23/03/2015
Sur la corde raide
Inconfortable situation des OPCA qui se trouvent placés, depuis l'entrée en vigueur de la réforme de la formation professionnelle, sur la corde raide des nouveaux équilibres à construire. Equilibre entre une mission de service public et de service aux entreprises, équilibre entre les logiques de branche et les logiques transverses, équilibre entre la politique nationale et les déclinaisons régionales...et tout ceci dans un contexte de réduction de moyens. Pourtant, il existe une possibilité de permettre aux OPCA de traverser avec un peu de sérénité cette zone de turbulence. Il suffit d'utiliser les marges de manoeuvre offertes par la règlementation qui plafonne les frais de gestion des OPCA mais pas leurs frais de mission. Encore faut-il le vouloir.
Wilhelm Simmler - La corde raide
C'est en premier lieu aux partenaires sociaux qu'il appartient d'indiquer quelle fonction ils donnent à un outil paritaire, faute de quoi on se demande à quoi sert le paritarisme de gestion. Et c'est en second lieu à la DGEFP d'utiliser les marges de manoeuvre règlementaires et de ne pas s'en tenir à une approche purement comptable et malthusienne des OPCA. A la manière dont on utilise la technique, on voit vite où se situe le projet politique. Pour plus de détail, on se reportera à l'interview donné à l'AEF, tout en précisant qu'il faudrait peut être presser le pas car on ne peut rester indéfiniment sur la corde raide.
20:03 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DANS LA PRESSE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : opca, formation, réforme, dgefp, aef, interview
26/02/2015
Pour les OPCA aussi, l'ennemi c'est la finance...
On connaît la formule : "Mon ennemi, il n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti...c'est le monde de la finance". Et bien il se pourrait que pour les OPCA, l'ennemi ce soit la finance. Car pour un organisme paritaire, avoir comme stratégie de développement, projet ou horizon indépassable, le seul niveau de sa collecte, c'est non seulement un peu court, mais surtout cela ne peut que mal se terminer. Lorsque les logiques commerciales auront pris le dessus sur les logiques sociales qui seules justifient l'existence des OPCA alors il suffira de demander à Bercy de remettre de l'ordre dans les dérives du paritarisme de gestion et cela en sera terminé des fonds paritaires de la formation. L'URSSAF et la Caisse des dépôts d'un côté, le marché de l'externalisation de l'autre, en terme de services les entreprises y retrouveront leurs petits.
C'est pourquoi la démarche de 12 OPCA interpellant l'administration pour contester sa position, politique, de permettre aux OPCA interprofessionnels de collecter tous azimuts des contributions volontaires d'entreprises, ne doit pas être vue comme une simple défense de pré carré ou logique protectionniste. Il s'agit d'affirmer la nature d'un OPCA et d'en tirer les conséquences en termes de missions, de capacités d'intervention, de mode de financement des services, de qualité des services rendus, etc. plutôt que de considérer, ici comme ailleurs, que la concurrence doit s'appliquer à tout et à tous. Et la DGEFP devrait se demander, à l'heure où elle négocie les COM, si elle souhaite vraiment que les frais de fonctionnement des OPCA servent à financer des messages publicitaires pour doper la collecte. Il vaudrait mieux d'ailleurs, cesser de raisonner à partir des OPCA et se poser la question de leur champ d'intervention et de leurs compétences en partant des entreprises et des salariés : quelles logiques de regroupement des branches au sein des OPCA ? comment prendre en compte les groupes d'entreprises multibranches ? quelle articulation entre branches et territoires ? quelle place pour les logiques métiers ? comment intégrer la professionnalisation des fonctions supports dans les branches ? si l'on partait de là, on éviterait bien des combats dans lesquels personne n'a rien à gagner.
00:05 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : opca, formation, financement, dgefp, travail, concurrence, marché, finance
16/12/2014
Arbitraire et fait du prince
On pourra me rétorquer que lorsque l'on vient du Sud, on est pas toujours au garde à vous devant les règles (d'une manière générale d'ailleurs, on est pas très porté sur le garde à vous...). On pourra me dire que dans ces chroniques même, l'orthodoxie n'est pas toujours au rendez-vous. Oui, on pourra toujours le dire. Mais en même temps, on peut également trouver que les positions que l'administration vient de prendre dans sa deuxième version du Question/Réponse consacré aux OPCA, c'est un peu fort de café. Et que, comme en des temps plus impériaux mais non moins impérieux, force reste à l'Etat mais pas forcément à l'Etat de droit. Entre l'empire et la world company, le doigt divin tient lieu de parole sacrée.
