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22/12/2013

Incertitudes

Ce n'est pas encore de l'inquiétude, mais cela s'en rapproche. Pas de la crainte véritablement, mais cela pourrait bien le devenir. Les première réactions des professionnels de la formation à la présentation de l'ANI, toute la semaine dernière, se situent entre perplexité, stupéfaction, incompréhension, interrogations et malgré tout quelques peurs qui traduisent la perception des bouleversements potentiels. Les questions les plus fréquentes sont budgétaires : comment défendre le budget formation sans le support de l'obligation ? comment résister à la tentation du DAF ou du contrôleur de gestion de répercuter la baisse de l'obligation ? comment négocier un budget en hausse quand les obligations baissent ? et s'il n'y a plus d'imputabilité, comment protéger le champ d'activité qu'est la formation de toutes les actions périphériques ? et quel impact sur mon périmètre, ma fonction, mes missions, mon rôle ?

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De Chirico - L'incertitude du poète - 1913

Force est de reconnaître qu'ils furent peu nombreux ceux qui, spontanément, ont exprimé leur satisfaction de voir disparaître les contraintes fiscales et administratives ou les question à n'en plus finir sur ce qui est formation ou ne l'est pas, ceux qui se sont réjouis de la possibilité d'élargir leur champ d'action, félicités de voir la formation positionnée sur de vrais enjeux ou qui ont vu dans la réforme l'opportunité de faire grandir leur fonction. Pour l'instant, l'incertitude domine et elle est le plus court chemin vers l'inquiétude. Mise en sommeil pendant la trêve festive de fin d'année, elle pourrait bien ressurgir rapidement en début d'année.

19/12/2013

Pas en avant, grand bond ou pas perdus ?

C'est ce que l'on appelle ne pas faire l'unanimité. Aux critiques de la CGPME qui ne signera pas l'ANI du 14 décembre 2013, s'ajoutent les réserves de fédérations patronales (plus ou moins prononcées) soit sur le contenu du texte soit sur son efficience, ainsi qu'un débat à la CGT pour savoir si l'on signera ou non. A l'évidence, l'affaire n'est pas pliée et une belle bagarre se prépare à l'Assemblée et sans doute également ensuite lors de l'élaboration des textes d'application et surtout lors de la mise en oeuvre. Pas les meilleures conditions pour engager une évolution aussi forte. Ce n'est donc pas demain que nous saurons si le texte signé traduit véritablement un grand bond en avant.

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En l'occurrence, grand bond il pourrait y avoir si l'on allait au bout de la défiscalisation (qui n'est pas l'absence de mutualisation), si le pari du transfert d'obligations fiscales vers des obligations sociales est tenu (le précédent pari sur le DIF a été perdu), et si l'on parvient à gommer les insuffisances, rapidités ou incohérences du texte. Soit, il faut le répéter, le constat que le plus dur est vraiment devant nous comme l'explique la chronique réalisée pour l'AEF.

AEF ANI 14 Décembre 2013.pdf

17/12/2013

Big-bang ?

Comme disent les agences de promotion immobilière, c'est un accord en voie de futur achèvement qui a été finalisé le 14 décembre dernier. Le déroulement de la négociation ne plaidait pas pour un texte de grande qualité sur la forme : du surplace pendant quasiment trois mois pour un sprint final de deux jours n'est pas la meilleure manière de travailler techniquement. Pour autant, le texte a potentiellement une dimension révolutionnaire, au sens littéral de modification fondamentale des principes structurant un système. Car c'est la première fois en 40 ans que l'on fait le pari que c'est par les obligations sociales, et non fiscales, que l'on dynamisera la formation. Reste deux conditions pour que cette promesse de révolution aboutisse à un véritable big-bang.

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La première tient aux futurs signataires de l'accord. Le précédent pari, celui d'une négociation sur la formation dans toutes les entreprises avec le DIF, a été perdu notamment faute d'implication des signataires dans la mise en oeuvre du dispositif. La base sommée de se débrouiller seule n'en a rien fait. Gare à ne pas reproduire le même schéma.

La seconde tient au contenu de la loi à venir. Si l'Etat tire toutes les conséquences de la défiscalisation de la formation, au profit d'une obligation de contribution sociale versée aux OPCA et pouvant être assortie de régimes conventionnels ou optionnels, alors on pourra parler de révolution. Mais il faudra pour cela sortir de l'approche fiscale, pour ne pas dire fiscaliste, de la formation, supprimer l'imputabilité qui n'a plus d'intérêt, la déclaration fiscale, la bureaucratisation de la formation et laisser la responsabilité sociale s'exercer pleinement, au besoin en l'accompagnant. De ce point de vue, la partie du projet de loi consacré au contrôle de la formation qui étend à des contrats de droit privé des sanctions administratives de taxation du chiffre d'affaires laisse très sceptique quant à la capacité du Ministère du travail à véritablement changer de paradigme.

