03/09/2012
Anniversaire (1)
Au début de l’année 1987, je venais de terminer mes études. J’envoyai consciencieusement des CV, puisque c’est ainsi qu’il convenait de procéder pour entrer dans ce fameux monde du travail dont on me rebattait les oreilles, et qui ne m’était pas tout à fait étranger puisque j’avais souvent mis la main à la pâte dans le restaurant familial. Je passai un entretien désastreux dans un cabinet de conseil juridique : l’univers que me présentait le patron du cabinet qui me recevait me paraissait tellement lointain que je m’exprimai quasiment par monosyllabes, avec une jambe coincée sous la chaise dans une posture qui me déclencha des fourmis et me fit m’affaler sur la porte du bureau lorsque je voulus me lever pour conclure l’entretien. Il fallut à mon interlocuteur réunir l’intégralité de sa bienveillance pour considérer que ce jeune homme hébété était celui qui s’était présenté, dans le CV rédigé avec application, mais l’application ne fait pas la conviction, comme un étudiant aux bons résultats, un sportif de bon niveau et globalement un jeune homme plein d’entrain. Il me dit que je n'étais sans doute pas en grande forme et qu'il était tenté de me prendre tout de même à l'essai, avant de me téléphoner trois jours plus tard que finalement ce n'était pas possible.
Edward Hooper - Station Essence - 1940
Ce premier entretien ne fut, heureusement, suivi que d’un seul autre dans un contexte mieux adapté, en tout cas pour ce qui me concerne. Après avoir raccompagné, à la nuit plus que tombée, une amie chez elle, je rodai lentement en voiture dans Toulouse, à la recherche, période bénie où les containers n’avaient pas encore été inventés, de livres abandonnés sur les trottoirs car il fût une époque où l’on pouvait se constituer une bibliothèque gratuitement et en se promenant au hasard des rues. Toute chose ayant sa nécessité, mes pas, ou plutôt mes roues, me conduisirent à une de ces stations service qui composent un paysage baroque au cœur des centres ville. Tandis que je remplissais le réservoir, car s’il existait encore des pompistes ils restaient déjà la nuit dans leur guérite, un individu s’escrimait à côté de moi à pomper sur la borne du mélange pour remplir le réservoir de sa mobylette orange. Lorsqu’il se tourna vers moi, j’eus la surprise de l’entendre dire : « Ah Mr Willems, comment allez-vous ? ». Malgré la nuit et le casque, je reconnus mon prof de Droit de la formation, que je n’avais pas revu depuis la fin de mon cursus. Et c’est à cette pompe à essence qu’il me proposa de travailler quelques mois avec lui au Centre de Recherche et d’Information sur le Droit à la Formation à l’Université, laquelle m'invitera ensuite à poursuivre la collaboration à condition que je facture mes prestations. C’est ainsi que le 1er septembre 1987 je créai le cabinet Willems Consultant qui fête donc en ce début de semaine ses 25 ans.
10:49 Publié dans HISTOIRES DE CONSULTANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cridf, embauche, recrutement, anniversaire, toulouse, nuit, emploi, activité, formation
21/08/2012
Mais où est le mélangeur ?
Cette année, les Rencontres photographiques d'Arles invitent...les étudiants, ou anciens étudiants de l'Ecole Nationale Supérieure de Photographie (ENSP), installée à Arles. Pour fêter les 30 ans de sa création, l'Ecole a pris quelques nouvelles des 640 étudiants qu'elle a diplômé. Et présente les travaux de quelques uns d'entre eux. Les commentaires accompagnant les photos sont assortis d'une petite fiche biographique. L'occasion de jeter un coup d'oeil sur les parcours des diplômés de l'ENSP. Majoritairement des jeunes gens qui ont fait des études artistiques (Beaux-Arts, sociologie de l'art, sciences de l'art, écoles de cinéma, d'arts plastiques, etc.) ou des sciences humaines (histoire, socio, lettres, philo,...) et il faut chercher longtemps pour trouver une ingénieure et un infirmier. Dorothée Smith, pour sa part, a fait des études de philosophie à la Sorbonne avant d'intégrer l'ENSP.
Dorothée Smith
Je pense justement aux étudiants du Master Développement des Ressources Humaines de la Sorbonne, dont les CV sont posés sur mon bureau. Je regarde également leur parcours : droit, gestion, gestion, droit. Et Ressources Humaines au final. Pas un juriste à l'ENSP, pas un historien, philologue ou sociologue de l'art en Ressources Humaines. Pas de doute, les cloisons sont bien montées et ceux qui ont fait le boulot ont en plus planqué le mélangeur. Il serait pourtant urgent de le retrouver et que ceux qui sont chargés de recruter tous ces jeunes gens osent s'en servir.
