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09/12/2012

Transmission versus acquisition

En 1907, Picasso a 26 ans, il a déjà peint un des tableaux les plus importants de l'art moderne et de toute sa production, qui sera encore longue. En 1862, Ingres a 82 ans, il peint  5 ans avant sa mort un chef d'oeuvre qui est une synthèse de tout son art et dont la modernité est époustouflante. Si les deux hommes s'étaient rencontrés, qui aurait été le tuteur de l'autre ? aucun bien évidemment, mais ils auraient échangé ou plus surement encore, ils se seraient montré leurs productions et auraient bu des coups ensemble. Peut être auraient-ils commentés cette phrase de Picasso : "A dix ans, je peignais comme Raphaël, mais cela m'a pris toute ma vie de dessiner comme un enfant".

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Picasso - Les demoiselles d'Avignon - 1907

Les partenaires sociaux ont signé le 19 octobre 2012 un accord sur les contrats de génération. Dans ce texte, est abordée la question de la transmission des compétences. La modernité est ici présente dans le refus de la figure traditionnelle de l'ancien qui initie le plus jeune. Le texte invite à mettre en place des actions organisant la transmission des compétences, qui concerne sans hiérarchie préétablie les deux acteurs principaux du dispositif. Encore mieux, le texte invite à créer des situations de travail qualifiantes, car c'est bien là que se situe la véritable question : plutôt que de transmission linéaire, il s'agit de créer les conditions de nouvelles acquisitions, le plus souvent partagées. Apprendre ensemble plutôt qu'apprendre de l'autre. Faciliter l'acquisition sans transmission, c'est sans doute la condition d'une véritable qualification de tous. Pour en savoir plus, vous pouvez lire ci-dessous la chronique écrite avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF qui commente plus en détail l'ANI du 19 octobre 2012. Mais n'oubliez pas auparavant de passer par le bain turc. Bon lundi à tous.

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Le Bain Turc - Ingres - 1862

LA_TRANSMISSION_DES_SAVOIRS_ET_DES_COMPETENCES.pdf

06/12/2012

Il va falloir s'y habituer

Il n'est pas rare que l'environnement se modifie sans que l'on en prenne véritablement conscience. Si notre propre quotidien n'évolue pas, ou peu, il est tentant de considérer que rien ne change non plus ailleurs. Manifestement les employeurs n'ont pas encore intégré la portée des positions prises par la Cour de cassation en matière de maintien de l'employabilité du salarié. Mais les décisions commencent à s'accumuler et à créer un paysage nouveau auquel il va bien falloir s'habituer, comme devront prochainement s'habituer au mariage gay même ceux qui ne souhaitent pas y recourir (rassurons les, il s'agira d'une liberté et non d'une obligation).

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New-York - 2011

Dans l'affaire jugée le 21 novembre dernier, un magasinier reprochait à son employeur de ne l'avoir formé que 5 jours en trente ans d'activité. La réponse de l'employeur tient en deux arguments : d'une part l'obligation d'adapter le salarié ne m'oblige pas à faire des formations inutiles et la formation de 5 jours était suffisante, et d'autre part le salarié ne fait état d'aucun préjudice résultant de l'absence d'autres formations. Perdu. Lorsqu'un emploi ne nécessite que très peu de formation et qu'il est tenu pendant une longue période, l'entreprise doit permettre au salarié cantonné à des tâches répétitives de préserver une employabilité plus large (C. trav., art. L. 6321-1). Et d'autre part, le fait de ne pas avoir été formé constitue en lui-même un préjudice. On pourra trouver la jurisprudence rigoureuse, elle n'est que la conséquence d'un contenu d'emploi restreint et non évolutif. Et il va falloir que les entreprises s'y habituent car, dans ce domaine comme d'autres, il n'y aura pas de retour en arrière.

Cass. soc. 21 novembre 2012 - Obligation d'adaptation.pdf

05/12/2012

Jésus et les Y

Pour moi, c'est une réunion qui sent la fin d'année. Le genre de réunion dans laquelle on est physiquement présent, mentalement déconnecté et professionnellement attentif autant qu'il le faut. On passe en revue avec quelques responsables RH et managers les projets de formation pour l'année suivante. Du classique que l'on concluera par l'intégration de tous les projets dans une matrice dont l'intelligente conception laissera penser qu'un très gros travail amont a été réalisé et non une simple discussion collective à bâtons rompus. Bref, le quotidien bat son plein ce matin là. Mais quel que soit l'état de somnolence active, certains mots ont des capacités de gratouillements garanties. J'entends soudain un participant proposer une conférence avec un sociologue spécialiste de la Génération Y, à l'attention de tous ces managers qui n'en peuvent plus de gérer ces jeunes zappeurs permanents, oublieux des hiérarchies, statuts et fonctions, travaillant sur le mode relationnel du copain de toujours, investis à fond jusqu'au désinvestissement total dès que "ça les saoule", etc. Bien m'en a pris de tendre l'oreille car elle perçoit que l'on me demande mon avis. Mon état d'esprit se prêtant à la plaisanterie potache, je propose tout de go de contacter Jésus, qui n'est pas un maçon portugais spécialisé dans la gestion des apprentis, mais celui qui le premier, sur la croix, fit le fameux signe Y. Le bref silence qui s'ensuivit me convainquit d'avoir fait chou blanc, et j'enchainai en retournant la question et demandant si l'on était bien certain qu'elle existe cette génération Y.

