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24/10/2012

A en pleurer

Il est parfois désespérant de se heurter à des murs, surtout lorsqu'ils sont bâtis d'incompréhension, de mauvaise volonté et cimentés par la position de pouvoir de ceux qui les érigent. Que l'on en juge : un salarié est licencié avec un droit à DIF portable de 1052 euros. Il intègre une autre entreprise qu'il quitte quelques mois plus tard avec 118 euros de DIF supplémentaires. Admis à l'assurance chômage, il demande à bénéficier de son DIF portable, cumulé, auprès de l'OPCA. Refus de celui-ci qui lui oppose que le DIF "n'est portable qu'une fois" puisque c'est l'OPCA de la dernière entreprise qui est compétent pour payer la somme. Le droit portable de 1052 euros est donc perdu. Appel de la DGEFP qui, apparemment, confirme cette position : le DIF n'est portable qu'une seule fois.

Et voilà comment ceux qui sont chargés de mettre en oeuvre la sécurisation des parcours des salariés prennent plaisir à inventer à coup d'interprétations hasardeuses et au minimum mal maîtrisées, des règles qui de ce fait ont l'effet exactement inverse à celui recherché.

Picasso-la-femme-qui-pleure.jpg

Picasso - La femme qui pleure - 1937

Si l'on voulait avoir un nouvel exemple de la mise en oeuvre de manière absurde de règles en perdant tout sens et toute finalité, on serait servi. Voilà donc qu'un salarié qui a acquis des droits pendant six ans, les perdrait parce qu'il a, dans son parcours, intégré un nouvel emploi. Que n'est-il resté au chômage pour profiter de son DIF portable ! ou pourquoi ne l'a-t-il pas utilisé chez ce nouvel employeur alors que c'était inutile !

D'autant que rien dans les textes n'impose une telle lecture. Au contraire, les partenaires sociaux s'étaient interrogés lors de la création de la portabilité, sur l'utilisation du DIF portable lors de parcours faits de périodes alternées d'emploi et de chômage. Ils en avaient conclu que le risque existait (ce qui justifie sans doute in fine la position de l'OPCA) qu'un bénéficiaire puisse utiliser deux fois le droit portable faute de traçabilité entre OPCA. Certains avaient même envisagé de créer une carte à puce pour tracer la portabilité. Et puis la raison l'emporta et l'on considéra que si quelques salariés bénéficiaient deux fois du même droit, c'était moindre mal par rapport au fait d'en priver plusieurs dizaines d'un droit acquis. Il faut croire que ce message n'a pas été intégré par tous. Au final,  voilà comment on fait supporter à l'individu, les insuffisances d'un système qui est censé être à son service.

Quant à une autre interprétation des règles de la portabilité, voir ci-dessous.

LA MISE EN ŒUVRE DE LA PORTABILITE DU DIF APRES LA FIN DU CONTRAT DE TRAVAIL.pdf

Commentaires

Le DIF est comme un certain nombre de promesse sociales faites aux français (la retraite à 60 ans ou les 35 h) un mistigri dont personne n'assume les coûts mais dont tout le monde revendique la paternité. Le législateur savait pertinemment en 2009 que la Loi (reprenant les ANI de 2008 et 2009) devant sécuriser les droits des travailleurs (notamment la portabilité du DIF) seraient inapplicables et la formation fut sacrifiée sur l'autel des futures négociations et affrontements sur les retraites en 2010.
Aujourd'hui le DIF apparaît pour ce qu'il est : une promesse virtuelle de changer la formation professionnelle mais personne ne voulant mettre la main au portefeuille pour financer ces mêmes formations (et dans le secteur public c'est pire encore).
Après cela il ne faut pas s'étonner que les français aient peur de l'avenir et se méfient de leurs "élites".

Écrit par : cozin | 24/10/2012

Bonjour,

En complément, il suffit de se souvenir que le montant de 9,15 € est la conversion de...60 frs ! il n'y a donc eu aucune revalorisation des coûts de formation depuis plus de dix ans. C'est dire si financer la portabilité du DIF est une priorité.

Cordialement

jpw

Écrit par : jpw | 24/10/2012

Bonjour,

Le plus triste dans cette affaire est qu'il eût suffi, pour éviter une tel problème d'interprétation de modifier un peu le texte en cause :

Au lieu d'écrire : "Le paiement de la somme est assuré par l'organisme collecteur paritaire agréé dont relève la dernière entreprise dans laquelle il a acquis des droits" il eût fallu écrire : "

"Le paiement de la somme est assuré par l'organisme collecteur paritaire agréé dont relevait l' entreprise dans laquelle il a acquis des droits"...

On me reproche quelquefois de trop coller aux textes...Mais je ne le fais qu'au profit des salariés justement...Ici, on est en présence d'une attitude "fermée" de la part de l'Administration au détriment de ceux auxquels le texte est censé bénéficier. Il y a quand même un problème...

Tout en ayant conscience du défaut de formulation, il est toujours possible de "triturer" les textes. Les tribunaux, bien souvent, n'hésitent pas, le cas échéant, à effectuer ce type d'acrobaties dès lors que l'application stricte des textes aboutit à une aberration.

J'en ai un exemple très récent : La presse s'est fait l'écho il y a quelques temps de ce maire qui avait giflé un jeune après une provocation de ce dernier...J'ai pu consulter l'arrêt d'appel (condamnation du maire en première instance) : Une motivation destinée à justifier la relaxe pure et simple. Sur quel texte ? Le commandement de l'autorité légitime ! Je n'y aurais jamais pensé !

