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05/01/2016

A comme...AUTOFORMATION

On est ce que l’on fait

 

Comme on le sait, on n’est pas formé, on se forme. Le verbe former est intransitif.

Mon père était cuisinier. Ou plutôt il était serveur, a racheté le restaurant à son patron et a embauché des cuisiniers. Des bons, et des moins bons. Jusqu’au jour où il a décidé de passer derrière les fourneaux. Il avait observé, bénéficié de quelques conseils, parcouru des livres de cuisine et il a pratiqué. C’était un excellent cuisinier.

Six mois avant de débuter mon activité de consultant, je ne savais pas de quoi ce métier était fait, et avait à peine conscience qu’il existait. J’ai été formé par mes clients, ils continuent et moi aussi.

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Où sont les femmes ?(Patrick Juvet)

Lorsque je vois mon gamin réaliser des activités nouvelles, je lui demande comment il a appris. Il me répond parfois « avec la maîtresse », ou « avec les copains » ou « en regardant la tablette », mais le plus souvent il lance un peu bravache : « tout seul ». Intransitif je vous dis.

30/05/2015

Courage, fuyons

Cela ressemble en effet beaucoup à une fuite en avant : l'Assemblée nationale vient de voter la création du compte personnel d'activité (futur CPA), compte de tous les comptes comme l'avait annoncé Sapin dans un pur élan poétique. Un compte censé regrouper tous les comptes individuels dont disposent les salariés. Ah bon, mais lesquels ? le CPF et le compte pénibilité sont les deux seuls comptes recensés et ils ne sont guère opérationnels. La communication publicitaire nous annonce également le CET, qui concerne quelques milliers de salariés de grandes entreprises. Et après ? ah ben après rien, bien sur. Car ce serait une révolution d'annoncer que les droits à l'assurance chômage sont un compte (fini la recherche effective d'emploi comme condition de l'allocation si c'est un compte : j'ai cotisé, j'y ai droit, ce qui d'ailleurs ne serait pas absurde et finalement moins infantilisant et moralisateur) ou bien les droits  à congés payés, ce qui annoncerait un magnifique portail des congés payés et des RTT géré par la Caisse des dépôts et redorerait le blason d'un Gouvernement qui n'a pas été capable de créer, comme en 1981, le Ministère du temps libre. 

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Les réactions à l'annonce de la création du compte personnel d'activité

Plus sérieusement (quoi que...) voici une loi créant un compte sans consultation des partenaires sociaux (et pour cause : ils ne sont pas preneurs) au mépris de l'article 1 du Code du travail, qui fixe le principe du compte nouveau et renvoie...aux partenaires sociaux pour le définir et en préciser les modalités de fonctionnement. Autrement dit : quelqu'un quelque part à eu le début d'une idée que l'on se dépêche de traduire dans une loi sans autre considération de la légalité, mais comme ce n'était que le début de l'idée, on refile la patate sans prendre le temps de la faire chauffer à ceux qui ont annoncé qu'ils ne les aimaient pas, les patates. On hésite entre la consternation et la consternation. 

18/03/2015

Florilège

Une entreprise demande à un OPCA un financement au titre du CPF pour une formation en langues assortie d'un TOEIC. Réponse :

"Désolé mais c'est le test TOEIC qui est éligible sur le site du CPF. Nous ne pouvons financer que le test, pas la formation."

Autre, entreprise, autre OPCA et même demande : une formation plus un TOEIC. Réponse :

"Un OPCA ne peut financer que de la formation. D'ailleurs les textes disent bien que ce sont les formations conduisant à la certification qui sont éligibles. Nous finançons donc la formation mais pas le test".

Autre entreprise, et encore autre OPCA. Demande de financement d'une formation en langues dans le cadre des périodes de professionnalisation, suite à l'inscription des certifications en langues à l'inventaire. Réponse :

"Désolé, l'inventaire n'existe pas encore, c'est ce qui est indiqué sur le site de la CNCP, donc nous ne pouvons pas financer."