C'est donc à la manière dont ceux qui se sont réjouis de la conclusion de la négociation mouilleront la chemise que l'on pourra juger s'il s'agit d'une véritable révolution ou pas. Le plus dur reste à venir.

10/06/2013

Dedans dehors

Presque toute la surface du tableau est consacrée à l'intérieur et le titre même de la toile "Intérieur au violon" vous ferait croire qu'il n'est question que d'intérieur. Que le sujet du tableau, c'est cette pièce, ce violon, qu'il s'agit d'une invitation à rêver la musique, à imaginer le musicien dans la pénombre  se saisir  de l'instrument et faire vibrer les sons.Une atmosphère beaudelairienne faite de luxe, calme et volupté, comme le bleu de velours qui abrite le violon. Mais ce bleu est trop bleu pour être honnête. Il n'est là que pour signaler l'autre bleu, plus discret, qui perce le travers des claires-voies. Car là est le vrai sujet du tableau : l'extérieur, la lumière éclatante du Sud qui seule permet de tamiser l'espace intérieur, la chaleur étouffante qui rêve d'entrer en tous lieux, l'air chaud frémissant qui éveille les sens et guidera le musicien. Le violon n'est qu'un écho de la musique extérieure.

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Matisse - Intérieur au violon

Qui prend le temps de lire les dispositions relatives à la formation dans la loi de sécurisation de l'emploi, y trouvera un même exercice d'intérieur-extérieur. Si l'ANI du 11 janvier 2013 constitue bien l'étape II de la réforme de la formation et s'inscrit dans la logique de l'ANI de 2003 (DIF/Compte personnel de formation - Entretien individuel/Conseil en évolution professionnelle - Obligation d'adaptation/Gestion prévisionnelle négociée des emplois et compétences), il est tout autant tourné vers l'extérieur que son prédécesseur l'était vers l'interne. En 2003, le DIF, l'entretien professionnel et l'obligation d'adaptation au poste visent à responsabiliser employeurs et salariés sur le développement des compétences dans l'entreprise. En 2013, le compte personnel aux priorités centrées sur l'employabilité externe, le conseil en évolution professionnelle fait pour accompagner les mobilités externes et la GPNEC qui vise à anticiper les évolutions de l'emploi, sont résolument inscrits dans des logiques externes. Si l'on ne peut en conclure hâtivement que l'objectif est de faire passer les salariés par la fenêtre, on peut tout de même s'interroger sur la manière dont les entreprises se saisiront de dispositifs construits sur des logiques qui ne sont pas nécessairement les leurs.

15/02/2013

Minimal

Je n’aime pas l’art minimaliste. Pas parce que l’artiste n’en ferait qu’un minimum. Au contraire, il faut souvent beaucoup de travail pour une œuvre minimale. Pas non plus parce que certaines œuvres semblent destinées aux rayonnages d’Ikea et que la frontière entre designer et artiste s’en trouve brouillée. Après tout, Mondrian a été abondamment pillé par le design et Man Ray faisait de la photo publicitaire. Prônant la simplicité pour plus d’efficacité auprès de mes clients, l’art minimal aurait pu être une référence et un repère. Mais je n’aime pas l’art minimal.

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Donald Judd - Vertical Progression Red

Je n’aime pas les transcriptions minimales dans la loi des textes conventionnels. Je n’aime pas les reprises sans souffle, sans dynamique et sans valeur ajoutée. Je n’aime pas l’absence d’engagement et de choix qui en résulte. Je n’aime pas attendre que le chemin soit entièrement balisé avant de me mettre en route. Je n’aime pas constater que le minimal est souvent un manque d’imagination. Je n’aime donc pas beaucoup la manière dont le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi a retraduit les dispositions formations de l’ANI du 11 janvier 2013. Si vous voulez savoir pourquoi, vous pouvez lire ci-dessous la chronique écrite pour l’AEF qui détaille les limites et impasses de ce service minimum et sans art.

 La_formation_professionnelle_dans_le_projet_de_loi.pdf

07/02/2013

Work in progress

J'aime les travaux en cours (comme toute personne qui est toujours en retard me direz-vous, syndrôme de la procrastination) et du coup j'aime les études, esquisses, dessins préparatoires, manuscrits gribouillés, bouts de feuillets noircis à la va vite, petits carnets de notes, cahiers de croquis, bref tout le fatras dans lequel apparaît toute la vie que l'on verra ensuite ordonnée dans l'oeuvre, du moins lorsque le peintre a du talent. Tel est le cas, par exemple, de Gustave Moreau ou d'Ingres, dont les dessins préparatoires fascinent tout autant que les toiles.