De quoi s'agit-il ? de trois questions qui n'étaient pas tranchées dans le premier Questions/Réponses et qui le sont dans le second avec le plus parfait arbitraire :
- En premier lieu s'agissant de la possibilité pour une entreprise de faire un versement volontaire à un OPCA. Toute la loi du 5 mars 2014 et les décrets vont dans le sens de l'OPCA unique (pour les arguments détaillés, voir l'article sur les OPCA publié dans Droit Social de Décembre 2014 et sur ce blog). La DGEFP devait produire un argumentaire sur ce point, elle se contente d'une affirmation : le versement peut être fait à l'OPCA de branche ou à un OPCA interprofessionnel. Pourquoi ce privilège sauf considération politique ? nous n'en saurons rien ;
- Ensuite sur la possibilité pour un OPCA de financer les frais de déplacement des administrateurs, prévue par la loi. Tout d'abord la DGEFP annonce que seuls sont visés les membres des Conseils d'administration. Puis elle indique aujourd'hui que les conseils d'administration régionaux, à qui elle dénie par ailleurs toute capacité de décision, sont également concernés alors que les sections paritaires professionnelles, qui figurent elles dans la loi et sont donc des instances paritaires "légales" de l'OPCA n'y ouvriront pas droit. Pourquoi une telle distinction ? sur quelle base juridique ? mystère, mais ainsi le veut-on et ainsi en sera-t-il ;
- Enfin sur la possibilité pour les OPCA de financer la rémunération des salariés dans les entreprises de moins de 10 salariés. La loi ne le prévoit pas, un projet de décret l'envisageait mais le décret final ne l'a pas repris et voilà que l'on nous annonce que puisque c'était prévu dans l'ANI du 14 décembre 2013 (texte non étendu, qui ne le sera jamais et qui n'a aucune valeur normative et surtout pas celle d'imposer une solution que la loi écarte) et bien il suffit qu'un accord ou le conseil d'administration de l'OPCA le prévoit et ce sera possible.
Au final, trois positions dont on pourrait dire courtoisement qu'elles ont une base juridique fragile, et de manière plus directe qu'elles font litière des règles au profit d'une position politico-administrative. Le problème n'est même pas sur les solutions retenues : la loi aurait pu le prévoir. Le problème est que justement elle ne l'a pas prévu et que l'on nous administre une nouvelle fois la preuve qu'il vaut mieux être influent que respecter les règles pour préserver ses intérêts. Pas forcément le meilleur message à transmettre dans une société qui cherche des repères. Mais quand arbitraire et fait du prince sont dans un bateau et comptent bien y rester, ce sont ceux qui s'en tiennent à la règle qui tombent à l'eau.
00:02 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : opca, dgefp, droit, etat, politique, emploi, travail, formation, règle
28/11/2014
Ne pas voir, ne pas dire, ne pas entendre
Au Japon, la signification des singes de la sagesse, dans le culte Koshin, est la suivante : "ne pas vouloir voir ce qui pourrait poser problème, ne rien vouloir dire de ce qu’on sait pour ne pas prendre de risque et ne pas vouloir entendre pour pouvoir faire « comme si on ne savait pas.". Cette maxime pourrait servir d'exergue à la réunion tenue hier par la DGEFP à l'attention des OPCA. Et elle se trouve d'autant plus justifiée, si l'on se réfère au Questions/Réponses diffusé à cette occasion : si les articles du code du travail sont rappelées à longueur de pages, aucune réponse écrite n'est apportée aux questions posées depuis plusieurs mois et qui sont bien plus problématiques que celles abordées dans le document.