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Rubens - Crucifixion

S'en suivit un débat plus vif que les échanges précédents, qui me permit de retrouver le calme de l'observation et de constater qu'une participante était en train de téléphoner discrètement, que deux autres consultaient leurs mails, qu'un quatrième envoyait un texto et que deux autres encore pianotaient sur leur tablette numérique. J'en était là de l'observation quand le boomerang de la question initiale me revint sous la forme d'une brusque interpellation : "Et le fait qu'ils soient vissés depuis leur adolescence à des consoles de jeux, ce n'est pas une caractéristique de la génération Y ? nous on jouait aux cartes". La rêverie étant propice à l'imagination, mon esprit n'emprunta pas l'escalier et je pus répondre : "Ils ne sont pas plus vissés à leur console de jeu que vous ne l'êtes avec vos tweets, mails et textos à votre console du Je".  Je vis à quelques hagards regards que certains avaient écouté mais pas entendu, à un sourire qu'il y avait eu une écoute compréhensive et à des mines soudain renfrognées que certains avaient décidé d'oublier aussi tôt ce qu'ils avaient entendu. Du coup, on ne me demanda pas de préciser ma pensée, qui était que les comportements de la présupposée génération Y n'étaient jamais que des comportements contemporains qui touchaient tout le monde, avec la seule différence qu'il s'agit pour les plus jeunes de l'environnement de toujours alors que pour les plus anciens ils se mêlent à d'autres références. Bref, pas de quoi en faire des généralités générationnelles. Mais les catégorisations ayant pour principale vertu de rassurer ceux qui les bâtissent, il fut décidé que Conférence l'on ferait. Mobilisant mon énergie, je notai sur le jour envisagé que je pourrai disposer de ma journée. Vivement la fin de l'année !

29/11/2012

Le pari de la discussion

Dans la négociation en cours sur la sécurisation de l'emploi, le dernier texte remis par la partie patronale aux organisations syndicales, comporte un volet sur le compte individuel de formation. Vieux serpent de mer qui a déjà traversé bien des eaux troubles mais qui n'a pas, à ce jour, plus de consistance que le monstre du Loch Ness, le compte individuel de formation connaît enfin une esquisse de réalité, même si seuls les principes sont abordés par le projet d'accord et qu'il reste encore bien des questions opérationnelles. Mais le principe qui structure tout le projet n'est pas sans intérêt : calqué sur le DIF, il fait du compte individuel de formation un crédit de temps que le salarié capitalise mais dont il négocie son utilisation en fonction de sa situation. S'il est salarié, avec l'employeur, s'il est demandeur d'emploi avec POLE EMPLOI, s'il entre dans des priorités nationales, avec les pouvoirs publics, vraisemblablement les Conseils régionaux. Sous cette forme, le compte individuel généraliserait la notion de droit négocié, obligeant le titulaire du droit à faire valider son projet par le financeur. Un droit conditionné par la négociation que certains trouveront peu mécanique et donc non garanti, mais dont l'effectivité tiendra à l'intelligence des acteurs et aux formes de discussion qu'ils sauront établir.

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Une discussion à Paris

Certes, les paris sur l'intelligence ne sont pas toujours certains d'être gagnés et ceux sur la négociation comme mode de prise de décision non plus, on peut pour le vérifier se reporter à l'actualité du moment. Toujours est-il que cette invitation à négocier et à rechercher  l'intérêt commun plutôt que de savoir ce que l'on a le droit de consommer, ne constituera un véritable progrès que si ceux qui sont sollicités pour accompagner les projets acceptent d'entrer dans une véritable négociation et ne restent pas figés dans l'exercice unilatéral de leur pouvoir de décision. Et ça, c'est pas gagné.

Annexe_compte_individuel_de_formation-.pdf

12/11/2012

Une tarte bien crémeuse

Stanley Kubrick n'a finalement pas intégré à son film Dr Folamour, la gigantesque bataille de tartes à la crème entre les russes et les américains comme scène finale. Il a préféré substituer au comique des images de véritables essais nucléaires, comme pour rappeler qu'il ne venait pas simplement de tourner le dernier film burlesque depuis Buster Keaton.

Peut être aurait-il fallu, à l'inverse, quelques dernières pages burlesques au rapport Gallois pour finir de persuader le lecteur que tout ceci n'est pas très sérieux. On se contentera de reprendre ici les propositions qui touchent à la formation professionnelle.

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La première propose de rapprocher le système éducatif et l'entreprise en faisant entrer des chefs d'entreprises dans les établissements car, nous dit le rapport, l'offre de l'Education Nationale n'est pas adaptée aux souhaits des entreprises qui ne trouvent pas le personnel dont elles ont besoin. Cette première tarte à la crème nous présente l'Education nationale exclusivement comme un fournisseur de main d'oeuvre clé en main à l'économie. Rappelons que la mission de l'Education nationale, comme son nom l'indique, est de former des citoyens avant de former des agents productifs ou des consommateurs, et qu'ensuite il appartient peut être aux entreprises de former elles mêmes à leurs métiers et de veiller à la qualification de la main d'oeuvre. Et puis si l'on veut rapprocher l'école et l'entreprise, il ne faut pas uniquement mettre des chefs d'entreprises dans les établissements, il faut aussi mettre des enseignants dans les conseils d'administration.

La deuxième proposition consiste à doubler le nombre d'alternants en cinq ans (soit passer de 400 000 apprentis et 100 000 jeunes en contrat de professionnalisation à 1 million au total). Parfait, l'alternance est une excellente filière. Mais qui paie la différence ? on augmente la taxe d'apprentissage ? la taxe formation continue ? les impôts locaux pour que les régions puissent financer les CFA ? on chercherait en vain un début de solution opérationnelle dans le rapport qui par ailleurs s'élève contre les taux de charges.