02:05 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, EN PHOTOS | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : arles, ensp, photo, photographie, recrutement, formation, éducation, filières, orientation
07/09/2011
La fidélité ne paie pas
Qui veut une progression rapide de salaire ne doit pas donner du temps au temps. Pas question par exemple de prendre un an pour faire un diagnostic, apprécier les conditions de l'action et élaborer des projets, une deuxième année pour commencer à déployer et une troisième année pour structurer l'organisation en faisant de ce qui était des projets un quotidien. Trois ans pour agir c'est beaucoup trop. Et puis à passer votre temps à travailler, vous n'en aurez plus pour vous occuper de vous. Non, pour élargir son réseau, travailler les contacts, se préparer à bouger, guetter les opportunités et repartir en bond de kangourou, 12 à 18 mois maximum suffiront. Vous n'avez le temps d'obtenir aucun résultat dans ce délai ? peu importe, vous êtes un communicant et vous saurez présenter comme une grande réussite personnelle le travail d'équipes qui auront continué à tourner pendant que vous vous tourniez vers l'avenir, c'est à dire le votre. Car vous savez que la fidélité ne paie pas.
Crin-blanc
Vous aviez déjà constaté que l'on peut s'enrichir uniquement en vendant régulièrement sa résidence principale, que l'on bénéficie d'offres plus attractives lorsque l'on est un nouveau client, que le mouvement est une donnée de base de toute économie : c'est la circulation qui créé de la valeur. Il vous faut donc circuler si vous voulez en prendre. La fidélité ne paie décidément pas.
Ce qui la rend particulièrement adaptée aux actes gratuits, comme l'amour et l'amitié.
00:05 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fidélité, crin-blanc, ressources humaines, management, recrutement, formation carrière, amour, amitié
22/03/2011
Comme il n'est plus compétent, mon banquier c'est moi
L'alternative entre l'investissement dans les machines et l'investissement dans les personnes ne s'est pas arrêtée avec la bascule dans la société de l'information. Certaines organisations font toujours le choix de salariés moins compétents (traduisez : moins chers, moins difficiles à trouver, dont on est moins dépendant), au profit d'un système mécanique qui présente, en outre, l'avantage d'une plus grande stabilité émotionnelle que cet humain que l'on se tue à gérer.
Compte tenu de la place occupée par les mathématiques dans la sélection des élites et de la culture de l'ingénieur dans la culture manageriale française, il n'est pas étonnant que chaque fois que la rationnalité mécanique peut être substitué à l'irrationnalité humaine, le choix soit assez rapidement fait. Dernier exemple, la banque.
Marinus Van Remeyrsmaele - XVIème siècle
Cela a commencé par l'arrêt du recrutement de personnels qualifiés dans les métiers bancaires pour revenir à des profils commerciaux. C'est qu'il ne s'agissait plus de conseiller les clients mais de vendre des produits. Pour la gestion financière et le reste, l'outil informatique s'en charge très bien. Et puis est venu la dernière étape. L'outil est autonome, le besoin de compétence disparaît et l'on peut passer à la dernière étape : confier les clés du camion à un incompétent, c'est à dire vous, ou moi. Et l'affubler du titre de banquier (j'attends ma carte de visite, mais cela ne saurait tarder : jpw, banquier de lui-même, toujours près du client, toujours disponible). Lorsque les véhicules feront eux-mêmes leur diagnostic nous pourront devenir les mécaniciens de nos véhicules, lorsque les cafétérias seront d'immenses percolateurs nous seront les serveurs de nous même. Quant à devenir pompiste de nous même et caissier de nous même, c'est déjà fait. Et n'oublions pas que l'industrie pharmaceutique nous a transformé en médecins de nous même, la France ayant le pompon de l'auto-precription médicinale. La formation c'est conduire à l'autonomie ? ringard. Grace à la machine, nous courons vers l'autonomie, sans formation, sans compétence...et sans salaire. Fort non ?
00:11 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DES IDEES COMME CA | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : banquier, peinture, organisation du travail, compétence, recrutement, métiers, france
26/01/2011
En mariage trompe qui peut
L'adage est de Loysel, c'est un classique juridique. Il signifie que le mariage ne peut être annulé que pour erreur ou violence mais pas pour dol, la séduction ne se parant pas toujours des atours de la vérité. Leur culture juridique a conduit les juges à étendre ce principe au recrutement : il est admis que tant l'entreprise que le candidat se présentent sous leur meilleur jour qui n'est pas toujours leur quotidien. Reste, comme toujours en matière juridique, à déterminer où passe la frontière et jusqu'où il est permis d'enjoliver la réalité.