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Ce florilège pourrait n'avoir valeur que d'exemple. Il témoigne pourtant, outre le fait que la formation des équipes sur le dispositif n'a manifestement pas été une priorité, d'une réalité plus profonde. Celle d'organismes dont la schizophrénie va se trouver renforcée par la réforme. D'une part, pris dans la psychose  d'un marché de la formation qui ne penserait qu'à faire de l'argent avec celui de la formation (j'encourage ceux qui pensent que la formation c'est de l'argent facile garanti à créer sans tarder une activité dans ce domaine), une culture du contrôle qui perd le sens de l'action et se débat dans l'impasse du contrôle formel de l'activité, jusqu'à l'absurde, et d'autre part une culture du service qui voudrait que l'OPCA soit un facilitateur pour les projets des entreprises et des individus. A tirer en même temps sur les deux bouts de la corde, le risque d'immobilisme est grand, comme on peut aujourd'hui le constater. 

04/06/2013

Vision globale

Le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) lance un travail d'analyse des pratiques de formation dans les TPE, en liaison avec le Conseil national d'évaluation de la formation professionnelle. Les pratiques de formation de 40 TPE représentatives seront examinées. L'objectif est d'établir une typologie des pratiques et des modalités de formation. C'est très bien, mais avec un petit risque toutefois, celui de manquer de vision globale en mettant la focale uniquement sur l'usage de la formation sans s'interroger sur les processus de professionnalisation.

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Dans une TPE, en effet, la formation ne joue que de manière marginale un rôle dans la professionnalisation des salariés. C'est essentiellement par l'activité, souvent polyvalente, souvent obligée d'être créative, souvent faite d'expérimentation plus que de process, que se construisent à titre principal les compétences des salariés. Plutôt que de chercher à développer l'accès à la formation dans les TPE, ce qui peut rester un objectif louable, il serait tout de même plus intéressant d'identifier comment les processus de professionnalisation opèrent sans recourir à la formation. Et de cesser de considérer que les TPE ne forment pas, en reconnaissant au contraire qu'elles professionnalisent. Autorisons nous cet amicale recommandation au FPSPP : qu'il n'oublie pas qu'il est le Fonds de sécurisation des parcours professionnel et non le Fonds de sécurisation des parcours de formation.

02/06/2013

Liberté mais aussi égalité et fraternité ?

Le Gouvernement annonce son intention de réformer le régime des auto-entrepreneurs, et aussitôt, la machine médiatique s'emballe. La droite, c'est le jeu, hurle au découragement total de toute initiative d'entreprendre. Les auto-entrepreneurs auto-proclamés "poussins" s'égosillent devant leur liberté entamée et leur statut dégradé. Et la Ministre benjamine et tarn et garonnaise, Sylvia Pinel, se voit obligée de reprendre le Premier Ministre lui-même. Il faudrait tout de même rappeler, dans cette affaire, que les premiers demandeurs d'une réforme du statut d'auto-entrepreneur ce sont...les entrepreneurs. Dès la création du statut, les artisans se sont élevés contre cette possibilité de les concurrencer déloyalement, du fait d'un taux de charge forfaitaire avantageux par rapport au droit commun et d'un non assujettissement aux mêmes obligations règlementaires.

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Gil - www.gilblog.org

J'ai salué, sur ce blog, la liberté d'activité que représente le statut d'auto-entrepreneur. Il serait désolant de réduire à peau de chagrin cette liberté. Mais pour autant, cela ne doit pas éluder la question de l'égalité (pourquoi des statuts différents pour exercer une même activité) ni celle de la fraternité (pourquoi des contributions différentes aux régimes sociaux). Le mieux à faire, en ce domaine, est peut être de se demander de quel droit commun nous avons besoin pour l'exercice d'activités indépendantes principales et pour les activités indépendantes accessoires et d'arrêter de créer des statuts dérogatoires qui apportent moins de réponses immédiates qu'ils ne créent de problèmes à venir.

31/05/2013

Vive l'inertie !