Ainsi :
- Pas de précisions sur le champ du développement de la formation professionnelle continue, ouvert au financements conventionnels et volontaires, alors que les négociations de branche sont en cours et que la DGEFP donnera son avis sur les demandes d'extension d'accord ;
- Pas d'indication écrite sur la possibilité ou non pour une entreprise d'avoir le choix de l'OPCA auquel elle effectue un versement volontaire et sur l'existence ou non d'un champ de concurrence entre les OPCA. Seulement l'indication orale d'une non exclusivité qui va à rebours de nombreux arguments de texte et qui n'est pas étayée ;
- Aucune allusion à la portabilité du DIF, qui pourrait devenir monnaie de singe au 1er janvier mais pour laquelle on continue à faire comme s'il n'y avait pas de problème ;
- Et sur un des rares points sur lesquels il est pris position, l'impossibilité pour un accord de branche d'interdire à une entreprise de gérer elle-même le 0,2 % du CPF et de privilégier la mutualisation, une argumentation bien courte qui ne démontre en rien pourquoi le choix du collectif heurterait un principe d'ordre public en considérant que la mutualisation est plus avantageuse que la gestion individuelle.
Et puisque l'on reproche le peu d'engagement du document, la moindre des choses est de s'engager soi-même. Vous trouverez donc un peu de lecture avec l'article à paraître la semaine prochaine dans Droit Social du mois de décembre consacré, justement, au nouveau droit applicable aux OPCA. Bonne lecture.
00:11 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : opca, formation, réforme, dgefp, droit, social, japon, singe, engagement, financement
03/11/2014
Faites votre marché !
Le suspense n'est pas intenable, l'action laisse à désirer, quant au casting je vous laisse juge. Mais si vous souhaitez vous offrir une petite séance de cinéma, en ce lundi matin de rentrée scolaire et de petit goût de fin de l'été indien, vous pouvez aller faire un tour sur le site du Colloque qu'organise la DGEFP la semaine prochaine. Consacré à la dimension formative du travail, il met en ligne plusieurs interviews, dont l'auteur de ces lignes, sur le sujet. C'est ici et vous pouvez faire votre marché :
http://www.emploi.gouv.fr/espace-evenementiel/seminaire-f...
A la question qui m'était dévolue, essentiellement savoir si la loi du 5 mars 2014 faisait une place ou pas au travail formateur, force est de constater un paradoxe : si la défiscalisation des plans de formation ouvre la voie à des formes plus diversifiées de développement des compétences, l'absence d'évolution de la définition de l'action de formation et le cantonnement des OPCA dans un contrôle bureaucratique des actions de formation n'est pas bon signe. Ambivalence des lois de liberté : elles ouvrent des espaces mais elles laissent également la possibilité de les refermer à ceux qui ont en charge de les mettre en oeuvre. Bon assez, discutaillé, place au cinéma !
01:38 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dgefp, ministère, travail, emploi, formation, économie, réforme
24/10/2012
A en pleurer
Il est parfois désespérant de se heurter à des murs, surtout lorsqu'ils sont bâtis d'incompréhension, de mauvaise volonté et cimentés par la position de pouvoir de ceux qui les érigent. Que l'on en juge : un salarié est licencié avec un droit à DIF portable de 1052 euros. Il intègre une autre entreprise qu'il quitte quelques mois plus tard avec 118 euros de DIF supplémentaires. Admis à l'assurance chômage, il demande à bénéficier de son DIF portable, cumulé, auprès de l'OPCA. Refus de celui-ci qui lui oppose que le DIF "n'est portable qu'une fois" puisque c'est l'OPCA de la dernière entreprise qui est compétent pour payer la somme. Le droit portable de 1052 euros est donc perdu. Appel de la DGEFP qui, apparemment, confirme cette position : le DIF n'est portable qu'une seule fois.
Et voilà comment ceux qui sont chargés de mettre en oeuvre la sécurisation des parcours des salariés prennent plaisir à inventer à coup d'interprétations hasardeuses et au minimum mal maîtrisées, des règles qui de ce fait ont l'effet exactement inverse à celui recherché.
Picasso - La femme qui pleure - 1937
Si l'on voulait avoir un nouvel exemple de la mise en oeuvre de manière absurde de règles en perdant tout sens et toute finalité, on serait servi. Voilà donc qu'un salarié qui a acquis des droits pendant six ans, les perdrait parce qu'il a, dans son parcours, intégré un nouvel emploi. Que n'est-il resté au chômage pour profiter de son DIF portable ! ou pourquoi ne l'a-t-il pas utilisé chez ce nouvel employeur alors que c'était inutile !