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Gustave Moreau - Etude pour Salomé

JD Ingres - Etude pour le Bain Turc

Dans les six mois qui viennent, va s'élaborer le Compte Personnel de Formation, qui sera au DIF ce que le papillon est à la chenille. Lorsque je présente l'ANI du 11 janvier 2013 et les principes qui régiront le Compte, j'ai souvent des réactions de protestation : mais alors on ne sait pas comment ça va marcher, rien n'est calé, c'est incroyable de signer des textes sans savoir où l'on va. Ingres et Moreau savaient-ils où ils allaient lorsqu'ils travaillaient leurs dessins ? ou bien les choses se sont-elles mises en place petit à petit, ou par à coup, ou par rupture ? qui sait ?  On dit parfois que le voyage compte plus que la destination. Dans l'élaboration des droits nouveaux, il ne faut pas oublier la beauté de la construction et considérer qu'elle conditionne souvent la beauté du résultat.

15/01/2013

Le DIF, ce phénix

Je vois ce qui m'est caché à tout jamais
Quand tu dors dans la clairière de ton bras sous les papillons de tes cheveux
Et quand tu renais du phénix de ta source
Dans la menthe de la mémoire
De la moire énigmatique de la ressemblance dans un miroir sans fond
Tirant l'épingle de ce qu'on ne verra qu'une fois

 

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Voilà, le DIF tel le phénix se prépare à mourir puis renaître sous la forme du compte personnel de formation. Et si vous voulez savoir pourquoi  l'ANI du 11 janvier 2013 constitue l'acte II de la réforme de la formation professionnelle entamée en 2003, séchez vos larmes pour lire les commentaires ci-dessous.

 

ANI 11 01 2013 ET FORMATION-JPW.pdf

14/01/2013

Comme au Rugby

Alors, un bon accord ce texte du 11 janvier 2013 ? Un accord au rabais? un accord perdant-perdant ? une ruine pour les entreprises et une réduction des droits des salariés ? un accord sous pression signé par des organisations qui ne représentent qu'elles mêmes ? tous ces commentaires sont venus qualifier le résultat de la négociation entamée en septembre 2012 et conclue vendredi dernier. Il ne sera, dans un premier temps, question que de la négociation elle-même pour voir de quoi il retourne, les dispositions de l'accord faisant l'objet de commentaires complémentaires dans les jours qui suivront. Et si l'on s'en tient au déroulement de la négociation, on peut constater qu'elle emprunta pas mal au rugby : il y eut de la confrontation, brutale, des provocations, de la percussion, mais comme le rugby est un sport de contact, la négociation est une pratique de combat.

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Il y eût aussi les coups de gueule dans les vestiaires : la partie patronale s'est parlé près de la figure et les organisations syndicales ont préféré ne plus se parler à un moment donné pour ne pas dire les môts qui fâchent. Et dans les moments de tension, l'arbitre est intervenu, sans que cela ne perturbe trop le match, pour rappeler les règles. Et au final, aucun des acteurs n'a vu le même match et tout le monde raconte la sienne.

Tout ceci est plutôt bon signe et montre qu'au moins, il y a véritablement eu négociation. Reste à savoir comment va se tenir la troisième mi-temps et...à attendre les prochains matchs, parce que si c'était une belle partie, ce n'était pas encore la finale.

ANI 11 JANVIER 2013.pdf

09/12/2012

Transmission versus acquisition

En 1907, Picasso a 26 ans, il a déjà peint un des tableaux les plus importants de l'art moderne et de toute sa production, qui sera encore longue. En 1862, Ingres a 82 ans, il peint  5 ans avant sa mort un chef d'oeuvre qui est une synthèse de tout son art et dont la modernité est époustouflante. Si les deux hommes s'étaient rencontrés, qui aurait été le tuteur de l'autre ? aucun bien évidemment, mais ils auraient échangé ou plus surement encore, ils se seraient montré leurs productions et auraient bu des coups ensemble. Peut être auraient-ils commentés cette phrase de Picasso : "A dix ans, je peignais comme Raphaël, mais cela m'a pris toute ma vie de dessiner comme un enfant".