Il ne fait pas bon être bon élève dans le champ social. Et on ne compte plus les enthousiastes de la première heure qui doivent affronter les sarcasmes et sourires goguenards des désabusés professionnels qui, n'ayant jamais été nulle part, sont revenus de tout. Cela avait commencé avec les 35 heures. Ceux qui s'étaient inscrits dans la loi de 1998, avaient réduit le temps de travail et maintenu les salaires, cherchaient encore comment regagner les surcoûts de 11,4 % générés par leur décision, quant la deuxième loi votée en 2000 leur fit comprendre qu'en ne faisant rien, et en restant à 39 heures, le surcoût était de 2,5 % de salaire et pouvait se rattraper en un an, deux maximum. Et l'on nous refait le coup avec le DIF. Ceux qui ont été proactifs et ont développé des politiques innovantes vont devoir soit replier les gaules, soit trouver les ressources en interne lorsque l'on obligera les OPCA à réorienter leurs financements vers les demandeurs d'emploi et le compte personnel de formation.

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Tout se passe comme si le législateur prenait un malin plaisir à décourager les initiatives, à favoriser l'inertie et finalement à donner raison à tous les pisse-froids qui ont toujours d'excellentes raisons de manquer d'imagination. Peut être que le jour où l'on se préoccupera de faire des textes pour accompagner les proactifs, pour encourager l'innovation, pour récompenser la créativité et non pour contraindre, imposer, sanctionner les récalcitrants et finalement tomber dans un jeu de dupe où chacun tient la barbichette de l'autre (je t'impose mais pas trop, je fais ce que tu m'imposes mais en faisant semblant), peut être alors que cela ira un peu mieux. On ira toujours plus vite en essayant d'accélérer le mouvement qu'en tentant de faire bouger l'inertie.

02/03/2013

Ce n'est jamais l'hiver partout

Tout autour, peu étaient épargnés. Messages d'annulation de rendez-vous, voix cassées qui vous renseignent davantage que les explications qu'elles donnent sur la maladie, épidémies particulièrement féroces cette année, pour accompagner ces vagues de froid et de neige qui jouent à l'éternel retour et rendent l'hiver sans fin. Tel est souvent le lot du mois de février. Cette période où la grisaille est étendue de tout son long et vous écrase comme à plaisir sans qu'aucun signe de quelconques beaux jours ne vous parviennent de la nature. Jeudi, le parc de Sceaux que, l'occasion faisant le larron, je traversais pour saluer les beaux platanes, n'offrait pas grand chose sinon son humidité pénétrante, pour répondre à ce salut. En  ces temps hostiles, deux solutions, deux excès. La débauche, d'activité, de sorties, de repas, d'amis, ou le retrait, l'hibernation, la mise au ralenti, l'assoupissement avant le grand réveil. Plutôt porté sur la première, je me trouvai chanceux de passer au travers des virus et microbes. Lorsqu'à l'occasion d'un ultime excès, le corps me rappela que s'il était humain de vouloir vivre trois vies en une, le corps lui était seul à faire face. Et je me retrouvai au fond du lit, le corps tremblant à la simple vue du gris par la fenêtre. Heureusement, il y a les amis.

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Aux confins de l'Argentine, du Paraguay et du Brésil, vers Iguazu, le soleil est haut, le ciel clair, les nuages et les arbres seules sources d'un répit dans la chaleur humide. Alors ces photos et quelques mots, ces Papeles d'Argentina qui sont la partie émergée de l'immersion profonde d'Alain Garrigue en terre d'Argentine, c'est mieux que les remèdes. Cela vous plonge dans un autre temps, un autre rythme, permet de retrouver celui du corps, et quand on est d'accord avec son corps, cela va tout de suite mieux. Pour ceux qui souhaiteraient profiter du remède, c'est ici.