D'autant que rien dans les textes n'impose une telle lecture. Au contraire, les partenaires sociaux s'étaient interrogés lors de la création de la portabilité, sur l'utilisation du DIF portable lors de parcours faits de périodes alternées d'emploi et de chômage. Ils en avaient conclu que le risque existait (ce qui justifie sans doute in fine la position de l'OPCA) qu'un bénéficiaire puisse utiliser deux fois le droit portable faute de traçabilité entre OPCA. Certains avaient même envisagé de créer une carte à puce pour tracer la portabilité. Et puis la raison l'emporta et l'on considéra que si quelques salariés bénéficiaient deux fois du même droit, c'était moindre mal par rapport au fait d'en priver plusieurs dizaines d'un droit acquis. Il faut croire que ce message n'a pas été intégré par tous. Au final, voilà comment on fait supporter à l'individu, les insuffisances d'un système qui est censé être à son service.
Quant à une autre interprétation des règles de la portabilité, voir ci-dessous.
LA MISE EN ŒUVRE DE LA PORTABILITE DU DIF APRES LA FIN DU CONTRAT DE TRAVAIL.pdf
00:49 | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : dif, portabilité, opca, dgefp, travail, emploi, formation, ressources humaines, picasso, larmes
19/04/2012
Lâchez nous les moyens !
Après les OPCA, c'est au tour des FONGECIF de passer sous la toise de l'administration ou plutôt, comme le dit un président de FONGECIF, "au confessionnal". Car il y a du pénitent chez tous ceux qui se rendent à la DGEFP pour signer la convention d'objectifs et de moyens (COM) avec l'Etat. Comment comptez vous réduire vos taux diaboliques ? Envisagez vous de cesser vos honteuses pratiques qui consistent à inventer des prestations que le code du travail n'a pas prévues ? allez vous enfin cesser d'encourager l'assistanat en accueillant toute personne qui souhaite être accompagnée dans ses projets ? pour avoir beaucoup dépensé par le passé vous réduirez vos dépenses en rémission de votre laxisme. Et vous veillerez à ce que les salariés non prioritaires cessent de pousser les portes du FONGECIF et d'avoir des projets personnels car seuls ceux qui entrent dans les critères que nous avons fixés pour vous seront admis au royaume du financement du CIF. Repentez vous et allez économiser ! sans oublier de préserver le secret de la confession en vertu duquel sur la COM vous ne communiquerez !
Clovis Trouille - Le confessionnal - 1959
L'administration aura réussi à faire des COM, normalement outil de contractualisation sur les objectifs (d'abord) et les moyens (ensuite), une procédure unilatérale, et non négociée, qui se concentre sur les moyens et n'aborde les objectifs qu'après avoir malthusiennement réduit les possibilités de les atteindre.
On rappelera simplement à la DGEFP que l'innovation en matière sociale a rarement été le fruit de l'imagination législative et qu'elle a encore plus rarement été portée par une tutelle administrative tatillone. C'est en dehors de toute règlementation que s'est développé l'intérim avant que la loi ne le reconnaisse, de même pour les groupements d'employeurs ou plus récemment pour le portage salarial. Que des FONGECIF inventent des prestations d'accompagnement à la création d'entreprise, de pré-VAE comme des OPCA ont inventé des DIF orientation devrait être salué comme des capacités d'innovation et de créativité qui légitiment la capacité d'action paritaire et non comme des dérives extra-légales justifiant trois pater et quatre ave. Faut-il rappeler également que les CIF intégralement réalisés en dehors du temps de travail ont été mis en place à titre expérimental par des FONGECIF bien avant que la loi de 2009 ne vienne les reconnaître. L'incapacité de l'administration à échapper à la culture du contrôle de la conformité et de l'unilatéral au profit d'une véritable culture de la négociation et de l'innovation reproduit effectivement la logique du confessionnal, celle qui veut qu'il n'est pas possible qu'un pêcheur n'ait pas pêché. Souhaitons aux FONGECIF d'oublier le confiteor et la maxima culpa et de continuer à braconner (voir ici) pour le plus grand plaisir de tous.