La Cour d'appel de Lyon (CA Lyon 25 juin 2010, publiée dans la Revue de Jurisprudence Sociale de Janvier 2011) vient de rappeler à l'ordre un salarié ayant fait état d'un BTS qu'il n'avait pas acquis et d'unité de valeur du CNAM qu'il n'avait pas passé. L'employeur, une banque en l'occurence dont la vertu est une qualité première comme chacun sait, avait découvert le mensonge lors d'une proposition d'évolution qui supposait le suivi d'une formation nécessitant les diplômes supposés acquis et qui n'ont pu être produits. S'en suivit un licenciement pour faute grave validé par les tribunaux. Les foudres de la vérité sortant du puit avec son martinet pour châtier l'humanité se sont donc abbatues sur l'imprudent salarié.
Jean-Léon Gérome - Vérité sortant du puit avec son martinet pour châtier l'humanité - 1896
Ainsi pourrait on penser que se trouvent réconciliés droit et morale par le surgissement de la vérité, dont on avouera tout de même qu'elle suscite plus d'effroi que d'éblouissement.
Le problème est que cet arrêt, qui n'a pas fait l'objet de pourvoi, n'aurait pas nécessairement été validé par la Cour de cassation. Pour deux raisons. La première est que la Cour estime que lorsqu'une information est fournie lors d'un recrutement et qu'elle est vérifiable, si l'employeur ne la vérifie pas c'est qu'elle n'entre pas dans sa décision. Or les diplômes (parchemin) et les expériences professionnelles (certificat de travail) sont vérifiables. La deuxième raison est que la banque invoquait l'impossibilité de confier la gestion du patrimoine des clients à quelqu'un dont l'honnêteté et la loyauté n'étaient pas irréprochables. Et l'on voir ressurgir la bonne vieille perte de confiance que la Cour de cassation n'admet plus depuis longtemps car elle revient à licencier sur la base d'un risque et non d'un fait. Bref, voici une décision de Cour d'appel qui pouvait paraître évidente mais qui ne l'est guère. Le salarié ne méritait peut être pas le martinet d'une vérité qui ressemble un peu trop à un père fouettard.
10:11 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : recrutement, droit, droit du travail, licenciement, mensonge, jean-léon gérome, peinture
26/12/2010
Réalisme cynique
Plusieurs plaintes ayant été déposées, les laboratoires Servier devront s'expliquer en justice sur la commercialisation persistante du MEDIATOR, dont des études cliniques avaient reconnu la dangerosité. Nul doute que la responsabilité des médecins prescripteurs ainsi que des autorités de santé sera évoquée devant les juges. Longue bataille juridique en perspective avant de savoir si le laboratoire a été d'un réalisme cynique ou d'une bonne foi sans faille. Le réalisme cynique est le nom d'un mouvement pictural chinois né après Tian anmen en 1989 dont Yue Minjun est un des représentants les plus éminents.
Yue Minjun - Exécution
Je ne connais rien au MEDIATOR ni à la dimension médicale du dossier. Rien à dire sur le fond donc. Sauf un souvenir ancien, plus de quinze ans, à propos des Laboratoires SERVIER. L'affaire avait, à l'époque, été révélée par le Canard Enchaîné. Etaient en cause les pratiques de recrutement du Laboratoire : non seulement discriminantes en fonction de l'origine mais également basées sur des prises de référence personnelles (chaque candidat devant fournir le nom de trois connaissances personnelles qui étaient contactées pour tracer le profil de personnalité du candidat) et dans certains cas sur des enquêtes confiées à d'anciens policiers ou agents des renseignements généraux. Quel rapport avec le MEDIATOR ? aucun a priori, sauf si vous considérez que la manière dont une entreprise gère les ressources humaines n'est jamais anodine et que les pratiques seules témoignent des valeurs d'une organisation.
22:40 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES, DROIT DU TRAVAIL | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : canard enchaîné, servier, mediator, recrutement, ressources humaines, grh, valeurs, éthique, yue minjun, réalisme cynique
09/12/2010
Oiseau rare
Les recruteurs font un métier difficile. Submergés de candidatures, poursuivis au téléphone, harcelés de mail, encombrés de commande contradictoires de la part de la DG, de la DRH et des managers, sommés de s’expliquer sur une candidature non retenue, insultés par les postulants écartés, mal vus par les candidats intégrés qui leur font longuement payer le pouvoir qu’ils ont un instant exercé sur eux, ou la question jugé insolente ou déplacée, peu considérés des managers qui veulent revoir tous les candidats, envoyés à l’abattage par la DRH qui exige que les 300 CV soient traités dans la journée, les 50 entretiens qui suivent planifiés dans la soirée et réalisés en deux jours, ils sont également sommés de trouver l’oiseau rare, autrement dit le mouton à cinq pattes.