31/01/2013

L'exceptionnel au quotidien

Tous les avocats le savent : l’affaire qu’ils sont en train de traiter avec ce client qui leur raconte sa vie avec force détails est, pour eux, une parmi tant d’autres, mais pour le client c’est la seule. Tous les acteurs de théâtre le constatent : pour ceux qui sont venus voir le spectacle le soir où il a été un peu moins bien maîtrisé, c’est un jugement global qui sera porté (c’est mauvais) et non une appréciation relative (ce soir, ce n’était pas le soir). Les cuisiniers aussi en font l’expérience quotidienne : le service est un ordinaire qui doit se transformer en extraordinaire pour celui qui s’offre une fois l’an un repas d'exception et s’en réjouit des mois à l’avance, ou pire encore pour celui qui, en consommateur blasé de l'exceptionnel, veut toujours plus et mieux et a depuis longtemps oublié la bienveillance. D’un côté des attentes sans limite ou presque, de l’autre côté un quotidien qui menace de basculer à tout moment dans le routinier.

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Restaurant de Jean-François Piège

Comment satisfaire cette perpétuelle envie d’exceptionnel, en sachant que l'on ne peut l’être tous les jours. Assez naturellement si l’on aime ce que l’on fait, si l’on est curieux de ceux à qui l’on rend service et si l’on arrive à préserver une part de jeu dans l’activité. Ces trois ingrédients, et quelques autres dans l'assiette, sont bien présents chez Jean-François Piège. Mais il n'est pas surprenant que dans les organisations où l'un d'eux vient à manquer, il ne reste bien souvent que la souffrance ou la violence face à des exigences sans mesure. L'Enfer c'est les autres disait Sartre, qui n'aurait pas du oublier de préciser que c'est aussi le Paradis.

30/01/2013

Corseté

Le responsable de la gestion des compétences est enthousiaste, et cela fait plaisir à voir. Il me présente le résultat de plus d'un an de travail. Des fiches dans lesquelles, pour tous les métiers d'opérateurs, les activités, les process, les principales difficultés, les solutions à apporter, sont recensés. Un véritable guide de tous les modes opératoires du système de production. Si jamais je n'étais pas convaincu, il en rajoute un peu : "Vous vous rendez compte, pour tous les opérateurs, il y a là les manières de faire, les bonnes pratiques, les standards, tout est formalisé et à la disposition de tous. Tout le monde va s'en trouver sécurisé et on va réduire le stress". Je me force à acquieser, mais la conviction n'y est pas, un petit quelque chose qui me chiffonne, quoi ? un sentiment d'enfermement et de contrainte, comme du corsetage.

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Frida Kahlo - La colonne brisée - 1944

Un peu plus tard, je retrouverai, par hasard bien sur, ce texte :

"Le gestionnaire assume la tâche de compiler toutes les connaissances et le savoir-faire traditionnel, lesquels, dans le passé, appartenaient aux travailleurs ; de classer, d'indexer et de réduire ces connaissances à un ensemble de règles, de lois et de formules qui constitueront un apport immense pour les travailleurs dans l'exécution quotidienne de leur tâche". Ces mots ne sont pas ceux d'un manager, d'un ingénieur qualité ou d'un  développeur des compétences. Mais de quelqu'un qui fut le précurseur de tout cela, Frederick W. Taylor qui l'écrivit en 1911, soit il y a un siècle. Réduire la compétence à des modes opératoires normalisés, le rêve de tout ingénieur de production, c'est à la fois sécuriser l'opérateur, car il dispose d'une référence explicite pour agir, et le déposséder de sa compétence et de son métier. Tout comme le corset sécurise la colonne brisée et entrave le moindre de vos gestes et en vous maintenant en vie, vous fait souffrir. Voilà sans doute ce qui m'empêche toujours de partager l'enthousiasme de mon interlocuteur de bonne volonté.

17/10/2012

Ouvrir les portes du parcours

Sur l'excellent site de Bruno Callens consacré au DIF (voir ici), un internaute présente son parcours : salarié de 1985 à 2003 dans une même entreprise, puis deux ans de chômage consacrés à passer un CAP suite à quoi une activité d'artisan pendant 5 ans, puis un CDI dont il démissionne après 5 mois pour enchaîner un CDD de 6 mois, 4 mois d'intérim puis de nouveau 6 mois de CDD. Soit 17 ans d'activités dont deux années en formation dans le cadre de l'assurance-chômage. Et cette question : quels sont mes droits au DIF au terme de ce parcours. Et bien 0 avant 2004, 0 pendant la période de chômage, 0 pendant l'activité indépendante, 10 h portables pour les 6 mois de CDD, 0 pour les 4 mois d'intérim et 10 heures portables pour le dernier CDD. Soit 20 heures x 9,15 euros = 183 euros pour aller en formation.