01:44 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : formation, fongecif, opca, dgefp, innovation, créativité, administration, etat
08/10/2011
La chasse aux papillons
A compter du 1er janvier 2012, tous les OPCA perdent leur agrément et seuls ceux qui ont bénéficié d'une décision d'agrément de la part de l'Etat en cette fin d'année 2011 pourront continuer à exercer. Le premier arrêté d'agrément vient d'être publié. D'autres suivront. A la lecture, on constate que l'arrêté définit précisément le champ couvert par les OPCA, en listant les conventions collectives nationales (CCN) qui entrent dans son champ de compétence, ce qui n'était pas le cas jusqu'alors. Il en résulte deux conséquences. En premier lieu, cette exigence nouvelle de la DGEFP devrait mettre fin au braconnage, c'est à dire aux pratiques des OPCA qui acceptaient les adhésions d'entreprises ne relevant pas de leur champ conventionnel. Ces entreprises relèvent aujourd'hui obligatoirement de l'interprofession, c'est à dire soit de l'AGEFOS-PME, soit d'OPCALIA lorsque cet organisme sera agréé. En deuxième lieu, l'arrêté précise bien que l'OPCA n'est compétent que pour les entreprises qui "relèvent" des CCN visées et non qui "appliquent" ces CCN. Il est donc nécessaire que les entreprises soient incluses dans le champ d'application de la CCN pour relever de l'OPCA. Fini donc également la possibilité pour les OPCA de branche de cotiser auprès d'eux-même, lorsqu'ils appliquent une des CCN de leurs adhérents par usage. Ils doivent légalement choisir entre AGEFOS-PME et OPCALIA.
Berthe Morisot - La chasse aux papillons
Reste tout de même un espace d'incertitude sur lequel l'administration ne s'est pas prononcé : les champs conventionnels définis par les conventions collectives ne sont pas toujours très précis, et il existe parfois des zones de recouvrement entre deux CCN. Ces zones frontières un peu floues entre certaines conventions collectives, permettra toujours d'avoir un peu de souplesse dans la détermination du champ de compétence de l'OPCA. Mais au final, le braconnage est terminé en ce qui concerne le gros gibier et les arbitrages entre les zones frontières qui subsistent relèvent davantage de la chasse aux papillons.
22:50 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : opca, ccn, convention collective, formation, ressources humaines, dgefp, etat, agrément
30/06/2011
Fin de partie
La pièce est à épisode et celui qui se clôt n'est pas le dernier. La réforme de la formation professionnelle, qui en réalité est surtout une réforme des OPCA, débutée en juillet 2008 va connaître son premier épilogue dans les prochains jours. Les dernières négociations sont en cours pour finaliser la recomposition des OPCA et définir leurs nouvelles modalités de fonctionnement. Le processus a été long, initié par la lettre de Christine Lagarde aux partenaires sociaux en juillet 2008, le nombre d'intervenants dans le débat a été pléthorique (Rapports du Sénat, de l'IGAS, de la Cour des comptes, du groupe quadripartite présidé par Pierre Ferracci...), les partenaires sociaux ont conclu un ANI le 7 janvier 2009, le législateur a voté la loi du 24 novembre 2009.
Restait la mise en oeuvre pour terminer la première partie, la mise en ordre de marche, avant de pouvoir juger de l'efficacité du nouveau système. Et c'est peu de dire que cette fin de partie tourne au fiasco.
Dorothéa Tanning - Endgame - 1944
Chargée de piloter le dossier, la DGEFP a commis deux erreurs majeures. La première sur le fond : considérer que dans un système qui associe de multiples acteurs, qui repose depuis l'origine sur l'articulation entre le législateur et la négociation collective, il était possible de faire prévaloir une vision autoritaire, monolithique, administrative et unilatérale des textes adoptés, parfois même sans en respecter ni la lettre ni l'esprit. La deuxième erreur est de méthode : en faisant paraître en toute fin du processus de négociation, des positions qui prennent à rebours l'histoire et le droit, la DGEFP soit méconnait la dynamique de la négociation collective, soit se donne pour objet de mettre à mal, ou plus exactement sous tutelle, la gestion paritaire.
Les partenaires sociaux ont décidé de ne pas s'en laisser compter, et pour la plupart de maintenir leur position dans les accords qui seront conclus. Conclusion : soit la DGEFP fait évoluer sa manière de considérer les OPCA et la négociation collective, prenant notamment la mesure de la loi Larcher, soit il reviendra au juge de jouer les arbitres.
La 12ème chronique consacrée à la Fabrique des OPCA, écrite avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF, revient sur ce fiasco et identifie les questions qui pourraient faire l'objet de contentieux, ainsi que celles qui demeurent pendantes faute d'avoir eu la volonté de les traiter par le dialogue.