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Picasso - Les demoiselles d'Avignon - 1907

Les partenaires sociaux ont signé le 19 octobre 2012 un accord sur les contrats de génération. Dans ce texte, est abordée la question de la transmission des compétences. La modernité est ici présente dans le refus de la figure traditionnelle de l'ancien qui initie le plus jeune. Le texte invite à mettre en place des actions organisant la transmission des compétences, qui concerne sans hiérarchie préétablie les deux acteurs principaux du dispositif. Encore mieux, le texte invite à créer des situations de travail qualifiantes, car c'est bien là que se situe la véritable question : plutôt que de transmission linéaire, il s'agit de créer les conditions de nouvelles acquisitions, le plus souvent partagées. Apprendre ensemble plutôt qu'apprendre de l'autre. Faciliter l'acquisition sans transmission, c'est sans doute la condition d'une véritable qualification de tous. Pour en savoir plus, vous pouvez lire ci-dessous la chronique écrite avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF qui commente plus en détail l'ANI du 19 octobre 2012. Mais n'oubliez pas auparavant de passer par le bain turc. Bon lundi à tous.

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Le Bain Turc - Ingres - 1862

LA_TRANSMISSION_DES_SAVOIRS_ET_DES_COMPETENCES.pdf

29/11/2012

Le pari de la discussion

Dans la négociation en cours sur la sécurisation de l'emploi, le dernier texte remis par la partie patronale aux organisations syndicales, comporte un volet sur le compte individuel de formation. Vieux serpent de mer qui a déjà traversé bien des eaux troubles mais qui n'a pas, à ce jour, plus de consistance que le monstre du Loch Ness, le compte individuel de formation connaît enfin une esquisse de réalité, même si seuls les principes sont abordés par le projet d'accord et qu'il reste encore bien des questions opérationnelles. Mais le principe qui structure tout le projet n'est pas sans intérêt : calqué sur le DIF, il fait du compte individuel de formation un crédit de temps que le salarié capitalise mais dont il négocie son utilisation en fonction de sa situation. S'il est salarié, avec l'employeur, s'il est demandeur d'emploi avec POLE EMPLOI, s'il entre dans des priorités nationales, avec les pouvoirs publics, vraisemblablement les Conseils régionaux. Sous cette forme, le compte individuel généraliserait la notion de droit négocié, obligeant le titulaire du droit à faire valider son projet par le financeur. Un droit conditionné par la négociation que certains trouveront peu mécanique et donc non garanti, mais dont l'effectivité tiendra à l'intelligence des acteurs et aux formes de discussion qu'ils sauront établir.

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Une discussion à Paris

Certes, les paris sur l'intelligence ne sont pas toujours certains d'être gagnés et ceux sur la négociation comme mode de prise de décision non plus, on peut pour le vérifier se reporter à l'actualité du moment. Toujours est-il que cette invitation à négocier et à rechercher  l'intérêt commun plutôt que de savoir ce que l'on a le droit de consommer, ne constituera un véritable progrès que si ceux qui sont sollicités pour accompagner les projets acceptent d'entrer dans une véritable négociation et ne restent pas figés dans l'exercice unilatéral de leur pouvoir de décision. Et ça, c'est pas gagné.

Annexe_compte_individuel_de_formation-.pdf

10/12/2010

Une belle oeuvre, inachevée

Picasso dut répondre à la question d'Henri-Georges Clouzot qui tournait en 1955 "Le mystère Picasso" : "Quand une oeuvre est-elle terminée ?". La réponse n'est pas dans les mots. Elle est sur la toile, elle est dans la perception évidente, soudaine, que tout se tient, que tout est en place et que c'est terminé. L'histoire de la peinture est riche de repentirs traqués par les rayons X de la modernité. Les toiles sous les toiles fascinent pour comprendre la construction du tableau. Elles ne nous apprennent pourtant rien sur l'instant de la fin du tableau. La question n'est pas ce qu'a fait le peintre avant, mais pourquoi il s'est arrêté à ce moment là, à cet endroit là. Henri-Georges Clouzot ne savait pas, en 1955, que quelques années plus tard il laisserait une oeuvre inachevée qui deviendrait une légende. Les 185 bobines jamais montées de l'Enfer sont un des mythes du cinéma, moins sulfureux par le titre que par la belle Romy.

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Les partenaires sociaux n'ont pas tourné 185 bobines de film, mais ils ont signé plus d'une dizaine d'accords nationaux interprofessionnels de référence dans le domaine de la formation professionnelle. A l'occasion du 40ème anniversaire du premier d'entre eux, conclu en 1970, une chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF fait le point sur les apports de la négociation collective à l'évolution et la transformation de la formation professionnelle. La matière formation passée au moule de la négociation par les artistes paritaires donne une oeuvre inachevée mais qui conserve pouvoir de séduction et promesses d'avenir. Seront-elles tenues ? la parole reste aux artistes.