La troisième proposition vise à la mise en place d'un compte individuel de formation, sujet d'actualité. La seule proposition concrète pour aller en ce sens est de fusionner le DIF (crédit d'heures bénéficiant à 17 millions de salariés) et le CIF (disponibilités financières bénéficiant à 40 000 salariés). Nul doute que si l'on affectait les 800 millions d'euros du CIF à 17 millions de salariés, chacun en aurait pour son argent avec 47 euros en poche pour se former.

Trois propositions tartes à la crème version Dr Folamour, sur la formation, j'espère que pour les autres propositions, sur lesquelles je décline toute compétence, Gallois lui l'était, compétent.

Rapport-Gallois-PACTE-POUR-LA-COMPETITIVITE-DE-L’INDUSTRI...

09/11/2012

Un parcours à étapes

Certes rien ne presse, vous avez jusqu'au 17 mars, mais ne manquez surtout pas l'exposition consacrée à Van Gogh et Hiroshige à la Pinacothèque. Les peintures de Van Gogh sont, comme toujours, flamboyantes et inspirées, mais en l'occurence elles constituent une excellente mise en bouche avant d'admirer les estampes d'Hiroshige. Peintre du voyage, Hiroshige a notamment peint les 50 étapes du parcours qui relie Tokyo (Edo à l'époque) à Kyoto. Le parcours comme un carnet de voyage, une carte routière, une oeuvre d'art, un temps de contemplation où le chemin est plus important que l'arrivée. Car un voyage a une unité, sa vérité propre, inscrite dans le temps de sa réalisation. Et celui qui parvient au terme du voyage n'est jamais exactement celui qui fit le premier pas.

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Dans les estampes d'Hiroshige, chaque étape ne prend sens qu'en ce qu'elle est un moment du parcours. Et c'est en embrassant l'ensemble de la marche que l'on peut prendre conscience des transformations que le cheminement opère sur le marcheur.

Si les partenaires sociaux et les pouvoirs publics souhaitent que les parcours professionnels, et leur sécurisation, ne restent pas que des mots, alors il devient urgent de donner au parcours une réalité tangible, d'en reconnaître l'unité et de ne pas se contenter d'en gérer les étapes. C'est dans son ensemble que le parcours doit pouvoir être appréhendé, géré, financé, accompagné. Tel est le sens de la chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF qui invite les partenaires sociaux à franchir le Rubicon à l'occasion des négociations en cours sur la sécurisation de l'emploi. Parce que là, il y a urgence.

À LA RECHERCHE DU PARCOURS.pdf

08/11/2012

Petits bricolages

L'entreprise est installée sur un Causse, soit un haut-plateau du Sud-Ouest. Elle emploie des gens du cru. C'est plutôt familial. Et les affaires vont correctement. La production pour l'aéronautique a gonflé les carnets de commande. Et le volume de travail se maintient à un haut niveau. L'embauche est difficile dans ce coin de terroir. Alors il y a souvent des heures supplémentaires. Il y en avait déjà avant la loi TEPA et les exonérations. Il y en aura encore après leur abrogation. Mais on s'habitue à payer en exonération. Alors le dirigeant a imaginé un petit bricolage. Il forme ses salariés. Dorénavant au lieu de les former pendant le temps de travail et de les faire travailler en plus en dehors de l'horaire de travail, il fera l'inverse. Et pendant les heures de formation réalisée en DIF, il versera l'allocation formation (50 % du salaire net exonéré de charges) plus 75 % du salaire habituel, soit au total 125 % pour le salarié. Mais plutôt qu'une heure supplémentaire à 125 % + 50 % de charges, soit 187,50 il se retrouve avec un coût de 75 + 50 % de charges + 50 exonérés soit un total de 162,5. Et voilà comment on économise 25 % de coût salarial en toute légalité. Mieux que TEPA, sans TEPA.

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Certains objecteront que l'on ne va pas loin avec de tels petits bricolages. Ils devraient suivre les pérégrinations de l'auteur de ce vélo-bateau-avion-chauve-souris. Sa trapadelle lui permet de voyager dans les rues, dans l'imaginaire et dans la poésie. Il ne faut jamais sous-estimer les petits bricoleurs qui eux au moins n'hésitent pas à mettre l'imagination au pouvoir.

24/10/2012

A en pleurer

Il est parfois désespérant de se heurter à des murs, surtout lorsqu'ils sont bâtis d'incompréhension, de mauvaise volonté et cimentés par la position de pouvoir de ceux qui les érigent. Que l'on en juge : un salarié est licencié avec un droit à DIF portable de 1052 euros. Il intègre une autre entreprise qu'il quitte quelques mois plus tard avec 118 euros de DIF supplémentaires. Admis à l'assurance chômage, il demande à bénéficier de son DIF portable, cumulé, auprès de l'OPCA. Refus de celui-ci qui lui oppose que le DIF "n'est portable qu'une fois" puisque c'est l'OPCA de la dernière entreprise qui est compétent pour payer la somme. Le droit portable de 1052 euros est donc perdu. Appel de la DGEFP qui, apparemment, confirme cette position : le DIF n'est portable qu'une seule fois.

Et voilà comment ceux qui sont chargés de mettre en oeuvre la sécurisation des parcours des salariés prennent plaisir à inventer à coup d'interprétations hasardeuses et au minimum mal maîtrisées, des règles qui de ce fait ont l'effet exactement inverse à celui recherché.

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Picasso - La femme qui pleure - 1937

Si l'on voulait avoir un nouvel exemple de la mise en oeuvre de manière absurde de règles en perdant tout sens et toute finalité, on serait servi. Voilà donc qu'un salarié qui a acquis des droits pendant six ans, les perdrait parce qu'il a, dans son parcours, intégré un nouvel emploi. Que n'est-il resté au chômage pour profiter de son DIF portable ! ou pourquoi ne l'a-t-il pas utilisé chez ce nouvel employeur alors que c'était inutile !