Une telle situation appelant la solidarité et la virile fraternité, quoi que bien des recruteurs soient des recruteuses, voici une modeste contribution à la recherche du candidat idéal.
Maxence Scherf – Chat migrateur
Avouez que le profil est séduisant : malin comme un chat, vif comme l’oiseau, rapide comme le poisson, une tête et des ailes d’ange, une aptitude à la mobilité, un regard franc et direct, ses capacités ne font guère de doute. Et pourtant, l’animal fut recalé sur photo sans même être convoqué à l’entretien. Le motif ? pas l’ombre du début d’une patte et encore moins de cinq. Je ne suis pas un mouton cria le chat migrateur. Rien à faire. Décidément, véritablement indécrottables les recruteurs.
00:15 Publié dans TABLEAUX PARLANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : recrutement, ressources humaines, candidature, cv, chat
28/04/2010
Vérité du choix
Je n'ai jamais su recruter. Cela ne fait heureusement pas partie de mes activités, sauf pour les candidats à des Masters dans les métiers des ressources humaines. Pour ces derniers, j'oriente l'entretien autour d'un axe essentiel : quels sont les moments où l'individu à eu à faire des choix, comment s'y est-il pris pour décider et comment a-t-il justifié son choix ? traduction de l'idée qu'une des manières d'approcher la vérité d'une personne n'est ni de la réduire à des schémas psychologiques préétablis (comme le fait l'énéagramme par exemple), ni de traquer ses moindres goûts et comportements pour le définir exhaustivement (questionnaire aux 400 propositions à cocher en moins d'une heure pour que le candidat n'ait pas le loisir de réfléchir), ni de procéder à une psychanalyse plus ou moins masquée (test de Rorschach) et encore moins de procéder à des enquêtes auprès des anciens employeurs ou professeurs pour les étudiants, comme si l'ex était le mieux placé pour parler du sujet ! En réalité, le choix des tests nous en apprend davantage sur le recruteur que sur le recruté. Pourquoi privilégier les choix ? parce qu'il est des moments où toutes les questions se résolvent en une seule : faire ou ne pas faire, prendre le chemin de droite ou celui de gauche, dire oui ou non, accepter ou refuser, etc. L'idée également que quelques moments clés sont plus signifiants que mille situations qui peuvent ne l'être pas. Tout ne fait pas sens chez l'humain. Et pour terminer l'entretien, deux questions complémentaires : dans quel tableau vivriez-vous (qui devient parfois quelle image ou quel film si le tableau n'est pas dans l'univers du candidat) ? et face à quelle tableau, vivez-vous ?
00:05 Publié dans HISTOIRES DE CONSULTANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : recrutement, peinture, art, tableau, giorgione, énéagramme
12/02/2010
Poor lonesome salarié
Le cabinet est toulousain, mais en l'occurence cette qualité est insuffisante pour défendre le projet. Le cabinet Merlane va proposer aux entreprises un outil britannique d'évaluation permettant de tester la "force mentale" du salarié. L'objectif est de mesurer la capacité de challenge, considérer tout défi comme une opportunité et non un danger, la capacité de contrôle, volonté d'agir et non de subir, la capacité d'engagement, concentration sur des objectifs, et la capacité de confiance, détermination à vaincre les difficultés. Le cabinet précise sans rire que ce test doit être accompagné d'autres évaluations "car il ne tient aucun compte des compétences professionnelles". Et de vanter l'utilité d'un tel test, tous les individus n'étant pas égaux dans la gestion des contraintes et des situations de crise. Et voilà, dans le droit fil des positions défendues par le MEDEF lors de la négociation sur le stress et la violence au travail, le salarié renvoyé à sa solitude et appréhendé en dehors de tout contexte et de toute organisation, tel un être immuable dont la personnalité est fixée une fois pour toute et qu'il s'agit de dévoiler. Grandeur et décadence du salarié en cow-boy solitaire.