20:28 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : formation, opca, réforme, dgefp, négociation collectiev, droit, droit du travail, dorothea tanning, peinture
20/06/2011
Un peu d'histoire
Il faut éclairer l'histoire par les lois et les lois par l'histoire. Ainsi s'exprimait Montesquieu. Le juriste toulousain Hauriou estimait, pour sa part, que si un peu de sociologie éloigne du droit, beaucoup de sociologie y ramène. Bref, si l'on perd de vue les conditions de production de la règle, il y a de fortes chances que l'on en perde le sens. C'est ce qui arrive à la DGEFP, dont les positions deviennent ubuesques, lorsqu'elle explique à des OPCA qu'ils ne peuvent déléguer à des structures paritaires territoriales ou sectorielles, en s'appuyant sur un texte dont l'histoire démontre qu'il signifie exactement le contraire de que l'on voudrait lui faire dire. Mais qui veut tuer son chien...
Félix Labisse - Lucrezia - 1972 - Série "Les faiseuses d'histoire"
Le droit c'est de la technique, dans l'art de le manier, et de la politique, dans l'usage que l'on en fait. En prétendant que toute délégation de gestion doit être faite à un organisme patronal, la DGEFP commet une double erreur. La première est technique, les OPCA sont des organismes paritaires et le principe de paritarisme, légal, prévaut sur une exception fixée par décret. La seconde est politique. En utilisant, avec au choix incompétence ou mauvaise foi, un argument aussi faible pour remettre en cause le paritarisme, l'administration tente de faire prévaloir une vision autoritaire des relations sociales que l'on croyait dépassée au moins depuis l'adoption en 2004 du nouvel article premier du Code du travail. Et sur ce plan également, une approche historique du paritarisme et des dynamiques de la négociation collective aurait du conduire sur d'autres voies. En ces périodes de baccalauréat, il en est qui ont sérieusement besoin de réviser.
00:13 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dgefp, opca, paritarisme, labisse, peinture, histoire, droit, travail, formation
25/05/2011
Quis custodiet ipsos custodes ?
"Qui gardera nos gardiens ?". La phrase de Juvénal a été choisie pour figurer en exergue de Watchmen, chef d'oeuvre d'Alan Moore et Dave Gibbons. "Qui gardera nos gardiens ?", c'est la jeunesse qui regarde le monde des adultes et qui chemine vers la maturité : se garder soi-même et avoir autorité sur soi. Cette maturation passe par un questionnement sur l'autorité : "A qui obéissent nos parents ?", "Qui conseille le Prince ?", "Pourquoi le Roi est-il Roi ?". A partir de là, souvent le Roi est nu et la maturité peut librement se déployer. Echapper à ce questionnement d'enfant, l'enfance étant le nid des questions pertinentes, c'est souvent s'en remettre aux gardiens, manifester un sourd désir de temple. Poser la question de l'autorité des gardiens, c'est inscrire l'histoire dans le temps et non dans le temple, s'attacher aux questions dans un monde de réponses et avoir en permanence la tentation de la liberté face au pouvoir. Si ces thèmes vous parlent, ils vous invitent à lire, ou à relire, Watchmen (on peut ne pas voir le film).
Dans la réforme des OPCA, la DGEFP s'est érigée en gardienne du temple. Elle s'est abstraite du temps, l'histoire de l'assurance formation, du questionnement, il n'y a que des certitudes articulées sur l'ordre public dans les positions de l'administration, et ne parlons pas de liberté quand il s'agit avant tout d'établir un pouvoir qui prescrit, assigne et contrôle. Cette culture là n'est pas propre à la DGEFP. Elle irrigue une grande part de l'administration française et d'une certaine culture républicaine. Au-delà de l'argumentaire juridique sur les positions prises par l'administration, déjà publié, la 11ème chronique de la Fabrique des OPCA, écrite avec Jean-Marie Luttringer pour l'AEF, s'efforce d'expliciter la position de la DGEFP, vestale de l'ordre public, et de démontrer pourquoi une telle culture, reposant sur la défiance et n'accordant que peu de place à l'intelligence des acteurs, mériterait d'être dépassée. En conséquence de quoi, il n'y aurait plus de raison, et ce serait heureux, de se poser la question de "Qui gardera nos gardiens".