D'autant que rien dans les textes n'impose une telle lecture. Au contraire, les partenaires sociaux s'étaient interrogés lors de la création de la portabilité, sur l'utilisation du DIF portable lors de parcours faits de périodes alternées d'emploi et de chômage. Ils en avaient conclu que le risque existait (ce qui justifie sans doute in fine la position de l'OPCA) qu'un bénéficiaire puisse utiliser deux fois le droit portable faute de traçabilité entre OPCA. Certains avaient même envisagé de créer une carte à puce pour tracer la portabilité. Et puis la raison l'emporta et l'on considéra que si quelques salariés bénéficiaient deux fois du même droit, c'était moindre mal par rapport au fait d'en priver plusieurs dizaines d'un droit acquis. Il faut croire que ce message n'a pas été intégré par tous. Au final,  voilà comment on fait supporter à l'individu, les insuffisances d'un système qui est censé être à son service.

Quant à une autre interprétation des règles de la portabilité, voir ci-dessous.

LA MISE EN ŒUVRE DE LA PORTABILITE DU DIF APRES LA FIN DU CONTRAT DE TRAVAIL.pdf

23/10/2012

Faire bouger les statuts

Par un arrêté en date du 17 septembre 2012, l'AGEFOS-PME a été agréé en qualité de Fonds d'Assurance Formation de non salariés pour la gestion de la formation des travailleurs indépendants et chefs d'entreprise de la pêche maritime. Par cet arrêté, l'AGEFOS-PME devient le seul des vingt OPCA subsistant à l'issue de la réforme lancée en 2009, à pouvoir gérer à la fois des salariés et des non salariés.

Il serait pertinent qu'au-delà de cette exception, le Ministère du travail aille plus loin et confie aux OPCA le soin de gérer la formation des artisans, commerçants, chefs d'entreprises et autres travailleurs non salariés. Au nom de quoi ? de la sécurisation des parcours et de l'efficacité. Concernant la sécurisation des parcours, il est fréquent qu'un salarié d'une TPE franchisse le pas et devienne lui même entrepreneur, tandis que certains chefs d'entreprise font le choix de redevenir salarié. Ces aller-retours pénalisent leurs auteurs, puisqu'il vaut mieux cumuler des droits dans un même régime que d'en acquérir dans plusieurs. Confier la gestion de la formation à un organisme unique, permettrait au moins de mieux gérer la professionnalisation des actifs ayant une mobilité statutaire. On entend déjà les représentants patronaux objecter qu'un organisme paritaire n'a rien à voir dans la gestion de la formation d'employeurs. On peut considérer que la qualité de chef d'entreprise est un état, transitoire parfois, et non une qualité naturelle. Si l'on veut véritablement donner du sens à la notion de parcours, il va falloir se résoudre à faire bouger les statuts.

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Les statues bougent-elles après la fermeture des musées ?

Le second argument est d'efficacité. Aujourd'hui, ni l'AGEFICE ni le FIF-PL ni le FAFCEA ne rendent de véritables services aux travailleurs non salariés et leur équilibre économique est chaque jour plus précaire. Alors qu'il y aurait une véritable dynamique si un même OPCA pouvait former à la fois le chef d'entreprise et ses salariés. Et seuls les OPCA disposent de véritables services de proximité pour ce faire.

Si l'on veut cesser de se payer de mots et faire que le parcours de formation, et sa sécurisation, acquièrent une réalité concrète, il va bien falloir faire bouger les statuts. Quoi de plus tentant, d'ailleurs, que de voir bouger les statues ?

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17/10/2012

Ouvrir les portes du parcours

Sur l'excellent site de Bruno Callens consacré au DIF (voir ici), un internaute présente son parcours : salarié de 1985 à 2003 dans une même entreprise, puis deux ans de chômage consacrés à passer un CAP suite à quoi une activité d'artisan pendant 5 ans, puis un CDI dont il démissionne après 5 mois pour enchaîner un CDD de 6 mois, 4 mois d'intérim puis de nouveau 6 mois de CDD. Soit 17 ans d'activités dont deux années en formation dans le cadre de l'assurance-chômage. Et cette question : quels sont mes droits au DIF au terme de ce parcours. Et bien 0 avant 2004, 0 pendant la période de chômage, 0 pendant l'activité indépendante, 10 h portables pour les 6 mois de CDD, 0 pour les 4 mois d'intérim et 10 heures portables pour le dernier CDD. Soit 20 heures x 9,15 euros = 183 euros pour aller en formation.

Depuis le temps qu'il est question de sécurisation des parcours professionnels, l'exemple de ce parcours tellement typique durant lequel on enchaîne les statuts et les activités est édifiant : au final la personne qui a travaillé quasiment sans discontinuité est  exclue du droit à la formation. Preuve s'il en fallait, que nos systèmes sont avant tout conçus en référence à un modèle théorique de l'emploi permanent et qu'ils ne prennent guère en compte ce qui est pourtant la réalité quotidienne pour une grande partie de la population active, qui n'est sans doute pas celle qui a le moins besoin de formation. Mais les portes ouvertes pour certains se referment bien vite devant les autres.

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A lier les droits à l'ancienneté, on est encore dans le modèle des trente glorieuses de l'emploi de longue durée qui permet d'accumuler des droits à condition que rien ne bouge. Le meilleur moyen de priver de tout ceux qui sautent d'un emploi à l'autre pour parvenir à une continuité de revenu et témoignent au passage d'une capacité d'adaptation permanente. Mais ils seront pénalisés au niveau de la rémunération, de la protection sociale et de l'accès à la formation. Tant que l'on ne réfléchira pas en terme de droits liés à l'activité, quel que soit le statut, et garantis par des systèmes de mutualisation et que l'on continuera à cloisonner, segmenter et faire dépendre le statut social de la durée de l'emploi, on sacrifiera sciemment près d'un quart de la population active. Ce n'est pas la majorité objectera donc. C'est peut être exactement là que se situe le problème.