Qu'on en juge (je cite : c'est un cas d'école !) :

"Les termes et la violence des outrages ne font pas de doute (...) ; Dans ce contexte et en application des dispositions de l'article 122-14 § 2 du code pénal, la cour considère que le geste du maire, mesuré et adapté aux circonstances de fait de l'espèce, même s'il l'a lui-même regretté était justifié en ce qu'il s'est avéré inoffensif et était une réponse adaptée à l'atteinte inacceptable portée publiquement à l'autorité de sa fonction".

Et il faut citer le texte en question : "N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal."

En d'autres termes, le maire s'est commandé à lui-même de répondre par une gifle aux injures qui avaient été proférées ! !

Pour terminer, sur la question de la possibilité pour l'OPCA de refuser de financer le DIF, j'entends bien votre raisonnement mais à mon sens c'est un simple problème de hiérarchie des normes qui devrait permettre de court-circuiter un certain nombre de textes (réglementaires). Car vous aboutissez à un sacré paradoxe : L'article L66323-18 décrit la procédure de mise en œuvre de la portabilité en précisant notamment le rôle et les pouvoirs des intervenants. Si vous suit, on modifie dans un sens diamétralement opposé la loi elle-même. Dans la loi, à suivre sa lettre, les OPCA n'ont aucun pouvoir sauf celui de payer. Si on suit votre raisonnement, ils les ont tous...

Écrit par : bcallens | 25/10/2012

Bonjour,

L'exemple du maire et de la gifle est une nouvelle démonstration que le juge décide ce qu'il veut, et qu'il construit le raisonnement ensuite.
Pour les OPCA, effectivement le principe de souveraineté du Conseil d'administration permet à l'OPCA de ne financer qu'en fonction de ses priorités. Et la portabilité n'échappe pas à la règle en dépit de la rédaction de l'article L. 6323-18. Ce qui permet de conclure que cette loi de novembre 2009 est tout de même d'une rédaction indigente.

Cordialement

jpw

Écrit par : jpw | 25/10/2012

La "souveraineté" du Conseil d'administration de l'OPCA ne va quand même pas jusque leur permettre de dénaturer la loi...Car c'est de cela qu'il s'agit.

Écrit par : bcallens | 25/10/2012

Quand deux textes peuvent paraître contradictoires, il faut bien choisir. Or le principe de souveraineté de l'OPCA, et le fait qu'il ne s'agisse pas d'un régime garantissant des droits acquis, soit l'ensemble des textes relatifs aux OPCA, pèse davantage que la lettre d'un texte ne traitant que de la portabilité du DIF et dont on ne peut déduire de la rédaction qu'il avait la volonté manifeste d'introduire un droit de créance au profit du salarié. On peut toujours en discuter mais les deux plateaux de la balance ne me paraissent pas chargés de la même manière.

Cordialement

jpw

Écrit par : jpw | 25/10/2012

Oui, mais si je ne m'abuse l'un est un simple texte réglementaire, l'autre une loi...

Écrit par : bcallens | 25/10/2012

Vous vous abusez, il faut considérer l'ensemble des textes relatifs aux OPCA pour comprendre leur nature et celle du régime. Et la base légale de tout le régime règlementaire est l'article L. 6332-6. Vous n'arriverez pas à faire qu'un texte relatif au DIF portable prenne à rebours toute la législation relative aux OPCA.

Cordialement

jpw

Écrit par : jpw | 25/10/2012

Il n'es pire sourd que celui qui veut entendre. On a d'un côté des organismes collecteurs qui collectent près de 500 millions d'euros, qui parfois disposent de "trésor" de guerre conséquent (dans la métallurgie paraît-il) et qui parfois renvoient dans les cordes le malheureux salarié qui croyait que la Loi lui octroyait le droit de se former en cas de malheur professionnel.
Tout cela est fort dommageable pour le lien social en France. Un peu comme les syndicats semblent s'intéresser avant tout aux insiders et à oublier tous les autres (les travailleurs indépendants, les précaires, les intérimaires, les salariés de PME...) on a la forte impression que les déclarations d'intentions généreuses (former les moins qualifiés, sécuriser les parcours, simplifier l'accès à la formation) sont des rideaux de fumée masquant les très nombreuses chasses gardées, corporatismes et autres baronnies imprenables.

Il y a aussi désormais en France un "écosystème" de la réforme : on discute, on fait des rapports, on négocie mais rien sur le terrain ne change même après des années (et le DIF par exemple a plus de 8 ans cette année).A quoi sert-il de faire voter des Lois si celles-ci sont ambiguës (qui doit payer par exemple pour le DIF) ou que l'Etat n'a pas les moyens de les faire respecter (les plans seniors).

Écrit par : cozin | 25/10/2012

La loi n'est qu'un des éléments de ce que vous appelez "l'écosystème". Et parfois, ceux qui vivent à l'intérieur de l'écosystème en viennent à oublier l'extérieur. La difficulté pour les partenaires sociaux est d'assumer leur responsabilité de gestionnaires sans perdre de vue la finalité de leur action. Et la technicité et la lourdeur de la gestion, ajoutées à la force de l'habitude, les englue parfois. Sur le DIF portable, c'est manifestement le cas.

jpw

Écrit par : jpw | 25/10/2012

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