07:50 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : merlane, stress, risques psychosociaux, edward steichen, breton, test, recrutement
18/01/2010
Charisme
Le goût de l'époque n'était certes pas celui d'aujourd'hui. Pourtant, maints commentateurs ont pu souligner l'épaisseur du corps et de la cuisse, la disharmonie entre le haut et le bas du corps ou le visage aux traits éloignés de la beauté classique grecque qu'elle incarnait pourtant. Isadora Duncan n'était pas à proprement parler une jolie femme du début du siècle, mais elle fut pour nombre d'artistes l'image même de la beauté. Comment incarner ce que l'on est pas, et comment disposer d'une capacité de fascination portée à un point aussi haut ? pour ce qui concerne Isadora Duncan, la réponse peut être trouvée dans sa liberté, qui attire toujours autant qu'elle effraie, dans la nouveauté de sa danse, dans le panthéisme qui la chargeait de toutes les beautés de la nature au sein de laquelle elle dansait, dans le mouvement peut être et tout simplement, dont on sait qu'il est la vie même.
09:27 Publié dans DES IDEES COMME CA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : isadora duncan, recrutement, charisme, ressources humaines, bourdelle
26/11/2009
ANDAMOS !
Les recruteurs ont de bien curieuses méthodes et ce qui est plus curieux encore est que ces méthodes passent pour évidentes et ne fassent guère l'objet de questionnements. Il est pourtant étonnant que l'on s'ingénie à poser des questions à profusion, à réaliser des tests de personnalité, à solliciter graphologues et numérologues quant il ne s'agit pas d'astrologues, mais que l'on s'en tienne à recevoir des candidats...assis. François Roustang, psychanalyste auteur notamment de 'Il suffit d'un geste", demandait à ses patients d'effectuer un geste les représentant, pour cela, il les plaçait souvent en état d'hypnose. Un geste pour de longs discours. Peut être le geste rêvé par la jeune fille que dévoile son amant en dit-il plus long qu'un long entretien.
00:26 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : recrutement, test, questionnaire, personnalité, roustang, de kooning
04/11/2009
Invariant dynamique
Le correcteur d’orthographe refuse avec obstination le terme d’adéquationisme. Il accepte pourtant l’aquabonisme de Gainsbourg et Birkin, preuve qu’il a du goût. Persévérons tout de même. Qu’est-ce que l’adéquationisme : la résolution d’un problème, ou sa mesure, sous forme d’instantané et sans dimension temporelle.
En matière de recrutement, il s’agira par exemple de rechercher le meilleur candidat par rapport à un profil de poste préétabli. En matière de formation il s’agira de rechercher l’écart entre les compétences requises pour un emploi et les compétences du titulaire de la fonction. En matière de GPEC il s’agira de rechercher un scénario pour l’avenir et d’organiser ses actions pour anticiper sur cette prévision. Dans tous les cas, on fige ou tente de figer le point à atteindre pour tracer un chemin ou stabiliser un objectif. C’est oublier un peu vite que la vie est mouvement et que tout ce que nous figeons devient donc immédiatement une abstraction. Et en matière d'abstraction, seule la peinture est dynamique.
Introduire du dynamisme dans le diagnostic n'est sans doute pas aisé, mais pourtant essentiel : le scénario dessiné est plus certainement improbable que probable, les compétences requises demain seront autres, cet emploi à pouvoir ne restera pas dans sa configuration initiale, la personne recrutée aura envie de nouveaux horizons,... L’horizon justement n’est pas une frontière établie mais une limite qui n’a de cesse de reculer lorsque l’on avance. Un invariant dynamique en somme. N’oublions pas que tels sont les emplois et les organisations….et les femmes et les hommes. Cher invariant dynamique, bonne journée.
09:13 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : de kooning, management, compétence, gpec, recrutement, peinture
09/10/2009
Aux frontières du diplôme
Il y a quelques années, Alain Lebaube, journaliste au Monde, écrivait un livre intitulé "Social, par ici la sortie" dans lequel il démontrait que l'Education nationale et l'entreprise entretenaient soigneusement une ignorance réciproque permettant à chacun de rester sur son quant à soi et de ne jamais évoluer. D'un côté le reproche récurrent de ne préparer les étudiants à rien et de n'apporter aucune compétence, de l'autre celui de confiner dans des emplois sans intérêt des étudiants ayant un bagage supérieur. En caricaturant : "Vous formez des incapables" contre "Vous gachez notre enseignement" (et non vous gachez nos génies, étant entendu que les génies sont les enseignants).
Dans "La peur du déclassement", Eric Maurin montre pourtant que le taux de chômage est directement corrélé au niveau de diplôme et que ce phénomène ne fait que s'accroître avec les années. En clair, jamais le diplôme n'a eu autant de valeur (ceux qui crient à la dévalorisation du diplôme par la démocratisation de l'enseignement supérieur sont donc soit mal informés, soit pétris de mauvaises intentions) et jamais l'échec scolaire n'a été autant sanctionné.