A propos du 40e anniversaire de l'ANI de 70.pdf

 

Et pour ceux qui seraient plus sensibles aux charmes de Romy Schneider qu'à ceux du droit de la négociation collective appliquée à la formation, ce que nous ne saurions blamer, voici quelques extraits choisis des 185 bobines pour réchauffer un week-end d'automne aux couleurs hivernales.



 

30/03/2010

De l'individu dans son environnement

Le débat entre nature et culture n'est jamais clos, ni entre essentialisme et constructivisme, ni entre responsabilité individuelle et responsabilité collective, ou en d'autres termes, l'individu ou le système. La pensée, et les actes, classés politiquement à droite pointent plutôt l'individu seul responsable et tiennent l'environnement pour une excuse facile. La pensée, et les actes, classés politiquement à gauche mettent plus volontiers en avant un individu innocent dans une société coupable et s'interrogent sur la responsabilité individuelle au sein de déterminismes sociaux. Ces classiques débats ont été repris par les organisations syndicales et patronales sur le harcèlement et la violence au travail. Affaires d'individus ou de pratiques manageriales et de culture d'entreprise ? Quelques êtres pervers ou des organisations malsaines ? seule certitude : des salariés en souffrance un peu partout.

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Jean-Michel Basquiat

Le projet d'accord national interprofessionnel conclu le 26 mars 2010 sur ce thème laisse les deux options ouvertes et invite tout autant à prévenir, et sanctionner, les comportements individuels qu'à s'interroger sur les facteurs de risques liés à l'environnement y compris les modes de management. Complétant l'ANI du 2 juillet 2008 sur le stress au travail et l'ensemble des mesures relatives à la gestion de la santé des salariés, l'ANI du 26 mars 2010 officialise la nécessité de lutter contre la violence et le harcèlement au travail. Il faudra également que les partenaires sociaux, lassés de lutter contre, signent également des accords qui invitent à lutter pour : pour le bien être au travail par exemple ou mieux pour l'amélioration du confort au travail. Cela romprait un peu avec la vision doloriste du travail et militerait pour qu'il ne soit plus perçu comme une provocation d'associer, autant qu'il est possible, plaisir et travail.

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Le lapsus du jour de la responsable de projets :  "Il faut que j'en parle à mon écrispe...". Est-ce mon interlocutrice, son équipe ou les deux qui sont crispées ?

17/06/2009

Le temps des bilans

Le législateur a créé le bilan de compétences, qui devait permettre au salarié de disposer d’un véritable droit à l’orientation, ce qui aurait notamment supposé que le bilan n’oscille pas entre horoscope et cartographie des goûts personnels voire  miroir de l’âme du jour. Les partenaires sociaux ont créé l’entretien professionnel, qui devait permettre à l’employeur de livrer au salarié un diagnostic prévisionnel sur son emploi et sa situation dans l’entreprise, ce qui aurait supposé qu’il ne soit pas absorbé par l’évaluation des performances et ne se résume pas à un recueil de souhaits des salariés. Les partenaires sociaux viennent de créer, ou d’essayer de créer du fait de l’opposition de trois syndicats à l’ANI du 3 mars 2009, le bilan d’étape professionnels. Ce bilan, qui ne peut être réalisé par la hiérarchie directe, doit permettre tous les cinq ans à l’employeur et au salarié d’envisager l’avenir professionnel du salarié au sein de l’entreprise. Le projet de loi de réforme de la formation professionnelle s’est emparé du bilan d’étape professionnel pour en poser les fondements, le contenu devant être fixé par décret. Emoi des partenaires sociaux qui s’écrient : le bilan est à nous, c’est nous qui devons le définir. Mais les mois passent et la négociation sur ce sujet n’a guère avancé après l’échec de début mars.

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Entretien professionnel, bilan de compétences, bilan d’étape professionnel, nous sommes donc dans le temps des bilans pour, comme dirait un homme politique, trouver dans le passé les racines de l’avenir. Quelle cohérence entre ces trois actions ? elle n’est pas difficile à établir : l’entretien relève de la hiérarchie directe et envisage la professionnalisation dans le cadre de la fonction – le bilan d’étape professionnel relève de l’entreprise, mais pas de la hiérarchie directe, et envisage la professionnalisation dans le cadre de l’entreprise – le bilan de compétences ne relève pas de l’entreprise et envisage la professionnalisation au-delà de l’entreprise. Peut être le temps est-il venu d’acter ces distinctions et de repenser le contenu de ces trois actions. Le temps du passage à l’acte en quelque sorte.