Depuis le temps qu'il est question de sécurisation des parcours professionnels, l'exemple de ce parcours tellement typique durant lequel on enchaîne les statuts et les activités est édifiant : au final la personne qui a travaillé quasiment sans discontinuité est  exclue du droit à la formation. Preuve s'il en fallait, que nos systèmes sont avant tout conçus en référence à un modèle théorique de l'emploi permanent et qu'ils ne prennent guère en compte ce qui est pourtant la réalité quotidienne pour une grande partie de la population active, qui n'est sans doute pas celle qui a le moins besoin de formation. Mais les portes ouvertes pour certains se referment bien vite devant les autres.

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A lier les droits à l'ancienneté, on est encore dans le modèle des trente glorieuses de l'emploi de longue durée qui permet d'accumuler des droits à condition que rien ne bouge. Le meilleur moyen de priver de tout ceux qui sautent d'un emploi à l'autre pour parvenir à une continuité de revenu et témoignent au passage d'une capacité d'adaptation permanente. Mais ils seront pénalisés au niveau de la rémunération, de la protection sociale et de l'accès à la formation. Tant que l'on ne réfléchira pas en terme de droits liés à l'activité, quel que soit le statut, et garantis par des systèmes de mutualisation et que l'on continuera à cloisonner, segmenter et faire dépendre le statut social de la durée de l'emploi, on sacrifiera sciemment près d'un quart de la population active. Ce n'est pas la majorité objectera donc. C'est peut être exactement là que se situe le problème.

11/10/2012

Le monde à l'envers

Les pratiques d'évaluation mises en place par les entreprises n'ont pas toujours bonne presse chez les salariés et encore moins chez leurs représentants. Il n'est pas rare qu'une organisation syndicale appelle à ne pas participer activement aux entretiens annuels (ne pas s'exprimer, ne pas signer) voire carrément à les refuser. Il n'est pas non plus toujours bien vu que le manager demande régulièrement des comptes à ses équipes et suive de près leur activité : contrôle, flicage ou harcèlement sont rapidement dégainés. Plus largement, tout l'arsenal managerial déployé par l'entreprise souffre d'une suspicion de principe, d'une contestation des pratiques et au final d'un manque de crédibilité. Mais si l'on tourne son regard vers le juge et que l'on se demande comment il perçoit tout ceci, surprise : pour les tribunaux, l'évaluation et le fait d'être managé sont des droits du salarié. Le monde à l'envers.

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Georg Baselitz - The Gleaner - 1978

La Cour de cassation a souvent reproché à l'entreprise de n'avoir pas fait bénéficier le salarié d'un entretien annuel, ou de n'avoir pas tenu compte des propos du salarié ou de ses propres conclusions lors de cet entretien. Erigé en droit du salarié, l'entretien annuel devient dans les prétoires l'obligation pour l'entreprise d'avoir de la transparence sur l'appéciation qu'elle porte du travail du salarié, les attentes qu'elle manifeste à son endroit et la manière dont elle envisage l'avenir. Il en est de même pour toute activité manageriale : ne pas s'occuper d'un salarié et ne pas faire d'actes manageriaux  c'est ouvrir la porte de l'illicite placard dans lequel on voudrait faire entrer le salarié. Pour les juges, l'employeur ne peut renoncer à jouer son rôle d'employeur et le salarié peut revendiquer que cette fonction soit assumée. Le monde à l'envers c'est donc tout simplement pour le juge une remise à l'endroit.