10/10/2012

Le juge Hercule

On doit au philosophe américain Ronald Dworkin la métaphore du juge Hercule. Selon Dworkin, pour bien juger, le juge devrait parfaitement connaître le droit positif, mais également sa sociologie et la manière dont il s'insère dans une culture, il devrait en dégager la philosophie et les principes et faire preuve d'imagination  créatrice en interprétant les lois au regard de cet ensemble pour donner de la cohérence aux solutions pratiques qu'il adopte. Travail véritablement Herculéen il faut bien en convenir, et pas seulement par son volume, mais également par la diversité des compétences qu'il sollicite, tant il est vrai qu'Hercule savait à la fois se comporter en héros, en guerrier, en intellectuel avisé et même en esclave d'Omphale, chacune de ces postures n'étant que l'adaptation des mêmes valeurs et principes aux circonstances.

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François Boucher - Hercule et Omphale - 1730

On serait bien tenté de considérer que le travail accompli par les juges en matière de droit de la formation depuis plus de 30 ans est digne d'Hercule. Car c'est en s'appuyant sur un petit nombre de principes, qu'il a su faire vivre en des circonstances disparates au moyen d'une imagination créatrice, que le juge a faconné de la fin des années 80 à aujourd'hui un droit de l'employabilité du salarié d'une grande cohérence et d'une extrême puissance tant sont solides les principes qui le fondent.

La chronique rédigée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF présente une synthèse de ce travail herculéen et explique pourquoi les partenaires sociaux, dans les négociations qu'ils ont ouvertes sur la sécurisation des parcours professionnels, feraient bien de s'inspirer de ce travail d'Hercule et s'attacher à construire un droit de principes plutôt que de persister à accumuler du droit de procédure.

CONTRIBUTION_DES_JUGES_A_LA_SECURISATION_DES_PARCOURS_PRO...

21/09/2012

Du bon usage du droit

Le CEDEFOP vient de publier une étude sur les clauses de dédit formation dans les 27 pays de l'Union Européenne, les 3 candidats à l'adhésion (Turquie, Croatie, Macédoine) et les 3 pays de l'AELE (Islande, Liechtenstein, Norvège). Premier constat, les clauses de dédit formation existent dans 27 des 33 pays, avec des régulations légales ou conventionnelles, preuve que la question de la charge finale de l'investissement formation a été posée quasiment partout. Deuxième constat, l'auteur du rapport adopte comme présupposé non discutable, en tout cas très peu discuté, que les clauses de dédit formation c'est bon pour tout le monde. Pour l'entreprise qui sécurise son investissement et pour le salarié qui se trouve ainsi responsabilisé et prend conscience de l'effort de l'entreprise. Après la CNIL, voici donc de nouveau un expert qui suppute l'absence de conscience du salarié, cet irresponsable qu'il convient de discipliner un peu en le menaçant d'avoir à payer lui-même sa formation pour qu'il prenne enfin en considération l'effort que fait l'entreprise. Mais surtout, le rapport répète ad nauseam que la contrainte juridique résultant de la clause de dédit formation, que l'auteur encourage à appliquer pour toutes les formations y compris de courte durée, est une excellente manière de développer la formation professionnelle et d'impliquer plus fortement le salarié. Voici donc le droit dans sa version punitive promu outil pertinent de management. Ajoutée à une clause d'exclusivité, de mobilité, de confidentialité, de non-concurrence et de rémunération largement variable, la clause de dédit-formation achèvera de corseter le salarié qui dès lors n'aura plus qu'à filer droit. Pas de doute qu'ainsi entravé, sa motivation s'en trouvera renforcée.

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Nobuyoshi Araki -  2012

Il n'est pas exclu que le droit puisse être un outil de management pertinent. Encore faudrait-il l'utiliser dans sa version positive : donner des repères clairs pour l'action, fixer des cadres, identifier les marges de manoeuvre  de chacun, donner de la légitimité à ses pratiques, s'ouvrir des espaces de liberté, identifier des solutions possibles. Mais force est de constater que c'est quasi-exlusivement pour sa capacité à sanctionner que l'on recours au droit, transformant les juristes en gestionnaires de risques et non en producteurs de valeur ajoutée. Nos gouvernants ne sont d'ailleurs pas en reste qui ont multiplié les obligations de négocier sous peine de sanctions : seniors, égalité professionnelle, pénibilité et bientôt contrats de génération, ce qui témoigne d'une certaine continuité culturelle en dépit des alternances politiques. Pour les mesures qui récompensent les comportements vertueux, on est prié d'attendre encore un peu. On terminera sur un paradoxe à propos de la clause de dédit formation : la formation est censée apporter de l'autonomie au salarié, donc de la liberté et de la responsabilité. N'est-il pas contradictoire de vouloir ficeler ceux que l'on tente de rendre plus autonomes ?

Clauses de dédit formation - CEDEFOP.pdf

A l'attention toute particulière de l'expert du CEDEFOP, une deuxième photographie d'Araki pour lui permettre de méditer sur le rapport que l'entrave peut entretenir avec le plaisir.

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18/09/2012

Solitude du manager

Je ne me souviens plus pourquoi j'avais été invité à participer à ce comité de direction. Ni de son objet. Je me souviens juste qu'après avoir bouclé l'ordre du jour, la conversation avait porté sur divers sujets, jusqu'à cet échange, dont j'ai gardé un souvenir très précis :

"- il y a quand même une population dont il va falloir s'occuper...