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09/06/2009

Le droit fragmenté

Le 19 mai 2009 a été signé un avenant à l’ANI du 11 janvier 2008 qui créé la rupture conventionnelle. Cet avenant précise un point qui fait débat et vient compléter le PV d’interprétation établi en janvier : lors de la rupture conventionnelle, l’indemnité qui est due au salarié est l’indemnité légale de licenciement ou l’indemnité conventionnelle de licenciement si elle est plus favorable ce qui n’est pas très compliqué avec une indemnité légale fixée à 1/5ème de mois par année d’ancienneté, soit 1 mois de salaire par tranche de cinq ans.

Ce texte qui clarifie un point litigieux de la rupture conventionnelle, est toutefois la source d’un droit fragmenté. Or, si la fragmentation peut trouver sa place dans l’art, comme le pensait Novalis et comme le montre Anna Toscana dont les photos recadrent et recréent villes et statues, elle est peu opportune en droit.

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Anna Toscano - Statue F

En effet, les signataires de l’ANI du 19 mai 2009 ont prévu que cette disposition ne s’appliquerait qu’aux ruptures conventionnelles postérieures à la signature de cet accord, ce qui peut se comprendre en terme de sécurité juridique mais beaucoup moins si l’on affirme qu’il ne s’agit que de clarifier une intention qui existait déjà en janvier 2008 et figurait dans le texte initial. Et par ailleurs, l’ANI du 19 mai 2009 ne sera applicable qu’après son extension, qui pourrait d’ailleurs être la véritable date de l’obligation pour les entreprises, et ne concernera que les salariés des entreprises du commerce, de l’industrie et des services, à l’exclusion des secteurs de l’économie sociale, des professions libérales et de l’agriculture, et plus largement de toutes les professions non représentées par le MEDEF, la CGPME et l’UPA. L’exclusion concernera donc environ 30 % de salariés, qui relèvent de la seule loi et non des ANI, sachant que la loi ne prévoit que le versement de l’indemnité légale. Cette fragmentation du droit, qui contribue à son illisibilité et au final à son ineffectivité, conduit à constater une fois de plus que si un principe peut souffrir exception, à multiplier les exceptions on détruit le principe.

07/05/2009

Extension du stress

L’ANI sur le stress au travail signé le  8 juillet 2008 par les organisations patronales et syndicales vient d’être étendu. Il est donc applicable aux entreprises et aux salariés des secteurs de l’industrie, du commerce, des services, de la construction et de l’artisanat. Pour l’économie sociale, l’agriculture et les professions libérales, il faudra attendre des accords de branche.

L’accord retient une définition subjectivo-objective du stress : le stress est une perception par le salarié, élément subjectif, d'un décalage entre les contraintes de l'environnement et les ressources dont il dispose pour y faire face, éléments objectifs. Traiter le stress au travail impose donc de travailler sur l'adéquation entre les attentes de l'organisation vis-à-vis du salarié et les moyens mis à sa disposition pour l'exercice de ses missions. Autrement dit, le stress doit s'appréhender de la même manière que tout système de pilotage de la performance et plus globalement comme tout système de management.

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Séverine Romandie - Bleu Stress

Les entreprises auront une alternative pour traiter le stress : soit l'aborder de manière spécifique, soit l'inclure dans une politique plus générale de prévention des risques et de protection de la santé. Plaidons ici pour cette seconde approche qui garantit mieux des dérives contre l'approche excessivement psychologisante du stress, versus la souffrance au travail, pour laisser la question sur le terrain qui doit être le sien : quelles sont les exigences de l'organisation, quels sont les moyens qu'elle met à la disposition des salariés, quels sont les modes de régulation des fonctionnements, comment sont gérées les relations au travail, etc. Bref, il s'agit simplement de ne pas oublier que le stress dont il est question est le stress au travail. L'extension de l'ANI ne doit pas conduire à l'expansion sans limite du stress. Une inversion des valeurs pourrait d'ailleurs conduire à travailler sur les conditions d'amélioration du confort au travail et sur le développement du bien être plutôt que le traitement du mal être. Question purement sémantique ?  hum !

06/04/2009

Le temps du congé

L'ANI du 7 janvier 2009 laissait entendre au détour d'une formule ("le congé individuel de formation peut donner lieu à autorisation d'absence") que le CIF pourrait bien se réaliser en totalité en dehors du temps de travail et ne plus avoir de congé que le nom. Le projet de loi qui sera présenté au Parlement à la fin du mois nous livre confirmation : le congé individuel de formation peut être effectué intégralement en dehors du temps de travail, le salarié demandant au FONGECIF, ou à l'OPCA, qui finance le CIF une prise en charge des coûts pédagogiques et frais annexes. Pourquoi donc ce déplacement du temps ? pour parvenir à l'objectif fixé par les partenaires sociaux : financer plus de CIF sans augmenter les cotisations (40 000 salariés sur 16 millions bénéficient d'un CIF chaque année). La seule solution est donc de faire des économies et avant tout sur les salaires et charges qui représentent 80 % des coûts du CIF. Au salarié, il sera donc demandé de trouver du temps.