06/09/2012

My Generation

C'est parti ! après les contrats d'avenir qui ressemblent furieusement aux contrats du passé (désolé, pas résisté) sans toutefois arriver à innover comme le faisait le dispositif des nouvelles qualifications au début des années 80, voici les contrats de génération qui vont associer un jeune et un senior dans un bel élan paternaliste ou le papa senior sera tuteur du fiston junior pour lui mettre le pied à l'étrier et lui apprendre les bons vieux trucs des anciens. C'est pas touchant ça ? pour le coup, l'imagination a encore oublié de s'inviter au pouvoir et l'on nous ressert la transmission des compétences, comme l'horizon indépassable du senior. Ce faisant, on continue à reproduire le modèle de l'ancienneté des trente glorieuses comme si quelques révolutions culturelles et technologiques n'étaient pas passées par là. Avec le retour de la morale à l'école, antienne de nos gouvernements successifs, on a tout de même l'impression que le passé ne passe pas et qu'inventer des solutions nouvelles adaptées à un contexte qui évolue plus vite que les individus qui tentent d'y survivre est hors de portée de nos gouvernants successifs. Pas très excitant tout ça. Mais enfin, tout le monde à l'air content. Plus ou moins, mais content, du MEDEF à la CGT. Pour ma part, quitte à retourner dans le passé, au contrat de génération je préfère mille fois My Generation, c'est carrément plus Rock'n Roll et surtout c'est pas démodé.


03/09/2012

Anniversaire (1)

Au début de l’année 1987, je venais de terminer mes études. J’envoyai consciencieusement des CV, puisque c’est ainsi qu’il convenait de procéder pour entrer dans ce fameux monde du travail dont on me rebattait les oreilles, et qui ne m’était pas tout à fait étranger puisque j’avais souvent mis la main à la pâte dans le restaurant familial. Je passai un entretien désastreux dans un cabinet de conseil juridique : l’univers que me présentait le patron du cabinet qui me recevait me paraissait tellement lointain que je m’exprimai quasiment par monosyllabes, avec une jambe coincée sous la chaise dans une posture qui me déclencha des fourmis et me fit m’affaler sur la porte du bureau lorsque je voulus me lever pour conclure l’entretien. Il fallut à mon interlocuteur réunir l’intégralité de sa bienveillance pour considérer que ce jeune homme hébété était celui qui s’était présenté, dans le CV rédigé avec application, mais l’application ne fait pas la conviction, comme un étudiant aux bons résultats, un sportif de bon niveau et globalement un jeune homme plein d’entrain. Il me dit que je n'étais sans doute pas en grande forme et qu'il était tenté de me prendre tout de même à l'essai, avant de me téléphoner trois jours plus tard que finalement ce n'était pas possible. 

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Edward Hooper - Station Essence - 1940

Ce premier entretien ne fut, heureusement, suivi que d’un seul autre dans un contexte mieux adapté, en tout cas pour ce qui me concerne. Après avoir raccompagné, à la nuit plus que tombée, une amie chez elle, je rodai lentement en voiture dans Toulouse, à la recherche, période bénie où les containers n’avaient pas encore été inventés, de livres abandonnés sur les trottoirs car il fût une époque où l’on pouvait se constituer une bibliothèque gratuitement et en se promenant au hasard des rues. Toute chose ayant sa nécessité, mes pas, ou plutôt mes roues, me conduisirent à une de ces stations service qui composent un paysage baroque au cœur des centres ville. Tandis que je remplissais le réservoir, car s’il existait encore des pompistes ils restaient déjà la nuit dans leur guérite, un individu s’escrimait à côté de moi à pomper sur la borne du mélange pour remplir le réservoir de sa mobylette orange. Lorsqu’il se tourna vers moi, j’eus la surprise de l’entendre dire : « Ah Mr Willems, comment allez-vous ? ». Malgré la nuit et le casque, je reconnus mon prof de Droit de la formation, que je n’avais pas revu depuis la fin de mon cursus. Et c’est à cette pompe à essence qu’il me proposa de travailler quelques mois avec lui au Centre de Recherche et d’Information sur le Droit à la Formation à l’Université, laquelle m'invitera ensuite à poursuivre la collaboration à condition que je facture mes prestations. C’est ainsi que le 1er septembre 1987 je créai le cabinet Willems Consultant qui fête donc en ce début de semaine ses 25 ans.