- (silence des autres)....

- ah bon, laquelle ? les seniors, les femmes...

- non, notre middle management. Pour l'encadrement supérieur on a fait ce qu'il fallait. Mais pour l'encadrement intermédiaire, on leur demande beaucoup, de plus en plus, ce sont eux qui font tourner la boutique et on ne peut pas dire qu'ils aient été particulièrement bien traités...

- oui, tu as raison, il va falloir s'en occuper...

- c'est vrai, ça tiendra pas toujours dans ces conditions...

- bon, sur ces bonnes paroles messieurs il est temps d'aller dîner."

Sans grande surprise, de cette population dont il fallait s'occuper, on ne s'occupa guère.

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Je rencontre parfois des managers qui n'y vont plus. Ils ont donné, ils sont soit épuisés, soit lassés, soit blasés, soit devenu cyniques, soit désinvestis. Mais je rencontre encore plus souvent des managers qui ont de l'énergie, qui sont prêt à faire face aux conflits d'intérêts, aux conflits de personnes, aux situations inexticables ou même à l'inconnu. Des managers qui veulent bien traverser la jungle avec le pagne pour tout vêtement et un canif pour la survie. Des managers qui aiment ce qu'ils font, qui prennent sur eux-même et qui sont prêt à faire bouger quelques montagnes. Et tout cela bute sur une condition, celle qui est la clé de tout : le fait que le DG, le Codir, sortent de leur logique propre et de leur niveau d'action pour venir appuyer, conforter et soutenir leur encadrement. Des managers qui ont porté si loin la loyauté qu'ils n'en attendent pas moins de leurs dirigegants. Des managers qui font fi des différences de statut et n'aspirent qu'à une reconnaissance de leur action et d'eux-même à travers elle. Des managers très sensibles, sous le détachement feint, aux marques d'attention et de personnalisation. Et des managers qui souvent attendent le geste qui jamais ne viendra, comme ne pas les désavouer lorsqu'ils tiennent des positions de principe, même si du coup le dialogue social à leur niveau s'en trouvera tendu. Mais on est plus souvent paralysé par la peur que par l'ennemi. Et ça, les managers ils ont quand même bien du mal à l'accepter. C'est pourquoi il leur arrive d'éprouver pleinement un lourd sentiment de solitude. Pour l'alléger, ils peuvent, et nous aussi, se plonger dans les aventures du détective gastronome Pépé Carvalho écrites par le catalan Manuel Vasquez Montalban.

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13/09/2012

Créativité juridique

Pour les adultes, comme pour  les jeunes élèves, lorsque l'on fait un travail technique, parfois ingrat, le meilleur moyen de le valider est de le faire fonctionner à la fois sur les sujets qui s'y rapportent, mais également sur d'autres, sans rapport apparent, pris au fil de l'actualité. Et dans le fil en ce moment il y a le mariage, ou plutôt l'union civile à trois qui a été reconnue au Brésil. Pour travailler sur le fait qu'il n'y a pas de vide juridique et que le droit a eu une réponse pour chaque situation, c'est un bon point de départ. Car il se trouve, ce n'est pas grave bien évidemment, que les journalistes ne lisent pas ce blog. Où alors ils se contentent de regarder les photos. Du coup on peut entendre et lire que cette union a été possible grâce à un vide juridique : la loi ne précisant pas que le mariage est réservé à deux personnes, il est donc possible pour trois. Un quatuor aurait d'ailleurs déjà saisi la notaire qui a enregistré la première union.

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Nouvelles unions, nouveaux bébés ?

En réalité, la Constitution brésilienne reconnaît comme famille "une union stable entre un homme et une femme". Avec une définition semblable, la Cour de cassation en France a estimé que le mariage était réservé aux couples hétérosexuels, respectant la lettre du texte. L'esprit du carnaval a du souffler sur la Cour suprême brésilienne car les magistrats cariocas ont estimé eux que cette définition de la famille avait valeur d'exemple mais n'était pas exhaustive. Ce n'est donc pas un vide juridique, dont on répète qu'il n'existe pas (voir ici ou ) qui a permis l'union du trio mais la créativité des juges. Car voilà la seconde démonstration que nous fournit cet exemple : à partir des mêmes textes, les juges français et brésiliens ont pu prendre des décisions totalement opposées. Preuve, s'il en fallait, que le juge peut décider ce qu'il veut et construire le raisonnement adéquat ensuite. Apparemment les managers ont apprécié, à l'exception du juriste de l'entreprise qui se montra plus réservé. Un petit tour au Brésil peut être ?

12/09/2012

En rythme

Lorsque l'on travaille avec une nouvelle entreprise, de nouveaux interlocuteurs, il faut prendre le temps de la sensation. Sentir le pouls de l'organisation, de ceux qui la font vivre. Respirer les ambiances, les atmosphères, parler peu, regarder beaucoup, écouter, sentir de quoi sont faits les silences, observer vers où dérivent les conversations. Ne surtout pas travailler par comparaison, par réduction à des situations connues, ne pas se rassurer par la recherche d'analogies, de repères. S'immerger lentement et ressentir l'effet de l'eau sur chacune de vos cellules. Trouver le rythme qui convient.

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Il ne s'agit pas de forcer l'empathie ou de tracer la carte des démagogies qui vous permettront de rejouer le théâtre du "je vous ai compris". Il s'agit  de trouver l'endroit juste qui servira de point de départ, et le tempo qui vous permettra d'emmener vos interlocuteurs sur d'autres terrains, à la condition qu'ils n'aient jamais l'impression de quitter le leur. Finalement quelque chose comme une activité musicale. Ici, c'est à la fois électrique et rétro. L'assemblage a son charme, surtout pour qui est convaincu que ce sont les associations improbables qui ouvrent des voies nouvelles.