Paradoxe du recrutement massif de diplômés assorti d'une critique assidue du diplôme. Politique du moins pire ? (à tout prendre, mieux vaut un diplômé), syndrome d'identification du recruteur ? (je recrute qui me ressemble, et je suis diplômé), reconnaissance de la valeur des formations suivies que l'on décrie par ailleurs ? (tout n'est pas à jeter dans l'EN)....lecteur ajoute ton hypothèse, mixe les précédentes ou choisis ton camp !
Osons une dernière explication : après la certification des organisations, nous en sommes aujourd'hui à la certification des personnes, le tout formant un vaste système d'assurance censé garantir la qualité. Si cette hypothèse est la bonne, nous n'en avons pas fini avec les diplômes, certifications, habilitations, permis, agréments et autres passeports indispensables pour l'emploi. Avec le risque, déjà bien réel apparemment, que le diplôme devienne un passeport : à la fois outil de liberté pour passer les frontières et instrument d'exclusion pour ceux qui n'en ont guère.
00:22 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : diplome, education nationale, entreprise, lebaube, eric maurin, insertion, recrutement
15/04/2009
Double je
L'atelier du Pont Vaillant au coeur du village de Sorèze, au pied de la Montagne noire. Une façade vitrée laisse deviner quelques peintures et dessins affichés dans l'atelier. Le passant hésite puis pousse la porte. L'accueil est aussi chaleureux que le temps est froid et humide. Au visiteur inconnu il est proposé de partager le thé en famille. Pendant que l'eau chauffe, le regard se pose sur les toiles, les dessins, les esquisses, les croquis utilisant mille techniques : huile, cire, fusain, pastels...les styles eux-mêmes sont différents. La confrontation directe avec les oeuvres de Catherine Huppey provoque les sens : douceur des peintures sur le temps qui passe, mouvement des dessins préparatoires à une série consacrée aux mythes. Mais la confrontation la plus étonnante est celle de l'artiste avec ses dessins. Calme, douce, sereine, d'une humilité naturelle confondante, Catherine Huppey présente son parcours et son travail. Au sein de l'atelier la vie est plus lente, le temps un concept tout relatif et pourtant, ceci :
09:34 Publié dans DES IDEES COMME CA | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : recrutement, management, peinture, catherine huppey, corrida, ressources humaines
26/03/2009
Test pour recruteurs
Elles sont 14. Des adolescentes aux joues rondes et roses. Des jeunes filles en fleur. Leur regard est direct. Sans détour. Elles voient bien au-delà du photographe. Elles vous voient. Leurs photos ont été exposées au cours de l'été 2006 au Musée des Abattoirs à Toulouse. Elles ont été prises par le groupe russe AES+F.
00:05 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : abattoirs, toulouse, recrutement, meurtrières, photo
09/02/2009
L'intellectuel et le charnel
Il ne paie pas de mine avec son crâne dégarni, ses lunettes cerclées, son costume pied de poule ou ses débardeurs ternes, sa silhouette un peu épaisse, un peu voûté, mal à l’aise manifestement avec son corps, l’air toujours absent, s’excusant d’être-là, et d’ailleurs y est-il vraiment ?
le regard exprime davantage l’irréalité que l’incarnation. Mark Rothko, sur les quelques photos que l’on connaît de lui, est un absent surpris par l’objectif qu’il semble ne pas comprendre. Cet homme a-t-il véritablement existé ? ses toiles le prouveraient, quelques écrits aussi, pour le reste, l’homme qui nous regarde ou regarde ses toiles est très improbable. Lui-même semble tellement douter de son existence qu’il nous est difficile de nous en convaincre.
Et pourtant…La Tate Gallery, à Londres, a présenté une exceptionnelle exposition Rothko qui s’est achevé le 2 février dernier. Les œuvres présentées étaient celles de la dernière période : couleurs mates, sombres, pleines de brun, de marron, de noir, de mauve et de pourpre. Et pourtant que de lumière, et pourtant que de vibrations, et pourtant quelle autre exposition ou peinture pourrait à ce point bouleverser le corps d’émotions inconnues ? quel peintre peut vous faire autant ressentir de manière immédiate, vous émouvoir aux larmes sans que vous ne compreniez vous-même pourquoi ? Le calme revenu, on se dit que Rothko le désincarné, Rothko l’intellectuel a du mener un combat physique extraordinaire avec un courage exemplaire pour parvenir à peindre ces grandes toiles qui vous absorbent et vous portent au-delà de vous-même. Ce combat physique, auquel nul n’a assisté, est le témoignage le plus évident que Rothko était avant tout un corps au travail, une incarnation magnifique et une faille dans l’espace-temps. Contrairement à toute apparence, Rothko était un athlète de la peinture qui jouait sa vie sur chaque toile. On sait ce qu’il advint mais toute une vie ne peut être relue à l’aune du dernier geste.