08/04/2012

Plein Sud !

Pas une semaine sans que je rencontre, dans le cadre professionnel, des gens qui m'expliquent qu'à côté de leur job, ils ont un travail. A eux. Qu'ils ont développé à partir d'une idée, d'une envie, de quelque chose qui vient de loin, d'un hasard, d'une nécessité ponctuelle, d'une rencontre, d'un besoin. Ce travail, il s'exerce à titre indépendant, avec un support associatif, par le statut d'auto-entrepreneur, par d'autres manières un peu bricolées, mais tout cela n'est que l'habillage. Ce qui compte c'est le projet, le désir de faire, le besoin de décider soi-même, d'être responsable et d'être fier aussi de ce que l'on créé.

Que la nécessité financière soit parfois à l'origine de l'activité n'est pas douteux. En cela, le développement des doubles activités pourrait être une preuve que la France s'oriente au Sud, car en Italie, en Espagne, en Grèce, au Portugal, ces pays que les financiers anglo-saxons n'aiment guère, cela fait longtemps que l'on connaît le double emploi et les petites bricoles pour gagner sa vie. L'idée que le Sud vivrait de farniente et le Nord serait laborieux est un cliché que continuent à véhiculer les statistiques officielles. Si ce n'était que cela, ces activités secondes ne seraient que le signe d'une paupérisation rampante. Mais, au moins dans le récit de mes interlocuteurs, il y a autre chose. Il y a du plaisir et il y a de la joie.

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Matisse - Travail et Joie

La découverte, bien tardive, que le travail peut être source de souffrance, de stress, et parfois conduire au suicide, pourrait mener à un procès global du travail et ne jamais poser la véritable question : celle du sens qu'il peut avoir et des conditions dans lesquelles il s'exerce. Souvent c'est moins le travail lui-même qui pose problème que son environnement  : les salariés de Gandrange souffrent moins devant le laminoir que de la manière dont ils sont "gérés". Et ces activités secondes, ces bricolages personnels pour développer des activités qui parfois nécessitent un temps et un investissement bien supérieurs à la rémunération que l'on en tire, montrent bien que le travail ne se réduit pas au salaire, pas plus que l'activité au salariat. Et voilà peut être une bonne nouvelle : face à la rationnalisation sans limite, au reporting permanent, à la perte de sens, la redécouverte que le travail ce n'est pas nécessairement cela. Et qu'activité ne veut pas dire nécessairement emploi, le salariat n'étant pas l'horizon indépassable du champ professionnel.  Mais pour s'en souvenir, il faut se souvenir du Sud, tant il est vrai qu'à choisir un modèle, si tant est que cela ait du sens, et n'en déplaise à certains, il vaudra toujours mieux préférer le Sud.


28/02/2012

A la marge

Dans les rues de La Havane, les traces sont multiples. Celles du passé bien évidemment puisqu’il est en grande partie le présent. Celle d’une économie administrée avec ses magasins aux pâles rayons et ses files d’attente. Celle de la débrouille, de l’invention et du parallèle, partout. Quand l’officiel est insuffisant pour vivre, l’officieux se déploie quasiment sans réserve, et l’imagination devient sans limite.

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Dans un paradoxe étonnant, toute activité peut témoigner de l’échange, de la solidarité, de la gratuité, mais devenir également une activité économique et pas seulement à destination des étrangers.

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Mais toujours, ce qui frappe, c’est la capacité sans limite d’imagination, d’invention et de débrouillardise. Les petites combines qui améliorent l’ordinaire et exaspèrent le visiteur qui demeure engoncé dans son habitus, sont autant de bouffées d’oxygène, et pas seulement économiques. Car c’est toujours dans les marges de tout système que se construisent les espaces de liberté.

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21/02/2012

Salarié toujours qualifié

Il y a eu un jour où j'ai réalisé que j'avais des clients plus jeunes que moi. Et depuis quelques temps, je m'aperçois que mes premiers clients ont pris leur retraite. Mais comme j'aime bien la fidélité, je continue à les inviter à déjeuner. Ce qui m'a valu le plaisir de partager un repas avec un ancien directeur de la formation de la fédération du bâtiment.