00:38 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : opca, réforme, dgefp, financement, formation, watchmen, alan moore
20/05/2011
Toujours pas peur
La Délégation Générale à l'Emploi et à la Formation Professionnelle (DGEFP) a publié sous forme de Questions/Réponses, sa position sur la mise en oeuvre de la réforme des OPCA. Ce document aborde plusieurs domaines juridiques : droit fiscal applicable aux OPCA, droit de la concurrence, droit de la négociation collective, droit de la gestion paritaire. La lecture d'ensemble du document est traversée par deux lignes de force : la prédominance du fiscal et la volonté politique de mettre les OPCA "au pas". Le recours permanent et systématique, à tort ou à raison, à la notion d'ordre public, traduit cette conception traditionnelle de l'administration française qu'exprimant et représentant l'intérêt public elle ne saurait être qu'obéie. Le jacobonisme et l'unilatéralisme continuent à aller bon train dans le royaume de France. Pourtant, comme indiqué dans une chronique précédente, on ne peut qu'inviter les négociateurs à ne pas avoir peur.
Courbet - Le fou de peur - 1845
Pourquoi ne faut-il pas craindre les avis de la DGEFP ? parce que cette lecture trop exclusivement fiscale, méconnait des règles de base de la négociation collective, du droit de la concurrence et de l'autonomie des personnes morales paritaires. Le document, qui n'a en lui-même aucune valeur juridique, n'est pas fondé sur des bases suffisamment solides pour qu'elles soient stables. Voilà pourquoi les négociateurs doivent tenir compte des positions prises par l'administration, comment en serait-il autrement lorsque l'autorité qui va instruire les demandes d'agrément s'exprime, mais ne doivent pour autant pas douter que les règles dont ils pourront revendiquer l'application ne sont pas exactement celles affichées par la DGEFP. Si vous ne me croyez pas, allez y voir vous-même.
00:15 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : opca, dgefp, réforme, formation, courbet, peur, jacobin, administration
28/09/2010
Une lettre qui a de l'esprit
La loi du 24 novembre 2009 a introduit dans le Code du travail un article ainsi rédigé : "A l'issue de la formation, le prestataire délivre au stagiaire une attestation mentionnant les objectifs, la nature et la durée de l'action et les résultats de l'évaluation des acquis de la formation" (C. trav., art. L. 6353-1). Certains avaient conclu de ce texte que l'évaluation des acquis était devenu obligatoire et qu'il fallait la systématiser. La conséquence que l'on pouvait quizzer toutes les formations en ramenant la formation à de la connaissance, ou pire encore que l'on pouvait proposer des cases à cocher au participant sur le niveau des acquis, dans un nouvel élan de bureaucratisation de la formation, ne comptait pas. C'était écrit, restait à s'exécuter. A propos d'exécution, ainsi fit Judith avec Holopherne. Son geste saisi dans sa littéralité pourrait être un meurtre, voire un assassinat si l'on tient compte de la servante complice et prête à recueillir la tête du chef barbare. Mais remis dans son contexte, le geste peut aussi être un acte héroïque de légitime défense qui sauva la ville de Béthulie et ses milliers d'habitants. Pour comprendre l'acte, il faut élargir le regard.
Artemisia Gentileschi - Judith et Holopherne - 1618
J'avais défendu l'idée sur ce blog qu'il ne fallait pas confondre l'obligation de faire et l'obligation d'informer. Et que les textes sur l'évaluation n'ayant pas été modifiés, l'organisme de formation demeurait libre de choisir la modalité d'évaluation pertinente au regard de l'objectif. Autrement dit, pas de quizz systématique ou de questionnaire superflu. Quelques services de contrôle qui n'avaient pas retenu cette interprétation et certains OPCA qui ont diffusé des informations aux prestataires de formation leur indiquant qu'à défaut d'évaluation des acquis ils risquent de perdre leur numéro de déclaration d'activité doivent donc revoir leur position et leurs pratiques. En effet, le Ministère du Travail dans un courrier en réponse à une interrogation de la Fédération de la Formation Professionnelle, confirme que l'organisme a le choix de l'évaluation et que l'évaluation des acquis n'est pas obligatoire. Convenons tout de même que l'on gagnerait du temps si l'art de légiférer ne s'était point perdu, nous obligeant comme Judith à trancher dans le vif de l'interprétation.
00:50 Publié dans ACTUALITE DE LA FORMATION, DROIT DE LA FORMATION | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : formation, evaluation, dgefp, réforme, droit, organisme de formation, interprétation, opca