En regardant Rothko et ses toiles, souvenons-nous vraiment que l’apparence ne dit rien de la vérité d’un être, mais surtout que tout individu porte en lui des contraires et que sa vérité est moins dans le choix qu’il fait entre ses contraires que dans la dynamique qu’il sait créer entre eux. Le recruteur et le manager se rappelleront que les potentialités inverses existent chez tout individu et qu’il importe moins de repérer ces potentialités que d’envisager la manière dont elles se relancent entre elles. La pensée et le geste ne s’opposaient pas chez Rothko mais se dynamisaient l’un l’autre. Cherchons et préservons cette dynamique.
00:05 Publié dans DES IDEES COMME CA | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : rothko, londres, exposition, peinture, différence, management, recrutement
13/11/2008
Salariés de passage
L’entreprise est une prestigieuse SSII, parmi les premières dans son domaine. Du coup elle mène ce qu’il est convenu d’appeler la guerre des talents : une bataille féroce pour attirer chez soi les meilleurs jeunes ingénieurs sortis des grandes écoles. Campagnes de promotion, mise en avant des avantages offerts par l’entreprise, relations écoles, sponsoring et mécénat, salons de recrutement, plaquettes luxueuses, présence tous azimut sur le net dans les réseaux d’échange et sur second life, rien n’est négligé pour attirer, recruter et fidéliser les talents. Fidéliser ? faisons un zoom sur les pratiques.
Le turn-over moyen pour les nouveaux embauchés est de 15 % par an, soit une population entièrement renouvelée en 7 ans et une durée de présence moyenne de 3,5 ans. Pour attirer l’entreprise pratique un sursalaire à l’embauche ce qui rend le salarié peu rentable la première année. Dès la deuxième année, le rapport s’inverse : le salaire évolue peu et la rentabilité grimpe en flèche. L’investissement promotionnel est amorti. La troisième année, le décalage s’accroit encore et le salarié est au meilleur du rapport entre productivité et coût salarial. En effet, l’entreprise si elle affiche des salaires supérieurs aux concurrents à l’embauche ne fait que peu évoluer les rémunérations par la suite. Le point neutre étant atteint après une année, les années suivantes sont donc des années bénéficiaires voire largement bénéficiaires. L’objectif de fidélisation réel ne va pas au-delà de la quatrième année, stade à partir duquel on considère que la motivation du salarié va chuter du fait de l’absence d’évolution et qu’il partira ailleurs. Sans regret. Mais cela, ni les plaquettes ni les recruteurs ne l’annoncent considérant qu’en mariage comme en affaires ou en recrutement, trompe qui peut (vieil adage juridique de Loysel signifiant que le mariage ne peut être remis en cause pour dol, c’est-à-dire des manœuvres mensongères liées à la séduction, mais uniquement pour violence ou erreur sur les qualités essentielles de la personne).
00:05 Publié dans HISTOIRES DE CONSULTANT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ssii, recrutement, talents, fidélisation, passante, turn-over
03/11/2008
Faute grave pour la CNIL
La CNIL publie sur son site un guide du travail, comportant une fiche sur le recrutement, ainsi qu'un dossier de recrutement coélaboré avec le SYNTEC. Dans ces documents on peut lire que l'enquête de moralité est illégale, ce qui est exact : interroger des amis, parents ou relations privées à des fins professionnelles n'est pas justifiable au regard du droit du travail. Mais, la CNIL écrit également : « Le recueil de références auprès de l’environnement professionnel du candidat (supérieurs hiérarchiques, collègues, maîtres de stages, clients, fournisseurs…) est permis dès lors que le candidat en a été préalablement informé. » Une telle affirmation surprend au regard des dispositions des articles L. 1234-19 et D. 1234-6 du Code du travail relatifs au certificat de travail. Selon ces articles, l'employeur doit remettre à tout salarié à la fin de son contrat un certificat de travail comportant EXCLUSIVEMENT la date d'entrée et de sortie du salarié ainsi que la nature de l'emploi ou des emplois successivement ocupés et les périodes pendant lesquelles ces emplois ont été tenus. Il est ainsi interdit à l'employeur de porter une appréciation sur les qualités professionnelles du salarié qui le quitte. Si la réglementation relative au certificat de travail a pour objet d'interdire toute appréciation c'est pour que le salarié ne soit pas pénalisé par une relation de travail non satisfaisante mais qui, par définition, n'a aucun rapport avec une nouvelle situation de travail. Rappelons qu'il est assez unanimement reconnue que la compétence s'apprécie dans l'action et que le contexte y joue son rôle. En adoptant une telle position, la CNIL soumet le salarié au jugement du précédent employeur et recréé ainsi le livret ouvrier, pourtant supprimé en 1890, qui faisait dépendre de l'employeur la possibilité pour le salarié de voyager.