"Vous savez que je vous cite souvent ?

- ah bon ! et à quel propos ?

- parce que vous avez toujours refusé que l'on parle de BNQ, les bas niveaux de qualification, ceux qui ont contribué à construire, entre autres, l'Arche de la Défense...

- oui je me suis beaucoup battu contre cela, et je note avec satisfaction que l'expression est moins employée

- vous savez qu'un salarié est toujours qualifié même s'il n'est pas diplômé...

- oui c'est le propre du travail, il qualifie alors que l'éducation, hélas, déqualifie parfois puisqu'elle produit des non diplômés. Je vais vous raconter une anecdote...

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Tarsila do Amaras - Ouvriers - 1933

- Allez-y !

- J'ai été auditionné par le Haut Conseil de l'Education, vous remarquerez l'importance du Haut. Comme ils m'ont fait attendre, j'ai vu des ouvriers qui repeignaient le ministère. Ils étaient tunisiens. J'ai  discuté avec eux. Je leur ai demandé où ils avaient appris à peindre, parce qu'ils faisaient un beau boulot. Ils m'ont répondu : "on a pas été à l''école pour ça"...

- Et vous en avez parlé lors de votre audition...

- c'est par ça que j'ai commencé !

Je crois que c'est que j'ai toujours le plus apprécié dans mon activité, c'est de rencontrer des individus engagés. Qui ne partagent pas toujours mes idées, qui sont parfois agaçants comme je peux les irriter, mais avec lesquels au final il y a quelques valeurs à partager dont la première est de ne jamais faire des individus des abstractions mais de les considérer dans leur singulière réalité. Et l'homme qui me raconta cette anecdote est aussi celui qui milita en 2003 pour passer de la notion de qualification à celle de professionnalisation. Paradoxe ? non, bien au contraire, mais ça je m'en expliquerai demain.

09/03/2009

Inactif et suractif

Fred Deux a un jour, après avoir découvert la peinture et la litterature, disparu des statistiques de la population active. Electricien puis employé de libraire, il est devenu inactif rejoignant les 37 millions de personnes qui ne font pas partie de la population active, laquelle, composée des travailleurs salariés, des travailleurs non salariés et des demandeurs d'emploi, représente aujourd'hui 28 millions de personnes. Fred Deux a donc rejoint la majorité de ses concitoyens dans l'inactivité. A partir de ce jour, il n'a cessé.....d'être actif. Qui en douterait peut admirer ses oeuvres à la Halle Saint-Pierre à Paris et constater le travail, l'abnégation, l'effort mais aussi le courage nécessaire à la réalisation de ces immenses dessins qui ouvrent sur des mondes intérieurs infinis. Le repli sur soi, physiquement visible chez Fred Deux, est parfois une ouverture vers d'autres mondes.

 

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Fred Deux - Cible moi

Lors du débat sur les 35 heures, les opposants à la mesure ont fait valoir de manière récurrente que l'augmentation du temps de loisir ne pourrait que diminuer l'engagement du salarié pendant le temps travaillé. Cet argument s'appuie sur trois présupposés : le travail non économique est forcément du loisir, l'oisiveté comme on le sait est source de vices et le travail ne peut être que contraint (d'où le nécessaire contrôle physique des salariés et la faiblesse du télétravail en France). Avec le recul, toutes les études démontrent que la réduction du temps de travail a accru l'intensité du travail et généré des gains de productivité. Le désinvestissement n'est donc pas vérifié et les réticences de nombreuses directions des ressources humaines devant les demandes de travail à temps partiel ou de télétravail, souvent vécues comme des éloignements de l'entreprise, apparaissent bien difficile à justifier autrement que par le souci de perpétuer ce contrôle physique du travail directement issu du 19ème siècle. Peut être le fait que Fred Deux ait du s'éloigner du travail pour mieux travailler pourra-t-il donner à réfléchir au-delà des préjugés et statistiques.