du XIX ème siècle le travail continuera d'être difficile et dual en France : l'extrême stabilité pour les salariés en CDI des grandes entreprises et la précarité et les petits boulots pour les jeunes ou ceux qui n'ont pas pris le train à temps.
Expérimenter de geler les seuils sociaux permettrait de savoir si nous pouvons encore créer de l'emploi en France. Evidemment ce serait aussi prendre le risque de démontrer que trop de contraintes sociales peuvent désormais jouer contre le travail.
Écrit par : cozin | 02/06/2014
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