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31/10/2008
Le droit à la schizophrénie
Les habitudes de recourir à la graphologie ou aux tests de personnalité ne se perdent pas. Vaine quête des entreprises : sécuriser le recrutement en tentant de maitriser tous les paramètres liés à l'humain. Comme d'une manière générale l'action en ressources humaines, la prise de décision en matière de recrutement est toujours probabiliste, assortie d'une prise de risque et d'un pari. Le droit du travail s'est saisi de la question de l'appréciation des capacités du salarié imposant que les informations demandées à un salarié présentent un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé. Ces dispositions concernent tant le recrutement (L. 1221-6) que l'évaluation en cours d'emploi (L. 1222-2). Cette nécessaire contextualisation nous rappelle qu'une personne n'est pas une totalité cohérente et que l'on peut être dans le cadre de son activité professionnelle autre que l'on est dans sa vie personnelle.
00:05 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : recrutement, salarié, ressources humaines, schizophrenie
27/04/2008
Recruter avec le cadavre exquis ?
"Le cadavre exquis boira le vin nouveau" : telle est la première phrase obtenue par le jeu des petits papiers pliés auxquels s'adonnaient les surréalistes. Elle a donné son nom au jeu lui-même, et accessoirement à une chanson de Gainsbourg.
Le principe du cadavre exquis a ensuite été utilisé en dessin ou peinture avec le même principe : un premier dessinateur cache son dessin qui est complété par un second qui cache son dessin qui est complété par un troisième, etc.
Le principe du cadavre exquis est double : la beauté et la poésie doivent surgir du hasard de la création de chacun d’une part, mais le cadavre exquis doit également refléter la communauté d’esprit qui existe entre les participants. Que le dessin ou la phrase tombe à plat, et l’on peut penser que ceux-là n’ont rien à faire ensemble. Le cadavre exquis serait le révélateur de la capacité à créer en commun.
Une autre version du cadavre exquis, qui fait également partie des jeux surréalistes, est le jeu des questions-réponses : dix questions sont posées par écrit par un des joueurs à un partenaire qui doit répondre…sans connaître les questions. Voici, par exemple, le résultat d’un jeu des questions-réponses réalisé au début des années 80. Pronostiqueriez-vous que 25 ans après les deux joueurs entretiennent toujours des relations ?
Qu’est-ce que la liberté individuelle ? c’est rompre le silence.
Qu’est-ce que la révolte ? c’est traverser une rue sans regarder.
Qu’est-ce que l’amour ? c’est un lit où je me repose souvent.
Qu’est-ce que la morale ? c’est une nécessité devenue une torture.
Une démarche collective est-elle préférable à une tentative individuelle ? cela dépend du geste que l’on choisit pour se gratter le visage.
Qu’est-ce que la nuit ? c’est plusieurs personnes qui parlent en même temps.
Pourquoi ne pas se tirer une balle dans la tête ? parce qu’on ne peut pas toujours lever la tête pour regarder les oiseaux.
Qu’est-ce que la préoccupation première de l’homme ? c’est une épreuve difficilement surmontable.
Qu’est-ce que la lassitude ? c’est une grande maison aérée dans laquelle je ne mettrai que des peintures affreuses.
Qu’est-ce qu’écrire ? c’est un livre que personne n’a lu.
Le recrutement est un art difficile, qui ne va jamais sans prise de risque. Plutôt que de s’égarer dans la graphologie, numérologie, astrologie et autres vaines tentatives de sécuriser ce qui ne peut l’être, faites confiance aux jeux surréalistes : demandez aux candidats de répondre à des questions inconnues ou de prolonger des dessins cachés. Il n’est pas certain que le résultat soit moins probant.
23:11 Publié dans ACTUALITE DES RESSOURCES HUMAINES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : recrutement, ressources humaines, cadavre exquis