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04/09/2012

Anniversaire (2)

En 1988, le FONGECIF Midi-Pyrénées organise une conférence pour fêter ses 5 ans. A cette occasion qui réunit plusieurs centaines de personnes de prestigieux intervenants parisiens sont invités. Tout jeune consultant dans le domaine de la formation je suis présent. Il faut bien apprendre son métier si l’on veut le développer. Dans les débats, je fais un effort surhumain pour poser une question. Ma voix part dans les aigus dès la deuxième phrase et à la cinquième et dernière je suis à bout de souffle. Je pense être ridicule mais personne ne réagit et Michèle Boumendil, alors directrice du département juridique du Centre INFFO, répond à la question. Encore empreint de confusion, je quitte la manifestation dès la fin des débats et prend la route de mon bureau. Et puis un doute me vient. Quand on est consultant, jeune, sans relations et que l’on souhaite persévérer dans la profession, peut être faut-il profiter des occasions pour parler aux gens. Un demi-tour, et une ligne blanche, plus tard, je suis de retour avec les participants qui sont passés à table. Je rejoins le directeur du CARIF qui me confie quelques missions, attablé avec Jean-François Nallet et Michèle Boumendil, laquelle m’interpelle en me disant que ma question était pertinente. Je dénie et remercie à la fois, dans un bredouillement mal maîtrisé ce qui ne l’empêche pas de me questionner sur mes activités puis de me proposer de travailler pour le Centre INFFO. Et c’est ainsi que quelques mois plus tard, je réalisai un document sur la formation des demandeurs d’emploi pour les premiers Entretiens Condorcet.

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Je poursuivis mes relations avec le Centre INFFO où je rencontrai la petite-fille du créateur du concours Lépine qui me fit rapidement une honnête proposition : la remplacer pour animer des formations dans un organisme que je ne connaissais pas du nom de DEMOS. Mon principe étant de toujours dire oui en première intention j’acceptai. A l’époque, au tout début de l’année 1992, DEMOS comptait 30 salariés et réalisai un chiffre d’affaires de 30 millions de francs (aujourd’hui c’est 800 collaborateurs, 103 millions d’euros et une présence dans 17 pays). Je rencontrai Jean Wemaere qui m’accorda immédiatement une confiance qui demeure. Et comme la fidélité est un plaisir qui se partage, je me retrouve ce matin à animer avec Jean une conférence de presse à l’occasion des 40 ans de la création de DEMOS. Car maintenant, j'arrive à parler en public sans monter trop haut dans les aigus.

Demos 40 ans Dossier de Presse.pdf

03/09/2012

Anniversaire (1)

Au début de l’année 1987, je venais de terminer mes études. J’envoyai consciencieusement des CV, puisque c’est ainsi qu’il convenait de procéder pour entrer dans ce fameux monde du travail dont on me rebattait les oreilles, et qui ne m’était pas tout à fait étranger puisque j’avais souvent mis la main à la pâte dans le restaurant familial. Je passai un entretien désastreux dans un cabinet de conseil juridique : l’univers que me présentait le patron du cabinet qui me recevait me paraissait tellement lointain que je m’exprimai quasiment par monosyllabes, avec une jambe coincée sous la chaise dans une posture qui me déclencha des fourmis et me fit m’affaler sur la porte du bureau lorsque je voulus me lever pour conclure l’entretien. Il fallut à mon interlocuteur réunir l’intégralité de sa bienveillance pour considérer que ce jeune homme hébété était celui qui s’était présenté, dans le CV rédigé avec application, mais l’application ne fait pas la conviction, comme un étudiant aux bons résultats, un sportif de bon niveau et globalement un jeune homme plein d’entrain. Il me dit que je n'étais sans doute pas en grande forme et qu'il était tenté de me prendre tout de même à l'essai, avant de me téléphoner trois jours plus tard que finalement ce n'était pas possible. 

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Edward Hooper - Station Essence - 1940

Ce premier entretien ne fut, heureusement, suivi que d’un seul autre dans un contexte mieux adapté, en tout cas pour ce qui me concerne. Après avoir raccompagné, à la nuit plus que tombée, une amie chez elle, je rodai lentement en voiture dans Toulouse, à la recherche, période bénie où les containers n’avaient pas encore été inventés, de livres abandonnés sur les trottoirs car il fût une époque où l’on pouvait se constituer une bibliothèque gratuitement et en se promenant au hasard des rues. Toute chose ayant sa nécessité, mes pas, ou plutôt mes roues, me conduisirent à une de ces stations service qui composent un paysage baroque au cœur des centres ville. Tandis que je remplissais le réservoir, car s’il existait encore des pompistes ils restaient déjà la nuit dans leur guérite, un individu s’escrimait à côté de moi à pomper sur la borne du mélange pour remplir le réservoir de sa mobylette orange. Lorsqu’il se tourna vers moi, j’eus la surprise de l’entendre dire : « Ah Mr Willems, comment allez-vous ? ». Malgré la nuit et le casque, je reconnus mon prof de Droit de la formation, que je n’avais pas revu depuis la fin de mon cursus. Et c’est à cette pompe à essence qu’il me proposa de travailler quelques mois avec lui au Centre de Recherche et d’Information sur le Droit à la Formation à l’Université, laquelle m'invitera ensuite à poursuivre la collaboration à condition que je facture mes prestations. C’est ainsi que le 1er septembre 1987 je créai le cabinet Willems Consultant qui fête donc en ce début de semaine ses 25 ans.