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Chirico - L'énigme du temps - 1911

Mission impossible que de trouver du temps ? tout le monde n'a pas de RTT ou des semaines de congés payés supplémentaires à consacrer à la formation. Peut être. Mais souvenons nous que les français consacrent en moyenne plus de trois heures par jours à regarder la télévision. Soit plus de vingt heures par semaine : un DIF TV toutes les semaines ! L'énigme du temps est affaire de choix personnels, et pour vous aider à faire le votre, une ritournelle de Prévert :
Le Temps nous égare
Le Temps nous étreint
Le Temps nous est gare
Le Temps nous est train

20/03/2009

Bulle papale et démocratie

Dans une théocratie, la bulle papale, relai direct de sa parole et de la parole divine, tient lieu de loi. De la puissance politique à l'acte juridique, il n'y a donc qu'un pas, ou plutôt qu'une main couchant par écrit la pensée souveraine d'un seul. Dans une démocratie, l'élaboration de la règle relève d'un processus plus complexe qui caractérise l'Etat de droit. Lorsque celui-ci s'appuie à la fois sur une démocratie sociale, qui organise une régulation sociale par des acteurs privés, et une démocratie politique, qui organise une réglementation produite par des acteurs publics, il peut en résulter des délais de mise en oeuvre et des compromis sur le fond, parce que l'élaboration de la règle est collective, dont d'aucuns pourraient penser qu'ils sont gage de lenteur et d'inefficacité et donc source de tous les conservatismes.

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Francis Bacon - Portrait du Pape Innocent X - 1953

Tel est pourtant le prix à payer pour l'Etat de droit. A l'occasion de la prochaine publication du projet de loi élaboré dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle et de l'ANI du 7 janvier 2009, la chronique réalisée avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF, rappelle que la transposition d'un accord collectif, unanime qui plus est, ne peut se faire à n'importe quelle condition et que la croyance selon laquelle la loi n'est que l'outil de la volonté du gouvernant est au mieux une mystique au pire une négation de l'Etat de droit. Le livre III des Essais de Montaigne, rédigé entre 1580 et 1588, dénonçait déjà la fascination des Français pour la loi en ces termes : « Nous avons en France plus de lois que le reste du monde ensemble, et plus qu’il n’en faudrait à régler tous les mondes d’Epicure... Les plus désirables, ce sont les plus rares, simples et générales ». Puisse le législateur conserver le sens de l'histoire et du droit, piliers de notre démocratie.

24/02/2009

Le moine copiste et l'enluminure

Avant que la révolution technologique de l’imprimerie ne vienne supprimer leurs emplois, les moines copistes assuraient par leur minutieux labeur la reproduction des livres. Le travail de copiste nécessitait de la technique, mais lorsque le moine était également capable de réaliser des enluminures, et ainsi de donner une dimension toute autre au travail réalisé, il devenait moine enlumineur. Affaire de technique certes, mais également d’envie de donner à la fois du sens et de la dimension à son activité.

Il y a quelques années, je devais présenter, à l’invitation de Jean-Marie Luttringer, le système de formation professionnelle espagnol à de futurs inspecteurs du travail. Première collaboration avec le meilleur spécialiste de la formation professionnelle en France, je soignai la présentation technique, fouillée, précise, sur le fonctionnement de la formation et les dispositifs. A la fin de la matinée, Jean-Marie eu ce mot qui guide toujours mon travail : « C’était bien, mais vous devriez prendre plus de risques intellectuels dans vos interventions ». Cette invitation à passer du copiste à l’enlumineur est sans doute le meilleur conseil qui m’ait été donné.

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Autoportrait d'un moine copiste bénédictin - Fin du 11ème siècle

Souhaitons que les conseillers techniques, fonctionnaires et députés qui auront à fabriquer la loi sur la formation professionnelle dans les semaines qui viennent ne s’en tiennent pas au travail de copiste de l’ANI du 7 janvier 2009. Si cet accord doit être préservé dans sa cohérence et son contenu, le Parlement doit jouer son rôle d’enlumineur et conforter le texte en lui offrant les ajouts qui le mettront en valeur. Souhaitons également qu’il ne soit pas oublié qu’il faut d’abord être copiste avant d’être enlumineur et que cette dernière fonction relève à la fois de la technique et de l’art. Souhaitons donc au final que les députés soient de bons artisans.