27/08/2012

Blanchiment

Il y avait déjà la Miviludes qui confondait les organismes sectaires qui présentent leur activité comme de la formation et les organismes de formation. C'est maintenant Tracfin qui s'y colle. Dans son rapport 2011, l'organisme de lutte contre le blanchiment cite la formation comme l'un des secteurs à surveiller particulièrement. Pourtant le rapport indique (p.14) que seules dix déclarations de soupçon portant sur ce secteur d'activité ont été enregistrées. Avec 35 000 organismes de formation le chiffre est en effet négligeable. Bien plus, Tracfin constate que malgré les alertes de la Miviludes sur les dérives sectaires, il n'y a qu'un très faible nombre d'informations sur le sujet. Signe que tout va bien. Et non. Tout ne va pas bien et le rapport de Tracfin nous éclaire  : "un sondage IPSOS/SIG pour la Miviludes avait révélé qu'un français sur cinq connaissait personnellement dans son entourage familial, amical ou professionnel une ou plusieurs personnes qui ont été victimes de dérives sectaires dans des domaines aussi variés que les produits de fin du monde (...), ou les formations au développement personnel ou aux médecines parallèles". Comme dirait Coluche, avec ça on tient la lessive qui lave plus blanc que blanc.

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Malevitch - Carré blanc sur fond blanc - 1918

Qu'un organisme censé être aussi sérieux que Tracfin fasse le constat que dans le secteur de la formation professionnelle il y a peu d'informations laissant penser que c'est un secteur à risque, mais que sur la base d'un sondage on arrive à la conclusion inverse, laisse tout de même rêveur. Mais cela est sans doute révélateur d'une part de l'extrême difficulté qu'ont les organismes officiels à appréhender ce secteur qu'ils connaissent mal, et d'autre part d'une suspicion durable sur l'activité de formation continue.

Quant au schéma type de blanchiment en matière de formation professionnelle qui est proposé par le rapport de Tracfin (p. 14 et 15) avec une société qui reçoit des subventions de l'Etat sans avoir aucune activité, j'avoue n'y rien comprendre. Ce qui est sans doute rassurant au regard du droit et de la morale, mais inquiétant quant à ma capacité à me procurer des ressources qui pourraient un jour venir utilement compléter le montant de ma retraite. Si l'un de mes aimables lecteurs pouvait avoir l'extrême amabilité de m'expliquer le montage, il recevrait à la fois mon entière gratitude et un cadeau de mon choix.

Tracfin - Rapport 2011.pdf

21/08/2012

Mais où est le mélangeur ?

Cette année, les Rencontres photographiques d'Arles invitent...les étudiants, ou anciens étudiants de l'Ecole Nationale Supérieure de Photographie (ENSP), installée à Arles. Pour fêter les 30 ans de sa création, l'Ecole a pris quelques nouvelles des 640 étudiants qu'elle a diplômé. Et présente les travaux de quelques uns d'entre eux. Les commentaires accompagnant les photos sont assortis d'une petite fiche biographique. L'occasion de jeter un coup d'oeil sur les parcours des diplômés de l'ENSP. Majoritairement des jeunes gens qui ont fait des études artistiques (Beaux-Arts, sociologie de l'art, sciences de l'art, écoles de cinéma, d'arts plastiques, etc.) ou des sciences humaines (histoire, socio, lettres, philo,...) et il faut chercher longtemps pour trouver une ingénieure et un infirmier. Dorothée Smith, pour sa part, a fait des études de philosophie à la Sorbonne avant d'intégrer l'ENSP.

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Dorothée Smith

Je pense justement aux étudiants du Master Développement des Ressources Humaines de la Sorbonne, dont les CV sont posés sur mon bureau. Je regarde également leur parcours : droit, gestion, gestion, droit. Et Ressources Humaines au final. Pas un juriste à l'ENSP, pas un historien, philologue ou sociologue de l'art en Ressources Humaines. Pas de doute, les cloisons sont bien montées et ceux qui ont fait le boulot ont en plus planqué le mélangeur. Il serait pourtant urgent de le retrouver et que ceux qui sont chargés de recruter tous ces jeunes gens osent s'en servir.

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28/07/2012

Vous êtes formidables !

Non il ne s'agit pas de remettre au goût du jour l'émission de Pierre Bellemarre créée il y a plus de 50 ans, mais d'un simple constat : la rue, c'est le cinéma gratuit. Il suffit de prendre le temps de regarder. Et hop, cela surgit, comme ce batteur très concentré sur son affaire.

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Mais il y aussi ces cyclistes qui se préparent pour The underwear Mass, une bike ride en sous-vêtements pour affirmer l'égalité de droits en montrant la différence assumée de chacun.

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La loi à Chicago interdit en effet aux femmes de paraître seins nus en public, mais pas aux hommes. C'est, notamment, pour contester cette illégalité de droits que les manifestants se dénudent en riant et sans que cela ne provoque d'émoi particulier chez les spectateurs.

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Détour par  l'intérieur un court instant pour surprendre deux pasteurs en admiration devant un tableau de Monet. Le jardin de la maison familiale leur rappelle le temps des culottes courtes, plus courtes que leur soutane qui s'obstine à nier un corps qui quelquefois se rebelle.

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Retour à la rue pour apercevoir, tout droit sorti des jardins de l'enfance, un ours qui semble attendre sagement le passage au feu vert pour prendre la fuite.

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Les gens sont vraiment étonnants. Jusqu'à s'émerveiller de voir surgir Chilly Willy (Frisquet en français), le petit pingouin frigorifié qui apparaissait toujours après les dessins animés de Woody Woodpecker. Pas la peine de chercher plus loin pourquoi formateur c'est un beau métier.

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