 

23/01/2009

Catégories de formation : nouvelle frontière

Le droit, on le sait, est une affaire de frontières : savoir où commence et s'arrête une qualification juridique, c'est savoir déterminer quels sont les faits et les situations que cette qualification permettra de traiter. L'opération de qualification est l'opération de base de tout raisonnement juridique.

Les partenaires sociaux, dans l'ANI du 7 janvier 2009, ont souhaité regrouper les catégories de formation créées par l'ANI du 5 décembre 2003. Ces trois catégories correspondaient à une logique de finalité de la formation : dans une formation d'adaptation je me forme à ce que je fais, dans une formation d'évolution ou de maintien dans l'emploi je me prépare à une évolution de ma fonction, dans une formation de développement de compétences je me prépare à une nouvelle fonction. Ce triptyque permettait de donner du sens en fonction du périmètre visé par la formation : le poste, l'emploi ou la carrière (ou le parcours).

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Mireille Forget - Frontières du réel

L'ANI du 7 janvier 2009 décide de regrouper, pour la présentation au comité d'entreprise mais également pour le régime de la formation réalisée en dehors du temps de travail dans le cadre du plan de formation, les catégories 1 et 2. La frontière devient plus juridique : toutes les formations relevant du contrat de travail et de la qualification contractuelle, qui correspondent à l'adaptation et au maintien dans l'emploi, relèveront de cette catégorie unifiée. Ce périmètre est également celui des formations que l'employeur peut imposer au salarié dont le refus serait fautif comme vient de le rappeler la Cour de cassation en jugeant que le refus d'une formation d'adaptation constitue une faute pouvant légitimer un licenciement (Cass. soc., 3 décembre 2008, n° 07-42-796). Par contre, toute formation de développement des compétences, en ce qu'elle va au-delà du contrat de travail, nécessite l'accord du salarié qu'elle soit réalisée pendant ou en dehors du temps de travail. La différenciation des catégories devrait s'en trouver facilitée et surtout ce retour à la frontière du contrat de travail devrait conduire les entreprises à s'interroger sur le périmètre exact de la fonction de chacun de ses salariés, ce qui au plan collectif revient à s'interroger sur le système de qualifications utilisé par l'entreprise.

La redéfinition des frontières des catégories est donc l'occasion de conduire un travail plus fondamental pour répondre à la question : quelles sont les activités qui correspondent aux qualifications utilisées contractuellement. Et pour donner un peu d'air à cette chronique juridique on peut en conclure que la formation est, aussi, un passeport qui permet de franchir les frontières.

15/01/2009

Commentaire sur la rupture

Le mail se terminait par « Prenez soin de vous ». Il s’agissait d’un mail de rupture auquel Sophie Calle ne sut répondre. Elle demanda à 107 femmes de le faire pour elle en commentant, ajoutant, discutant, ce mail de séparation. Ces réactions furent regroupées pour donner naissance à l’exposition « Prenez soin de vous » accompagnée d’un livre éponyme paru en juin 2007.

Les partenaires sociaux ont eux même éprouvé le besoin de commenter les modalités de la rupture conventionnelle créée par l’accord du 11 janvier 2008 et généralisée par la loi du 25 juin 2008. Selon la loi, le salarié a droit lors de la rupture conventionnelle à une indemnité au moins égale à l’indemnité légale de licenciement. Les négociateurs de l’ANI du 11 janvier 2008 rappellent que cet accord précise « sauf dispositions conventionnelles plus favorables » ce qui signifie que c’est l’indemnité conventionnelle de licenciement qui est due lorsqu’elle est, ce qui est toujours le cas, plus favorable que l’indemnité légale.

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Photo : Jean-Baptiste Mondino - Prenez soin de vous

Cette disposition n’ayant pas été reprise par la loi, l’obligation de verser l’indemnité conventionnelle ne s’applique que dans le champ des accords nationaux interprofessionnels, c’est-à-dire l’industrie, le commerce, les services et la construction, mais pas aux salariés des secteurs agricoles, de l’économie sociale (secteur mutualiste, associatif à but non lucratif, coopératif) ou des professions libérales. Peut être que si les négociateurs avaient été plus précis, notamment en affirmant que la rupture conventionnelle ouvrait droit à l’indemnité conventionnelle de licenciement, le législateur aurait repris à son compte la formulation et ainsi garanti l’égalité des salariés. Si le commentaire n’est pas sans effet, il apparaît tout de même un peu tardif. Tout rédacteur d'un accord doit lire Boileau avant et non après avoir écrit le texte : ""Ce qui se concoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément".